mardi 25 décembre 2018 - par Michel Koutouzis

Le droit d’avoir des droits

Ce que les gilets jaunes opposent au gouvernement, c’est le primat de l’essentiel sur le futile. Du nécessaire sur l’obligatoire. Mais, plus que tout, ce mouvement révèle un récit multiple mais différent des fables que le pouvoir engendre et impose. La logique macronienne, pur jus d’un libéralisme outrancier, cantonne le citoyen aux libertés qui en découlent : on peut tout faire au sein de l’ère intime de la consommation sublimée, à condition de ne pas contester le dogme économique. Même si ce dernier a fait depuis longtemps la preuve de son inefficacité, ne profitant qu’aux « happy few ». Ce principe qui se définit comme, au mieux, l’entrée conquérante de l’Europe au sein de la globalisation au pire comme une fatalité, n’est finalement que la copie conforme et conformiste des directives de l’UE, sauf que, si les technocrates européens se reproduisent de manière endogame et hors de tout contrôle effectif, au sein des pays membre, il existe toujours un processus électoral. Ce dernier oblige les candidats à se présenter comme des Prométhée déchainés qui se transforment, aussitôt élus, en coolies fatalistes qui « font ce qu’ils peuvent » pour reprendre la phrase de Nicolas Sarkozy à propos du président actuel. Ce changement de cap - et de personnalité - crée ainsi de la frustration supplémentaire qui s’ajoute à toutes celles de la réalité quotidienne : injustices fiscales au nom de la compétitivité globalisée, transfert massif des revenus du salariat vers l’actionnariat, paupérisation de l’Etat et de ses services, etc. Le slogan des gilets jaunes « on veut des fonctionnaires pas des actionnaires » résumant parfaitement l’état d’esprit citoyen qui ne refuse pas l’impôt équitable mais s’oppose à l’inégalité fiscale et les multiples taxes …

Deng Xiaoping disait « peu importe qu’un chat soit blanc ou noir pourvu qu’il soit un chat ». Cette logique amorale sera suivie jusqu’à l’écœurement par ses successeurs, promoteurs d’un pouvoir absolu et dictatorial au profit des bureaucrates du parti transformés en hommes d’affaires, en prédateurs, en accapareurs, en milliardaires du marché protégés par les forces de l’ordre du parti communiste. Ainsi, en Chine, on a le droit d’être riche, de mépriser son voisin, vivre dans une bulle de bonheur aisé, voler ses concitoyens, les payer en monnaie de singe, sublimer un moi absolu, exhiber ses milliards… C’est cette machinerie que l’Europe, empire suiviste par excellence, voudrait imiter, au nom d’une compétition qui n’a jamais été ni libre ni équitable. D’ailleurs, tous ces grands patrons qui exhibent une fibre sociale en Europe, se félicitent des salaires de misère de leurs entreprises en Chine et s’accommodent parfaitement de l’environnement corrompu qui les entoure. Ce dont ils rêvent, ce sont des peuples d’enfants dociles qui confondent une fois par an la carte bleue de leur papa avec le père Noël. Au lieu de cela ils voient poindre des citoyens qui demandent leur du, ne se laissant pas berner par les sujets alternatifs portant sur le sexe des anges, les indésirables utiles ou les religions nuisibles et qui n’oublient pas la dégradation programmée de l’école, de l’hôpital ou du commissariat de police.

Pour le président Macron - comme pour tout nanti qui n’a jamais souffert - qu’importe l’état des services publics, des prestations sociales, le délabrement des transports, le manque de moyens de la région ou de la mairie. Il peut, comme à Mumbay ou Kuala Lumpur, enjamber les corps affamés de plus démunis sans les voir pour entrer et jouir pleinement des prestations d’un restaurant luxueux ou d’une boite de nuit branchée. L’hyper-moi vous rendant aveugle et sourd à la réalité des autres. C’est là que réside le sens final de l’irruption des gilets jaunes. Cet accoutrement phosphorescent leur permet de crier : on est là, on existe. On a le droit d’avoir des droits, le droit de circuler, de se tromper, d’être éduqués, d’être protégés, de voyager, de vivre… Pour nous, le dogme, le projet prométhéen qui sacrifie tout à son passage -nous inclus-, la liberté de faire tout et n’importe quoi avec notre argent confisqué et même le perdre à la prochaine crise financière, n'est plus acceptable. On ne veut plus payer pour votre vision d'enfant gâté, subvenir à vos besoins grandioses, payer vos dettes abyssales. Vous croyez détenir la vérité absolue, on vous démontre qu'il y a mille façons d'interpréter le présent et de concevoir l'avenir.



23 réactions


  • pipiou 25 décembre 2018 15:31

    Quand Deng Xiao Ping a dit cela les paysans chinois ont arrêté de crever de faim, au sens propre, pas au figuré.

