mardi 18 février - par Giuseppe di Bella di Santa Sofia

Le roi qui aimait trop Hitler : l’abdication d’Édouard VIII, un acte politique masqué en scandale romantique

L'histoire d'amour entre Édouard VIII et Wallis Simpson a captivé le monde entier. L'abdication d'un roi pour épouser la femme qu'il aimait, une Américaine deux fois divorcée, a nourri les chroniques royales pendant des décennies. Mais derrière cette romance scandaleuse se cache une réalité bien plus trouble. En effet, des documents déclassifiés et des témoignages récents révèlent que l'abdication d’Édouard VIII était avant tout une question de sécurité nationale, liée à ses sympathies pro-nazies et à ses ambitions politiques dangereuses pour la Couronne britannique.

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Un jeune roi anticonformiste... et admirateur du régime nazi

Édouard VIII, âgé de 41 ans, monte sur le trône britannique le 20 janvier 1936, à la mort de son père, George V. Prince de Galles moderne et populaire, il rompt avec le protocole et s'intéresse au sort des classes ouvrières, durement touchées par la crise économique. Mais derrière cette image progressiste, se cache un homme aux convictions profondément conservatrices, voire réactionnaires. Dès les années 1930, il exprime son admiration pour l'ordre et la discipline incarnés par l'Allemagne nazie et son leader, Adolf Hitler.

 

 

Pour Édouard VIII, le Führer est un rempart contre le bolchevisme, un danger qu'il considère comme la principale menace pour l'Europe. Il multiplie les déclarations controversées et les rencontres avec des dignitaires nazis, au grand dam du gouvernement britannique. Ses propos sont rapportés à Londres par les services secrets, qui s'inquiètent de l'influence grandissante de l'idéologie nazie sur le roi. Winston Churchill, alors député et critique virulent du régime nazi, exprime à plusieurs reprises ses vives préoccupations quant aux sympathies d’Édouard VIII pour Adolf Hitler.

La relation d’Édouard VIII avec Wallis Simpson, commencée en 1934, ajoute une dimension explosive à cette situation déjà préoccupante. Divorcée à deux reprises, cette Américaine élégante et mondaine est jugée inacceptable par l'Église anglicane, dont le roi est le chef suprême. Le gouvernement britannique, mené par le Premier ministre Stanley Baldwin, s'oppose fermement au mariage et met en garde le roi contre les conséquences de son obstination.

 

The Abdication Crisis: Stanley, David & Democracy – RGS History

 

Un mariage impossible et une abdication forcée

Le désir d’Édouard VIII d'épouser Wallis Simpson provoque une crise constitutionnelle sans précédent. Le gouvernement britannique, soutenu par l'Église anglicane et une partie de l'opinion publique, s'oppose catégoriquement à cette union. Stanley Baldwin propose un compromis : un mariage morganatique, où Wallis Simpson ne serait pas reconnue comme reine. Mais Édouard VIII refuse, déclarant qu'il ne peut régner sans la femme qu'il aime.

 

Wallis Simpson, 1936

 

L'impasse est totale. Le 10 décembre 1936, quelques mois avant son couronnement, Édouard VIII signe l'acte d'abdication, renonçant au trône pour lui et ses descendants. Son frère Albert, qui prend le nom de George VI, lui succède. Le lendemain, Édouard VIII prononce un discours d'adieu à la nation, dans lequel il explique sa décision : "J'ai trouvé impossible de porter le lourd fardeau de responsabilités et de remplir mes devoirs de roi comme je le souhaiterais sans l'aide et le soutien de la femme que j'aime."

 

Edward VIII Abdication speech

 

L'abdication d’Édouard VIII est un événement majeur dans l'histoire de la monarchie britannique. Elle marque la fin d'un règne bref et controversé, et ouvre une nouvelle ère pour la Couronne. Mais derrière le scandale médiatique et la romance impossible, se cache une réalité bien plus complexe. Les sympathies nazies d’Édouard VIII, ses ambitions politiques et ses relations avec le régime hitlérien ont joué un rôle déterminant dans sa chute.

 

Un voyage controversé en Allemagne nazie

Quelques mois après son abdication, Édouard VIII, devenu duc de Windsor, épouse Wallis Simpson en France. Le couple mène une vie mondaine, fréquentant les cercles de l'aristocratie et de la jet-set internationale. Mais le duc de Windsor n'a pas renoncé à ses sympathies pour le régime nazi. En octobre 1937, il se rend en Allemagne avec son épouse pour un voyage officiel d’une durée de 12 jours.

 

When the Duke of Windsor met Adolf Hitler - BBC News

 

Au cours de ce séjour controversé, le duc de Windsor rencontre Adolf Hitler à Berchtesgaden, visite des usines et des installations militaires, et se laisse photographier faisant le salut nazi. Cette visite provoque un tollé en Grande-Bretagne et confirme les soupçons sur ses fortes sympathies pro-nazies. Le gouvernement britannique est furieux et craint que le duc de Windsor ne soit utilisé par le régime nazi à des fins de propagande, d'autant plus qu'il a rencontré Joseph Goebbels, bras droit du Führer et ministre de la Propagande.

