Les Guerres, toujours. La Paix jamais
« Maintenir la paix et la sécurité dans le monde ; développer les relations amicales entre les nations ; réaliser la coopération internationale sur tous les sujets où elle peut être utile et en encourageant le respect des droits de l’homme ; être un centre où s'harmonisent les efforts des nations dans des objectifs communs ». Ils étaient, emplis de noblesse et d’espoir, les principes que devait défendre l’Organisation des Nations Unies signés, voilà pas loin de 69 ans, par les représentants de 51 pays. Uniquement ceux ayant déclaré la guerre à l’Allemagne nazie, plusieurs mois avant sa défaite. Plus de guerres.
26 juin 1945. Un peu plus d’un mois après la capitulation de l’Allemagne nazie suivie de celle de l’Italie et le Japon. Ses compères de « l’Axe du mal » (un terme qui sera repris plus tard). La seconde guerre mondiale ? Bilan, 62 millions de morts. Dont plus de six dans les camps de concentration (ignorés volontairement tout au long du conflit par les alliés) et plus de 400.000 nippons détruits par deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, lâchées sur ordre du Président US. Un tas de pays européens à reconstruire dont la France. Echec complet, alors, de la Société des Nations (1919 à 1946) mère de l’ONU, fondée, pour des motifs quasi identiques, après la Première guerre mondiale qui avait concerné une trentaine de pays pour…pas loin de 19 millions de morts !
1942 Tunisie -Trois ans plus tôt dans une banlieue de Tunis, capitale d’une nation occupée depuis quelques mois par les soldats de Rommel et une poignée de bataillons italiens aux uniformes bleu-vert et aux camions à ventre plat. Sous les bombes des forteresses volantes. Je me souviens. Les décombres gavés de boue et de sang d’une bâtisse où avaient vécu, il y avait encore quelques minutes, une importante partie de notre tribu. Cousin et cousine, grand père, tantes et oncles évaporés. Huit au total. Plus mon propre père quasiment déchiqueté qui, devenu infirme, s’en ira lui aussi une vingtaine de mois plus tard. J’ai alors 8 ans.
Ayant hérité à sa naissance du prénom d’un oncle paternel, pulvérisé dans une France qu’il ne connaissait pas, en 1915, à l’âge de vingt ans, au cours d’une guerre qui ne le concernait pas, le gosse que je suis joue encore aux gendarmes et aux voleurs. Mais les horreurs et les malheurs de la deuxième guerre mondiale, il les connaît déjà. Blessures profondes dont les cicatrices resteront ancrées dans sa mémoire malgré la supposée inconscience de l’enfance. J’ai connu les tranchées sombres qui vacillaient à chaque explosion, réanimant les prières des femmes. Le retour sur Tunis d’une famille en larmes à bord d’une charrette de fortune sur une route encombrée de fuyards et de voitures de secours. Une mère, désarmée d’avoir à assurer l’éducation de quatre enfants et qui, à chaque hurlement de la sirène annonçant un bombardement proche, tombait dans les pommes. Le bourdonnement lugubre des escadrilles de la mort. Bombes au bruit sourd qui déchirent le ciel d’éclairs sulfureux. Claquements des canons anti défense aérienne plus connus sous le fameux raccourci DCA. Tous les locataires entassés endormis ou craintifs, au rez- de- chaussée de l’immeuble étayé de madriers dérisoires. Il n’y a que les enfants qui chahutent.
1943, Tunis toujours - Je me souviens de la Libération et de la tour de Babel qui débarqua dans la cité. Depuis les sénégalais et leurs chéchias rouges jusqu’aux écossais en robe en passant par les turbans hindous, les néo zélandais, australiens et leurs chapeaux aux larges bords, les américains en gabardine et Ray Ban ainsi que leurs bonbons et leur cinéma, les tabors venus du Maroc et les tirailleurs d’Algérie, les anglais et leurs chemises à manches courtes et calots portés de travers. Leurs beuveries ou leurs chants. Leur discrétion ou leur extravagance bruyante. Des cartes de rationnement, les queues devant les épiceries ou chez le boucher, et des longues coupures d’eau ou d’électricité. Ainsi que mes visites à l’hôpital pour y voir mon père souffrir, défiguré et sans genou.
