Le JT de 20h du 24 juin 2016 sur France 2 : Illustration du traitement indigne du choix démocratique du peuple anglais
Comme en mai 2005, lorsque les Français avaient rejeté sans ambiguïté le Traité constitutionnel européen, la journée a été égrenée par des commentaires de journalistes traitant en demeurés ceux qui ont osé dire "Non" à cette Europe de la mondialisation libérale, qui dépossède les peuples de leur capacité de décision. C’était précisément le sens du résultat de cette consultation démocratique, redonner à la démocratie, au pouvoir du peuple, un sens.
Pris au hasard, un journaliste d’une chaine d’infos en continu explique que la Grande-Bretagne sort divisée de ce référendum, entre ceux qui étaient pour le maintien dans l‘Union, des « jeunes, urbains, éduqués et europhile » et les autres, majoritairement « ruraux et ayant la cinquantaine ou plus ». Il n’a pas rajouté et « pas éduqués », mais on l’avait bien compris. Propos honteux, reflétant le ton de cette campagne. En réalité, dans les grandes tendances, ceux des villes riches ont votés pour le IN, et les autres qui subissent les affres d’un libéralisme européen qui méprise les peuples, qui vivent en périphérie, le OUT ! Mais tous ces commentaires qui sont l’écho de la voix de leurs maitres, journalistes au service d’une propagande, qui nous vendent l’UE comme un cadre de prospérité et de sécurité contre la réalité, qui traitent les peuples qui se choisissent leur destin comme des bêtas qui n’ont rien compris, ne sont que des informateurs de papier, des châteaux de cartes sur lesquels les peuples n’ont pas peur de souffler par leurs bulletins de vote.
A contrario de ce mur médiatique, sous ce vent de panique de l’UE, on entend lâchées quelques vérités. Si le Président de la République dit vouloir plus d’Europe mais mieux, Manuel Valls fait un constat qui en dit long sur ce que savent les politiques de la situation sans jamais oser le dire, et qui sort là soudain de la boite : « Cette décision est sans doute aussi le révélateur d’un malaise trop longtemps ignoré. Et trop longtemps on a fermé les yeux sur les avertissements et sur les doutes exprimés par les peuples européens ».
Une fable incroyable est venue s’infiltrer dans les commentaires pour rajouter encore une dose de poison à cette atmosphère délétère, l’idée que Cameron n’aurait jamais dû consulter le peuple sur ce sujet, que cela était un piège, un pari irresponsable… Cette façon de penser de ces élites médiatiques, que même les politiques n’ont pas osé égaler ici, se sont montrés d’un zèle à cet endroit qui a dévoilé les intentions de toujours, où on considère les peuples comme juste bon à donner une caution démocratique par leur vote au chemin de l’histoire que d’autres choisissent à leur place. La démocratie n‘est acceptable que si le peuple est un troupeau de moutons que l’on conduit à la baguette d’un bourrage de crâne et des peurs, dont on augmente les doses dès qu’il manifeste sa volonté de prendre un autre chemin que le champ où on entend le faire brouter.
Dans cette veine, incontestablement, la palme revient à Laurent Delahousse qui, au 20h de France 2, nous en a offert un de ces pics qui restera dans les annales. C’est là que l’on se met à regretter la disparition d’une émission comme Arrêt sur image, qui aurait pu reprendre la scène pour montrer les ficelles et le côté marionnette de la chose derrière le ton assuré, genre donneur de leçon, de ce qui est servi. Le journaliste avait invité sur son plateau, comble de la provocation, un des chantres de l’Europe intégrée, avec son déguisement de défenseur du peuple en costume libéral, un certain Daniel Cohn-Bendit, ancien député européen, avec en face de lui, l’Ambassadeur de la Grande-Bretagne. Après avoir passé en revue quelques-uns des poncifs diffusés tout au long de cette journée pour nous présenter le résultat du vote comme la victoire des « anciens contre les modernes », et la souveraineté des nations comme une pure folie, était interpellé l’Ambassadeur. Le ton inquisiteur était donné par le journaliste : « Est-ce que votre premier ministre a joué avec le royaume Britannique, avec l’Europe ? ». Réponse de l’Ambassadeur : « Ce que nous venons de vivre, c’est un exercice démocratique inédit, et auquel les citoyens ont participé massivement (…) Ils ont choisi la sortie, il faut maintenant respecter leur volonté (..) Le peuple a choisi, il a fait son choix. Maintenant il faut exécuter les choses dans le calme ». Il parle de ne pas perdre son calme, alors que toute la journée plein de doublures du présentateur sur toutes les grandes chaines et radios, ont présenté la Grande-Bretagne comme un pays déchiré quasiment à feu et à sang, à la dérive, dont l’avenir serait en train de chanceler. Le journaliste semble déconcerté et utilise alors l’argument affectif comme argument d’autorité, croyant porter l’estocade à tant de sérénité : « Vous pouvez comprendre que beaucoup d’européens se sentent blessés… » Face à cette manipulation grossière de l’émotion pour déstabiliser l’Ambassadeur, il restera d’une même dignité, argumentant de façon rationnelle et posée, tranchant avec les chausse-trapes du journaliste à la peine.