 

How Winston Churchill protected Hitler's Nazi King of England – People's  World

 

Le duc de Windsor affirme qu'il s'agit d'un voyage privé, mais pour beaucoup, il s'agit d'un acte de trahison. Ses relations avec le régime nazi sont désormais évidentes, et il est perçu comme une menace potentielle pour la sécurité nationale. Le gouvernement britannique décide de le tenir à l'écart des affaires du pays et de limiter son influence.

 

L'opération Willi : un complot nazi pour manipuler le duc de Windsor

L'inquiétude du gouvernement britannique face aux sympathies pro-nazies du duc de Windsor s'intensifie avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939. Le couple se trouve alors en France, où il risque d'être capturé ou influencé par les Allemands. C'est dans ce contexte que l'opération Willi est mise en place par les services secrets nazis.

Dirigée par Walter Schellenberg, un jeune et ambitieux officier SS, l'opération Willi vise à kidnapper le duc de Windsor et à le convaincre de collaborer avec l'Allemagne nazie. Le plan initial est de le persuader de se rendre en Allemagne en lui promettant une position de pouvoir dans une Europe dominée par le Troisième Reich, voire de le réinstaller sur le trône britannique.

 

Schellenberg, Walter - Enciclopedia - Treccani

 

Les nazis exploitent les frustrations du duc de Windsor, qui nourrit des rancœurs envers sa famille et le gouvernement britannique depuis son abdication. Ils lui font miroiter la possibilité de prendre sa revanche et de jouer un rôle majeur sur la scène internationale. Des émissaires nazis sont envoyés auprès du duc de Windsor pour le sonder et le persuader de rejoindre leur cause.

Cependant, le duc de Windsor se méfie des nazis et hésite à franchir le pas. Il est conscient des risques qu'il prend et des conséquences potentielles de ses actes. De plus, il est informé des intentions des nazis par les services secrets britanniques, qui le surveillent de près. Le gouvernement britannique fait pression sur le duc de Windsor pour qu'il quitte l'Europe et se mette à l'abri de l'influence allemande.

 

Un exil forcé aux Bermudes

En juillet 1940, alors que les troupes allemandes progressent en France, le duc de Windsor et Wallis Simpson fuient vers l'Espagne, puis le Portugal. Le gouvernement britannique craint que le duc de Windsor ne soit capturé par les nazis et utilisé comme un outil de propagande. Winston Churchill, devenu Premier ministre, ordonne son éloignement immédiat de l'Europe.

Le duc de Windsor est nommé gouverneur des Bermudes, un poste éloigné de l'Europe et des centres de pouvoir. Cette nomination est perçue comme un exil forcé, mais le duc de Windsor n'a pas d'autre choix que de l'accepter. Il quitte l'Europe à contrecœur, conscient qu'il est mis à l'écart et que ses ambitions politiques sont brisées.

 

 

Aux Bermudes, le duc de Windsor est étroitement surveillé par les services secrets britanniques, qui craignent qu'il ne soit impliqué dans des activités de collaboration avec l'ennemi. Des documents déclassifiés révèlent que les nazis n'ont pas abandonné l'idée de l'utiliser à des fins de propagande et continuent de le courtiser. Mais le duc de Windsor, isolé et surveillé, ne peut plus jouer aucun rôle politique.

L'opération Willi est un échec pour les nazis, mais elle révèle l'étendue de leurs ambitions et leur volonté de manipuler toutes les faiblesses de leurs ennemis. Cet épisode ternit définitivement la réputation du duc de Windsor et confirme les soupçons sur ses sympathies pro-nazies. 

Le duc de Windsor a toujours nié avoir été au courant de ce plan et a affirmé sa loyauté envers la Grande-Bretagne. Cependant, ses sympathies nazies et ses relations avec le régime hitlérien ont jeté une ombre sur sa réputation et ont fait de lui une figure controversée de l'histoire britannique.

 

Duc et duchesse de Windsor, vers 1938 | Unbekannt

 

Après la guerre, le duc et la duchesse de Windsor continuent de mener une vie mondaine à Paris, mais ils sont totalement exclus de la vie officielle britannique et ne reviennent que très rarement en Grande-Bretagne, où il ne sont pas du tout les bienvenus.
 

 

"Nous sommes profondément préoccupés par les sympathies du duc de Windsor pour le régime nazi. Il représente une menace pour la sécurité nationale."

 

Rapport des services secrets britanniques, 1940

 

 



9 réactions


  • Fergus Fergus 18 février 09:40

    Bonjour, Giuseppe

    Je pense que l’abdication a résulté de l’addition des deux problèmes : la farouche volonté d’Edouard VIII d’épouser Wallis Simpson, et sa sympathie concomitante pour le régime nazi.

    Je crois toutefois que c’est bien sa relation avec l’Américaine qui a été déterminante, le pouvoir britannique ayant parfaitement les moyens institutionnels de museler d’éventuels soutiens du roi à Hitler.


