La Syrie, notre héritage oriental - Volet N° 3
Avant de poursuivre notre voyage oriental dans la « Grande Syrie » antique, que j'abordais dans mes deux précédents volets n° 1 et 2, attardons-nous un peu sur l'Assyrie, très ancienne civilisation conquérante.
La conquête de la Grande Syrie par les Assyriens.
A 500 kilomètres de la Babylonie, se crée une civilisation belliqueuse, conquérante, qui soumet plusieurs cités de culture évoluée : Elam, Sumer, les cités de l'Akkad, la Babylonie, la Phénicie et l’Égypte. D'abord royaume puis Empire redoutable, l'Assyrie passe par plusieurs périodes plus ou moins florissantes. La quasi-totalité du Proche-Orient subit son terrible joug.
Qui sont les Assyriens ?
Peuple sémitique établi en Mésopotamie sur le cours septentrional du Tigre et de ses affluents ; la première capitale de l'Assyrie est Ashur ou Assur, du nom d'une divinité sous la protection de laquelle se place ce peuple. Cette cité prendra plus tard le nom de Kala-at. Le nom de l'Assyrie tire son nom de ce même Dieu Assur.
Plusieurs cités prospèrent également :
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Shergat : plus tard, Irbil
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Kalakh : plus tard Nimrud
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Ninive : plus tard Kyunjïk, située en face de Mossoul1
Ce que l'on appelle le « triangle assyrien » est défendu par les frontières naturelles de la chaîne montagneuse du Zagros. A Ashur, lors de fouilles, de nombreux ustensiles d'usage quotidien sont retrouvés : lames de couteau en obsidienne, poteries évoquant des influences originaires d'Asie centrale, datant de 3700 ans avant J.C. Avec ces ustensiles, l'on remarque de beaux bijoux, des peignes, et le « plus ancien jeu de dés signalé de l'histoire humaine et antique ».
D'où vient ce peuple ?
A l'origine peuple de nomades, il se développe par le commerce des métaux dont ils maîtrisent la production et la fabrication. Ils vont jusqu'en Anatolie soit par voie de mer, soit par voie de terre pour commercer. Ils fondent divers comptoirs en Capadoce, à Kultepe, notamment. Ils finissent par se fixer au Nord de la Babylonie dont l'influence laisse chez les Assyriens de profondes traces, jusqu'à se confondre. Nous pouvons en conclure que les Assyriens sont un mélange de populations sémites de Babylonie et d'Akkadie – Cité d'Akkad, mais également de tribus non sémitiques venues de l'Ouest, comme les Hittites. Comptons également au nombre des Assyriens, les tribus montagnardes kurdes venues du Caucase. L'art et la langue qu'ils pratiquent prennent leurs racines chez les Sumériens et le Babyloniens. Leur langue parlée : langue sémite dérivée de l'Akkadien.
Leur écriture est cunéiforme – ils l'utilisent essentiellement pour la tenue des livres de comptes commerciaux.
La religion : ils prennent aux panthéons des pays voisins et s'accaparent la pratique de dieux et déesses babyloniens, sumériens, etc. Cette religion est surtout basée sur la divination et les prophéties. 300 tablettes d'argile dans la bibliothèque du roi Assurbanipal ont été retrouvées.
Les Assyriens sont avant tout le reste, une race de chasseurs et de guerriers, physiquement et mentalement.
Physiquement : l'historiographie les présente comme « rustres », « féroces », d'une musculature puissante, massive, la chevelure abondante, grands de taille, les fresques les montrent généralement toujours dans une posture hiératique mais l'air conquérant.
Et conquérants, ils le sont. Toute leur histoire qui se déroule entre le IIe millénaire et le VIIe siècle avant J.C., est marquée par les conquêtes et la guerre, les pillages, les massacres incessants et la déportation des peuples conquis. Partout où ils passent, des traces de destruction et d'incendies sont relevées par les archéologues dans les fouilles retrouvées. Ils déferlent sur tout l'Est de la Méditerranée. Toute leur histoire est frappée du sceau des guerres, des conquêtes sanglantes et des pratiques de l'esclavage.
Très organisés, ils peuvent fonder un vaste empire, antérieur à l'empire perse. Mais leur domination cruelle et barbare suscite de très nombreux soulèvements des peuples conquis qui menacent périodiquement l'empire assyrien. Ce qui distingue des autres civilisations comme les dynasties sumériennes d'Ur, et celles de Babylone, c'est l'expansionnisme économique très étendu des Assyriens. Bien plus que les fondements « politiques » de cet empire. Les archives royales de la ville de Mari, témoignent de leur puissance. A la lumière de ces documents, nous découvrons que le roi Shamshi-Adad 1er, fondateur de la dynastie amorrite, se révèle un très dangereux rival du roi Hammourabi de Babylonie.
Cependant, une puissance nouvelle surgit : le royaume hourrite de Mitani et ce dernier assujettira le Nord de la Mésopotamie entre l'Euphrate et le Tigre. Les Hittites éliminent les Mitani vers 1365 avant J.C.