Cohn-Bendit enchaine : « Je suis furieux ! » « Monsieur l’Ambassadeur (…) ce sont les vieux qui ont décidé pour les jeunes » opposant les générations, tarte à la crème de circonstance. Il explique haineux, à court d’argument, que ce seraient « les mensonges » qui auraient faits gagner le OUT : « C’est la victoire du mensonge ! ». Delahousse surenchérit pour lui repasser le plat en disant que l’on sait « que les élections se gagnent sur des mensonges ». Mais si le IN l’avait emporté, alors là, il aurait gagné bien sûr, sur la vérité ! La mauvaise foi atteint à ce moment un sommet de l’histoire télévisuelle. L’ex-député européen veut évidemment plus d’Europe politique, vite, pour reprendre en les choses en main ! En fait, la main sur les peuples, infantilisés dans son discours, de façon pitoyable.
Puis, le journaliste utilise un nouvel argument d’autorité sur le ton de la dramatisation, en interrogeant l’Ambassadeur dans ces termes : « Quand on regarde ces résultats on se rend compte que le Royaume unis est un peu fracturé ce soir. On n’a pas entendu, alors que c’est la tradition, la Reine sur cette question. Est-ce qu’elle pourrait intervenir, juste dans les jours à venir, pour parler ? » L’Ambassadeur dira non. Il continue : « Mais la prochaine étape est à Bruxelles et il y a là aussi une logique démocratique. En octobre, il y aura un nouveau premier ministre pour exécuter la volonté du peuple britannique ». On aura ainsi tout entendu, jusqu’à ce journaliste qui croit pouvoir en appeler à la Reine face à ce choix du peuple britannique, comme l’espoir d’un dernier recours face à ce qui le sidère. L’Ambassadeur donnera là une belle leçon de démocratie face à ces pourfendeurs de la liberté des peuples à se déterminer pas eux-mêmes, loin des griseries du pouvoir médiatique ou politique de certains, qui ne voient rien au-delà de leur tour d’ivoire.
A la suite, on présente un reportage sur les deux camps pro et anti-Europe en France, qui nous explique que ce qui caractérise le camp du NON à L’Europe, c’est le fait que l’extrême droite et les souverainistes côtoient l’extrême gauche, induisant l’idée d’une contamination dont on espère peut-être encore un effet repoussoir. On entend alors Jean-Luc. Mélenchon dénoncer cette Europe « de la marchandisation de tout » en s’appuyant sur la désorganisation des services publics ou la libéralisation du marché du travail contenu dans la loi El Khomri. Aucune réponse sur le fond de Cohn-Bendit à ce propos, pour qui là, on mélange tout. Il en viendra à justifier la politique migratoire de l’Europe qui a été entre autres, rejetée par les britanniques, en jouant à son tour sur la dramatisation et l’émotion : « 10.000 noyés, plus de mille enfants (…) quelle réponse donnons-nous, nous européens à ce drame. On dit simplement, il faut fermer, on les laisse mourir, on les laisse crever ! ». Mais ne serait-ce pas plutôt à son amie Mme Merkel, qui joue sur l’immigration sans frontière et compassionnelle pour des raisons intérieures, propres à une démographie catastrophique qui n’assure plus le renouvellement des générations (1,5 enfants par femme) et un besoin de main-d’œuvre bon marché, à laquelle on doit de pousser l’Europe dans une fuite en avant concernant l’accueil des migrants, en créant un appel d’air sans fin qui tue dans la méditerranée tous les jours ? Il finira par nous vanter la supériorité de « la souveraineté européenne » à construire sur « les souverainetés nationales » face à la Chine, à la Russie et aux Etats-Unis, autrement dit, la fin de tout pouvoir de décision des peuples des pays de l’UE au nom de la mondialisation libérale. La boucle est bouclée !
On aura avec tout cela finalement ré-affermis, si c’était nécessaire, les Anglais dans leur décision. Et peut-être même, fait des convaincus de plus en France de la nécessité de mettre un point final à cette Europe qui se construit contre les peuples et les traite en mineurs, la bouche pleine des mots liberté et démocratie, mais rien qu’en décor de carton pâte. Aux peuples de s’emparer de ce qui vient de se produire, pour imposer de ces beaux mots l’usage, contre le mépris de ces marchands d’illusions.
Guylain Chevrier