mercredi 16 janvier 2019 - par Méchant Réac

Les Jobs de rêve de la République : Président de l’AFITF

Sous ce sigle imprononçable se cache l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Etablissement public de l’Etat créé à la suite d’une décision du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, l’agence est chargée d’apporter la part de l’Etat dans le financement des opérations d’infrastructures de transport, à partir des dividendes versés par les sociétés publiques d’autoroutes, de certaines taxes ou redevances, d’éventuels concours budgétaires et d’un recours à l’emprunt. La privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes en France en 2006 a privé l'État d'une importante source de financement pour l'entretien et la construction des réseaux routiers. Après cette privatisation, l'Agence a reçu une dotation de 4 milliards € en substitution des dividendes qui lui étaient initialement affectés. Le grenelle de l'Environnement a proposé la mise en place d'une écotaxe pour financer l'AFITF, mais la mise en place de cette redevance et du contrat Ecomouv a été annulée. L'utilisation du fonds de substitution de l'Agence étant épuisée fin 2008, celle-ci ne dispose plus que de recettes constituées par le produit des redevances domaniales des sociétés concessionnaires d’autoroutes, la taxe d’aménagement du territoire, les amendes forfaitaires des radars automatiques, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), le plan de relance autoroutier et autres recettes diverses.

La tutelle de l'État est exercée par le Ministère de la Transition écologique et solidaire.

 

Le Président

Le président de l’Afitf bénéficie d’une indemnité annuelle de 42 000 euros, de quoi susciter quelques convoitises du côté de nos hauts-fonctionnaires. Le rythme de travail n’est guère soutenu  :

 

- 2 conseils d’administration en 2010

- 3 conseils d’administration en 2018 et en 2013.

- 4 conseils d’administration en 2017, en 2014 et en 2012.

- 5 conseils d’administration en 2016 et en 2011.

- 6 conseils d’administration en 2015.

 

A sa présidence, se succèdent les anciens ministres en attente de jours meilleurs ou ceux qui espèrent un portefeuille. Ainsi, Gérard Longuet (ministres de 1986 à 1988 et de 1993 à 1994) a-t-il été désigné président de l’Agence à la création de celle-ci, à la suite de la « vague rose » des régionales de 2004, qui lui font perdre les présidences de la Lorraine et de l'Association des régions de France (ARF). Il va occuper ces fonctions jusqu’en 2011… alors qu’il redevient ministre (2011 à 2012). Cette fonction présidentielle ne l’occupe visiblement pas suffisamment puisqu’il cumulera sur la même période son mandat de sénateur et de conseiller régional de Lorraine.

Lui succède Dominique Perben. Celui-ci, plusieurs fois ministres (de 1993 à 1997, de 2002 à 2007), ne restera qu’un an en fonction, après avoir annoncé son retrait de la vie politique pour travailler comme avocat. Pendant cette année de présidence, il conserve son mandat de député.

En septembre 2011, Philippe Duron prend la tête de l’agence, poste qu’il occupera jusqu’au 23 avril 2018. Le 8 février 2013, l’hebdomadaire Le Parisien Magazine le classe en tête des parlementaires les plus cumulards avec 4 mandats (il est entre autre maire de Caen et député du calvados) et 24 fonctions. En 2013, c’est l’hebdomadaire Le Point qui lui décerne en 2013 le titre de champion de France des cumulards.

Christophe Béchu, le maire LR d’Angers, rêvait de devenir ministre. Il n’entre pas (pour l’instant) au gouvernement, mais pour son soutien (tardif)*, le président de la République l’a nommé, le 16 février 2018, au conseil d'administration de l'Agence en tant que personnalité qualifiée. Il en devient le président le 23 avril 2018. 