    • @Fergus

      Bonjour Fergus. Merci pour votre commentaire. Effectivement, je pense aussi que l’abdicartion a résulté de l’addition du véritable amour qu’Edouard VIII portait à Wallis Simpon et de ses sympathies (je trouve le mot trop faible) pour le régime nazi.

      Par contre, je crois que l’élément déterminant à été ses relations troubles avec le régime hitlérien. Il y a quelques années, j’étais de votre avis. Mais depuis que de nombreux éléments ont été déclassifiés, je pense qu’il représentait un véritable danger pour la Grande-Bretagne. Winston Churchill, qui n’était pas encore Premier ministre, a été le premier à s’inquiéter des fréquentations du roi. C’est lui qui l’a nommé gouverneur des Bermudes, avec l’accord de son frère George VI, pour être certain qu’il ne soit pas en contact avec les nazis. Le duc de Windsor a été dans l’obligation d’accepter ce poste qui ne lui plaisait pas du tout. 


  • Eric F Eric F 18 février 19:50

    J’ai lu il y a quelques années le livre « l’Abdication » d’Alain Decaux sur ce souverain et son abdication, il m’est apparu pour le moins indulgent à son égard.


    • @Eric F

      Merci pour votre commentaire. Le livre d’Alain Decaux, historien à qui je dois beaucoup, a été publié en 1995. Il est toujours dans ma bibliothèque. A cette époque, j’étais également indulgent à l’égard d’Edouard VIII. Je pensais qu’il s’agissait d’une histoire d’amour impossible uniquement. Mais, depuis 30 ans, des documents ont été déclassifiés et montrent clairement que l’ancien roi avait de réelles sympathies pour le régime hitlérien. 

      De plus, son voyage « privé » en 1937 pose également de sérieuses questions. Le duc et la duchesse de Windsor ont été reçus avec le protocole réservés à des Chefs d’Etat, alors qu’ils ne représentaient plus rien. J’imagine mal Adolf Hitler perdre son temps pour accueillir personnellement, dans la résidence privée des Alpes bavaroises, des invités sans importance. De plus, le duc de Windsor a rencontré tous les plus hauts dirigeants du IIIe Reich, dont Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande et bras droit du Führer.


    • Eric F Eric F 20 février 10:11

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia
      Si je me souviens bien, l’argument d’indulgence était qu’ils s’étaient fait leurrer sur la réalité du nazisme. Il est du reste exact qu’en 37 celui-ci n’avait pas encore mis en application la guerre totale et les camps d’extermination, les contemporains d’alors ne connaissaient pas la suite qui constitue notre critère de jugement.


  • Seth 19 février 14:44

    Ceci dit c’était un couple très laid et guère royal : elle ressemblait à une ménagère peu sexy avec ses sourcils qui tombaient et ses lèvres trop minces et lui à un ado attardé bien qu’il ait eu la réputation d’être coureur. Pas seulement des meufs d’ailleurs...

    Mais elle devait avoir des qualités qui ne se révélaient que dans l’intimité.  smiley


    • @Seth

      Quand j’étais beaucoup plus jeune, je trouvais que ce couple était un symbole de l’amour sincère et véritable. J’ai changé d’avis, beaucoup plus tard. En effet, le duc de Windsor faisait l’objet de certaines rumeurs sur ses préférences sexuelles. J’admirais la duchesse de Windsor, jusqu’à sa mort en 1986. Malgré tout, je trouvais qu’elle n’était pas jolie. Mais j’attache plus d’importance à la beauté du coeur, la vraie beauté de l’être humain. 

      Par contre, la famille royale britannque a vraiment été très mesquine à l’égard du duc et de la duchesse de Windsor, jusqu’à la fin. La duchesse de Windsor n’a jamais eu droit au prédicat d’altesse royale et elle en a beaucoup souffert. 

      Finalement, le roi Charles III, quelques décennies plus tard, a été autorisé à épouser une femme divorcée avec des enfants. Et aujourd’hui, elle est même reine consort...


    • Eric F Eric F 20 février 11:23

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia
      Les critères victoriens ont perdurés jusqu’à récemment, il fallait sauver les apparences et rester discret sur les écarts. La reine Elisabeth II en était encore imprégnée au début, mais a du mettre de l’eau dans son brandy en voyant sa famille aller à vau l’eau.
      Concernant Mrs Simpson, outre la situation privée, la famille considérait qu’elle avait une influence néfaste sur lui, y compris par ses relations politiques, mais pas que.


    • Seth 20 février 15:04

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia

      La beauté du coeur de la mère Simpson et de son regard froid ne sautait pas aux yeux. Drôle de choix.

      Pour le prédicat il n’était pas envisageable en ce temps-là qu’on put qualifier la roture d’altesse.

      Les choses ont changé depuis et c’est une source non négligeable de publicité, chose dont Windsor ont toujours été friands.

      La mère Camilla est une lady. Mézoui. Voilà comment elle est vue (représentation de la brigeou inenvisageable en France), jurant buggeration et fuck, expliquant que les écharpes trempent dans les toilettes et recherchant des dessous en tweed.  smiley

      https://www.youtube.com/watch?v=AsJ5Qj6ySfg


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