lundi 17 novembre 2008 - par Nicolas Cadène

Le congrès de Reims ou la survie précaire des vieilles pratiques

Nous avons vécu trois jours difficiles lors de ce 75ème congrès socialiste. En effet, être délégué d’une fédération socialiste dans un tel climat politique n’est pas chose facile. Alors que nous tous espérions repartir de Champagne avec une nouvelle gouvernance et une ligne politique éclaircie, nous en sortons sans aucune ligne politique ni majorité claires.

La motion E (Ségolène Royal et Gérard Collomb), avec près de 30% des suffrages socialistes était arrivée en tête des six motions le 6 novembre dernier, avec 4 points d’avance sur la seconde. Pourtant, il lui a été très clairement refusé de rassembler. Dans la nuit des résolutions de samedi à dimanche, les motions A, C et D ont en effet décidé de ne pas négocier avec le texte politique choisi par le plus grand nombre de socialistes... alors même que tous les gestes avaient été faits : entretiens avec chacun des porteurs de motion, courriers, documents de travail, ouverture de la gouvernance du parti à des membres de chaque courant, etc.

L’argument de l’absence de majorité des motions portées par Ségolène Royal et le Pôle écologique n’en n’est pas un. Certes, il y a 69% des militants qui n’ont pas voté pour elles, mais il y a 75% des militants qui n’ont pas non plus voté pour la motion de Bertrand Delanoë, 76% celle de Martine Aubry et 80% celles de Benoît Hamon et d’Utopia. C’est cela la démocratie. Et n’oublions pas que les 70% qui ont voté un autre texte que le E sont très loin d’être homogènes puisque réunissant la motion la plus à gauche (C) et celle la plus modérée (A) du parti.

Aucune question de fond n’explique le refus d’alliance. La question du MoDem n’est qu’un faux prétexte car la stratégie de rassemblement de la gauche avant toute ouverture sur la base de notre projet n’a jamais été abandonnée. Ici, nous n’avons qu’à rappeler le discours de François Mitterrand à Épinay le 13 juin 1971 : « Nous devons rassembler l’ensemble des forces de gauche (...) puis reconquérir les libéraux (...) qui acceptent comme nous l’héritage démocratique dans le domaine politique, mais qui refusent nos méthodes et nos structures sur le plan de l’économie » ...

La vraie raison, nous la connaissons tous : elle s’appelle Ségolène Royal. Depuis maintenant plus de deux ans, toute une partie de notre formation politique refuse de voir ce qu’elle représente et cherche à la sortir du paysage politique purement et simplement (aidée en cela par l’UMP). Ce changement profond des pratiques politiques qu’elle incarne, la ligne politique nouvelle et rassembleuse qu’elle propose ont tout pour déplaire aux « éléphants » du parti. Le risque pour eux ou leurs anciens disciples, est tout simplement de perdre leur pouvoir local, de perdre un mandat cumulé, de ne plus contrôler les militants, de ne plus « tenir » leur bastion face à d’éventuels nouveaux venus au militantisme. Ils disent ne pas vouloir d’un parti de « supporters », mais ce qu’ils craignent en réalité c’est un parti de masse, vivant, dynamique, moins facile à « verouiller ». Chez Ségolène Royal, tout les dérange : sa façon d’être, sa popularité, sa manière d’aborder de front les sujets, jusqu’à son vocabulaire. Ils rejettent en bloc et avec une étonnante violence cette manière de faire autrement que selon les bonnes vieilles règles de la bonne vieille politique. Leurs petites phrases ont d’ailleurs largement alimenté les médias : « la secte de Ségolène », « Qui va garder les enfants », « ce n’est pas un concours de beauté », etc.

Que l’on nous parle pas de victimisation alors même que les auteurs de ces phrases, parfois prononcées en pleine campagne présidentielle, n’ont jamais exprimé le moindre remords mais n’ont pas manqué d’accuser Ségolène Royal d’être la première fautive et seule responsable de la défaite en 2007... Sans jamais se remettre en question et penser que leurs querelles internes pouvaient donner, encore aujourd’hui face à une droite dure, une mauvaise image de la gauche et flouter encore un peu plus notre message politique.

Que l’on nous parle pas non plus d’inexpérience ou d’amateurisme de l’ex-candidate. Jusqu’à la présidentielle de 2007, elle a tout gagné, et pas dans des circonscriptions acquises. Dans les années 80 elle a pris une circonscription à la droite pour la garder depuis, à gauche. Plus récemment elle a gagné la région Poitou-Charentes à l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin. En obtenant 47% à la présidentielle à partir d’un total cumulé de la gauche à 36% elle a su fédérer les gauches comme seul François Mitterrand (et dans une certaine mesure Lionel Jospin) avant elle avait su le faire, tout en parvenant à convaincre bien au-delà. Mise à l’écart du parti dès juin 2007 par de sombres tactiques politiciennes, des ambitions mal avouées, des rancunes tenaces et des jalousies déplacées elle n’a jamais cessé de combattre... la droite. Pendant que les autres la combattait elle, elle combattait nos ennemis communs : Nicolas Sarkozy et sa majorité. Jamais elle n’a abandonné ses électeurs, jamais elle n’a cédé au découragement, jamais elle ne s’est faite prier pour être de toutes les luttes.

