mercredi 14 décembre 2005 - par Argoul

Le Tibet est avant tout un rêve

Couverturetintin_au_tibet_1960 Enfant, j’ai lu Tintin au Tibet, le plus beau des albums d’Hergé selon moi, une histoire très simple, pure, une histoire d’amitié pour le jeune Tchang, rencontré dans Le Lotus Bleu. Par télépathie - tout est possible au Tibet - Tchang, victime d’une catastrophe aérienne, appelle son ami au secours. Tintin part à Katmandou avec son compère gaffeur rabelaisien, le capitaine Haddock. Ils trouvent un sherpa, engagent des porteurs, et partent à travers la campagne, puis dans les montagnes, jusqu’à l’altitude où la neige recouvre tout. Des traces suspectes effraient les porteurs qui les abandonnent : le Yéti ! L’abominable bonhomme de neige... Tintin ne perd pas espoir. Un jour, ils aperçoivent une écharpe jaune, coincée dans un rocher, qui flotte au vent. Tchang est vivant, c’est un signe !

Mais, pris dans une avalanche, les trois sauveteurs sont perdus, à moins que... Un lama tibétain, Foudre bénie, entre en lévitation, dans un monastère voisin ; en transe, il décrit « deux hommes et un jeune garçon au coeur pur, avec un petit chien blanc comme la neige du matin... ». C’est Neige du matin qui sauvera Cœur pur, Tonnerre Grondant et Tharkey le sherpa. Il attire l’attention d’un moinillon et entraîne la formation d’une expédition de moines au secours des trois hommes perdus. Foudre Bénie, en palpant l’écharpe trouvée par Tintin, a la vision de Tchang fiévreux, étendu sur une litière de branchages, avec auprès de lui... le Migou - le nom tibétain du Yéti ! Ils iront à l’endroit décrit par le moine, trouveront Tchang en loques et affaibli, mais soigné avec un amour digne de l’humain par le pauvre homme des neiges. Le supérieur du monastère rend hommage à la ferveur de l’amitié de Tintin, pour son audace et sa ténacité, et lui offre une écharpe de soie en signe de respect. Cette histoire m’avait rempli d’amour pour le Tibet et pour la pureté de ses paysages et de ses gens.

Amiti_bouddhique_tintin_au_tibet_1960

René Barjavel a fait un livre-témoignage que j’ai lu plus tard, Les Chemins de Katmandou. L’une se détruit, l’autre se découvre et devient adulte, mais le chemin de l’initiation passe par Katmandou, porte de la montagne. Et puis j’ai lu Muriel Cerf, L’antivoyage, récit imagé et fleuri d’une routarde non pas perdue dans son égoïsme stérile, mais attentive à découvrir le pays et les êtres. Son Moumdalou, six years old, beau à damner un ange, est bien l’archétype de ces petits Népalais vifs et débrouillards qui font commerce de babioles ou guident les étrangers pour quelques sous. Le suisse Cosey revenait également de là-bas avec des histoires dessinées étranges et humaines, aux sentiments inaltérés. Comme si la montagne, son immensité, sa rudesse, poussait à la vertu et aux affections vraies. Jonathan, le héros de Souviens-toi, Jonathan, et de La montagne chantera pour toi, était un autre appel.

Ce furent ensuite les oeuvres d’Alexandra David-Néel, ses réflexions sur le bouddhisme tibétain et son robuste bon sens ouvert et compatissant, qui ont fini par me convaincre. Comment ne pas adhérer à celle qui écrivait : « Pour celui qui sait regarder et sentir, chaque minute de cette vie libre et vagabonde est un enchantement » ? (Au Pays des brigands gentilshommes).

Tibet_altitudes

Je suis allé deux fois au Tibet, en 1992 et en 1999. Pour la première fois, en octobre 1992, un groupe français partait à vélo pour rallier Lhassa, capitale du Tibet, à Katmandou, capitale du Népal, au travers de la chaîne himalayenne. Malgré l’attrait du voyage, les difficultés physiques sont réelles ; je ris presque d’étonnement, incrédule, en regardant le profil de l’itinéraire : « col Kharo-la, 5020 m, juste après Lhassa, 3680 m, puis redescente jusqu’à Xigasté, 3870 m, avant de gravir le col Lak Pa-la, 5220 m, puis de retomber vers 4300 m avant le nouveau col Loung-La, 5080 m, et la plongée brutale vers le Népal et les 1690 m de Kodari, son poste frontière... » Les étapes varient entre 35 et 92 km en vélo tout terrain. Pour la forme physique générale, pas de problème, la pratique assidue pendant une dizaine d’années d’un art martial austère et exigeant doit assurer la puissance musculaire, la résistance du souffle et la ténacité nécessaires pour surmonter toutes les fatigues et les défaillances possibles.Tibtain_1

Je suis acquis aux Himalayas (de « hima »-« alaya » : de la neige, la demeure). Acquis affectivement et esthétiquement par mes lectures d’enfance et d’adolescence, acquis physiquement par l’exercice discipliné. Restait l’esprit : j’ai voulu en savoir plus sur le bouddhisme et sur ce qu’il pouvait apporter à nos philosophies d’Occident. Préparé par la digne Alexandra, formé par le zen japonais, j’ai étudié Bouddha avant l’envol prévu.




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