Le danger Marine Le Pen, pour qui au juste ?
Alors que se profile à l'horizon un second tour entre Marine Le Pen (droite populiste) et Jean-Luc Mélenchon (populiste de gauche), l'hebdomadaire Marianne nous ressort sa une sur son obsession anti-fasciste. En bons gardiens de la république, nos journalistes s'alarment du péril, mais sommes-nous d'accord sur le contenu du terme ?
Le populisme inquiète la bourgeoisie, comme les communards puis les socialistes ouvriers par la suite. Marine Le Pen ne s'inscrit pas dans cette tradition, elle est l'héritière du nationalisme français, tendance bonapartiste (et non maurassienne comme son père). Toutefois, elle râtisse aujourd'hui dans les milieux populaires qui ont pris en pleine figure les conséquences des politiques libérales et européistes menées depuis quarante ans. Chômage, délocalisations, recours à l'immigration massive par le patronat pour remplacer le prolétariat syndiqué, abandon des quartiers aux trafiquants et voyous en tous genres, corruption etc. En ajoutant le retour de la France dans l'OTAN, la force de frappe des intérêts américains, dont le général De Gaulle nous avait sorti. Les récents attentats sont une conséquence directe de la cette politique.
Bref, le peuple d'en bas en a marre. A défaut de pouvoir descendre dans la rue (la police est d'ailleurs plus efficace pour lutter contre les mouvements sociaux que contre les terroristes, question aussi de priorités gouvernementales), il se rebelle comme il le peut. Le communisme s'étant éteint dans les années 1990 avec la chute des régimes éponymes de l'Europe de l'est, l'encadrement des masses populaires n'est plus assuré comme avant. Fini les maisons du peuple, les associations de quartiers, les colonies de vacances en RDA. Le communautarisme a pris la suite, avec les islamistes missionnés pour remplacer l'état. Nous payons aujourd'hui cette politique de la ville d'apprentis-sorciers...
Donc le peuple vote mal, au grand désespoir de Marianne. Nos journalistes des beaux quartiers sont inquiets. Si la mère Le Pen est élue, que va-t-il se passer ? Le retour à l'ordre public ? l'arrêt de l'immigration de masse ? La préférence nationale ? Quelle horreur pour nos anciens combattants de mai 68, qui se sont donnés tellement de mal pour ré-éduquer nos compatriotes ces dernières décennies. L'extrême-droite à 25%, quel camouflet pour eux !
Programme mis à part, il est évident que ce ne sont pas les idées qui angoissent le plus nos analystes. L'arrivée du FN marquerait une rupture et un changement des élites. Autrement dit, beaucoup perdraient leurs places et leurs privilèges au profit d'une nouvelle élite, qui ne vaudrait d'ailleurs pas mieux. Car le contrôle des élus n'est pas la priorité du FN...
Et c'est là qu'intervient l'autre vedette populiste, Mélenchon, qui veut des mandats révocables. Mélenchon qui se revendique de la gauche ouvrière mise entre parenthèse depuis vingt ans, Mélenchon le souverainiste républicain. Il a rompu avec la gauche bobo et il parle au peuple. Il y a du Georges Marchais en lui, et c'est très bien. Avez-vous remarqué que personne n'a fait la somme des intentions de vote pour les deux tribuns : près de 50% à eux deux.
On attend donc avec impatience le vrai débat du second tour, entre les représentants de mouvances qui entendent relancer le pays, n'en déplaise aux vendus et aux cassandres de Marianne et d'ailleurs. On a ce que l'on mérite. Ce ne sont pas les braves gens qui doivent s'inquiéter du "populisme", c'est-à-dire des amis du peuple. Car dans "populisme", il y a "populace", ce peuple que méprisent nos élites. Comme un Gustave Flaubert, qui s'indignait du sort des romanichels tout en se réjouissant de la répression des communards, du vrai peuple en action.
Que la presse parisienne tremble devant ce qui s'annonce le 23 avril prochain est assez jouissif. On imagine déjà toute la cliqua prophétiser l'effondrement des marchés, de la croissance et autres balivernes dont on nous rabat les oreilles depuis les années 70 à chaque échéance. Souvenez-nous de mai 1981, quand les héritiers de Flaubert et les parents des journalistes de Marianne tentaient d'évacuer leur épargne vers l'étranger !
Ces gens n'aiment pas le peuple. De Flaubert à Jean-François Kahn, le peuple les effraie et les dérange. Cette bourgeoisie dégoulinante fut responsable, par son égoisme et sa sournoiserie, de la montée du communisme en France au siècle dernier, et aujourd'hui du populisme. Vivement le soir des élections, on se réjouit à l'avance des tronches effarées des journalistes devant ce qui s'annonce !