lundi 5 novembre 2018 - par Hamed

Le sens des guerres dans l’évolution du monde. L’âge nucléaire mènera-t-il l’humanité vers un monde sans guerre, un monde plus uni ?

 Blaise Pascal, philosophe français du XVIIème siècle, dans Preuves par discours II (Fragment n° 1 / 7), a écrit :

 

« Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi‑même. Je suis dans une ignorance terrible de toutes choses. Je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle‑même, et ne se connaît non plus que le reste. Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’en un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit. »
 

 

  1. Les guerres, un phénomène naturel dans l’histoire humaine ?

 

 Que peut-on dire de cette vision philosophique que Blaise Pascal a de lui et du monde ? Un génie humain précoce mais demeure qu’il est et reste un homme comme tous les autres hommes. Tous les hommes ne peuvent être penseurs, on n’est penseur que si les conditions le permettent et qu’on l’est. Et dans un certain sens, c’est le destin qui l’a mis à penser son être. Blaise Pascal pense au sens de son existence. Mais il n’a pas de réponse. Et, avant lui, Descartes s’est posé la même question. Il a simplifié en énonçant : « Cogito ergo sum ». Ce qui signifie : « Je pense, donc je suis ». Et tous les humains pensent, donc ils sont. Notre existence repose sur notre pensée.

 

Des questions que l’on peut poser sur l’humain et même sur l’humanité entière. Par exemple, Blaise Pascal a-t-il choisi d’être un penseur de son temps ? Mathématicien, physicien, inventeur et philosophe. De même René Descartes. A-t-il choisi d’être mathématicien, physicien et philosophe ? Non, c’est arrivé. Les hommes sont ce qu’ils sont, ils sont devenus ce qu’ils sont. Tout homme de sa naissance ne peut savoir ce qu’il peut devenir. Précisément, c’est là l’inconnue de l’existence pour tout homme, pour tout peuple. Un homme peut avoir une profession, un travail, un foyer, comme il peut ne pas avoir ce à quoi il aspire bien que pourtant il existe et vit même s’il y arrive difficilement. De même, un peuple peut réussir, et un autre peuple ne réussit pas, et pire celui-ci peut même être dominé, colonisé comme le furent les siècles passés, un grand nombre de peuples d’Afrique et d’Asie. 

 

L’existence de l’homme et des peuples est-elle alors chaotique ? N’est-elle pas prédéterminée ? Puisque des hommes, des peuples dominent et d’autres sont d’une manière ou d’une autre dominés. Et s’il existe un ordre de progrès en marche dans le développement du monde ? Et on le constate aujourd’hui avec la Corée du Sud, un pays sous-développé il y a 60 ans, un pays colonisé, et aujourd’hui une puissance industrielle classée 11ème dans le rang mondial, selon les dernières données de la Banque mondial. Et d’autres ex-colonies, ou ex-pays dominés par les puissances occidentales comme la Malaisie, Hong-Kong, Singapour, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud ont émergé et sont aujourd’hui des puissances économiques à part entière. Donc il existe bien un développement positif du monde.

 

Dès lors comment comprendre cette domination ? Cette domination n’est-elle pas inhérente à la pensée de l’homme ? De même, cette libération n’est-elle pas inhérente à l’homme ? Dans les deux cas, domination et libération de la domination relève de la pensée de l’homme. Pour comprendre le processus dynamique de cette domination-libération, il faut se poser la question pourquoi les hommes, qui sont des êtres pensants, se combattent-ils ? Pourquoi se font-ils la guerre ? Est-ce que ce sont leurs pensées qui les poussent à faire la guerre ? Forcément, puisque les hommes sont actifs et sont organisés en communautés, en nations, des différends peuvent les opposer, portant sur des enjeux économique, stratégique, religieux, ou autre. Souvent chaque nation se méfie ou jalouse l’autre. Elles sont en compétition les unes contre les autres. Par les avancées technologiques et industrielles, la puissance militaire, les territoires conquis, la puissance démographique, la diversité de langues, la croissance économique, les différences culturelles. Toutes les nations se trouvent selon le niveau de puissance auquel elles sont arrivées à s’épier pour parer à un risque de pénétration belliqueuse, d’invasion, de morcellement du territoire et de son partage entre les nations plus puissantes. Donc un affaiblissement, une dégradation économique d’une nation qui se répercute sur sa puissance militaire devient une remise en question de sa souveraineté.

 

On comprend donc que les guerres ne sont pas un luxe mais une nécessité. Elles sont inscrites dans l’inconscient collectif des nations. Sans une puissance économique et militaire dissuasive, les nations peuvent être envahies, morcelées et partagées. Un cas très récent depuis 2011, avec l’irruption du « printemps arabe », la Syrie a été à deux doigts d’être partagée en trois pays, une entité sunnite, une entité chiite et une entité kurde. Elle n’a été sauvée in extrémis que par l’intervention militaire russe qui a contrebalancé et neutralisé l’invasion de la Syrie par des groupes djihadistes extérieurs aidée par les bombardements aériens de la coalition occidentale sous le prétexte de la lutte contre l’Etat islamique. Et même l’intervention russe a été motivée pour préserver ses acquis en l’occurrence ses bases militaires en Syrie. Donc toute guerre est motivée par des enjeux géostratégiques et géoéconomiques. Que ce soit pour une partie ou pour la partie adverse.

 

Aussi, peut-on dire que les guerres sont un phénomène naturel de l’histoire humaine. Les causes comme les conséquences se rejoignent dans la pensée même des hommes. Ils se combattent non pour se combattre, mais se combattent par peur que chaque nation ait de l’autre. Parce que chaque nation veut dominer l’autre. Ce désir, cette volonté de domination qui créé la guerre chez autrui est inné chez l’homme. Ce n’est pas parce que l’homme en tant qu’être pensant et dispose d’un instinct humain, celui-ci le différencie de l’instinct animal. En l’homme, vit l’animal avec ses instincts qu’il ne peut maîtriser par la pensée, parce que sa pensée elle-même à la fois relève et est en adéquation avec l’hostilité de l’existence. Et dans cette hostilité de l’existence, la pensée de l’homme doit frayer un espace pour l’acheminer vers une socialisation, une humanisation de son existence. Mais cela passe à la fois par des stades et par la Pensée qui pense l’homme.
 