Les premiers rois assyriens se font appeler : « Roi du Royaume Universel de l'Assyrie orgueilleuse ».
L'histoire antique va retenir les noms de monarques emblématiques. Deux grands rois assyriens sont considérés comme des souverains ayant marqué l'histoire de l'empire.
Assur-Ubalit 1er et Toukoultit-Ninourta 1er : ils rétablissent l'indépendance de l’État et la puissance de l'armée syrienne en renversant la dynastie babylonienne et en augmentant les possessions territoriales en annexant de très nombreux territoires.
Teglath-Phalasar ou Tiglath – Pileser 1er auquel les historiographes lui attribuent la spécialité de tueur de lions en combattant le fauve au corps à corps. Voici ce qu'écrit à son sujet un scribe de l'époque, relatant les faits de guerre de Tiglath.
« Avec mon fier courage, j'ai marché contre les gens de Qummuh ; j'ai conquis leurs villes, j'ai emmené sans compter, leurs biens, et tout ce qu'ils possédaient ; j'ai brûlé leurs villes avec le feu, je les ai dévastées et détruites... Le peuple d'Adaush avait quitté ses montagnes pour venir m'embrasser les pieds. Je lui ai imposé des taxes.
Résolu dans ses menées impérialistes, il conduit ses armées jusqu'à la Méditerranée et la Mer Noire, afin de s'assurer du contrôle des monts du Nord et de l'Est, là, où la présence des Mèdes et des Ourartes constituent pour les Assyriens une réelle menace.
Tiglath-Pileser 1er bat et conquiert les Hittites, puis les Arméniens, et d'autres petites nations, il élargit son empire. Il s'empare de Babylone. L’Égypte menacée à son tour, et terrorisée par la réputation de sauvagerie des Assyriens, afin de s'octroyer les faveurs du monarque, et par peur d'être conquis par ce dernier, lui envoie des cadeaux, qui, selon les scribes de l'époque auraient apaisé ses ardeurs guerrières contre l’Égypte. Dont un, qu'il apprécie particulièrement : un magnifique crocodile.
Butin après butin, prises de guerres et cadeaux de soumission, Tiglath-Pileser 1er élève de très nombreux temples envers les déesses et les dieux assyriens.
Tiglath-Pileser 1er meurt. Après sa mort, que laisse-t-il de l'Assyrie comme souvenir dans le monde antique ? Crimes, meurtres, pillages, esclavage, taxes lourdes et impitoyables envers les nations conquises et écrasées dans le sang.
Avec l’assujettissement de la région Syro-palestiennienne, les Assyriens créent une route maritime sur l'Egypte.
Sargon II : Ce roi continue la politique expansionniste de ses prédécesseurs et s'illustre par sa cruauté. Hormis les Mèdes qui cherchent à « s'imposer en Mésopotamie, à cause de la fertilité de ses sols », les Assyriens qui étendent leurs possessions sur la presque totalité du Moyen-Orient, ne trouvent en face d'eux aucune opposition.
Une autre figure tout aussi cruelle et violente que celle de Tiglath : Ashurbanipal II
L'on raconte qu'il prenait un plaisir tout particulier à arracher les yeux des captifs et profitait, à chaque conquête, d'agrandir considérablement son « gynécée », avec la capture de milliers de femmes pour son plaisir personnel. Nous sommes alors à l'apogée de l'Empire assyrien, immense et très étendu que décrivent les scribes comme rien de comparable n'ayant encore été constaté dès cette période de l'Antiquité. Cet empire regroupe : l'Assyrie, la Babylonie, la Médie, la Palestine, la Syrie, la Phénicie, la Sumérie, l'Elam et l’Égypte. Sous une administration si organisée qu'elle n'a d'égal dans le monde méditerranéen que l'Empire de Thoutmès III dans le passé, et l'Empire Perse avant la conquête d'Alexandre le Grand.
Les grandes villes sont localement autonomes. Chaque nation assujettie pouvait conserver ses divinités – il faut se mettre dans le contexte de l'époque – où les populations étaient très superstitieuses et ferventes adoratrices des dieux et déesses. Toute la vie quotidienne dépendait du bon vouloir ou mauvais vouloir de ces divinités, soit cruelles, soit bienveillantes. Les droits des chefs locaux sont préservés, à condition de payer des taxes importantes et sans tarder.
La révolte des Babyloniens.
Pendant des siècles, Babylone n'était alors qu'une cité sans envergure restée dans une sorte d'obscurantisme, sous la domination kassite. Mais elle prospère. Et finit par se révolter et vaincre l'armée assyrienne, pillant les temples mais adoptant les dieux locaux. Les Babyloniens et les Mèdes, excédés, s'unissent et vainquent définitivement la puissance assyrienne et Ninive, la capitale est prise d'assaut et détruite en 612. Vassalisée par Babylone triomphante, l'Assyrie deviendra une simple province de l'Empire perse.
Les Assyriens, un peuple de soldats.