    Mais les intellectuels au ventre replet ne vont pas s’arrêter sur ces détails.


  • Arogavox Arogavox 25 décembre 2018 16:01

    Est-ce que seules celles qui crèvent de faim ont le droit de chanter ça ? :

    « p’têt que demain ça ira mieux ; mais aujourd’hui ma vie c’est d’la marde » ... https://youtu.be/aIMA0wLSwW4


    • Le421... Refuznik !! Le421 26 décembre 2018 14:36

      @Arogavox
      mangeux d’marde...
      J’ai entendu ça à Montréal cette année !!
      Ce n’était pas pour moi, c’est mon neveu qui qualifiait un de ses collègues...
       smiley


    • biquet biquet 28 décembre 2018 11:06

      @Arogavox

      Les modérateurs ont une nouvelle fois refusé mon article, je me fais un plaisir de le publier dans tous les articles.

      Agoravox est-elle devenue la Pravda soviétique ?

      Tous les articles que je propose sont systématiquement refusés, cela depuis 1 an environ. Agoravox est le seul média citoyen en France. La Presse citoyenne ne fait jamais la Une de l’actualité, la Presse mainstream étant en France détenue par des grands groupes financiers, elle voit d’un mauvais œil ces gueux qui s’expriment.

      Texte

      Agoravox est-elle plus libre pour autant ? Assurément non. En ce moment, presque tous les articles tournent autour de ces pauvres gilets jaunes qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller au boulot, car celui-ci est à plus de 20 km et il n’y a aucun transport en commun. Mais il y a aussi une autre statistique, jamais mentionnée dans les articles d’Agoravox, c’est que 58 % des français choisissent de prendre leur voiture pour faire des trajets de moins d’un kilomètre. Le titre de mon dernier article était : taxe carbonne, l’urgence absolue. Je suis persuadé que les gilets jaunes font parti des 42 % qui ne prennent pas leur voiture pour un trajet inférieur à 1 km, et qu’une taxe carbonne pourrait pénaliser ceux qui font un usage immodéré de leur bagnole. Une partie de l’argent récolté pourrait servir alors à aider ceux qui sont obligés de faire 20 bornes pour aller au boulot avec leur voiture. Sont-ils si nombreux ? Représentent-ils 58 % de la population laborieuse ? Les agriculteurs qui, pour beaucoup gagnent moins de 300 euros par mois, ne font pas 20 km pour aller au travail.

      Si cet article n’est pas publié, c’est promis, je ne soumettrai jamais plus d’article sur AV. S’il est publié, un débat (et non un monologue) pourra s’engager.



    • hans-de-lunéville 29 décembre 2018 11:55

      @biquet
      j’aime pas les gens qui pêtent les plombs


  • pallas 25 décembre 2018 16:38
    Michel Koutouzis

    Bonjour,

    Un peuple faible, médiocre, n’a aucuns droits, il suit simplement la loi de nature, remplacé, comme toute forme de vie inapte à survivre.

    C’est une chose fondamentale, l’instinct de survie, tout etre ne l’aillant pas est voué à disparaitre, logique et binaire.

    Je ne crois pas qu’aucours de ces dernieres 100 années il y eu le moindre courage du peuple français.

    La seconde guerre mondial aurait put etre étouffé dans l’oeuf si la France avait agit.

    Salut


  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 25 décembre 2018 16:41

    En un mot est-ce que le peuple continue à accepter le pouvoir de l’argent, sachant que l’argent passe librement dans les comptes privés, ou exige t-il au contraire la véritable justice sociale celle qui oblige les responsables politiques à accompli leurs DEVOIRS pour que le peuple ait ses DROITS ! C’est ainsi que j’ai redéfini la véritable démocratie en 2003 que personne n’a jamais voulue accepter !!! 

    Dans mes trois articles consacrés aux Gilets jaunes, j’ai montré que les choses ne sont plus comme avant, nous sommes tous au milieu d’un rond point où nous devons prendre une direction ! 

    Ni le statu quo, ni la mauvaise direction, ni la dispersion ne sont conseillés ! Il faut repartir du bon pied !


  • zygzornifle zygzornifle 25 décembre 2018 16:49

    Macron est une machine façonnée par Rothschild Drahi et les puissants de ce monde qui dirigent l’Europe dans l’ombre , il fait ce pour ce qu’il a été fabriqué et élu grâce a la connerie de ses électeurs les mougeons , il est en place pour mettre fin au social et il durera tant qu’il sera soutenu par ses mentors , s’ils le laissent tomber et bien il s’effondrera et retournera a ses affaires de trader ou autres banquier véreux laissant derrière lui un gros bordel, je plain celui ou celle qui mettra les mains dans le cambouis ....

