lundi 3 décembre 2018 - par VICTOR Ayoli

La révolte gronde. À quand des États généraux ?

Paraphrasant Sieyès on pourrait dire : « Qu’est-ce que le peuple ? Tout. Que représente-t-il à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose ! »

Gilets jaunes, Paris

Ce peuple invisible, ces « gens de peu », ces « sans-dents », ces gens « qui ne sont rien » (comme les qualifie avec élégance Macron), ils sont le premier parti de France (près de 57 % d’abstentionnistes aux dernières législatives). Ils votent en tournant le dos aux urnes ! Quand on ne vote plus, la démocratie est morte. Et maintenant, au lieu de déposer un bulletin, on s’exprime en occupant les ronds-points pour les plus pacifiques, en cassant du flic et en mettant le feu à Paris pour les plus violents.

« Venez me chercher ! » qu’il a plastronné Macron, avec des provocations de blanc-bec. Eh bien ! Ils y vont, le chercher…

Peut-on s’étonner de ce rejet quand la Macronie a marqué dès le début son territoire avec arrogance en supprimant l’ISF, en instituant la « flat tax », en étant ouvertement le gouvernement « des (plus) riches », en portant au nues les « premiers de cordées » tout en méprisant les « gens de rien », les invisibles.

Ces invisibles se donnent de la visibilité en arborant leur désormais célèbre « gilet jaune », symbole de la révolte. De toutes les révoltes. Contre toutes les injustices, contre tous les mensonges, contre tous les enfumages, contre toutes les promesses oubliées, contre des revenus de misère. Et aussi - et peut-être surtout - contre tous les mépris dont ils sont l’objet.

Cette France d’en bas « qui fume des clopes et carbure au gazole », c’est pourtant celle qui se lève tôt, qui travaille pour un salaire souvent indécent, qui produit dans des conditions difficiles et qui voit le produit de son labeur raboté par toutes sortes de taxes sournoises. Cette France de la misère, elle sait que les entreprises du CAC40 ont distribué 70 % des résultats du travail de leurs salariés, soit 56 milliards à leurs actionnaires. L’actionnaire, dans une entreprise, chacun sait que c’est celui qui ne fait aucune action…

C’est cette France qui a eu la sublime naïveté de croire aux valeurs de la république, à la démocratie, au travail, aux études et qui découvre le mépris et l’injustice. Ces Français des villes et des champs, rejetés hors des centre-citées au profit des bobos ou oubliés dans leurs cambrousses purgées de leurs services publics. Méprisés, humiliés par les « zélites » qui les rejettent avec morgue dans les tiroirs faciles du « poujadisme » quand ce n’est de la « fachosphère ».

Cette France a pris conscience de son existence et découvre sa force. La Macronie aurait grand tort de jouer le pourrissement du mouvement, de se gausser de son inorganisation. De même les partis extrêmes se mettent le doigt dans l’œil en espérant le récupérer. Et les médias principaux, les « intellos » autoproclamés qui ne voient pas plus loin que les arrondissements huppés de la capitale, feraient bien de ravaler leur fiel : « Qui tu es toi ? Qui t’a élu ? ». Parce que le sentiment d’abandon engendre la colère. Une colère puissante, lourde, partagée par des milliers de femmes et d’hommes et comprise par les trois-quarts des Français ! Avec un prétexte mal compris, lui, une taxe carbone…

Plutôt que de casser quelques symboles du centralisme parisien, cette colère serait plus efficace si elle se tournait contre les vrais pollueurs qui sont, eux, exemptés de ces taxes « écologiques » punitives : les transports maritimes et aériens. En bloquant les ports et les aéroports. Quant à saccager, foutre le feu, vandaliser, il aurait mieux valu s’en prendre aux symboles de l’oppression ultralibérale qu’à ceux de la république. La Défense plutôt que l’Étoile…

Et puis, les « élites » ne devraient pas oublier que l’histoire montre que les colères du peuple, des « feignants », des « Gaulois irréformables », chez nous, prennent souvent des expressions « tranchantes » !

