Le film de Wilders : un nouveau couteau entre les dents
Désolé d’avoir à vous l’imposer, mais comme certains ne veulent rien entendre à ce qu’on raconte, il va bien falloir s’imposer les 18 minutes et 49 secondes d’imbécillités proférées par notre faux blondinet raciste hollandais. Autant vous le dire tout de suite, c’est un pétard mouillé, qui ne pourra impressionner que ceux qui désirent l’être, à savoir les anti-islamistes dont l’ouverture d’esprit n’est pas la première des qualités, loin s’en faut.
Tout de suite, on sait à qui on a affaire : à un populiste, qui sans trop avoir d’idées, est bien obligé dans ce cas d’appuyer fortement sur celle qu’il possède en stock... à savoir une seule. Une islamophobie chronique et maladive, qui lui fait surimprimer sur la façade du WTC les appels téléphoniques et les visages des personnes appelant dans les tours du WTC, et qui vont mourir, on le sait. Si cela ne suffit pas, on aura droit juste après à l’attentat de Madrid et à ceux de Londres, avec vision de la morgue provisoire et des corps brûlés, car le meilleur moyen de marquer les esprits, ça reste ça : les images d’horreur. Chez Wilders, ça devient vite un sacré fatras, car on retrouve aussi bien les corps calcinés des Marines de Mogadiscio que les restes humains des mercenaires de Blackwater accrochés au pont de Faludjah. Il y a bien chez Wilders une volonté morbide et un voyeurisme des corps décharnés qui implique, par son mélange et sa profusion, à se poser des questions sur les facultés mentales de l’individu.
S’ajoute à cela la lecture des sourates, choisies soigneusement parmi les plus vindicatives, évidemment : Wilders fait dans la propagande et pas dans l’exégèse. Le problème, c’est comme il est mauvais réalisateur et mauvais scénariste, c’est qu’il mélange pays, époques et personnages, comme bon lui semble. Sans donner les noms des prêcheurs, dans lesquels on retrouve les plus allumés bien entendu. Ceux-là, on y a droit sur tous les sites anti-islamiques, c’est le plan obligatoire. Vient aussi la petite Basmallah, autre vieille connaissance malgré ses 3 ans et demi (elle doit bien avoir 8 ans maintenant !) interviewée pour dire que les juifs sont comme des cochons ou des singes, et que c’est marqué dans le Coran et non à l’entrée d’un zoo. C’est extrait, mais Wilders ne le dira jamais, d’un reportage télé ou apparaît comme par hasard un autre artiste télévisuel connu. John Loftus, le fondateur de "l’Intelligence Summit", un forum américain de professionnels du renseignement et en fait le président du Florida Holocaust Museum, alors qu’il n’est même pas juif. Lui a une belle casserole au derrière : on a dû le virer de Fox News car il avait révélé à la télévision l’adresse d’un terroriste, Lyad K. Hilal, sans vérifier qu’il l’avait quitté depuis trois ans, mettant en danger la famille qui avait repris l’appartement : l’approximation ça le connaît, donc, et il n’en est pas à une près. Dans le même reportage de la petite fille au cochon, on retrouve une autre sommité de la désinformation : Walid Shoebat, un ancien Palestinien passé dans le camp israélien, converti à la Bible entre temps via une église évangélique tendance sectaire. Il n’a depuis plus aucun crédit et passe plutôt pour un bonimenteur, car ouvertement protégé par la CIA.
Wilders n’est pas allé bien loin chercher ses images ; elles sont toutes ici ou chez Daniel Pipes le directeur du Forum du Moyen-Orient (Middle East Forum), l’un des membres de l’Institut américain pour la paix (U.S. Institute of Peace) dépendant directement du président des États-Unis et chroniqueur primé du New York Sun et du Jerusalem Post. Pipes fait partie du Groupe de travail spécial sur le terrorisme et la technologie (Special Task Force on Terrorism and Technology) du Département de la Défense américaine. Le pape de l’islamophobie toutes catégories, poseur à ces heures, dont le site commence pareil que le film de Wilders ou presque, burkas ou foulards islamiques à l’appui. Pour rester au rayon sanguinaire, on a le droit évidemment à la vidéo de la décapitation de l’otage américain Nick Berg, dont l’analyse précise avait clairement démontré le fake complet. Entre autres, que le commentateur lisait de gauche à droite et n’était donc pas arabe, que l’un des exécuteurs avait une bague au doigt, interdite par l’islam, que le fusil visible était un Galil israélien, plutôt rare chez les Al-Quaïdistes, que Berg avait revêtu la tenue de Guantanamo, etc. On découvrira même plus tard que Zacharias Moussaoui possédait son adresse mail ! Berg avait été détenu 13 jours par l’armée américaine pour espionnage et travaillait juste à côté de la prison d’Abou Ghraib... Décapité, on ne retrouvera jamais sa tête et l’armée américaine fera payer aux parents le rapatriement du corps aux Etats-Unis !