 

  1. Les guerres continuelles en Europe, fatalité ou processus prédéterminé par l’histoire de l’Europe

 

 

 Il existe donc dans la guerre une intention de peur de l’autre. Et ce fait n’est pas propre aux nations, il s’adresse aussi à l’individu, aux communautés, comme, par exemple, des communautés qui ne fusionne avec les autres communautés au sein d’une même nation. Précisément, cette peur en l’être ou dans une nation est innée en l’homme, et paradoxalement donne un sens à l’existence. Si on suppose que la peur de l’autre en l’humain n’existait pas, y aurait-il un sens à l’existence ? Si les individus, les peuples et les nations ne se craignaient pas les uns des autres, y aurait-il un dépassement de soi, une victoire sur sa propre peur de l’autre ? Et de l’autre sa propre victoire sur son semblable ? C’est là tout le sens de l’existence de l’homme qui de dépassement en dépassement de soi de sa propre peur se hisse à son humanité d’être. Telle peut se concevoir la finalité de l’existence qui est de viser la paix avec son semblable. Vivre en paix avec l’autre, vivre en harmonie avec l’autre, cela doit passer par des stades imposés par le processus existentiel qui s’érige en fin de compte en « loi humaine de dépassement vers son humanisation ». L’homme perd de plus en plus son animalité, en s’élevant à son humanité. Donc l’homme se pacifie, s’humanise avec lui-même et avec l’autre.

 

Pour étayer ce discours, « écoutons » les mots de Voltaire, dans « Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, CXCVII, 1756 ». « Les arts, qui adoucissent les esprits en les éclairant, commencèrent un peu à renaître dès le XIIe siècle ; mais les plus lâches et les plus absurdes superstitions, étouffant ce germe, abrutissaient presque tous les esprits ; et ces superstitions, se répandant chez tous les peuples de l’Europe ignorants et féroces, mêlaient partout le ridicule à la barbarie. [...]
 Une autre source qui a fait couler tant de sang a été la fureur dogmatique ; elle a bouleversé plus d’un État, depuis les massacres des Albigeois au XIIIe siècle, jusqu’à la petite guerre des Cévennes au commencement du XVIIIe. Le sang a coulé dans les campagnes et sur les échafauds, pour des arguments de théologie, tantôt dans un pays, tantôt dans un autre, pendant cinq cents années, presque sans interruption ; et ce fléau n’a duré si longtemps que parce qu’on a toujours négligé la morale pour le dogme. [...]
 On peut demander comment, au milieu de tant de secousses, de guerres intestines, de conspirations, de crimes et de folies, il y a eu tant d’hommes qui aient cultivé les arts utiles et les arts agréables en Italie, et ensuite dans les autres États chrétiens. C’est ce que nous ne voyons point sous la domination des Turcs. [...] 

Au milieu de ces saccagements et de ces destructions que nous observons dans l’espace de neuf cents années, nous voyons un amour de l’ordre qui anime en secret le genre humain, et qui a prévenu sa ruine totale. C’est un des ressorts de la nature qui reprend toujours sa force ; c’est lui qui a formé le code des nations ; c’est par lui qu’on révère la loi et les ministres de la loi dans le Tunquin et dans l’île Formose, comme à Rome. Les enfants respectent leurs pères en tout pays ; et le fils en tout pays, quoi qu’on en dise, hérite de son père car si en Turquie le fils n’a point l’héritage d’un timariot, ni dans l’Inde celui de la terre d’un omra, c’est que ces fonds n’appartenaient point au père. Ce qui est un bénéfice à vie n’est en aucun lieu du monde un héritage ; mais dans la Perse, dans l’Inde, dans toute l’Asie, tout citoyen, et l’étranger même, de quelque religion qu’il soit, excepté au Japon, peut acheter une terre qui n’est point domaine de l’État, et la laisser à sa famille. J’apprends par des personnes dignes de foi, qu’un Français vient d’acheter une belle terre auprès de Damas, et qu’un Anglais vient d’en acheter une dans le Bengale. [...]
 Puisque la nature a mis dans le cœur des hommes l’intérêt, l’orgueil, et toutes les passions, il n’est pas étonnant que nous ayons vu, dans une période d’environ dix siècles, une suite presque continue de crimes et de désastres. Si nous remontons aux temps précédents, ils ne sont pas meilleurs. La coutume a fait que le mal a été opéré partout d’une manière différente. [...]
 Dans quel état florissant serait donc l’Europe, sans les guerres continuelles qui la troublent pour de très légers intérêts, et souvent pour de petits caprices ! Quel degré de perfection n’aurait pas reçu la culture des terres, et combien les arts qui manufacturent ces productions n’auraient-ils pas répandu encore plus de secours et d’aisance dans la vie civile, si on n’avait pas enterré dans les cloîtres ce nombre étonnant d’hommes et de femmes inutiles ! Une humanité nouvelle qu’on a introduite dans le fléau de la guerre, et qui en adoucit les horreurs, a contribué encore à sauver les peuples de la destruction qui semble les menacer à chaque instant. C’est un mal à la vérité très déplorable, que cette multitude de soldats entretenus continuellement par tous les princes ; mais aussi, comme on l’a déjà remarqué, ce mal produit un bien : les peuples ne se mêlent point de la guerre que font leurs maîtres ; les citoyens des villes assiégées passent souvent d’une domination à une autre, sans qu’il en ait coûté la vie à un seul habitant ; ils sont seulement le prix de celui qui a eu le plus de soldats, de canons, et d’argent. [...]
 Les guerres civiles ont très longtemps désolé l’Allemagne, l’Angleterre, la France ; mais ces malheurs ont été bientôt réparés, et l’état florissant de ces pays prouve que l’industrie des hommes a été beaucoup plus loin encore que leur fureur. Il n’en est pas ainsi de la Perse, par exemple, qui depuis quarante ans est en proie aux dévastations ; mais si elle se réunit sous un prince sage, elle reprendra sa consistance en moins de temps qu’elle ne l’a perdue. [...]
 Quand une nation connaît les arts, quand elle n’est point subjuguée et transportée par les étrangers, elle sort aisément de ses ruines, et se rétablit toujours.
 »

 

