mardi 3 avril 2012 - par Zogarok

Le Président parle aux Français : Flamboyance & Artifices

 

L’enfant prodige de la Nation

Une majorité relative mais puissante le déteste de toutes ses forces ; pourtant notre Président a toujours été au cœur de l’actualité, politique bien sûr, généraliste mais aussi mondiale et même people. En cela, il sera bien devenu le Thatcher français, car depuis DeGaulle, aucun de nos chefs d’État n’avait autant monopolisé les débats et les écrans. Naturellement, la comparaison s’arrête là, dans cette proéminence et cette omniprésence, tant dans les médias que dans les esprits.

Il faut l’avouer, Nicolas Sarkozy est brillant. Mercredi dernier, à l’occasion du Meeting d’Élancourt, le Président sortant a réitéré avec brio sa posture de candidat anti-système. Aberrante a priori de la part du leader d’une Nation et de la formation la plus rutilante de France, celle-ci fait sens lorsque ce système est assimilé à l’emprise idéologique d’une certaine gauche dominante. Cette gauche débridée, élitiste et obnubilée d’elle-même, dont la pensée contaminerait l’espace public (elle dicte en tout cas des codes de bonne conduite et de sain jugement). Dans cette perspective, en face, la droite qu’incarne Sarkozy devient celle du peuple, car elle invoque la « majorité silencieuse » (élément de langage gaulliste que NS a repris à son compte depuis 2005).

On l’a accusé d’être un opportuniste, un arriviste ; il joue à celui issu de la plèbe, monté grâce à elle et sous son impulsion, un peu comme un affranchi demeuré loyal. Cette élection marque donc l’occasion de se retourner (ponctuellement ?) vers le peuple, pour rappeler qu’il compte, qu’il n’a pas été oublié. Difficile de se leurrer cependant au vu du ton employé par l’homme lors de ses bains des foules (dernier en date, l’inouï « mais qu’ils se taisent »). Mais il ne s’agit là que du ”off” ; en ”on”, le vernis n’a pas craqué.

 

Les « corps intermédiaires » : ennemis, valets ou complices ?

Le lien du président-providentiel à son peuple n’apparaissant pas très vigoureux, Sarkozy a besoin d’un bouc-émissaire abstrait (donc dans lequel il peut se confondre, ou trouver un appui, sans avoir à se justifier) mais connoté pour rallier les suffrages de droitiers naturels ou par défaut. Ce bouc-émissaire, c’est ces « corps intermédiaires » dont il n’aurait que faire, mais qui le freinerait dans son action réformiste, pourtant réclamé par des Français que jamais, ô jamais, il n’accepterait de trahir.

Dans ses derniers meetings et notamment à Élancourt, Sarkozy a mentionné les fraudeurs et les assistés abusant des protections sociales, ainsi que les étrangers venu profiter de ce modèle cher mais plombé par trop de laxisme. Une rhétorique anti-assistanat, assez pondérée néanmoins (et strictement incantatoire), qui ne manquera d’offusquer la Gauche ainsi qu’une large part de la caste médiatique.

Ces réactions disproportionnées et passionnées aux menues provocations de Sarkozy et ses collègues alimentent et confortent leurs postures. L’assimilation à l’extrême-droite y participe également, voire renforce l’attrait de Sarkozy pour un vivier électoral s’assumant, sur l’ensemble des critères, pleinement à droite et cela de façon intransigeante. Or les problèmes soulevés ne sont pas réglés, encore moins éclairés et les « biens-pensants » dont Sarkozy a fait ses adversaires sont rassérénés, alors même que leur domination morale n’est pas entamée et que leurs prescriptions n’ont pas été révisées (ainsi Sarkozy est, par exemple, le Président accueillant l’immigration la plus massive).

Sarkozy se complaît néanmoins dans la peau de cet homme qui outrepasserait le diktat des « excellences » en faisant, avec foi et énergie, le pari d’invoquer le soutien d’un Peuple qui est son dernier rempart. Cela se traduit par « Je n’ai que vous » à Élancourt, « Aidez-moi » à Villepinte. Et les tours de piste s’achèvent sur ce magnifique coup esthétique ou Sarkozy, sans ses sbires, mime sur scène le chant patriote scandé par un public dont il devient mécaniquement le porte-voix.

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Performer grandiose

Le meeting de lancement de campagne, grosse performance, annonçait, avec notamment son « On ment, on ment matin et soir » à l’intonation péremptoire, le retour en force du Sarkozy conquérant, audacieux en surface, ostensiblement seul au sommet. Depuis, les observateurs sont gâtés ; le spectacle est calibré, séduisant, envoûtant même. Il n’y aura que les militants et les idéologues bornés, petits ou grands, des camps adverses pour railler la forme. Les meetings de Sarkozy sont, avec ceux de Mélenchon, les plus offensifs, dynamiques et directs. Marine Le Pen a un ton différent, plus percutant mais parfois plus lyrique, plus théâtral aussi (inspiration de son prédécesseur ?) ; elle se comporte en oratrice téméraire et libre, quand Sarkozy est davantage solennel et Mélenchon adopte l’attitude d’un vieux chef de bande.

