mardi 25 mars 2014 - par Pierre JC Allard

Le monde en désordre

Il y a tant de choses quii ne vont pas. On a l'embarras du choix pour râler. En fait je ne vois RIEN qui ressemble à une bonne nouvelle. Alors pourqoi parler du désordre ? Parce que La première demande de l’individu en société est qu’on assure sa sécurité. Ce n’est pas d’hier, mais depuis toujours. On aurait dû apprendre à le faire... Alors quand même ça, ça ne va pas...

En fait, on l’avait appris, à assurer la sécurité. Il y a des havres dans le monde, surtout en zone urbaine en Occident, où la sécurité est suffisante pour que l’on puisse marcher sur le trottoir en pensant à autre chose, ce qui n’a pas été le cas durant la plus grande partie de l’Histoire… Tout va bien. Où est la crise ? Elle est triple.

D’abord, on parle de havres. Le monde, presque partout, est une mer furieuse de violence et où elle était disparue il semble bien qu'elle revienne. La crise, cependant, ce n’est pas tant qu’il faille se garder des brigands quand on traverse le Tanezrouft et des pirates quand on vogue sur la mer de Sulu ; c’est que les havres de sécurité dans le monde se font plus rares… Comme si, ayant appris, on avait oublié. Et,pendant qu'on y est, qu'est-il advenu de cette affaire du bijoutier de Nice ? Oubliée ?

Il y a 50 ans, j’ai fait Paris-Delhi seul, par voie terrestre, sans arme et sans graves ennuis. Pratiquement sans risques. Toutes les frontières – Pakistan, Afghanistan, Iran, Irak, Syrie, Turquie et ce qui était la Yougoslavie se traversaient avec un passeport et/ou un petit cadeau. Le même périple aujourd’hui, exigerait une division blindée et un soutien aérien… On pouvait aussi faire l’Afrique, à peu près partout, il y a à peine 30 ans. Je ne suis plus volontaire.

Les havres se rétrécissent aussi sous nos yeux. Bien des villes sont maintenant entourées d’une zone de non-droit où il vaut mieux connaître le chef du gang local. D’autres, surtout aux USA, mais aussi dans le tiers-monde, sont devenues des beignes, avec au centre un trou dans la sécurité et qu’on ne visite qu’à grand péril. Il faut mettre combien de baffes à une civilisation pour qu’elle comprenne qu’elle est en décadence ?

Deuxième aspect de la crise. De nouveaux dangers : les gangs, mais surtout l’individu. La bombe atomique chez les Russes, c’était le bon temps. Le plus grave problème n’est plus au niveau des États ; la technologie met maintenant un terrifiant pouvoir de nuire entre les mains non seulement de petits pays, mais de petits groupes et même des individus ! Je ne décrirai pas ces façons de nuire ou même de détruire un société, mais quiconque veut le faire y pensera tout seul.

Le plus grave problème n’est pas tant le révolutionnaire – il est visible et prévisible – que le pur cinglé. On disait, il y a quelques années, qu’une personne sur seize (16) aux USA aurait dans sa vie au moins un épisode de désordre mental qui justifierait son institutionnalisation au moins temporaire…. Comment une société peut-elle se protéger contre 20 millions d’individus qui pourraient sans prévenir vous tirer dessus dans une école ou un centre d’achat ? Ou vous trancher la gorge dans le métro…

Troisième volet, le plus grave, une confusion des valeurs qui fait qu’on ne sait plus avec certitude ce qui est bien ou mal, ni donc qui est avec qui et contre quoi. L’injustice dans notre société nous donne à tous mauvaise conscience et l’on ne sait plus trop parfois s’il faut donner un croc-en-jambe au voleur qui fuit ou au gendarme qui le pourchasse. Quand un jeune Catalan fraude quelques banques de centaines de milliers d’euros, le clame partout et utilise l’argent pour financer Podem, un mouvement de contestation sociale, bien peu de gens que je connais en ont éprouvé une grande indignation.

Un escroc sans scrupules au Québec a ruiné des centaines de victimes à revenus modestes en leur prenant pour cent millions de dollars des épargnes de toute leur vie. Si l’une de ses victimes l’abattait froidement, à sa sortie de prison où il passera quelques mois, je continuerais, bien sûr, de défendre le principe qu’il ne faut pas se faire justice soi-même, mais est-ce qu’on pleurerait beaucoup dans les chaumières ?