Voltaire n’a fait ici que montrer la nature même des peuples dans leur contexte géographique, démographique, culturel et religieux. C’est toujours les guerres continuelles qui ont marqué l’Europe non pas parce qu’il y a quelque fatalité qui pèse sur elle, mais simplement parce que ce phénomène de peur adverse était ce qui la décrivait par rapport aux autres peuples-nations de la terre. L’Europe, constituée de peuples pourtant très proches, peu différents ethniquement, mais sur le plans linguistique était une mosaïque de langues. Or, cette différence de langues les a façonnés tels qu’ils ne pouvaient être en paix. Chaque nation européenne cherchait à envahir l’autre. Leurs peuples soumis aux monarques réduits à l’état de servage ne pouvaient influer sur leur destin. Laissant le champ libre aux ambitions des monarques d’Europe. Donc une situation naturelle que cette peur existentielle omniprésente de l’autre caractérisant à l’époque les relations entre les monarchies d’Europe. Chaque monarque apparaissait pour ainsi dire le sauveur de son peuple.

 

Et Voltaire n’a pas pensé que « les guerres continuelles avaient un sens, qu’elles étaient un ultime combat pour les nations faibles de se défendre contre les nations fortes  », et que ce processus était dans l’ordre du Temps de l’époque, et dans l’Ordre de la Pensée du monde. Par conséquent, les guerres étaient une nécessité. D’autre part, grâce aux progrès technologiques, industriels, démographiques, militaires, et les guerres en son sein qui sont venus dopés sa puissance militaire que l’Europe va étendre durant cinq siècles cette peur existentielle au reste du monde qui l’élèvera progressivement au-dessus des autres peuples du monde. Les Amériques, l’Afrique et une partie de l’Asie étaient colonisées par elle.

 

Mais, à la fin du XVIIIème siècle et début du XIXème siècle, la situation va se renverser pour l’Europe. Les guerres qui opposaient les puissances monarchies européennes en Europe et dans leurs colonies vont permettre aux colons, descendants européens de s’émanciper de leurs tutelles européennes et déclarer leur indépendance. Tout d’abord la guerre de sept ans (1756-1763), une guerre semi-mondiale qui opposa les puissances européennes en Europe, en Amérique et en Asie. Elle sera suivie par l’indépendance des États-Unis en 1776. Ensuite, après la révolution française de 1789, profitant des invasions napoléoniennes, les colons européens en Amérique du Sud s’émancipèrent de la tutelle coloniale européenne. Le Mexique accède à l’indépendance, déclarée en 1813 et reconnue en 1836, le Chili en 1810, l’Argentine en 1816, le Brésil 1822, le Pérou en 1821, la Bolivie en 1925, l’Équateur en 1822. Les pays d’Amérique centrale, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Costa-Rica, sont tous indépendants le 15 septembre 1821.

Si les États-Unis sont indépendants en 1776, et donc dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, ils seront rejoints moins de 50 ans plus tard, au XIXème siècle, par les États d’Amérique centrale et du Sud. Il apparaît donc que les guerres ont joué un rôle salvateur pour les peuples.
 

 

  1. La libération des peuples ne peut-elle venir que par la guerre ? Les Nécessités de l’histoire

 

 Ainsi on constate que la guerre de sept ans ainsi que les guerres napoléoniennes ont, en affaiblissant les puissances européennes, permis aux colons américains de s’émanciper de leurs tutelles européennes. Si les puissances européennes ont certes régné en maître sur les Amériques, il demeure que les rivalités entre les puissances européennes et les guerres continuelles qu’ils se faisaient les desservaient au fur et à mesure que l’histoire avançait. Entre temps, les peuples assujettis à leur puissance mûrissaient et aspiraient de prendre en main leur destin. Et c’est ce qui explique que les guerres continuelles entraient dans un certain sens dans les « lois de la Nécessité », des lois « herméneutiques » que les puissances prises dans le feu de l’action et l’ambition de dominer ne pouvaient « comprendre ». Les puissances ne pouvaient faire la guerre et savoir dans l’absolu pourquoi elles faisaient la guerre. C’est tout simplement antinomique, et c’est la raison pour laquelle les puissances ne pouvaient avoir connaissance sur ce qu’il pouvait résulter de la guerre.

 

Ceci étant, que va-t-il résulter pour les autres peuples encore colonisés ou sous protectorat ? Des pays qui sont sans droits, utilisés comme chair à canon, exploités à outrance et n’ayant pas de dignité humaine ? Le colonisateur étant plénipotentiaire ayant droit de vie et de mort sur eux. D’où va venir la lucarne d’espoir pour les peuples d’Afrique et d’Asie ? Il est évident que le même processus va s’opérer. Seule la guerre est libératrice, et « elle devait venir du centre mondial, c’est-à-dire l’Europe. » D’autant plus que les progrès technologiques et industriels dans les armements ont explosé, entre le XIXe et le XXe siècle.

 

Pour comprendre le processus opératoire dans ses grandes lignes, il faut se rappeler la guerre de sept ans qui a eu lieu entre 1756-1763. Pareillement de nouveaux événements voire similaires vont faire irruption environ 100 ans plus tard. La Prusse allemande cherchait l’unification de l’Allemagne autour d’elle, au cours des années 1860, et la France voyait d’un mauvais œil cette unification. On comprend fort bien l’inquiétude de la France, une unification de l’Allemagne changerait l’équilibre de puissance en Europe.

 

Cependant le processus d’unification de l’Allemagne relève de l’évolution de l’histoire de l’Europe. Il était « innée », « nécessaire » liée à l’évolution de l’Europe qui s’est structurée en grands empires. Comme d’ailleurs les pays d’Europe se sont regroupés dans l’Union européenne pour faire face à la configuration mondiale actuelle dominée par les grands ensembles d’États « unis ».

 

En déclarant la guerre à la Prusse le 19 juillet 1970, la France ne savait qu’elle ne faisait qu’accélérer le processus de l’Histoire. Six mois plus tard après le début des hostilités, une partie de la France est occupée, et Paris est partiellement occupé. Ironie de l’histoire, l’unification de l’Allemagne est proclamé le 18 janvier 1871, dans la galerie des Glaces du château de Versailles (région parisienne).