En réalité, le seul fondement valide d’une alliance des porteurs des motions A, C et D qui ont de vraies divergences sur le fond (davantage qu’avec la E qui se veut centrale au sein du PS) était le goût de certains de leurs porteurs pour ces pratiques politiques archaïques et parfois une inquiétante déconnexion des réalité de la société française d’aujourd’hui. Même si elle a malheureusement été tentée, cette alliance n’a pas eu lieu. Les militants encore lucides n’ont pas accepté ces arrangements absurdes sur le dos du débat de fond.

L’enjeux est de taille, la question n’est pas anodine, c’est la nature même du projet socialiste qui va se dessiner jeudi, c’est sa modernité, son retour au réel, sa projection dans l’avenir par son retour à la source de tout notre engagement : la lutte quotidienne de nos concitoyens pour plus de justice, plus d’égalité, plus de liberté et plus de fraternité. Le projet dépersonnifié de Ségolène Royal mettant en avant une équipe autour de Vincent Peillon va dans le bon sens et permettra ce renouvellement et cette clarification tant attendus.

Nicolas Cadène



13 réactions


  • catastrophy catastrophy 17 novembre 2008 10:25

     Voter pour Ségolène Royal maintenant c’est vraiment opter pour un vrai renouvellement.
    Les autres motions n’étant que des resucées de propositions sans envergures pour un parti qui se recroquevillerait sur lui-même. 
    Mais ce qui s’est passé montre l’incroyable cupidité de dirigeants qui ont tout fait pour faire perdre leur parti aux dernières élections. C’est à vomir. Si Ségolène Royal n’est pas élue, nous seront nombreux à ne plus voter PS pour un bon bout de temps. Difficile en effet d’accepter l’obscurantisme des autres candidats et le retour des éléphants au magasin. 


    • Romain Desbois 24 novembre 2008 09:47

      je suis hélas d’accord avec vous. Le PS a déjà oublié l’avertissement que les électeurs lui avaient donné lorsque Jospin ne s’est pas retrouvé au deuxième tour ? (le pauvre Jospin n’avait pourtant pas démérité).
      Ségolène Royal a profité de ce cataclysme par ricochet car la peur de nous retrouver à devoir voter entre Sarkozy et Lepen a poussé plus d’un à voter PS dés le premier tour (c’est mon cas).
      La prochaine fois il n’y aura plus l’épouvantail Lepen !!!!!!
      Au lieu de faire ce congrès dans la foulée des législatives, ce parti a perdu deux ans et surtout n’a pas été là pour entrainer le peuple qui bouillait de ne pouvoir manisfester contre les maguouilles des banques et des "solutions" à la Sarkozy.
      C’était il ya un mois qu’il fallait bougé ! Les gens se foutent de leur congrès, d’autant que les médias ne se sont pas privés de feuilletonner l’affaire.
      Hollande a une ENORME responsabilité dans ce gachis, je me demande encore ce que font les Montebourg et les Peillon dans ce cercueil. Il y avait pourtant besoin d’un parti entre le PS et le PC, qui auraient rassemblé les déçus de ces deux partis et aggloméré les altermondialistes, les écolos orphelins. N’est-il pas déjà trop tard ?

      Dommage, l’agonie du PS continue avec les suspicions de triche, les plaintes des uns contre les autres.
      Ce parti est déjà en soin palliatif. On ne peut pas sauver quelqu’un contre son gré.


  • Dedalus Dedalus 17 novembre 2008 10:49

    Un congrès désespérant. Deux candidates désespérantes. Et Benoit Hamon pour ce qui reste d’espérance en un Parti Socialiste rénové et ancré à gauche. Les socialistes sauront-ils se souvenir enfin qu’être de gauche c’est d’abord oser aller de l’avant, oser renverser l’ordre établi ?…

    Et maintenant, camarades socialistes, osons Hamon !
    (sur Agoravox)


  • Lairderien 17 novembre 2008 11:14

    "enfin qu’être de gauche c’est d’abord oser aller de l’avant, oser renverser l’ordre établi ?… "

    Vous faites le portrait de...... Ségolène Royal !!!!!!!!!!!!!!!

    Parce que être de gauche, c’est d’abord et avant tout s’attaquer à la Droite qui veut renvoyer le peuple dans un état de sujettion digne du XIXème siècle, en cassant le code du travail, la Sécu, la retraite, bref comme le disait Denis Kesler ex numéro 2 du Medef et actuel président du club "Le Siècle’’ revenir notamment sur tous les acquis du CNR au sortir de la 2ème guerre !!!!!!!!!!!!!!!!!