A partir de cette période, la curiosité de l’actualité a fleuri. A l’écoute de conversations des adultes, mais aussi de la radio et des « actualités Pathé » dans les cinoches ou la lecture de magazines venus de France. Jusqu’à nos jours la folie des hommes pour les atrocités, le sang, le meurtre, la violence, la torture et la tartufferie grondent encore dans les entrailles du gosse que je suis resté, une fois les 80 balais récemment dépassés.
2014 - Les guerres toujours. Les morts, les armes et les larmes. Jamais la Paix.
Indochine 1946/1954- Huit ans de guerre française (aidée par les Etats Unis d’Amérique) pour une défaite honteuse aux allures de déroute (Dien Bien Phu). En huit ans, plusieurs dizaines milliers de morts (500.000) afin de conserver une colonie qui veut son indépendance et qui l’aura sous le nom de deux Viet Nam, communiste au Nord et Républicain au Sud.
Corée du Nord 1950/1953 – Le communisme s’étend en Asie depuis 1949, sous la houlette de la Chine de Mao qui a réussi à se débarrasser de la longue occupation japonaise (1937/1945) puis du nationaliste Tchang Kaï-Chek (des millions de cadavres dans cette longue mutation meurtrière). Dès lors, les Etats Unis d’Amérique interviennent en force aidés de militaire d’autres nations délégués par…l’ONU, autour du fameux 38° parallèle qui partage la Corée du Nord communiste et la Corée du Sud « américanisée ». Trois années de guerre dans laquelle est intervenue l’armée chinoise pour arriver à un statu quo. Chacun reste chez soi. De chaque côté du fameux parallèle. Au prix de 1.650.000 militaires tués et de 1.000.000 à 3.000.000 de réfugiés ou tués civils.
Algérie 1954/1962 - Le 8 mai 1945 les ferments d’une guerre prochaine en Afrique du Nord, étaient apparus, l’armée française, aidée de civils armés massacrant plusieurs centaines de manifestants algériens nationalistes, kabyles des contreforts de l‘Atlas. En outre les leçons de l’échec indochinois ne servent à rien. Tout comme les négociations en cours avec la Tunisie (un peu plus d’un millier de morts là aussi, à Sakiet Sidi Youssef et Bizerte pendant le conflit algérien) et le Maroc concernant leur autonomie donc leur indépendance. La guerre (qualifiée au début de « simple évènement ») éclate sur le sol algérien le plus vaste et l’un des plus riches de toute l’Afrique. Avec son cortège d’horreurs commis par les deux belligérants, fellaghas algériens et soldats français (1).
Assassinats, bombes, égorgements, enlèvements, tortures, ratissages, terrible bataille sanglante d’Alger. Rébellion « d’un quarteron de généraux » et OAS. Ratonnade à Paris, attentat du Petit Clamart qui vise De Gaulle, bombe devant le domicile parisien de Malraux, les commandos Delta (OAS) agissant en France (beaucoup de leurs membres se retrouveront ensuite au sein du Service Action Civique, garde prétorienne chère à Pasqua, etc…plus de 500.000 morts côté algérien et 30.000 côté français, selon un décompte fait par des historiens. Il faut noter qu’en 1991 ce pays devenu indépendant, donc depuis 29 ans, plongera dans une guerre civile opposant le pouvoir au FIS, parti religieux ayant gagné lors des élections. 150 mille à 200mille morts.
Viet Nam 1955/1975 - Pour combattre le communisme du Nord Viet Nam sur le point d’envahir la République du Viet Nam du Sud, les Etats Unis s’engagent directement en 1961dans la lutte après avoir aidé pendant six ans les sud vietnamiens à se défendre. Bilan du conflit duquel l’Amérique commencera à se retirer dès 1973 : plus de 7 millions de bombes larguées par les américains (à peu près 3 millions 500 mille par les alliés contre les nazis), et pas loin de 9 millions de soldats yankees (source US) ayant participé à la guerre, dont 60.000 auraient été (officiellement toujours) tués et pas loin de 154.000 blessés (sans compter les disparus au nombre de 150.000 à 175.000 parmi les prisonniers). Leurs alliés sud-vietnamiens auraient perdu 255.000 militaires et 430.000 civils, les australiens 450 des leurs. En face, les nord vietnamiens auraient décompté 1.500.000 soldats et 1.000.000 de civils tués. Pour leur part les chinois ayant porté une aide militaire au nord-vietnamiens (avec plus de 300.000 hommes) auraient eu 1.400 des leurs tués et 4.200 grièvement blessés. De leur côté les russes auraient comptés une vingtaine d’hommes tués sur un contingent de 6.500 « conseillers militaires » environ.