 

Mais l’avènement d’une Allemagne unie et surtout victorieuse d’un des plus grands empires d’Europe va bouleverser l’ordre impérial européen. Et celui-ci a été dominé jusqu’à cette date par les empires anglais, français et russe. On comprend dès lors les conséquences de cette unification, surtout que l’Italie a fait de même. Elle a opéré son unification la même année, en 1870. Moins de 50 ans passeront qu’une Première Guerre mondiale éclatera. Là encore le concept de guerre libératrice se confirme de nouveau. Les grandes puissances font la guerre mais ne savent dans l’absolu ce qu’il adviendra de la guerre. C’est ainsi qu’après la guerre 1914-1918, quatre empires se sont écroulés. L’empire allemand, russe, austro-hongrois, et ottoman. Dix États naîtront suite aux accords du traité de Versailles, en 1919. La Pologne recouvre son indépendance. Les trois pays baltes (Lituanie, Estonie, Lettonie), la Finlande, la Tchécoslovaquie et la Hongrie deviennent indépendants. L’Autriche naît suite au démantèlement de l’empire austro-hongrois. La Yougoslavie deviendra indépendante, elle réunira le royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Dantzig devient une ville libre. Le nombre d’États en Europe passera de 25 à 35. Quant à l’empire russe, il est emporté par la révolution russe en 1917. L’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) naît le 30 décembre 1922.

 

Au début des années 1920, le monde a fortement changé. Les États-Unis ont joué un rôle majeur dans l’histoire de l’Europe, au XXe siècle. C’est leur appui au cours de la Première guerre mondiale qui sauva les alliés au moment où la Russie fut emportée par la tourmente révolutionnaire. De plus ils ont apporté leur aide à l’Europe pour se reconstruire et même ont cherché à prévenir les conflits futurs. Mais la paix à peine signée, en 1919, que les conflits idéologiques en Europe ont commencé à se faire sentir. La montée des régimes politiques totalitaires, la formidable poussée communiste que le désordre et le mécontentement va féconder va mettre en péril les régimes politiques libéraux. Et ce processus historique était tout à fait normal, « naturel », du fait même qu’une guerre qui se terminait sur fond de pays vainqueurs et pays vaincus ne pouvait rester en l’État. Un rééquilibre des puissances, par l’essence même de la nature humaine, était inévitable. Les peuples ne peuvent se plier, c’est une loi de la nature. L’homme dès sa naissance est créé libre. S’il se plie face aux contingences qu’il ne peut commander, il attendra ces mêmes contingences qui, évoluant par l’histoire, viendront le libérer de son état antérieur.

 

Par conséquent, tout ce qui se passait dans les années 1920 était rationnel. C’est l’évidence même, « n’existe que ce qui doit exister par l’essence même du monde. » Pour la simple raison que si un homme naisse, c’est qu’il doit naître, si une guerre éclate, c’est qu’elle doit éclater. Et aucune puissance ne peut l’arrêter, sauf bien sûr la Puissance qui transcende l’homme. La révolution russe en 1917 n’était pas venue ex nihilo, ce sont les peuples que ce soit en Russie, en France et ailleurs qui ont cherché à se libérer de l’absolutisme monarchiste. Les peuples d’Europe ont mûri, ils ne veulent plus servir de chair à canon, ils veulent prendre leur destin en main. A la réponse révolutionnaire communiste qui a fait tomber le régime impérial tsariste en Russie, les autres pays d’Europe vont prévenir la menace et ériger à leur tour des barrières à la fois socialistes et nationalistes. Le « national-socialisme » sera dans l’air du temps, sponsorisé en sous-main par l’intelligentsia libérale. Pour les peuples, il sera une réponse à l’angoisse de la guerre, donc à la peur de l’autre des autres siècles qui revenait en puissance. Et ce malgré que l’Europe régnait sur le monde. Pourquoi ? Parce que les heurts entre peuples et gouvernants étaient dans son sein, motivés par cette volonté de grandeur, de domination et de partage du reste du monde.

 

C’est ainsi que le fascisme en Italie, le nazisme en Allemagne qui sont des régimes totalitaires étaient une réponse pour les peuples à la peur de l’autre puisqu’il n’y a que des peuples vainqueurs et des peuples vaincus. Et un peuple vaincu doit-il ou peut-il accepter le diktat du peuple vainqueur ? Comme d’ailleurs les peuples colonisés doivent-ils ou peuvent-ils accepter le diktat des peuples colonisateurs. C’est anti-humain, et cet anti-humain existe puisqu’il existe, et relève donc des « lois de la Nécessité ». Que l’homme ne peut qu’accepter puisqu’ils relèvent de la dynamique de l’histoire qui celle-ci n’est pas figée. Et on comprend pourquoi des peuples d’Europe ont adhéré à ces idéologies qui les flattaient, réveillant en eux leur instinct de grandeur.

 

En réalité, l’histoire était déjà en marche. La Première mondiale a bouleversé l’ordre impérial européen. Les peuples vaincus ont voulu renverser l’ordre impérial des peuples vainqueurs. De même, les peuples d’Afrique et d’Asie, par la guerre, par le temps, par la souffrance qu’ils ont endurée par l’autre, ont mûri et cherchent à se libérer du joug colonialiste européen. Leur réveil favorisé par la Première Guerre mondiale qui a montré la faiblesse de l’Europe dominatrice et aussi par les idées socialistes qui venaient de cette même Europe qui les dominait, sont progressivement assimilés par les consciences africaines et asiatiques. Ces idées leur ouvrent un monde nouveau, un monde plus juste. C’est ainsi que les partis communistes sont créés un peu partout dans le monde colonisé, des insurrections sont organisées et bien qu’elles sont vite et durement réprimées, la répression n’empêchera pas la naissance de mouvements de libération, qui constituent un sentiment humain naturel de rejet de la domination européenne. 

 

Cependant, malgré l’affaiblissement de l’Europe par la guerre, les empires coloniaux tiennent. D’où va venir, comme pour les peuples passés, la lucarne qui apportera l’espoir aux peuples d’Afrique et d’Asie ? Comme on l’a déjà dit, on le sait et elle ne peut venir que de la guerre. Cependant il faut une étincelle pour la provoquer. D’où viendra cette étincelle historique ? Il faut le dire, l’étincelle doit être suffisante pour créer une situation historique qui amènera un nouvel état du monde, un monde qui sera plus libre, plus viable, plus humain. N’est-ce pas là le sens même de la nature humaine ? Du sens du monde ? 
 