    (Nota, au passage, "Le Siècle" dont fait partie M. Aubry qui aime bien rencontrer le "gratin" des patrons du caca40, mais dont n’a jamais fait partie Ségolène Royal)

    Et avec Ségolène Royal vous avez quelqu’un qui ne ment pas avant, en prétendant à une pureté de gauche plus à gauche que moi tu meurs. Elle met sur la table dès le départ la seule équation qui vaille, la même que Miterrand à mise sur la table en son temps, si on veut gagner contre la Droite réac à la botte de l’oligarchie hérito-financière, il faut réunir tous les républicains qui ne se reconnaissent pas dans cette Droite réac !! Et en plus elle, elle veut consulter les militants sur ce genre de grandes orientations, pas seulement à travers des motions forcément fourre-tout, mais sur les grandes questions. Cela c’est démocratique !!!!!


  • Proto Proto 17 novembre 2008 11:23

    "Le projet dépersonnifié de Ségolène Royal"

    Si vous comprenez ceci vous devriez conclure comme moi que c’est une autre abération du système de particratie, qui au fond ne permet qu’à des réseaux d’influences et leurs intérêts particuliers de primer sur les intérêts communs à tous, en entretenant une élite qui n’a pas d’idées sinon celles qui peuvent leur permettre d’entretenir leurs privilèges, et qu’on a cru être le seul modèle de démocratie.
    Sur 70 millions de français, vous ne pouvez faire valoir votre préférence idéologique qu’en choissisant entre deux personnes.


  • La Taverne des Poètes 17 novembre 2008 12:54

    Si encore tous ces papiers sur le PS pouvaient servir à torcher le cul des éléphants !


  • Cug Cug 17 novembre 2008 14:04

    Delanoé c’est fait "bais.." ou il a été sacrifié ou utilisé (avec son accord ?) ... et si c’était le tour de Ségo ?

    Parce que celle ci n’a fait que 30% et le fait que Delanoé n’invite pas à voter lui a laisser croire qu’elle pouvait gagner et elle .... c’est présentée. Bref peut être qu’elle aussi elle va se faire "bais.." mais comme elle est nulle politiquement et stratégiquement elle ne le sait pas encore.
    Elle a beau proposer des postes à des caciques vieux ou jeunes, comment pense t’elle dépasser 30% ?

    Réponse bientôt.

    PS : Hollande hors jeu, plus que Ségo et le PS pourra repartir de l’avant  ?



    • Cug Cug 17 novembre 2008 14:35

      Coup de théatre .... Delanoé appelle a voter Aubry.
      Ségo l’a dans l’os !


  • Fergus fergus 17 novembre 2008 14:16

    Ce qui m’a beaucoup amusé autour du congrès de Reims, c’est la manière dont Hamon (dont je soutiens globalement les idées) a été poussé en avant par certains au motif que les autres caciques du PS sont « dévorés par leur égo ».

    J’invite ces gens-là à se nettoyer les yeux rapidement ou à courir chez l’opticien pour changer de bésicles car Hamon a, lui aussi, les dents qui rayent le parquet et un égo tout aussi surdimensionné que ses adversaires. Ce qui a probablement tué dans l’oeuf une candidature unique de sa motion alliée à celle d’Aubry.

    Et le psychodrame du PS n’est pas terminé. Après s’être retiré (piteusement) sans émettre de consigne de vote, par respect pour les courants opposés qui lui avaient emboîté le pas, Delanoë vient, ce midi, de décider unilatéralement de soutenir Aubry par réflexe anti-Ségolène, ce qui ne manquera pas de susciter la colère de beaucoup de ses propres amis. Décidément, le maire de Paris file un très mauvais coton ; par chance, les municipales sont passées, mais il ferait bien de prendre une bonne tisane et de retourner faire joujou avec ses couloirs de bus !


  • irukandji irukandji 17 novembre 2008 18:23

    La mort de la gauche caviar.
    Normal ils ont crée la circulaire royal...


  • moebius 17 novembre 2008 21:03

     Si Aubry passe je ne voterais pas Delanoé à Paris, na !... trop ringard et..y’en a marre de la bande du XVIII éme... j’ai mis du temps mais j’ai fini par comprendre que l’avenir de la gauche pour eux c’est continuer à s’faire des p’tites bouffes entre copains dans des resto sympas..j’me demande si l’avenir de la gauche c’est pas aussi taper le carton et jouer aux boules avec Martine...elle est plutot motion moule frite, elle.


  • irukandji irukandji 23 novembre 2008 14:46

    Pas d’inquiètude, les élections européennes mesureront les forces du parti de la gauche caviar.
    A mon humble avis, catastrophique. Je donne Bayrou et Besancenot grand gagnant.
    Le parti de la gauche caviar ce sera sovietisé et finira comme le PC.


Réagir