Plus peut-être que les nombreux massacres de villageois et civils, exécutés de part et d’autre, suivis par bon nombre de répressions et d’exode de population, l’aspect le plus terrifiant aura été l’emploi massif d’armes chimiques par l’armée à la bannière étoilée. A savoir surtout du gaz orange défoliant puissant, brûlant plusieurs dizaines de personnes mais surtout contaminant pour longtemps, des milliers et milliers d’hectares de terre fertile. Cette contamination serait, aujourd’hui encore, la cause, selon Wikipédia « de graves problèmes de santé, malformations à la naissance, hypertrophie, rachitisme, cancer des poumons et de la prostate, maladies de la peau, du cerveau et des systèmes nerveux, respiratoire et circulatoire, cécité, diverses anomalies à la naissance surtout dans les campagnes ». Au total, et d’après des estimations divulguées quelques années plus tard, plusieurs millions de Vietnamiens seraient morts des conséquences de la guerre.
Cuba 1956/1959 – Révolution contre la dictature conduite par Fidel Castro qui installe le communise et provoque l’embargo des Etats Unis après la nationalisation d’United Fruit dès 1959.
Indonésie dans les années 1960 – 500.000 à 1.000.000 de morts dans une lutte menée avait-on dit, contre les communistes. Plusieurs attentats à connotation religieuse (islamistes) par la suite entre 2000 et 2004.
Bolivie 1964/1986 – Vingt deux ans de dictature au cours desquels la guérilla luttant contre le pouvoir perdra son célèbre chef Che Guevara abattu en 1967, et connaitra l’interdiction des syndicats et des partis politiques en 1978 et un …narco trafiquant notoire (Luis Garcia Meza) placé à la tête du pays.
Argentine 1973/1976 - Guerre sale. Enlèvement de dissidents torturés dans des centres clandestins où meurent une grande majorité d’entre eux. En 1976, coup d'État militaire. Après le retour à la démocratie il est établi que la répression militaire a fait au moins 30 000 victimes. Buenos Aires a participé à l’assassinat de réfugiés politiques des pays voisins. Partout dans le monde par le biais des services secrets ou d'escadrons de la mort dans des actions portant le nom de code « Condor ».
Chili 1973/1988 – A l’issue d’un coup d’Etat et la mort (un suicide ?!) du Président élu Salvatore Allende, le règne dictatorial du général Pinochet ensanglanté par des milliers d’arrestations et d’éliminations d’opposants (certains d’un nombre effrayant ayant été réunis dans un stade). Participation au fameux plan « Condor ». Arrêté à Londres après avoir perdu le pouvoir, jugé en Argentine en 2000 alors qu’il est sénateur à vie, gracié cinq ans plus tard, meurt en 2006.
Colombie 1974/2002 – Des dizaines de milliers de morts et déportés sous un régime autoritaire combattu par la guérilla, le FARC.
Equateur 1981 et 1995 – Deux guerres (perdue) avec le Pérou
Ouganda 1971/1979 – Le général Amin Dada choyé par les occidentaux et notamment la France de Giscard, prend le pouvoir sur un coup d’Etat. Un régime tyrannique s’installe. Mort ou disparition de près de 300 000 Ougandais. Expulsion de 50 000 Indo-Pakistanais. Oppression de l'intelligentsia. En 1979, déclenchement de la Guerre (avec des enfants soldats) contre la Tanzanie gagnée par celle-ci avec l'aide du mouvement de résistance ougandais qui renverse peu après le dictateur. Ce dernier exilé en Libye puis en Arabie Saoudite, il y meurt en 2003.
Rwanda 1994 – L’horrible massacre de 800.000 Tutsis par les Hutus en l’espace de quatre mois sous les yeux impassibles des « casques bleus » de l’ONU et même, dit-on encore aujourd’hui, de soldats français.
Yougoslavie 1991/2001 - Après la mort de Tito qui avait réussi à réunir définitivement Serbie, Monténégro, Bosnie Herzégovine, Kosovo, Croatie, Macédoine et Slovénie en une fédération communiste la Yougoslavie éclate sous l’impulsion de la Serbie dans une série de conflits. Au final, chacune des provinces ayant son indépendance, on dénombre plus de 300.000 morts et plus de 1.000.000 de déplacés. Les faits les plus connus sont les 12.000 civils tués lors du siège de Sarajevo et surtout l’exécution par les armes à Srebrenica en Bosnie (juillet 1995) de 8 000 hommes et jeunes garçons, massacre pour lequel 400 soldats de l’ONU ont été incapables d’intervenir.