 

  1. L’étincelle historique qui amènera l’espoir aux quatre-cinquième de l’humanité de se libérer du joug colonial

 

 Il faut rappeler que les États-Unis, qui ne sont entrés que tardivement dans le premier conflit mondial en avril 1917, sont devenus l’« atelier du monde ». En effet, grâce au progrès du machinisme, au processus de fabrication utilisant des méthodes d’organisation du travail scientifiques, et surtout en suppléant à la production industrielle des pays d’Europe qui étaient en guerre, les États-Unis sont devenus la première puissance économique du monde. Et par conséquent, ils produisaient plus que ne consommaient les Américains en richesses produites et dont l’excédent était acheminé vers l’Europe depuis que l’Europe est en guerre. Et le processus a continué après la guerre pour reconstruire l’Europe des destructions de la guerre.

 

Mais cette situation de l’Europe qui absorbait la surproduction américaine n’était que conjoncturelle. Par conséquent, lorsque l’Europe, après la reconstruction, va opérer son retour sur le commerce mondial et reprendre ses parts sur les marchés mondiaux, les États-Unis vont se trouver confrontés à un problème de surproduction industrielle et manufacturière. Que vont-ils faire ? Arrêter la production pour résorber la surproduction ce qui se traduirait par des destructions massives d’emplois. Et donc mettre au chômage des millions d’Américains. Refusant cette perspective, le système financier et les firmes de production des États-Unis ont préféré laisser les forces des marchés agir et que celles-ci apporteront la solution.

 

C’est ainsi que les États-Unis se sont trouvés plongés dans une spirale spéculative infernale, cachant en fait la déliquescence de toute l’économie américaine. Le surstockage de richesses produites, les valeurs financières en Bourse ont explosé. Et comme toute bulle, ne cessant de gonfler, la bulle spéculative éclata à la Bourse de New York, en octobre 1929. Ce que l’on a voulu éviter ou cacher n’a été en fait que reporté. Elle fit dès le début des années 1930 plus de 15 millions de chômeurs américains, provoquant un déséquilibre économique mondial. Deux questions se posent : Pourquoi la soudaineté du krach de la Bourse de New York ? Pourquoi plus de quinze millions de chômeurs après le krach boursier ? Est-ce que c’est la bulle financière qui a explosé est seul responsable de cette destruction d’emplois unique dans l’histoire des États-Unis ? N’y a-t-il pas d’autres raisons qui expliquent ce chômage massif qui se compte en plus d’une dizaine de millions d’emplois détruits ?

 

Pour la première question. Nombre d’économistes et parmi eux le prix Nobel, Milton Friedman, ont reproché à la Banque centrale américaine (Fed) de n’avoir pas détendu rapidement les taux d’intérêt pour relancer l’économie américaine. Il est évident que la Réserve fédérale américaine (Fed), devant le danger de voir l’économie américaine se diriger vers le désastre par la spirale spéculative, ne pouvait qu’opérer un frein à cette spirale spéculative en diminuant les émissions monétaires en monnaie centrale, et en augmenté le taux d’intérêt de refinancement. Une mesure tout à fait normale de la Fed dans pareille situation de danger pour l’économie. Pourquoi la soudaineté ? Au fur et à mesure que la politique monétaire restrictive de la Fed faisait ses effets, les investisseurs qui sont endettés et devaient rembourser se sont mis à vendre leurs actions qui ont été portées par la spéculation à des cours qui n’ont rien à voir avec la réalité. Et c’est ainsi qu’avec de moins en moins de liquidités en monnaie centrale, le cours boursier s’inversa. La vente d’actions en s’accélérant provoqua la panique. Tous les actionnaires se mirent à vendre pour se débarrasser de leurs actions dont les cours chutaient au fur et à mesure que les ventes se poursuivaient. Et cette frénésie de vente se transforma en krach. La crise boursière éclata. Le reste est connu, des pertes effroyables pour les investisseurs.

 

Pourquoi alors plus de quinze millions de chômeurs américains en 1933 ? Les critiques des économistes contre la Fed américaine tiennent-ils la route ? Pour comprendre, comparons la crise de 1929 à la crise de 2008. La double crise immobilière en 2007 et financière en 2008 a vite poussé les responsables de la Fed, en l’occurrence Ben Bernanke à l’époque, et de la BCE, Jean-Claude Trichet, de baisser rapidement les taux d’intérêt et procéder à des rachats massifs de la dette américaine et européenne. Dans le but d’apporter de l’argent frais à leurs systèmes bancaires respectifs, et débloquer l’économie. Aux États-Unis, le taux d’intérêt directeur est passé de 4,75%, le 18 septembre 2007, à 0,25%, le 16 décembre 2008. En zone euro, le taux d’intérêt directeur de la BCE est passé de 4,25%, le 9 juillet 2008, à 1%, le 13 mai 2009, et à 0,15%, le 11 juin 2014. Une baisse qui a duré jusqu’en 2018. Soit près de 10 ans. Et des masses de dollars grâce aux quantitative easing sont venus irriguer leurs systèmes financiers. La dette américaine est passée de 9900 milliards de dollars en 2008 à 21 000 milliards de dollars aujourd’hui. Pourquoi ces capitaux injectés ont été possibles en 2008 jusqu’à aujourd’hui en 2018, et non en 1929, en 1930 jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale ?

 

La réponse est simple. A l’époque, le dollar américain n’avait pas le poids qu’il a aujourd’hui. C’était une monnaie adossée à l’or, comme le franc français, la livre sterling. Le système monétaire international, à l’époque, se basait sur le Gold Exchange Standard (GES). Si la Fed américaine émettait plus de liquidités que ne produit de richesses son économie, le dollar se dévaluait et les investisseurs fuyaient le dollar. Le même processus jouait pour la livre sterling, le franc français et les autres monnaies européennes. Précisément, pour parer à ces dévaluations compétitives pour doper leurs exportations, Européens et Américains se sont protégés en créant des zones monétaires. Ce qui compartimentait leurs économies. Et le monde a eu la zone dollar, la zone livre sterling, la zone franc, etc.