Il serait temps, avant qu’il ne soit trop tard, que les « zélites », tant politiques qu’économiques et intellectuelles prennent conscience de l’ampleur du mouvement, du fait que le pays est en train de se déchirer, et qu’elles acceptent de prendre leur part de l’échec résultant de leur manière de (mal) gouverner la France.

En 1789, c’est le prix du blé qui a déclenché la révolution. En 2018, sera-ce le prix du gazole ? Dans les deux cas, le prix d’un produit indispensable à la vie du peuple a été le prétexte, puis le détonateur.

Pour que l’explosion ne s’ensuive pas, il serait de simple bon sens de décréter un moratoire général sur l’ubuesque taxation écologique, le report de la fameuse « transition » et l’affectation des économies ainsi réalisées au pouvoir d’achat. Simplement et immédiatement. Les écolos bobos à trottinette électrique hurleront, mais « le peuple » respirera mieux, même avec quelques particules fines dans les narines.

Puis il serait utile – s’il en est encore temps ! - de s’inspirer des anciens : ouvrir des États généraux, demander aux populations de coucher sur des cahiers de doléances tout ce qu’ils rejettent mais aussi ce qu’ils proposent. Dans chaque ville, dans chaque quartier, dans chaque village, il ne serait pas compliqué pour les collectivités locales d’organiser des comités ouverts à toutes les couches de la population : ouvriers, professeurs, paysans, fonctionnaires, flics, patrons, juges, aides-soignantes, mères de famille, chômeurs, retraités… Ce serait le lieu et le moment pour demander des comptes, pour regarder en face les difficultés, les incompréhensions, les peurs, pour exprimer les exigences, les espoirs.

De ce bouillonnement d’idées, de cette confrontation sortiraient des idées directrices, des propositions, émergeraient des représentants plus légitimes que les auto nommés porte-parole des gilets jaunes. Cela structurerait ce mouvement et permettrait au gouvernement provisoire chargé de liquider les affaires courantes pendant les trois mois des États Généraux de corriger le tir et, à travers une Constituante, au peuple de construire une sixième république avec pour devise « Liberté, Égalité, Sorofraternité, Laïcité ».

Faute de quoi, comme dans bien des révolutions, on verra surgir un « homme providentiel ». De Napoléon à Hitler et Staline, on sait où ils mènent.



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18 réactions


  • Arogavox Arogavox 3 décembre 2018 10:09

    Bien dit !

     sauf ce bémol sous forme de surenchère :

    la colère n’est pas suscitée par un « sentiment » d’abandon,

    mais par le constat d’être constamment provoqués, insultés, en étant, bien pire que non reconnus : déniés !  (« sans-dents », « rien »)

     


    • Arogavox Arogavox 3 décembre 2018 10:15

      Concernant la très bonne idée de revisiter la technique démocratique des « cahiers de doléances » avec le moyens conceptuels et techniques de notre nouveau millénaire, je reporte ici ce message adressé aux Gilets Jaunes :

         

      « pour une échéance bien supérieure à un mois, je rappèle la possibilité et l’occasion inespérée d’une ouverture citoyenne à un changement de paradigme d’une ambition digne de l’originalité pertinente dont fait preuve notre mouvement nommé »des gilets jaunes« .
       Pour apporter une contribution constructive au souhait suivant :
       »les citoyens devraient être consultés plus régulièrement pour décider des politiques publiques,
       mais surtout que les citoyens devraient avoir la possibilité de peser en portant des projets de loi sur l’avenir de leur propre pays
      « 

      J’insiste sur la suggestion suivante, approfondie dans plusieurs présentations à trouver sur le WEB par les mots : »doléances Kdo« 
      schématisée par ce ’mindmap’ en open-document (licence libre) : 
         
      Certes, cette perspective de pouvoir démocratique parallèle par conscientisation collective des évaluations par chacun et pour chacun, par tous et pour tous, de la »volonté générale« , pourrait être décorrélée du mouvement ’gilets jaunes’ ;
      mais cela n’empêche pas qu’un tel mouvement puisse au moins l’initier ...
       