Comment assurer la sécurité publique, si le citoyen ordinaire n’est pas INCONDITIONNELLEMENT du côté de l’ordre ? Combien de gens en France, au cours des récentes protestations contre la modification du système des retraites, souhaitaient qu’on mette les grévistes au pas… et combien regrettaient plutôt que la protestation ne soit pas bien plus musclée ? On était de part d'autre d'accord contre l'impuissance...

On ne respecte plus l’ordre établi ; comment respecter un système qui permet les inégalités que nous voyons et dont la priorité est l’éradication du pavot plutôt que celle de la prostitution des enfants ? Les héros que la télévision nous montre faisant respecter la vraie justice sont souvent peints agissant hors des cadres du système, ou même de la loi. Le systeme n'a plus un ami : c’est le justicier qui a la cote.

Las sécurité est aussi en crise parce que le système actuel, conscient de ses inégalités, voit souvent le citoyen non pas comme celui que la police devrait protéger, mais comme un contestataire et donc un fauteur de trouble en puissance. Le citoyen lui rend bien ce manque de confiance et de soutien…

La solution n’est donc pas de mettre en place une force policière plus puissante ; ce serait de pouvoir compter sur l’appui omniprésent et sans réticence de la population pour prêter main-forte aux forces de l’ordre. Au palier de la vigilance, de la dénonciation des crimes, au besoin d’une intervention ponctuelle pour les prévenir.

Cet appui de la population n’est possible que si celle-ci est intimement convaincue que la loi est juste, percevant les forces de l’ordre comme une émanation d’elle-même appliquant une morale et de principes qui sont les siens, non pas comme un corps étranger de mercenaires à la solde d’une minorité et en protégeant les seuls intérêts.

C’est cette perception qui fait toute la différence entre un recrutement fascisant de la population pour qu’elle soutienne des mesures d’oppression et une conscription volontaire spontanée des citoyens pour défendre l’ordre contre le crime. C’est cette identification du citoyen à une force de l'ordre qui est à son service et non l’inverse, qui est la seule solution a une vulnérabilité telle de la société au crime que les mesures nécessaires pour s’en protéger semblent faire apparaître notre liberté illusoire.

D'où viendra le sursaut ?

http://nouvellesociete.wordpress.com/2014/03/24/tome-7-la-justice-et-lordre/

 

Pierre JC Allard



10 réactions


  • Francis, agnotologue JL 25 mars 2014 09:43

    D’où viendra le sursaut ?

    Y aura-t-il seulement un sursaut ?

    Vous demandez : ’’Il faut mettre combien de baffes à une civilisation pour qu’elle comprenne qu’elle est en décadence ? ’’

    Au fil du temps, j’aime faire figurer en tête de ma page de présentation ma conviction la plus récente. Je vous livre cette dernière : La décadence est l’envers de la croissance néolibérale. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, a dit Salomon. Dans nos sociétés, la conscience c’est la démocratie ; dans le capitalisme, la science c’est le profit. L’ultralibéralisme c’est quand le pognon peut corrompre les élus et les grands médias : la démocratie y est en état de catalepsie. L’ultralibéralisme est en train d’engendrer des monstre.

    Je crois que toute société humaine passe par trois étapes :

    - l’hiver des grandes privations : c’est le règne du sauve qui peut ;
    - le printemps de la reconstruction : c’est le règne du tous pour un, un pour tous ;
    - l’été des abondances : c’est le règne du chacun pour sa gueule ;

    Le temps est alors venu de la décadence. Le printemps ne reviendra qu’après l’hiver. Qui sait de quoi cet hiver sera fait ?


  • julius 1ER 25 mars 2014 10:19

    @jl

    je crois que là deux phases se confondent, l’Hiver et l’Eté, j’attends le Printemps avec impatience .....

  • julius 1ER 25 mars 2014 10:29

    Cet appui de la population n’est possible que si celle-ci est intimement convaincue que la loi est juste, percevant les forces de l’ordre comme une émanation d’elle-même appliquant une morale et de principes qui sont les siens, non pas comme un corps étranger de mercenaires à la solde d’une minorité et en protégeant les seuls intérêts.