    De plus il doit avoir de sales histoires de fric et autres mais pour l’instant il est a l’abri derrière sa garde rapprochée Castaner et Philippe ....


  • Xenozoid 25 décembre 2018 16:52

    tout est en fait un vol du sens des mots,et ses effets,la déconstruction ambiante aide....le capitalisme est voué a l’implosion,aidons le,le libéralisme sera la guillotine aidons le,l’information le bourreau aidons la,la banque fera des credits... Aidons la

    Car seuleument quand l’histoire sera a nous,ils ne seront plus la...Aidons les


  • Le421... Refuznik !! Le421 25 décembre 2018 17:15

    Ce que les gilets jaunes opposent au gouvernement, c’est le primat de l’essentiel sur le futile.

    L’essentiel, le nécessaire, le minimum, la décence, etc, etc.

    Or, justement, on ne veut pas nous vendre des voitures qui roulent, ça, c’est secondaire... Il faut surtout qu’elles soient bardées d’écrans et de caméras, de google et réseaux sociaux et bientôt de spots publicitaires...


    • raymond 2 25 décembre 2018 18:17

      @Le421
      Oui complètement d’accord. A quand des objets de consommation simple et durable. Mais avant il faut imposer le R.I.C.


  • baldis30 25 décembre 2018 18:22

    Article excellent ...

     il y a longtemps que la classe politicienne n’avait pas été aussi bien habillée pour l’hiver !


    • aimable 25 décembre 2018 21:02

      @baldis30
      encore un de leurs avantages, c’est ce que l’on appelle des avantages en nature , normalement ils devraient payer des impôts dessus .  smiley


  • McGurk McGurk 25 décembre 2018 21:21

    "Vous croyez détenir la vérité absolue, on vous démontre qu’il y a mille façons d’interpréter le présent et de concevoir l’avenir.

    « 

    En même temps, on lui a donné les plein pouvoirs. Tellement qu’au parlement ils ont une hyper majorité avec laquelle ils peuvent faire voter/rejeter n’importe quelle loi (et ensuite on se moque de l’Union soviétique...). Ils ont également tous les postes-clés de cette institution et probablement de toutes les autres.

    Merveilleux, hein, la démocratie, lorsqu’on donne à un destructeur annoncé et oui, il fallait simplement lire son programme pour comprendre ce qui allait nous tomber sur la gueule alors que la plupart des électeurs ont voté comme des moutons par peur du »FN«  le pouvoir de bousiller notre société du sol au plafond sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit ?

    Il n’y avait déjà, d’emblée, aucune solution d’avenir avec un candidat pareil idem avec les autres. Rien non plus à attendre. Au moins, il a été balaise à propos d’un truc : après avoir jeté trois sous aux »pauvres" (le reste de la société quoi, soit les 99%), le mouvement citoyen s’est coupé en deux, pensant probablement avoir remporté une victoire...alors que c’était un magnifique cadeau empoisonné...

    On était à deux doigts, si encore plus alimenté par le peuple au fil des jours, d’obtenir la démission de ce gouvernement de baudruches et de ces députés lobotomisés au service des grandes entreprises et de l’UE. Mais non, nous avons préféré la docilité et la lâcheté parce que personne n’a envie d’aller plus loin et de rétablir l’équilibre. Comme quoi la société de consommation affaiblit considérablement l’unité des mouvements citoyens et encore plus notre avenir.


  • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 25 décembre 2018 23:09

    Je regrette le temps où vous veniez plus souvent nous offrir ce genre d’articles. Je regrette le temps où vous et d’autres (souvent sur les 7 du Quebec)  teniez un discours plus éclairant que celui ont on doit souvent désormais se contenter sur ce site.

    Pierre JC


  • Taverne Taverne 26 décembre 2018 09:34

    « Le droit d’avoir des droits » ? Je ne saisis pas le sens de cette formule.

    C’est un abus de langage ou peut-être un hommage à « l’envie d’avoir envie » de Johnny pour l’anniversaire de sa mort. Sinon cela n’a pas de sens : les droits fondamentaux ne fondent pas d’autres droits fondamentaux (ils créent seulement des droits secondaires ou « dérivés »)

    L’article reste assez vague sur ce que sont ces droits. On pourrait avancer un peu plus en avant en distinguant :

    les droits de tout être humain (vous avez cité le droit de vivre, le droit à la dignité),

    les droits des citoyens (vous parlez du droit d’être protégé, le droit d’aller et venir)

    les droits en tant que bénéficiaires d’aides de la collectivité solidaire, comme les droits aux prestations de la Sécu et aux aides sociales.

