vendredi 9 décembre 2011 - par Gaëtan Pelletier

La révolte de la pelure d’oignon

Qu’est-ce que je cherche en écrivant ? Qu’est-ce que vous cherchez en lisant ? La même chose que moi : vous. Pendant longtemps j’ai cueilli des vérités éparpillées dans les livres. J’ai fouiné. Comme si des morceaux de moi que je n’arrivais pas à trouver en moi étaient dans les autres. Et en ramassant tous les morceaux je cherchais à me rapiécer, à me reconstruire après avoir été détruit par cent milles philosophies éparses. Mais j’ai l’âme qui crie. Elle a faim. Faim de rien. Faim de tout. Elle a surtout faim d’elle… Alors elle n’a pas besoin de tous ces appareils. C’est une âme venue regarder les arbres et les ciels étoilés. Elle ne trouve plus que des lumières si denses la nuit qu’elle ne voit plus les étoiles. Les étoiles sont les fibres d’une couette que cherche l’âme. Et toute l’histoire de l’humanité, abritée dans des cavernes, sortant pour uriner et voir les étoiles. Une couverture céleste. Un drap de noir et de blanc. Un drap de la vie et de la mort. Un drap vivant, scintillant.

Ce n’est pas ma faute : je préfère manger une salade aux pissenlits que de travailler un été durant à faire pousser des tomates. C’est snob. Manger du serpent ? Les grands chefs de la télé nous font de belles recettes. Je suis snob : je cherche ce qu’il y a de mieux pour moi. Il n’y a probablement rien de plus snob et stupide que la « grande cuisine ». Aller chercher ailleurs un plaisir que les autres cherchent ailleurs. Si l’autre vivait ailleurs il vivrait ici… Alors il n’aurait plus besoin de chercher.

Je ne vois pas la différence entre les autos qui passent sur le pont conduisant à New York et les fourmis qui s’enfilent dans un couloir. Chacun croit à sa liberté, mais chacun est berné. Le syndrome du soldat…Les grands chefs, les généraux de la mondialisation sont étonnés : vous ne voulez pas de leurs vues, ni de leur vie, soit disant la meilleure. Alors ils usent de toutes les tricheries pour vous ramener dans le rang. Il est normal de se révolter. On vous dira marginal, outsider, asocial, ou « résistant au changement ». Pourquoi résister ? Parce que vous savez au fond de vous qu’il y a une grande bêtise organisée de camouflée. Mais vous ne la voyez pas. Elle est comme un tank camouflé sous un filet vert dans une forêt verte. La forêt du voisin est toujours plus verte que la vôtre.

Essayez d’en sortir. Essayer de ne pas être un oignon planté dans un carré. Démolis, démolissez-vous ! Ne soyez plus la fonte de chair dans un moule.

N’utilisez pas la force de votre cerveau. J’ai vu un banc d’hirondelles voler. C’est fou ce qu’ils peuvent réussir à se rendre là où ils veulent malgré les vents fous. S’ils se mettaient à calculer leur trajectoire avec un ordinateur, ils ne feraient pas un demi-kilomètre. On les enverrait au bulletin de midi dans la grande famille des accidentés.

Ça c’est l’intelligence. La vraie. Le vendeur, lui, n’a que celle des formules. Il réussit… Parce qu’en partant vous êtes le monde que vous bâtissez…Et le monde que vous croyez bâtir a été déjà planifié par le vendeur du temple bleu. Mais il faut faire plus : continuer d’être. Car en étant vous bâtissez plus, dans votre simplicité, que ceux qui détruisent ce que vous bâtissez de par les fausses guerres en utilisant votre argent, vos sueurs, vos énergies, vos amours.

Chair et âme.

Comme si vous n’étiez rien.

C’est là la grande illusion.

La société croit que l’oignon a réussi, et que plus elle est grosse, elle est importante.

Vous savez, dans cette vie, chacun participe. Chacun est une peau d’oignon.

Vous vous mettez à genoux devant les « grands » ? En vérité, ils sont issus de la simple peau d’oignon que vous êtes et que sans vous ils ne seraient rien.

Comme si le grand chêne crachait sur la graine qui l’a fait grandir.

Imposant ? Oui !

À cause de la graine… 

 

22 juin 2001

Gaëtan Pelletier



3 réactions


  • Ariane Walter Ariane Walter 10 décembre 2011 09:49

    j’aime bcp votre article que je découvre ce matin ;
    oui, l’idée de progrès est très relative et l’infini splendeur de l’univers est la nourriture essentielle ;
    réussir, c’est se contenter de peu.


  • norbert gabriel norbert gabriel 11 décembre 2011 07:49

    Belle page, à garder quelque part à l’abri entre les pages d’un livre de La Boétie par exemple « ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux »  Debout les pelures d’oignons !!


    • Gaëtan Pelletier Gaëtan Pelletier 11 décembre 2011 08:06

      Bonjour Norbert,
      J’avais écrit ce texte en 2001. Pas parfait. Je regrettais même de l’avoir mis ici. Il arrive de temps en temps d’écrire comme « ça », simplement pour trouver à travers le texte quelques phrases lucides.
      Mais de ces phrases lucides apparaissent d’autres...
      On garde souvent des « citations ». C’est comme le germe de quelque chose. Et ça sert autant pour l’auteur que pour les autres.
      Les écrits c’est comme les noix : il faut en arracher difficilement la coquille pour se nourrir de ce qu’il y a à l’intérieur.
      Bonne journée à vous !
       smiley


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