Le fait d’enfiler des vidéos à la louche lui fait commettre bien des erreurs et des approximations, à notre apprenti cinéaste, les deux plus significatives étant celle d’afficher comme photo du meurtrier de son "ami" Theo Van Gogh celle d’un rappeur hollandais, Salah Edin. Faut le faire !!! Le gag, si gag il peut y avoir, c’est que Mohammed Bouyeri, l’assassin de Van Gogh, prête sa voix au film pour expliquer qu’il n’a pas de regret, et que Wilders clame partout qu’il connaissait si bien Theo Van Gogh ! Au point de se tromper d’assassin, on rêve devant pareille bévue !! Sur le film de Van Gogh, que peu ont vu, finalement, il semble bien que la charge ait été forte, comme l’indique une lectrice dont nous ne suivrons pas la conclusion bien entendu. Ayaan Hirsi Ali, la scénariste était aussi inscrite comme VVD, le parti de Wilders, et cela aussi on l’a déjà oublié. Elle n’est pas exempte non plus de reproches. Pour RFI, "Aux Pays-Bas, elle passe pour une opportuniste dont les critiques sans nuances de l’islam ne contribuent guère à la cohésion nationale." Dans un sondage de RTL News publié le 24 février, 84 % des Néerlandais soutenaient Aayan Hirsi Ali dans cette entreprise. Aujourd’hui, ils sont 71 % à penser qu’elle a perdu toute crédibilité".
L’autre phénomène déniché par Wilders ne nous étonne pas non plus : comme Wilders est plus que "léger", il n’a pas pu s’empêcher d’enrôler un autre personnage que nous connaissons bien ici chez Agoravox : Adam Gadahn, et oui, celui qui se faisait surnommer "Azzam The American" et dont on vous a expliqué ici qu’il n’avait aucun crédit tant il est ridicule. Dans le film, c’est lui qui fait le plus long prêche : très mauvaise pioche pour Wilders. Wilders insiste longuement ensuite sur l’Iran et ses imams, montrant des pendaisons d’homosexuels. Une question qui semble fasciner notre homme, qui insiste sur son amitié avec Van Gogh, lui-même homo militant, qui s’est teint les cheveux de manière provocante et qui est marié. Une carte postale plus loin, où, avec le mauvais goût qui le caractérise, Wilders présente son pays avec des minarets partout et un "bienvenue" en Hollande en travers, et ça en est fini d’un montage fort approximatif et surtout fort polémique pour rien. Les opposants aux idées de Wilders en sortent renforcés dans le sens où l’on sent les bonnes vieilles recettes de l’extrême droite, les sites connus ayant été pillés, les mitigés seront écœurés par la profusion de violence gratuite, seuls les extrémistes de droite applaudissant un mauvais film, mais ils en ont l’habitude il est vrai, tant leur culture se satisfait de peu.
On retiendra qu’à la fin, où notre homme annonçait une charge supplémentaire sur le prophète Mahomet il n’y a rien qu’une caricature qui va lui valoir un procès en règle, Wilders ayant oublié que le dessin avait un auteur qui aurait dû être contacté pour faire partie intégrante du film. Mais aussi une phrase annonçant que le Reich avait disparu en 1945 et le communisme en 1989, logique selon Wilders d’avoir un islamisme faire de même bientôt. L’argument ne tient pas, et on assiste surtout avec ce film bâclé et mal fait à une vieille réminiscence connue. Avant, on faisait peur aux gens en présentant les communistes le couteau entre les dents, prêts à égorger le pékin moyen dès que celui-ci avait le dos tourné. La pensée de Wilders n’a pas évoluée d’un iota : pour lui, l’islamisme à un couteau recourbé c’est tout. Avec lui, on remonte une centaine d’années en arrière avec le même sentiment de peur entretenu à partir d’un galimatias incommensurable censé servir de preuve à un propos somme tout délirant. Si au moins le projet avait été plus clair, il eût pu devenir dangereux pour la démocratie. Torché à la va-vite, il n’est pas évident qu’il le devienne. L’homme a raté son coup, pour sûr. La prochaine fois, il vérifiera peut-être un peu plus ces sources, qui sait. On ne devrait pas faire confiance aux blonds, me souffle mon voisin qui fait dans la discrimination pileuse facile. Des cheveux ne font en effet pas des idées, et notre député grotesque n’échappe pas à la règle.
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