Sur le fond, c’est un leurre, une arnaque permanente, à un point parfois grossier. Il n’empêche, on se prend facilement à rêver d’un second mandat ou le nain Sarkozy devenu géant par expérience se transformerait en symbole et bras droit d’une Nation libre, souveraine et unie dans ses efforts.Mais la raison est là et c’est le hic : comment croire un traître et un suiveur, quand bien même le déguisement est si voluptueux.

D’ailleurs, chaque engagement de Sarkozy se fait sous condition. Et si l’Europe n’acceptait pas d’opérer des révisions mal définies ? Il y a d’abord l’improbable révision de Schengen soudain réclamée par celui qui a validé tous les processus de cette construction européenne uniformisante, dont les accords de Schengen et le traité de Maastricht furent des étapes décisives.Hormis la maîtrise des frontières communes de la Grèce et de la Turquie, les réformes promises semblent n’être citées que pour mieux être repoussées. Sur le terrain intérieur, le soutien aux PME est déjà entravé par la nécessaire approbation des dieux bruxellois (qui serait incompatible avec leurs dogmes chéris). Les frontières européennes fortes ; on attend. Le lien entre fiscalité et nationalité ; chiche !

Des années décisives

Emmanuel Todd, dans une matinale de France Inter, évoquait un « hollandisme révolutionnaire ». La vision est fondée : les circonstances pousseront le prochain Président, quel qu’il soit, à prendre des mesures nouvelles, probablement protectionnistes, peut-être austéritaires au point de concerner les éternels épargnés. Des tabous seront probablement levés, voire balayés et l’Histoire a toutes les chances de s’accélérer. De là à ce que le prochain gouvernement décide de rompre avec les dérives du néo-libéralisme et l’idéal libre-échangiste no limit d’ici 2017, il n’y a guère qu’Emmanuel Todd et les socialistes d’étiquette pour y croire ou vouloir s’y leurrer. La dissolution dans l’Union Européenne sera-t-elle ralentie ? Est-ce que cette Union deviendra le cadre de l’« Europe des Nations » ou bien sera-t-elle définitivement atlantiste et offerte ? Quand à Hollande et ses équipes, auront-ils la force de reconstruire le capitalisme ?

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Un adversaire ridicule

Le problème de la France, dit Bayrou, c’est Sarkozy ; il est probable que demain ce soit Hollande et que les mêmes viennent s’en lamenter sans pour autant songer au mea culpa ni à imaginer d’alternative solide. Hollande, « c’est un nul » et « les gens commencent à s’en rendre compte » aurait confié Sarkozy il y a une quinzaine de jours. Naturellement, cette saillie n’est pas du meilleur goût. Ce qu’elle vise, en revanche, est validé au moins sur deux aspects essentiels.

D’abord, sur le plan formel, Hollande est aussi atone que « son siamois » (dixit Marine Le Pen) est dynamique en vain. N’a-t-il pas fallu au candidat PS une sortie exubérante (les ”75% d’impositions”) pour réanimer sa campagne de plus en plus balladurienne ? D’ailleurs, hormis des journalistes déphasés comme Alain Duhamel, qui peut accorder, sans rire, à François Hollande des qualités d’orateur et une vivacité d’esprit hors-norme ?

Le jour même ou Sarkozy brillait en 42 minutes chrono, Hollande venait s’échouer devant ses partisans à Nice. Mercredi 28 mars donc, Montebourg jouait le chauffeur de salles, réduit qu’il est à être la caution ”mélenchoniste-souverainiste” de Hollande, au même titre que Borloo est la caution ”centriste sociale” de Sarkozy. Espérons de tout cœur qu’il saura infléchir la ligne d’un possible ticket Hollande-Moscovici ou Hollande-Valls. Bref, Montebourg assume la tâche sans conviction ; l’effort est là mais les effets sont fébriles. La formulation de ses fondamentaux ressemble à une récitation un peu désespérée, un peu comme une note en bas de page qui ne servirait à rien au lecteur, mais dont l’auteur espérerait qu’elle soit considérée comme le terme d’un contrat tacite. On écoute poliment, avec quelques montées d’enthousiasme… puis ce feu timide est laminé au moment ou un notable à lunettes s’enquiert de l’animation de la kermesse.