    @ jc allard
    j’ai écouté une vidéo d’Etienne Chouard avec beaucoup d’attention, où justement il dit que sans changement de Constitution, rien n’est possible, et que toute avancée sociale si elle n’est pas entérinée par la Constitution est et sera réversible. ce qui est pleinement vrai.
    les gens n’ont plus confiance dans ce système, je crois que finalement la plupart d’entre nous ont compris qu’il ne sert qu’une minorité, il faudra bien repasser par un Conseil National de la Résistance avec des gens ouvertement progressistes, c’est bien cela qu’il faut construire en priorité, le reste n’est que du verbiage intempestif ..........

    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 25 mars 2014 22:35

      Je m’étais juré de ne pas commenter sur mon article. Question de voir si l’enfant nagerait sans flotteurs..... Mais je dois dire que je crois que vous avez raison. Il faudrait que se crée en résistance un réseau discret, occulte de conspirateurs pour le BIEN.... Des activistes qui ne reculeraient devant rien pour sauver notre civilisation.


      PJCA

  • howahkan Hotah 25 mars 2014 11:04

    vivre dans la partie du cerveau qui nous reste et que j’appelle le cerveau analytique( ou « moi je » d’abord) mène constamment à cela, car seuls les plus tordus arrivent au pouvoir car ils le veulent et eux au moins ils travaillent ensemble, et là le pouvoir devient quasi absolu.......car chaque humain n’est pas relié au autres....pourquoi ? pour moi le bon peuple a les mêmes motivations que la haut : je veux plus de tout et tout si on m’en laisse l’occasion....si si, le nier c’est ne pas se connaitre du tout....

    A qui bon, on ne sait même pas quel est le problème, sauf exceptions.. ?? Avant d’être dehors tout commence dans un cerveau X 7 milliards............et si ma vie de m...e etait de ma faute ??
    tiens j’avais pensé à tout sauf à ça !!!

    salut PJC...


    • Jean Keim Jean Keim 25 mars 2014 19:35

      Bonjour howakhan Hotah,
      Il n’y a pas un cerveau avec une partie bancale et une autre d’aplomb, il y a un cerveau sain ou pas mais là n’est pas l’objet de mon propos.
      Krishnamurti que vous appréciez a essayé toute sa vie par des causeries d’éveiller les auditeurs à une conscience saine et vers la fin de sa vie, un de ses proches lui a demandé s’il pensait que tout ce qu’il avait fait avait avait servi à qq. chose et K a répondu que pratiquement personne n’avait connu l’éveil en écoutant son enseignement. K en était arrivé à se demander s’il n’était pas un monstre (dans le sens d’être une anomalie). Il a également apporté d’autres éléments de réponses plus optimistes. 
      Les êtres humains, nous, n’avons pas choisi d’être à côté de la plaque, nous y sommes dans le stade actuel de notre évolution, apparemment qq. chose a dérapé il y a qq. milliers d’années et depuis c’est le foutoir généralisé.
      Quelques individus ont parfois une illumination (une conscience qui s’éclaire) mais cela est insuffisant pour changer la donne et ensuite elle est traduite en expérience c’est à dire formulée en mots et constitue ainsi un savoir qui vient s’accumuler sur celui existant.
      Tant que suffisamment d’êtres humains ne prendront pas conscience de leur état de perversion avec le besoin viscéral de remonter à la cause première, il n’y a aucun espoir de changer l’état des lieux quelque soit les mesures nouvelles apportées.
      L’élément premier de notre dérèglement - facteur commun de toute l’humanité - est la pensée et tout ce qui va avec et notamment la personnalité qu’elle façonne.

       


  • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 26 mars 2014 00:36

    @ Monsieur J-C. Allard


    Excellent billet.

    D’où viendra le sursaut, écrivez-vous ? Mais de personnes telles que vous, telles que moi.

    Nous ne faisons que vivre à notre époque et à notre tour ce que d’autres ont déjà vécu eux aussi (toutes proportions gardées en matière de barbarie, l’histoire contemporaine ayant apporté à la question une dimension scientifique et industrielle certaine).

    Comme d’autres nous sommes conscients de l’impérieuse nécessité d’agir comme des sentinelles actives pour défendre la Cité, notre bien commun, même contre ceux qui s’y refusent ou n’en comprennent pas la nécessité.

    Il ne tient qu’à nous tous de nous remémorer cette phrase : « Guetteur, où en est la nuit ? ».

    Certains dorment, tranquilles, confiants, tandis que d’autres comme vous, comme beaucoup d’entre-nous, scrutons l’ombre, écoutons les moindres bruits anormaux, prêts à lancer l’alarme. Nous veillons et agissons.