    La première catégorie est inconditionnelle, la deuxième est conditionnée à la seule l’obtention du statut de citoyen, la dernière est la plus conditionnée (cotisations obligatoires, plafond de ressources, etc.).


  • lloreen 27 décembre 2018 18:53

    Au cas où vous n’en auriez pas entendu parler, voici ce qu’ont fait les islandais lors de leur révolution pacifique de 2009.

    http://www.wikistrike.com/article-revolution-loin-des-medias-l-islande-reecrit-entierement-sa-constitution-99142021.html

    http://www.wikistrike.com/article-islande-93-du-peuple-impose-le-non-remboursement-des-banques-91079551.html

    http://www.wikistrike.com/article-silence-radio-sur-l-islande-103272392.html

    http://www.wikistrike.com/2015/07/l-idee-choc-etudiee-en-islande-et-si-on-retirait-aux-banques-la-capacite-de-creer-de-la-monnaie.html

    Pour rappel : Depuis le 18 juin 2015 il existe un conseil national de transition en France, créé par un collectif de citoyen, lequel a rédigé un programme et une « Cour Suprême ».

    https://www.conseilnational.fr/historique/

    https://www.conseilnational.fr/transition-programme/

    Un point commun relie l’Islande à la France : le silence radio sur les mesures essentielles.

    https://www.mesopinions.com/petition/justice/approuver-mandats-arret-delivres-cour-supreme/52273

    Par Conseil National de Transition

    Pétition adressée à CITOYEN DU PEUPLE DE FRANCE

    MANDAT D’ARRÊT

    Pour haute trahison, atteinte à la sûreté de l’Etat et crime contre l’humanité,

    La « Cour Suprême » de justice de France, créée pour représenter la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen », et animée exclusivement par des citoyens non professionnels, délivre ce jour, 10 novembre 2018, au nom du peuple de France représenté par tous les signataires, ce mandat d’arrêt concernant Emmanuel Macron, né le 21 décembre 1977 à Amiens, fils de Jean-Michel Macron et Françoise Noguès pour,

    - « Haute trahison » : violation de l’article 9 du préambule de 1946 du bloc de constitutionnalité, en raison de la vente illégale de biens du patrimoine national. Tentative d’établissement d’une dictature absolue par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 visant à supprimer les droits « sacrés, inaliénables et imprescriptibles » pourtant garantis par la plus haute instance juridique de France : La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

    - « Atteinte à la sûreté de l’état » : organisation d’un programme d’immigration mettant tous les Français en état d’insécurité, en danger de guerre civile, et ce, en violation du « droit à la sûreté » dont toute association politique est pourtant garante (article 2 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen).

    - « Crime contre l’humanité » : le Décret n°2018-42 du 25 janvier 2018 obligeant à la vaccination annule le « Droit Parental », fondement de la civilisation humaine. De plus, les études préalables révélaient que les produits injectés affecteraient gravement l’état de santé mental et physique des enfants, c’est donc en toute conscience qu’Emmanuel Macron a usé de son pouvoir pour préjudicier à la vie de centaines de milliers d’enfants français.

    Ce mandat d’arrêt est étendu à Edouard Philippe, Agnès Buzyn, Jean-Michel Blanquer et Annick Girardin, co-signataires du décret relatif à la vaccination obligatoire ; et à tous les autres membres de ce gouvernement dont il est avéré qu’ils ont participé activement à trahir la France et les droits fondamentaux et inaliénables des Français.

    Pour exécution dudit mandat, nous mandons et ordonnons à tous officiers ou agents de la Force publique de rechercher, arrêter et conduire chacun de ces individus à la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis pour être mis à la disposition de la justice, comme l’état de droit l’exige.

    Compte tenu du fait que ces individus disposent de nombreux complices dangereux et sont soupçonnés d’appartenir à des réseaux occultes ayant phagocyté plusieurs services des institutions nationales, il est expressément recommandé aux agents de la force publique d’intervenir en collaboration avec les services des forces armées de l’état, civiles ou militaires, respectueuses de l’état de Droit et fidèles à la Constitution.

    Pour que la Force serve la Justice, le Peuple et la Souveraineté de la Nation Française.

    Quant au « peuple », je crois que cela n’existe pas. Il y a les individus et des notions- clé reprises par la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qu’il n’est sans doute pas interdit de remettre au goût du jour, bien évidemment sans la dénaturer.


  • lloreen 27 décembre 2018 19:41

    Déclaration UNIVERSELLE des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

    https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789

    Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

    En conséquence, l’Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Etre suprême, les droits suivants de l’Homme et du Citoyen.

    Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

    Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

    Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

    Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

    Art. 5.  La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. 

    Art. 6. La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. 

    Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance. 

    Art. 8. La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. 

    Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. 

    Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

    Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

    Art. 12. La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

     Art. 13. Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

    Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. 

    Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

    Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

    Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.


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