 

La cause la plus importante qui a motivé cette division du monde en zones monétaires et économiques, et donc le compartimentage du commerce mondial, c’est l’absence des quatre-cinquième de l’humanité – colonisés – dans la consommation mondiale. Alors que des richesses provenant des ressources naturelles de ces pays colonisés étaient puisées, de même que le travail humain qui était très faiblement rémunéré, une situation historique qui a créé un déséquilibre majeur dans l’absorption mondiale. Pour les puissances financières occidentales, dès lors que la consommation n’était pas au rendez-vous, « pourquoi alors produire des biens et richesses s’ils ne sont pas vendus, s’ils ne trouvent pas de débouchés. »

 

Alors qu’en 2008, combien même les puissances occidentales créent en masse des liquidités et baissent les taux d’intérêt presque à zéro et durant presque une décennie, ces liquidités trouvent toujours preneurs. Si on estime l’Occident à environ 1,3 milliard d’êtres humains, il y a 6,2 milliards entre africains, chinois, hindous, russes, sud-américains, coréens, arabes, bref de toutes les nationalités des autres continents hors-Occident qui sont « demandeurs de liquidités  », qui sont « absorbeurs de richesses produites par l’Occident ». Donc la situation dans les années 1920 a été exceptionnelle, et cette situation de chômage, de tension entre les puissances, en fait, préparait l’avenir du monde.

 

Et c’est cette crise de 1929 et la dépression économique des années 1930 qui seront l’« étincelle historique » qui amènera l’espoir aux quatre-cinquièmes de l’humanité de se libérer du joug colonial. C’est ainsi que les conséquences de la crise économique qui firent 6 millions de chômeurs en Allemagne, amenèrent Hitler à prendre le pouvoir en janvier 1933. Devenu seul maître, ou Führer, d’une Allemagne nouvelle, le IIIe Reich, Adolphe Hitler envoûtera le peuple allemand au point que la guerre seule devra mener la nation allemande, le peuple allemand issu, selon la doctrine nazie, de la race humaine aryenne considérée comme supérieure à toutes les autres, au-dessus des autres nations.
 

 

  1. Le monde et l’âge nucléaire

 

 La guerre éclata en 1939. Après 6 années de guerre, l’Europe est en ruine. Le monde sort de cette guerre anéanti. Une guerre totale. Même la bombe atomique, à peine essayée le 16 juillet 1945 aux États-Unis, qu’elle est essayée 21 jours après sur Hiroshima, le 6 août 1945. Et une seconde fois, 3 jours après, le 9 août 1945 sur Nagasaki. Le monde, à la fin de la guerre, est entré dans l’âge atomique.

 

Est-ce une bonne chose pour l’humanité que cette arme atomique ? Une arme absolue ? Le Japon en paya le plus grand prix. Mais que peut-on dire de cette arme atomique effroyable ? Si l’URSS s’est mise rapidement en parité avec les États-Unis – les essais de la bombe A et H procédés respectivement en 1949 et 1953 –, l’armement nucléaire a « transformé » complètement les rapports entre les puissances. Toute puissance qui s’aviserait d’attaquer l’autre est assurée aussi d’être détruite. Donc ce qui ferait une guerre de destruction mutuelle à somme nulle dans les heures qui suivent pour chaque puissance. Ainsi se comprend l’inanité de la guerre. La guerre entre les grandes puissances n’est devenue que renforcements d’arsenaux nucléaires avec cette prière pour les gouvernants-décideurs de n’avoir jamais à les utiliser. Ce qui explique le téléphone rouge, le conseil de sécurité de l’ONU et tous les moyens de dialogue pour ne jamais arriver à une guerre nucléaire.

 

D’autre part, il y a une autre explication à cette arme, « elle est métaphysique. » Les ravages de la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale en pertes humaines à eux seuls sont là pour attester l’horreur de la guerre moderne par voie air, mer et terre. Pour la seconde Guerre mondiale, certains chiffres donnent 50 millions de morts, d’autres donnent 80 millions de morts, et les dizaines de millions de blessés et d’handicapés. Il est évident que s’il a été permis à l’homme de découvrir la bombe atomique, c’est « qu’elle est nécessaire » pour mettre fin aux guerres entre les grandes puissances. Depuis 1945 à aujourd’hui, le monde a eu 73 ans de paix entre les puissances. La guerre interne est presque oubliée tant l’Occident est devenu les doigts d’une seule main. Il ne peut venir à l’esprit que la France attaque l’Allemagne ou l’Allemagne attaque la France. Cette idée n’est pas seulement bannie, elle n’existe tout simplement plus. La France malgré les différences est devenue l’Allemagne et l’Allemagne est devenue la France. Et c'est valable pour tous les peuples européens. Alors qu’il y a 79 ans, « ils étaient prêts à effacer l’autre de la carte. » N’est-ce pas le prodige de la guerre et du progrès humain.

 

Il reste les « guerres par procuration », et encore même ces guerres dans les pays qui n’ont pas d’armes nucléaires sont en train d’atteindre leurs limites. D’autre part, certes l’arme nucléaire est découverte, mais au final qu’a-t-il découvert l’homme ? Sinon les forces nucléaires qui existent à l’état de nature. Et il les a découvertes par sa pensée dont il ne sait rien. Donc il ne sait rien de sa pensée, il ne sait rien de ces forces tout au plus sait-il qu’en agençant des matières fissiles données dans le processus d’une « structure ordonnée » que le savant aurait pensée, elle produirait des effets apocalyptiques.