    Il nous faut admettre que ce rôle est sans doute le nôtre puisque nous en mesurons l’importance à chaque aube qui se lève.

    « Cet appui de la population n’est possible que si celle-ci est intimement convaincue que la loi est juste, percevant les forces de l’ordre comme une émanation d’elle-même appliquant une morale et des principes qui sont les siens, non pas comme un corps étranger de mercenaires à la solde d’une minorité et en protégeant les seuls intérêts. »

    « C’est cette perception qui fait toute la différence entre un recrutement fascisant de la population pour qu’elle soutienne des mesures d’oppression et une conscription volontaire spontanée des citoyens pour défendre l’ordre contre le crime. C’est cette identification du citoyen à une force de l’ordre qui est à son service et non l’inverse, qui est la seule solution a une vulnérabilité telle de la société au crime que les mesures nécessaires pour s’en protéger semblent faire apparaître notre liberté illusoire. » « D’où viendra le sursaut ? »


  • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 26 mars 2014 00:50

    @ J-L


    On se bat, prêt à parer les coups et à en donner au besoin.
    Considérez, voulez-vous, l’actualité politique de la France. Qu’y voyez-vous ? Des gens qui s’étant imaginé qu’ils pouvaient être au-dessus des lois ont fini par se faire rattraper, surpris de voir que leur impunité n’était qu’un leurre. Certes, me direz-vous, quelques gros poissons réussissent à passer par les trous du filet, mais ce n’est que partie remise. Leur temps viendra. Des magistrats municipaux, condamnés ou mis en examen, sollicitent avec succès les suffrages de leurs électeurs ?Aucun scrupule ne les étouffe ? Ils finiront par chuter, victimes de leur trop grande confiance.


    • Francis, agnotologue JL 26 mars 2014 09:32

      @ Renaud Bouchard,

      Je vous invite à tire ce texte publié en 2008 mais toujours d’actualité, par Joe Bargeant (1), intitulé par le traducteur : L’attrape couillon appelé espoir.

      ’’ Nous venons de conclure une élection dans laquelle les deux partis parlaient d’espoir, chacun plus que l’autre. L’espoir, cette croyance obscure et indéfinie que quelque force inconnue, peut-être Jésus, ou la science moderne, ou un grand dirigeant politique, ou autre — une force jusqu’à présent inconnue — inversera notre condition nationale ou personnelle... nous délivrera de ce que chaque parcelle de preuve indique être irréversible, sinon politiquement, écologiquement : le déclin et éventuellement l’effondrement1. Il y a une nette différence entre l’espoir et comprendre les faits, puis entretenir un optimisme justifié. L’espoir est une pensée magique, un jeu de couillon. Les politiciens du monde entier comprennent pleinement cela. "

      Accessoirement, vous pouvez aussi donner votre avis sur cet article de Karol : A la NASA la fin d’un monde est annoncée (2)

      ’’C’est du sérieux ! Une étude du Goddard Space Flight Center – un important centre de recherche de la NASA – met en garde contre un effondrement de notre civilisation... dans quelques dizaines d’années.

      Que nous prédit cette étude ? une météorite géante s’écraserait sur la Terre, anéantissant la vie humaine, comme au temps des dinosaures ? Non. Une catastrophe nucléaire ? Non ; cet effondrement de notre civilisation serait lié à la surexploitation des ressources et à l’inégale distribution des richesses.’’

      (1) Joe bargeant est né en 1946 à Winchester en Virginie. Vétéran du Vietnam et du mouvement hippie, il a débuté sa carrière de journaliste en chroniquant la contre-culture des années 1970. Ses essais politiques publiés sur l’internet anglophone lui ont conquis un vaste public

      (2) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/a-la-nasa-la-fin-d-un-monde-est-149664


  • robin 26 mars 2014 08:50

    Notre monde a ringardisé complètement la spiritualité à un point tel que les croyants sont même assimilés à des extrémistes qui seront un jour prochain criminalisés (sauf la religion judaique qui reste intouchable pour cause de shoah) . Or la spiritualité c’est la seule voie qu’une civilisation peut emprunter pour progresser par le haut car personne ne peut se faire la courte échelle à soi même, il n’y a que les banksters et les politicards corrompus pour le croire.

    2 timothée 4-3 : « Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs,  détourneront l’oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables »




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