lundi 11 avril 2022 - par Patrice Bravo

Les élections en Serbie et en Hongrie, un triomphe des politiciens indépendants

Une semaine d'élections importantes se déroule actuellement en Europe. Le premier tour de l'élection présidentielle est attendu en France, qui est considéré traditionnellement comme le plus important en UE au même titre que les législatives allemandes. Et dimanche dernier, les citoyens de la Hongrie et de la Serbie sont venus exprimer leur choix dans les bureaux de vote. En temps normal, ces deux pays n'exercent pas une influence particulière sur la politique européenne. Mais aujourd'hui les circonstances ne sont pas normales. La profonde crise internationale crée une image différente. 

La Hongrie et la Serbie ne sont pas seulement unies par le fait que les deux États se trouvent à proximité du foyer de la crise. Qui plus est, les gouvernements des deux pays cherchent à minimiser son préjudice, voire à se prémunir complètement contre le conflit sans prendre parti pour personne. Sauf que dans l'atmosphère européenne actuelle, le refus de prendre parti est automatiquement interprété comme un soutien à la Russie. Par conséquent, Belgrade et Budapest subissent une puissante pression de Bruxelles et d'autres capitales importantes. 

Le premier ministre hongrois Viktor Orban et le président serbe Aleksandar Vucic sont formellement dans une situation différente. La Hongrie est membre de l'UE et de l'Otan, elle doit obéir à la discipline alliée. La Serbie est candidate à l'UE avec des perspectives floues, et elle ne semble pas aspirer à intégrer l'Otan qui la bombardait il n'y a pas si longtemps. Belgrade dispose donc d'une plus grande marge de manœuvre. De facto, la différence n'est pas très grande. Viktor Orban, bien que soumis à des engagements, se comporte de manière assez insolente. Alors qu'Aleksandar Vucic, sans avoir d'engagements, doit s'orienter sur la position de l'UE parce que la Serbie dépend significativement de l'Europe. 

Quoi qu'il en soit, les deux dirigeants misaient pendant leur campagne sur le refus de suivre la disposition européenne générale. Avec pour argument : nous sommes des pays souverains orientés sur les intérêts nationaux et qui répondent uniquement à leurs propres citoyens. Or les citoyens ont besoin de la paix, de la stabilité et du bien-être, tout le reste est secondaire pour eux. 

Et cette tactique a porté ses fruits. Viktor Orban et Aleksandar Vucic ont tous les deux conduit leurs forces politiques vers une victoire convaincante. L'UE avait d'avance qualifié ces élections (surtout en Hongrie) de référendum sur l'avenir du Vieux Continent (ce qui n'est pas le cas, évidemment). Mais en le regardant à travers ce prisme, le résultat pour l'Europe laisse à désirer. 

Le cas de la Hongrie est particulièrement révélateur. Premièrement, Viktor Orban se trouve au pouvoir depuis longtemps, une fatigue inévitable est présente, aux élections municipales son parti a récemment subi des pertes considérables. D'autant que cette fois pratiquement tout le monde s'est uni contre le Fidesz - de l'extrême droite à la gauche, en avançant un seul candidat prometteur. Mais Viktor Orban, connu pour ses talents de politicien public, a dévié la discussion dans le sens de "je suis la paix, l'opposition c'est la guerre". Et la plupart des électeurs ont cru aux déclarations du premier ministre qu'il était le seul capable de protéger les Hongrois contre une vague de crise mondiale et une guerre en Europe de l'Est. La même ligne était menée par Aleksandar Vucic, mais avec un accent sur la Russie en tant que telle. Il sait bien que la plupart des Serbes sont prorusses, c'est un facteur aux élections. 

Puisque c'est l'UE elle-même qui a promu l'idée que le résultat du vote hongrois était fatidique et déterminant pour l'Europe, c'est visiblement ainsi qu'il sera perçu. Certes, la Hongrie et la Serbie sont des cas à part, il ne serait pas correct d'extrapoler les sentiments dans ces pays à d'autres États européens. Mais ils ne pourront pas non plus être ignorés. La confrontation en Europe a atteint un niveau où elle affecte de plus en plus la vie de chaque personne.

Fiodor Loukianov, journaliste et analyste politique

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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=3756



8 réactions


  • mac 11 avril 2022 13:57

    Et pendant ce temps, les français très malins votent pour McKinsey ?


  • sylvain sylvain 11 avril 2022 14:06

    Quoi qu’il en soit, les deux dirigeants misaient pendant leur campagne sur le refus de suivre la disposition européenne générale. Avec pour argument : nous sommes des pays souverains orientés sur les intérêts nationaux et qui répondent uniquement à leurs propres citoyens.


    Autrement dit, ce ne sont pas des européens .L’europe a été batie pour phagocyter les pays qui la composent .Et la plupart des habitants des dits pays semblaient a peu près d’accord, jusqu’à ce qu’ils commencent a comprendre ce qu’on leur proposait a la place


  • waymel bernard waymel bernard 11 avril 2022 19:03

    Non Orbán n’a pas subi des pertes considérables aux élections municipales. Son parti a perdu une dizaine de grandes villes qu’ils dirigeait auparavant avec 45% seulement des voix face à une opposition divisée, les socialistes n’ayant pas encore eu l’idée de s’allier à l’extrême droite antisémite, anti-tzigane et islamophile.


  • Venceslas Venceslas 12 avril 2022 02:32

    Indépendant, indépendant... Orban, c’est l’extrême droite hongroise. Si c’est ça, le remède à nos maux, le remède est pire que le mal. D’ailleurs, mes amis hongrois ont honte de dire que la toute première expérience de « fascisme » avant la lettre, c’est avant Mussolini, chez eux, avec le régent Horthy.


  • tonimarus45 12 avril 2022 08:11

    @ Patrice Bravo----bonjour—« neant » semble avoir disparue de agoravox, vous qui etes auteur/ moderateur auriez vous une explication -merci


  • CATAPULTE CATAPULTE 12 avril 2022 11:10

    On se souvient d’ailleurs de l’indépendance de la Serbie, célébrée en grande pompe lors de la visite de Poutine...


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