       Nota Bene :
      * un argument à ne pas négliger étant l’asynchronisme (sans aucun »maître des horloges« ) des évaluations de la volonté générale, continues et permanentes, permises par les techniques envisagées.

       * pour ce qui est du module concret donnant une idée de la faisabilité pratique d’un élément technique majeur du concept,
      un module logiciel DOSONS avait été développé il y a plusieurs années : 
       l’absence de maintenance couplée à l’évolution des technologies (JAVA était employé, pour les intimes ... Python pourrait prendre le relais ...) font que je préfère ne pas diffuser ce prototype. Mais nul doute que des bénévoles compétents auraient tôt fait de recréer, en mieux, la chose.
      (dans la précipitation, et avec un cahier des charges tout ficelé, des experts pourraient sans doute boucler le truc en quelques heures.
       Mais il me semble indispensable, de prendre tout le temps et le recul nécessaires pour ne pas faire n’importe quoi ...
      Je me contenterais, éventuellement, de préciser les orientations auxquelles j’ai pu penser, si des gens me le demandent ...) »

  • Pere Plexe Pere Plexe 3 décembre 2018 10:17

    La gronde révèle un profond problème de démocratie et de représentativité.

    Il y a longtemps que les députés ne sont plus des représentants du peuple, qu’ils ont renoncé à contrôler l’exécutif.

    C’est pourtant leurs missions essentielles.

    Ils ne sont que les VRP de leurs partis, et pour ceux de la majorité les obligés d’un exécutif lui même soumis à l’Elysée .

    Ce n’est pas nouveau mais c’est devenu insoutenable, en grande partie du fait d’un Président autiste et de nouveaux députés LREM qui, contrairement aux usages, ne font même pas semblant.


  • Attilax Attilax 3 décembre 2018 10:20

    Je pense que c’est trop tard pour négocier. D’ailleurs seuls 2 GJ ont été au RV de Matignon et l’un des deux s’est barré au bout de 5 minutes, bonjour la gifle !

    Vu l’ampleur que ça a pris, les GJ veulent maintenant la chute du gouvernement ET de Macron, d’ailleurs la baisse du carburant n’apparaît même plus dans leur liste de revendications !

    Les imbéciles qui nous gouvernent n’ont pas su appréhender à sa juste mesure la colère du peuple, ils n’ont répondu au désespoir des gens que par le mépris, comme tous les précédents.

    Qu’ils en assument les conséquences.




    • dorian 3 décembre 2018 13:46

      @Attilax

      Abstiens toi , t’es pas fait pour penser , seulement un vieux punk à chien à la dérive.


    • Croa Croa 3 décembre 2018 16:00

      À Attilax,
      « les GJ veulent maintenant la chute du gouvernement ET de Macron, »
      Non, de Macron (de Macron d’abord.)
      *
      Ceci dit le mépris du peuple ça continue. En invitant les GJ à envoyer leurs représentants ils espèrent les amadouer en concédant quelques miettes.


    • pemile pemile 3 décembre 2018 16:05

      @Croa « Ceci dit le mépris du peuple ça continue »

      Mais non, le message est clair, vous travaillez mais crevez de faim dès le 25 du mois, on y peut rien mais on va vous écouter, on est pour le dialogue mais n’espérez pas que l’on change quoi que ce soit !


    • Attilax Attilax 3 décembre 2018 19:01

      @dorian

      S’il est vrai que le terme « penser » peut paraître excessif en ce qui me concerne, ce que vous affirmez est néanmoins totalement faux : je n’ai pas de chien.


    • Le421... Refuznik !! Le421 3 décembre 2018 20:53

      @Attilax
      Et en fait, le deuxième, c’était un employé de la ville de Paris qui venait vérifier les égouts... Avec son gilet de sécurité !!
      C’est pour cela qu’il est parti en loucedé quand Philippe a compris sa bévue...

       smiley  smiley smiley  smiley


    • Attilax Attilax 3 décembre 2018 21:56

      @Le421

      lol ! énorme.