 

Une critique continue de la Cour des Comptes et de l’Inspection des Finances

La Cour des comptes a rendu public, le 29 août 2016, un référé sur l’Agence. Comme elle l’a déjà fait dans son rapport public annuel de 2009, la Cour constate l'absence de plus-value apportée par l'AFITF, opérateur de l'État sans feuille de route ni marge de manœuvre. Elle insiste, indépendamment de la question du devenir de cet opérateur, sur la nécessité d'une maîtrise de la trajectoire de financement des infrastructures de transport.

L’agence ne serait qu’une “coquille vide”, une simple chambre d’enregistrement de décisions émanant du ministère des Transports. Un seul chiffre pour s’en convaincre : “À ce jour, aucun administrateur n’a émis un vote négatif sur une seule des quelque 600 conventions proposées à l’approbation du conseil au cours des dix dernières années.” De quoi relativiser le “lieu de débat et de partage entre l’Etat et les représentants des collectivités locales sur la politique des transports”.

Pour la Cour des comptes, l’établissement serait surtout un “moyen de s’affranchir des principes du droit budgétaire”. La Cour pointe également l’absence de vision à long terme : “Le financement pluriannuel des infrastructures de transport ne fait jusqu’à présent l’objet d’aucune programmation.” 

Cette situation financière précaire s’explique par “une accumulation incontrôlée de besoins de paiement, dont le financement n’est pas assuré à moyen terme”. La Cour des comptes estime nécessaire de “définir des priorités de projets à venir” :

"L’analyse du niveau des restes à payer de 11,9 milliards d’euros constatés à la fin 2015 menée par la Cour est par ailleurs à relativiser puisqu’elle inclut plus de 6 milliards d’euros pris au titre de contrats de partenariat qui ont vocation à être décaissés par l’AFITF sur le long terme (jusqu’en 2037 pour le contournement Nîmes-Montpellier par exemple)."

En 2009, la Cour des Comptes avait préconisé la fermeture pure et simple de cette agence relevant que cette agence était "transparente et sans réelle valeur ajoutée".

 

"La Cour, en conséquence, recommande : 

 

- la suppression de l’AFITF en intégrant ses activités dans la nouvelle DGITM, notamment la conclusion des conventions de financement ; 

 

- la préparation par la DGITM, en liaison avec la direction du budget, d’une programmation pluriannuelle (par exemple sur 6 ans) des infrastructures de transport ; 

 

- la mise en place autour de la DGITM d’un comité des engagements (comme recommandé par la RGPP) assurant la transparence interministérielle a priori des projets financés."

 

L'inspection des finances se montre également très critique à l'encontre de ces agences, notamment de l’Afitf, qui vote régulièrement de nouveaux engagements budgétaires sans limite ni contrôle alors qu'il manque 10 à 20 Mds€ à l’Afitf pour honorer ses engagements dans des projets pourtant déjà lancés.

Pourquoi donc continuer à payer pour cette coûteuse Afitf qui ne sert à rien ?

 

 

*Un soutien très tardif, puisque le maire d’Angers ne se rallie au futur vainqueur de la présidentielle que l’avant-veille du second tour, mais un soutien clair et net. Le parcours idéologique de l’édile angevin est compliqué à suivre. Après avoir soutenu, pendant les primaires de la droite Alain Juppé, puis François Fillon, avant de supplier Juppé de se présenter, a fini par parrainer Fillon ! Dans une tribune publiée dans Le Figaro, il avait ostensiblement fait une offre de service au futur président de la République. Entre les lignes, nul ne s’y était trompé, il se disait prêt à être ministre. Qu’importe, s’il jurait la main sur le cœur, lors de ses vœux du début de l’année 2017, qu’il laisserait son mandat de sénateur pour se consacrer désormais à «  sa  » ville, car, disait-il, son «  obsession  » était bien «  le développement du territoire angevin  ». Qu’importe s’il avait toujours promis de ne pas devenir ministre tant qu’il serait maire. Nous verrons bien si les électeurs d’Angers s’en souviendront le temps venu.



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