Je dois faire une confidence : je crois bien que je n’ai jamais su dépasser le cap des cinq minutes devant un meeting ou une prestation de Hollande, alors même que j’ai relevé le défi concernant Hervé Morin. Mais qui y parvient ? L’ex-Premier Secrétaire du Parti Socialiste ne fait que débiter les lapalissades, poncifs et niaiserie dégoulinantes inhérentes à la gauche molle dont il est un représentant taillé sur mesure. Ce serait peu, si à cela ne s’ajoutait pas ce débit si particulier et la médiocrité de l’allure du prétendant à l’Elysée, dont les gestes de caille convulsée achève le ridicule.

Une opposition faible et planquée

Enfin, sur le fond, Sarkozy, comme Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, n’a qu’à se saisir de la lâcheté du PS pour accabler, par extension, le candidat Hollande. En effet, l’abstention des élus PS lors de votes décisifs ruine non seulement leur crédibilité, mais aussi leur statut de principal et véritable parti d’opposition (là encore, phénomène totalement outrepassé par les commentateurs et intervenants des médias traditionnels). Concrètement, cette abstention concerne les lois impliquant la sécurité, les dispositifs antiterroristes (rappelés avec délectation par un Président sortant servi par les récents événements de Toulouse) mais aussi partiellement les signes religieux et surtout, pour les mélencho-marinistes dont je suis, le MES et les tractations dans sa lignée.

Cette honte est encore accrue par l’abstention des sénateurs ; et dans la foulée, la petite euphorie poussivement fabriquée autour du basculement du Sénat vers la Gauche apparaît plus encore comme une tromperie et une mascarade. Bouffonnerie dont se réjouissaient des stars « de gôôche » comme Jamel Debbouze, le même qui aujourd’hui prétend que la France est peuplée de « Mohamed Merah en puissance ». On appelle ça un ”collabeur” et c’est d’autant plus aisé lorsque lui-même fournit tous les éléments à charge.



6 réactions


  • Constant danslayreur 3 avril 2012 13:30

    M’énerve Hollande et son équipe, on ne fait pas face à un requin comme ça. Aubry aurait sans doute mené une toute autre campagne, pour faire court, une campagne de gagnante. Hollande lui est en passe de faire réélire Sako, merci qui ? 

    Et un autre Jospin un, brillant mais ... mat...

    échec et mat.


    • Zogarok Zogarok 3 avril 2012 23:33

      Surtout que les petites phrases très récentes (depuis ce week-end) font basculer la campagne vers quelque chose de presque comique. On peut comprendre qu’un leader doive rester sur sa réserve, redoubler de prudence ; mais incendier Sarkozy par des petites sorties mesquines et primaires, qui ne font que ridiculiser leurs auteurs, favorisent la victimisation de Sarkozy, et même cette posture de candidat anti-establishment. Au lieu de parler des affaires ou des duperies, les socialistes évoquent un sale garnement... Oui, c’est une mauvaise posture, en tout cas, pour eux il faut espérer que leurs prochaines charges soient plus ambitieuses...


  • TOUJOURS AUX ACTUALITES....MAIS DES AFFAIRES

     DE KARACHI A TOULOUSE

     91 AFFAIRES SOIT DE FRIC SOIT DE SURVEILLANCE DE L OPPOSITION ET DES JOURNALISTES
     

    CE BOUFFON EST POURRI JUSQU A LA MOELLE

    ca ne le derangerait pas un coup d’état en FRANCE C EST UN GRAND MALADE..


  • lloreen 3 avril 2012 22:26

    Une ONG porte plainte contre Sarkozy pour faux et usage de faux.
    http://www.blogtalkradio.com/radio-la-voix-d-afrique/2012/03/31/les-grandes-interviews

    L’association SOS-JUSTICE porte plainte devant le tribunal de Nice pour s’opposer à la rééleciton de Nicolas Sarkozy.
    Pétition en ligne.
    Merci de diffuser autour de vous !
    http://www.dossiers-sos-justice.com/archive/2012/03/27/petition-plainte-contre-nicolas-sarkozy-de-nagy-bocsa-dit-ni.html


  • NOJ71 3 avril 2012 23:07

    Les élucubrations de l’auteur, qui se définit comme un« mélencho-mariniste », n’ont rien à faire ici.


    • Zogarok Zogarok 3 avril 2012 23:27

      Dans le genre péremptoire, vous vous posez là (avec le « rien à faire ici » de brigadier des débats) ! Rassurez-vous, je n’ai dit « dont je suis » que parce que ça ressemblait à quelque chose qui pouvait définir ma « position » (c’est un peu gros mais pas plus que de se dire « de gauche » - et puis s’en va).


      Enfin, je viens de voir vos commentaires... votre sens de la nuance m’a bluffé, votre indépendance aussi...



      Bon, la prochaine fois, je fais un article pro-Hollande ou pro-Mélenchon, sans aucune mesure, et surtout avec une pincée d’antisarkozysme bourrin. J’ai bien compris que ce n’était pas assez, qu’il faut condamner de façon catégorique et univoque pour ne pas être suspect... 

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