Afghanistan 2001/2009 - Succédant aux soviétiques qui eux même avaient remplacé les anglais, les Etats Unis interviennent massivement, rendant Oussama Ben Laden (qu’ils avaient armé contre les russes) responsable des attentats de New York. Ils seront ensuite relayés par l’Otan. Les pertes humaines ont été difficiles à décompter mais elles atteindraient plusieurs milliers de morts dans ce pays richissime en minerais de toutes sortes et de mines d’or, mais aussi d’opium dont il est devenu le premier producteur au monde.
Irak/Iran 1980/1988 – Entre 500.000 et 1.200000 tués.
Irak – 1990/1991 – Première guerre du Golfe intitulé Tempête du Désert contre l’Irak qui a envahi le Koweit. 33 pays attaquent l’Irak au coté des américains. 8.000 tués (100.000 selon les coalisés) 15.000 blessés et 175.000 prisonniers côté irakien, 138 morts et 2978 blessés côté coalition, 1082 morts chez les koweitiens et 4.000 disparus. Coût de l’opération pour les belligérants …plus de 800 milliards de dollars. Bush senior président des Etats Unis stoppe la guerre loin de Bagdad. En 1991 Saddam Hussein fait massacrer des milliers de kurdes et des chiites.
Irak 2003/2011 – Plus connu sous le nom de deuxième (ou troisième) guerre d’Irak, GW. Bush nouveau président des Etats Unis lance son pays dans une guerre contre l’Irak sous des prétextes contestés par une grande partie de l’opinion internationale. Il est difficile de décompter les victimes de la guerre (des bombes chimiques ont été utilisées par les américains) comme des attentats qui ont suivi et qui perdurent toujours en 2014. Selon un institut britannique cité par Wikipédia, au début de l’année 2008 et sur la base d’une étude épidémiologique « le nombre de morts de cette guerre et de la guerre civile était compris entre 733 158 et 1 446 063. » Deux millions d’irakiens ont quitté le pays. Coût de cette guerre pour le « Times » : 1.000 milliards de dollars ! Il s’est avéré que plusieurs des membres du pouvoir américain avaient des liens étroits avec de grandes compagnies pétrolières et qu’ils avaient en outre craint que Saddam Hussein ne fasse payer son pétrole en…euros.
Il vaut mieux arrêter là ce décompte macabre, tout en ajoutant néanmoins que meurtres, enlèvements, attentats, destructions et guerres continuent toujours. En Syrie (pas loin de 200.000 morts à ce jour et plusieurs milliers de réfugiés). En Afrique (Centre Afrique, Mali, Nigéria, Sud Soudan, Libye) partout où dorment des richesses minières. En Egypte où le « printemps arabe » et la suite ont fait plusieurs centaines de morts et surtout, surtout, en Palestine où, funèbre paradoxe, le conflit entre Israéliens et palestiniens, après les pays arabes dure depuis …66 ans (1948/2014) et se trouve loin d’être terminé.
Et l’ONU ? Qu’en est-il de sa Charte axée sur « l’amitié entre les peuples et leur sécurité » ? Une Chambre de la Paix qui a enflé mais où rien ne se décide sans l’accord unanime des cinq membres permanents dotés du droit de véto, que sont, bien entendu, les plus puissants du monde… pour l’instant. A savoir les Etats Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume Uni. Rien, le Néant. Une myriade de fonctionnaires et des missions, grotesques à force d’être inutiles. Et puis des résolutions « énergiques » que plus aucun pays, ou presque, ne respecte, le champion du genre étant Israël. Depuis 1948 la sourde oreille aux quelques 120 résolutions (oui 120 chiffre officiel divulgué par … l’ONU lui intimant – tout en le condamnant – de ne plus utiliser force, occupation et colonisation en Palestine et même au Liban.
Au fait, la lecture récente d’un article traitant des animaux les plus dangereux pour l’espèce humaine classait en première place…le moustique et en deuxième .... L’HOMME. Bien entendu !
(1) Alors que je venais d’avoir 20 ans, j’ai eu la chance de ne pas participer à cette tragédie, un ami influent ayant pu me faire réformer du service militaire, alors que j’avais déjà en poche ordre de « rejoindre » Alger.