  • biquet biquet 3 décembre 2018 12:45

    En 2018, sera-ce le prix du gazole ? Dans les deux cas, le prix d’un produit indispensable à la vie du peuple a été le prétexte, puis le détonateur.

    Le gazole est indispensable au transport routier. On n’a jamais obligé un particulier à rouler au gazole. Mais 58 % des français prennent lors voiture (gazole ou essence c’est kif kif) pour faire un trajet de moins d’un kilomètre. Il faut arrêter de dire : « c’est la faute des autres », pour le réchauffement climatique nous sommes tous responsables, les lecteurs d’agoravox, les premiers.


    • Croa Croa 3 décembre 2018 16:13

      @biquet « Mais 58 % des français prennent lors voiture (gazole ou essence c’est kif kif) pour faire un trajet de moins d’un kilomètre. »
      Oui, et c’est pourquoi la taxe est bien trop légère. Mais cela n’empêche pas de soutenir les GJ car le fond du problème n’est pas là. En plus tout ça pourra se discuter à nouveau lorsque sera recrée une véritable démocratie après que la mafia aura été éjecté du pouvoir.


  • baldis30 3 décembre 2018 13:38

    bonjour

    Autant les parties historique et analytique de votre article sont intéressantes et de bons arguments, autant la solution n’est plus dans les états généraux ... une façon de renvoyer tout le monde pour patienter ... comme ce fut le cas QU’ON LE VEUILLE OU NON, en 1788 /1789 en espérant que la grogne se tasse et qu’on oublie... La révolution ... non plus .... n’est pas la solution car derrière c’est la dictature ou sa forme édulcorée le bonapartisme, suivi d’un enchaînement de pouvoirs quasi-éphémères ( voir l’histoire de France de 1815 à.... Clémenceau ) .

    Etats généraux ... un emplâtre sur une jambe bois .... Tout simplement revenir à la saine pratique des institutions de la cinquième république : le référendum MAIS dans une question non vicieuse sur des sujets bien débattus pour un temps limité ( trois mois hors vacances) ! L’exemple italien nous a montré aussi que la dissolution n’est pas toujours porteuse de solutions, même si Assemblée et Sénat sont dissous en même temps ...

    Par contre ... dissolution par tiers  des élus des deux assemblées par tirage au sort des élus dissous ...

     


  • zygzornifle zygzornifle 3 décembre 2018 16:02

    Ta trique Rama Eve demande les états génitaux ....


  • I.L. I.L. 3 décembre 2018 16:55

    si ça pouvait se faire après Noël et la cuite du nouvel an ce serait mieux.

    j’ai des repas en famille de prévu et j’adore y aller.


  • Désintox Désintox 3 décembre 2018 20:24

    « Cette France a pris conscience de son existence et découvre sa force »

    Généralement, quand les mouvements revendicatifs commencent à se tourner vers les blocages et la violence, c’est un aveu de faiblesse.

    Un mouvement sûr de sa force manifeste dans le calme et sans violence. C’est ce qu’on appelle la « force tranquille ».


  • gueule de bois 3 décembre 2018 21:27

    il aurait mieux valu s’en prendre aux symboles de l’oppression ultralibérale qu’à ceux de la république. La Défense plutôt que l’Étoile…

    Pour une fois c’est peut-être pas plus mal de foutre la m.. dans les beaux quartiers. Du temps ou les ’corps intermédiaires’ (nouveau nom des syndicats) contrôlaient la situation (la colère publique) c’était invariablement les défilés de Bastille à République.

    Cette fois on va casser un peu chez les bourges, je garde mes larmes pour une autre cause.

    Et puis l’auteur, au fait en deux semaines vous avez eu le temps de retourner votre veste. Votre copain Loulle pensait il n’y a pas si longtemps que les Gilets Jaunes c’était une bande de connards.

    Bah, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.


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