Dès leur plus jeune âge, ils sont éduqués à guerroyer. Pour eux, Ashur, leur dieu, les guide sur le chemin de la guerre.
Ce sont les rois eux-mêmes qui conduisent leur armée, à la réputation de férocité, mais la « mieux équipée du monde ». Ils comptent une nombreuse infanterie, très entraînée, très bien équipée et en avance sur leur époque, puisqu'ils connaissent les « étapes » pour le repos du fantassin et du bétail qui les accompagnent, des routes bien tracées pour y circuler, les estafettes et l'emploi du char. Car le char assyrien est particulièrement bien conçu puisqu'il peut contenir jusqu'à 4 hommes. Le soldat assyrien vit de la guerre. La guerre lui procure tout : vêtements, esclaves, nourriture et l'or qu'il pille au gré de ses conquêtes.
L'infanterie se décompose en deux parties : l'infanterie légère, pieds-nus ou en sandale, l'infanterie lourde, en bottes de cuir à lacets.
Les archers : ils sont armurés de la tête aux pieds.
Les piquiers sont équipés de longues piques à pointe de fer.
Les archers légers tirent abrités derrière des boucliers d'osier tressés.
Les tireurs de javelots renforcent l'armée d'infanterie. L'infanterie assyrienne avance généralement à pas rapides et est capable de parcourir de très longues distance en des temps records. Pour traverser des fleuves ou des cours d'eau, ils sont juchés sur des outres de cuir gonflées d'air.
La cavalerie.
L'armée à cheval. Le matériel : épée, arc équipé de flèches acérées et de petites tailles. Les lances, elles, sont longues et font une moyenne de trois mètres.
Ce n'est que très tardivement que les cavaliers vont connaître l'usage de la selle, ils montent sans selle, le dos de la monture recouvert d'une peau de chèvre. Petit à petit ils allègent leur équipement et se vêtent d'une cuirasse légère d'écaille métallique et de bottes à lacets pour les batailles à cheval, en laissant de côté le bouclier jugé trop encombrant et lourd. Les archers sont capables de bander leur arc alors que leur monture est au galop, en les guidant avec les seuls muscles de leur cuisses et de leurs genoux.
Lorsque l'armée assyrienne déferle sur les pays conquis, c'est une désolation, villages incendiés, moissons dévastées, population massacrées.
Comment se déroule une grande bataille assyrienne ou prise d'une grande ville syrienne ?
Généralement, elle réunit entre 50 et 80 000 hommes, entre 3000 et 5000 chars, tout autant de chevaux, et un bon milliers de chameaux. D'un côté, la cité syrienne, avec ses tours de guet, surhaussées de « hourds en bois ». Derrière les murs d'enceinte, nous avons les Syriens qui les attendent sur le pied de guerre.
Les Assyriens, eux, dresse leur camp en large cercle tout autour de la cité à conquérir et l'assiègent. Les ingénieurs qui accompagnent les soldats mettent en place les machines de guerre à assiéger.
Ils commencent à harceler la citadelle à prendre en lançant des pluies de flèches et de pierres que les frondeurs lancent de toute leur force.
Le plus spectaculaire, c'est le principe de la « tortue ». Les combattants s'abritent sous une toiture de boucliers les uns contre les autres, en s'enveloppant d'une vaste chape de cuir de bœuf matelassée, et s'avancent vers le point à conquérir, la porte ou la muraille de la citadelle. Ensuite, ils se servent du bélier qu'ils ont dissimulé sous la couverture de cuir et font tomber, à coups répétés, soit la muraille, soit la porte d'entrée de la cité.
Ces méthodes seront reprises par toutes les armées du monde jusqu'au Moyen-Age, en Europe. Il leur arrive de creuser des galeries sous les murailles, pour pénétrer en territoire ennemi, ou alors d'employer les énormes béliers montés sur charpentes et sur roues.
C'est un engin extraordinaire, massif, monumental, qui permet aux soldats assyriens de s'y cacher à l'intérieur et de surgir, une fois la porte cassée ou les murs de la citadelle écroulés. Ils connaissent aussi le madrier encordé, balancé à toute volée sur les murailles. Il faut préciser que la force des Assyriens, outre leur imagination fertile pour la production d'armes aussi originales que terribles, réside également dans la maîtrise du travail du fer pour la production d'armes et de protections de toutes sortes.
Une fois ces villes conquises, elles sont livrées aux pillages, aux carnages qui suivent immédiatement la conquête, par l'irruption de centaines de soldats assyriens.
Mais, c'est de cette façon tout aussi barbare que les Médéens et les Babyloniens feront tomber Ninive et que tombera l'Empire assyrien.
A suivre...
Sources : Encyclopédie Alpha, Quillet, Larousse. Histoire de la Civilisation de Will Durant.
Illustrations couleur : Histoire des Armes et des Soldats – Fernand Nathan.
1Pour l'anecdote : Mossoul a donné son nom à la Mousseline, étoffe fabriquée dans cette ville.