 

On comprend dès lors que la découverte de l’arme nucléaire n’est pas venue de rien, ex nihilo, mais « répond à un stade de l’histoire auquel est parvenu l’homme. » C’est cela qui doit être compris. L’homme est suffisamment conscient des forces qu’il est en train d’activer, ces forces peuvent se retourner contre lui s’il ne prend pas suffisamment garde. Et ce sans même qu’il affirme qu’il refuse la guerre, qu’il cherche à être « pacifique » parce qu’il sait qu’il est aussi détruit. Parce que cette « pacificité nouvelle, devenue naturelle » qu’il a en lui, ne lui vient pas de lui, ni de la peur qu’il a de l’autre, mais du produit de la science pensée par l’homme. C’est une peur des possibilités de la science qui peuvent le détruire. Et c’est là le sens de l’arme atomique : la peur s’est transposée de la peur de l’autre vers la peur de ce que peuvent produire les « prodiges  » de la Science. Qui lui est donnée par la pensée du savant. Et c’est la raison pour laquelle on en appelle depuis des décennies à la réduction d’armements, à la dénucléarisation du monde. Cette prise de conscience d l’homme témoigne que « la science nucléaire est en train de « pacifier  » le monde. » C’est là le plus grand message que l’âge nucléaire a à donner à l’homme. 

 

Mais ce qu’il y a de surprenant, c’est que l’âge nucléaire n’est pas venu seul, Il s’est « accompagné » de la « décolonisation du monde. » Les derniers empires coloniaux se sont écroulés. C’est dire que l’histoire est en perpétuelle élévation. Non seulement les pays colonisés d’Afrique et d’Asie sont tous devenus indépendants, mais la population mondiale a explosé. La crise économique de 1929 n’est plus qu’un lointain souvenir, toutes les crises économiques qui vont suivre n’auront ni ne pourront avoir la gravité qu’a eu la crise financière de 1929 et la dépression des années 1930.

 

Le nombre de pays devenus indépendants est passé de 1945 à 1975, de 4 en Afrique (Égypte, Éthiopie, Libéria, Union sud-africaine) à 48, de 13 en Asie à 39, de 2 en Océanie à 7. La population mondiale passera de 2,5 milliards d’êtres humains, en 1950, à 4 milliards d’êtres humains, en 1975.

 

Après la décolonisation, et la fin des Trente glorieuses, de nouveau des crises économiques apparaissent, mais elles sont surtout financières et monétaires. Le dollar-or qui était devenu la monnaie-centre du système international est remis en question par les puissances européennes. Comme dans les années 1920, les puissances européennes et le Japon qui se sont reconstruits et ont rendu convertibles leurs monnaies en or en 1958, ont commencé à concurrencer les États-Unis dans le commerce mondial. Des krachs pétroliers se sont succédé dans les années 1970, et ont abouti, suite au relèvement du taux d’intérêt directeur de la Fed américaine, à la crise d’endettement dans les années 1980.

 

Une crise d’endettement qui, si elle a fortement éprouvé les pays nouvellement indépendants, a provoqué l’affaiblissement et la dislocation du camp socialiste des pays de l’Est. C’est ainsi que les pays d’Europe centrale et orientale sorte de l’influence soviétique, en 1989. L’Union soviétique cessa d’exister en décembre 1991. La Yougoslavie suit le processus d’éclatement dans les années 1990. C’est ainsi que de nouveau les pays se libèrent des régimes totalitaires. Le nombre de pays indépendants passent de 1975 à aujourd’hui, de 48 en Afrique à 54, de 39 en Asie à 47, de 7 en Océanie à 16, de 33 en Europe à 45.

 

Le nombre d'États indépendants est ainsi passé de 72 en 1945 à 197 en 2012 (date de la reconnaissance de l'État de Palestine). La population mondiale est passée de 4 milliards d’êtres humains, en 1975, à 7,5 milliards d’êtres humains aujourd’hui. Elle a presque doublé aujourd’hui. Et cela est en relation directe avec les progrès humains sur tous les plans.
 

 

  1. « Il faut faire vite la paix, Kim ! »

 

 Comment peut-on comprendre la dislocation du camp socialiste de l’Est ? Et l’éclatement de l’Union soviétique en 1991 qui s’est opérée sans guerre majeure, par le seul fait de son endettement et de l’endettement du monde. L’URSS a perdu ses clients importateurs d’armements, et n’était pas compétitive dans le commerce mondial, comme d’ailleurs les pays d’Europe centrale et orientale sous son influence. Aujourd’hui, la guerre ne se joue pas avec les armements nucléaires même s’ils sont toujours nécessaires pour tenir en respect l’autre, elle se joue essentiellement sur le plan économique. Et c’est la raison pour laquelle la Chine a pris les devants au début des années 1980 et « s’est convertie au socialisme de marché ». Aujourd’hui, la Chine s’est classé deuxième puissance économique du monde après les États-Unis, depuis 2010. Elle aspire à surpasser la première puissance du monde.

 

Il est évident que si l’âge nucléaire qui a mis fin aux guerres entre les grandes puissances, et que ces puissances ont trouvé le moyen de se combattre par pays interposés, ce qu’on appelle les « guerres par procuration », même les guerres par pays interposés vont trouver leurs limites. Pour preuve, le remodelage du Grand Moyen Orient pensé par l’administration Bush s’est révélé un fiasco pour les États-Unis, au point que l’on a assimilé l’Irak à un deuxième Vietnam. Et les États-Unis ont toujours cru que le monde est devenu unipolaire depuis la fin de l’existence de l’URSS.

 

Aujourd’hui, l’administration américaine a pris conscience que ce temps unipolaire n’existe pas et n’a jamais existé. Et ce pour au moins deux raisons majeures, vitales même pour l’Amérique. La première est que depuis l’intervention militaire russe en Syrie, alors que la Syrie était donnée déjà comme démembrée en trois territoires chiite, sunnite et kurde et un président Bachar al-Assad donné pour fini, le retournement qui s’est opéré et qui a obligé même la Turquie, pourtant membre de l’Otan et faisant bloc avec l’Occident, de s’allier à la Russie et l’Iran pour trouver une solution à la guerre civile syrienne, a non seulement faussé tous les plans occidentaux mais a mis à néant leur stratégie au Moyen-Orient. Les puissances occidentales essaient de colmater les brèches, et ils ont intérêt à le faire avec prudence et surtout montrer que leur stratégie est rationnelle et va dans le sens l’histoire. La volonté nouvelle américaine d’obliger l’Arabie saoudite de mettre fin à la guerre au Yémen, et de porter secours au peuple yéménite qui vit une crise humanitaire, s’inscrit vraisemblablement dans cette perspective.

 

La deuxième raison majeure, celle-ci est très simple. C’est soit la vie, soit la mort. Et le choix est entre les mains du président américain, Donald Trump, et le président nord-coréen, Kim Jong-un. Et on peut se représenter ce qu’ils ont dit lors de leur rencontre historique, le 12 juin 2018, à Singapour. Où ils ont échangé une poignée de mains. Que se sont-ils dits ? Ici on raisonne en pensée pure. C’est-à-dire ce qui vient du plus profond de l’être tant de Donald Trump que de Kim Jong-un. La pensée de Kim Jong un dit à Donald Trump : « J’ai l’arme nucléaire et donc la bombe A et H, et les missiles intercontinentaux qui peuvent toucher n’importe quel point de ton territoire américain (13 000 km). Je peux détruire plusieurs de tes villes et faire « disparaître » plusieurs millions d’Américains. Mais, étant conscient et c’est parce que je suis conscient que je suis au pouvoir, et que ceux qui travaillent directement avec moi sont aussi conscients et tiennent à la vie et donc nous ne voulons pas mourir et donc disparaître, faisons la paix, Donald ! » De même Donald Trump lui dira : « Certes vous détruirez quelques villes, vous ferez disparaître quelques millions d’Américains, mais moi j’« effacerais » la Corée du Nord de la carte du monde. Alors pourquoi cet inimaginable gâchis humain, impossible ce que pourrait être cet inimaginable s’il devait se réaliser. Il faut faire vite la paix, Kim !  »

 

En réalité, bien que ce soient eux qui ont certainement pensé à la paix et non à la guerre, c’est sur ce qui pouvait advenir qui a éclairé leurs pensées. Là encore, c’est la pensée de la Pensée qui régit le monde qui a suscité leur peur d’être emporté par une apocalypse nucléaire. Qu’ils ne pourront jamais savoir ce qu’elle sera si cette pensée de la Pensée ne les avait pas éclairés et que l’apocalypse venait à être déclenchée
 

 

  1. Epilogue

 

 Nous arrivons à la fin de cette analyse-synthèse. Que peut-on dire de la marche de l’histoire, ces derniers siècles ? Il est évident qu’il y a des problèmes métaphysiques qui se posent et qui doivent être compris, élucidés dans leur sens pour l’être humain. Tout d’abord nous savons que nous existons sur Terre. La Terre ne nous appartient pas, nous lui appartenons, et c’est la Terre qui nous fait vivre. De cette vérité, et elle est vérité, on ne peut l’oublier. En clair, nous ne sommes que des invités sur Terre, et appelés à mourir un jour. Donc, nous sommes programmés dès ou même avant notre naissance. Les 99,9999 pour cent des êtres humains vivront moins d’un siècle.

 

Par conséquent, au vu de ces vérités métaphysiques, et aucun homme sensé ne peut aller contre, nous sommes forcément programmés par notre naissance, par notre mort qui sont une réalité. On ne peut croire donc que l’homme est jeté seul dans l’étant terrestre, seul sur terre. S’il croit qu’il est seul, c’est seulement parce qu’il n’aperçoit personne de pensant à part lui-même sur Terre. Mais c’est insuffisant cette pensée de lui-même sur Terre. Pourquoi ? Pour la simple raison que, dans l’absolu, rien ne nous appartient puisque nous n’existons que par nos corps, nos pensées qui nous sont donnés, et cette Terre qui nous fait vivre. Et qu’en fait, tout ce que nous faisons n’est en fait que ce que nos pensées nous disent, nous ordonnent de faire. Faire la guerre vient de nos pensées. Quel est l’homme ou les groupes d’hommes qui gouvernent et disent : « Je ou nous déclarons la guerre à cette nation ! ». Il est évident que, dans l’absolu, ils agissent selon leurs pensées, ils croient être libres par leur libre arbitre qui leur est donné. Combien même le libre-arbitre leur permet d’opter pour la guerre, de se lancer dans la guerre, les événements et les situations nouvelles qui sortent après la guerre donnent un autre sens au sens de la guerre. 

 

Les plans humains se trouvent souvent totalement faussés par l’enchaînement d’un devenir qui se trouve complètement différent à ce qui avait été projeté. Bien, au contraire, les hommes ont, par leur volonté de domination, accéléré un processus qui a donné l’opposé à ce qui a été voulu. Dès lors, la seule réponse qui nous semble valable et fiable est qu’il y a un « Esprit » dans la pensée des hommes. Et, en fin de compte, c’est Lui qui tisse l’histoire de l’humanité.

 

Hegel a vu juste en énonçant que l’Esprit gouverne le monde. Par conséquent, combien même nous sommes libres, et nous le sentons réellement, il demeure que nous le sommes que par la pensée que nous avons de nous-mêmes, donc de soi et du monde. Mais dans l’absolu métaphysique, nous ne sommes pas libres. Nous sommes tout au plus dans une semi-liberté et même dans cette semi-liberté, nous relevons de notre histoire que nous ne maîtrisons pas.

 

Dès lors, il est facile de comprendre que toutes les guerres que l’humanité a vécues entrent dans les « lois de la Nécessité ». L’homme n’y peut rien ni ne sait rien sur ces « lois de la Nécessité », pour la simple raison qu’elles le dépassent. La seule chose qu’il peut savoir dans les événements que l’humanité a traversés, il le voit dans les progrès de l’histoire humaine, dans les progrès de l’humanité. On peut même penser que « l’Esprit du monde cherche à parfaire l’humanité qu’il a créée. » En octroyant à l’homme le savoir, la science dans toutes ses formes, et sur l’arme absolue, l’Esprit du monde a cherché et cherche à faire prendre conscience à l’homme la réalité de sa situation. Qu’il appartient à une seule communauté humaine, que la guerre ne peut être une solution. La guerre n’a été qu’un moyen « nécessaire », et au-delà des souffrances humaines, pour parfaire les hommes, et les amener à un monde sans guerre, à un monde plus uni.

 

Que l’ordre universel relève de l’Esprit du monde, Dieu, que certainement d’autres enjeux » attendent l’homme qu’il ne sait pas aujourd’hui. Parce que l’humain que nous sommes ne peut croire que le « vivre ensemble en paix du monde » serait synonyme de « béatitude ». Une existence béate serait-elle une existence ? Que serait alors le sens de l’existence de l’homme ?

 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective.
www.sens-du-monde.com

 

 



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