mercredi 1er mai 2019 - par Lucchesi Jacques

Les journalistes dans la tourmente

 

Sale temps pour les journalistes en charge de dossiers sensibles. Et il n’y a pas que sous les régimes autoritaires que leur liberté est menacée

 Les chiffres de Reporters sans frontières sont éloquents : journaliste est un métier à risque dans de nombreux pays, surtout quand on enquête sur des sujets sensibles, c’est dire liés à l’économie et la politique. En 2018, année particulièrement violente, ce sont quatre-vingt journalistes qui ont perdu la vie au cours de leurs missions, dont soixante-trois délibérément éliminés – ce qui représente une hausse de 8% par rapport à 2017. A quoi il faut ajouter trois-cent quarante huit détentions arbitraires et soixante otages pour compléter ce sinistre tableau. Certes, la plupart de ces crimes et exactions se sont déroulés dans des pays minés par la guerre ou peu enclins à la démocratie, comme L’Afghanistan, la Syrie, l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Mexique, la Turquie et la Chine. Mais l’assassinat de la journaliste nord-irlandaise Lyra Mac Kee, à Londonderry, jeudi 18 avril, vient nous rappeler qu’en Europe occidentale, aussi, les travailleurs de l’information ne sont pas à l’abri d’actes vindicatifs.

 

Et la France dans tout ça ? Deux récentes affaires nous démontrent, si besoin était, que la liberté de la presse a aussi du plomb dans l’aile au pays des Droits de l’Homme.

 

Il y a eu tout d’abord l’arrestation de Gaspard Glanz à Paris, lors du 23eme samedi de manifestation des Gilets jaunes. Qui est Gaspard Glanz ? Un journaliste indépendant de 32 ans, spécialisé depuis 2012 dans le suivi des mouvements sociaux. Ses prises de position – car il est aussi un citoyen engagé – lui ont déjà valu plusieurs interpellations et même une fiche S. Cependant, samedi 19 avril, lorsqu’il s’est querellé avec les policiers qui l’entouraient, c’était d’abord pour protester d’avoir été la cible – ratée – d’un tir de grenade lacrymogène. Et comme ceux-ci voulaient l’empêcher de filmer, il leur a adressé un doigt d’honneur – ce qui, dans ce contexte explosif, n’est pas un geste particulièrement menaçant. Il lui a néanmoins valu une garde à vue de quarante huit heures et une interdiction de participer aux prochains défilés publics, autrement dit un empêchement à exercer son métier. En outre, Gaspard Glanz devra comparaître devant un tribunal en octobre prochain, pour répondre de son attitude frondeuse. Quelle disproportion entre son geste et ses conséquences ! On peut dire, dans son cas, que le juge n’y est pas allé de main morte.

C’est une affaire bien plus grave – les ventes d’armes de la France au Yémen - qui va conduire Mathias Destal, Geoffrey Livolsi et Benoît Collombat devant la direction de la DGSI, le 14 mai prochain. Il leur est reproché d’avoir publié, après enquête, un rapport classé secret défense sur le site d’investigation Disclose. Les trois journalistes n’ont pourtant fait que leur travail dans cette affaire qui confirme le peu de scrupules des dirigeants français quand il s’agit de réaliser de gros contrats internationaux. Car malgré les explications embarrassées de Florence Parly, ministre des armées, qui ne sait que des armes prétendument défensives peuvent être tout aussi bien utilisées à des fins offensives et donc meurtrières ? Et c’est sans même parler de l’instruction militaire apportée par la France aux troupes gouvernementales yéménites en charge de mater la rébellion qui sévit dans ce pays.

 Face à cette dérive autoritaire, de nombreuses associations – dont Amnesty International – ont apporté leur soutien aux trois journalistes incriminés, rappelant que la protection des données – le fameux secret des sources – est la condition sine qua non d’une presse libre en démocratie. Il n’en reste pas moins qu’entre les journalistes et les politiques, le contentieux ne date pas d’hier et que le pouvoir se méfie de leur influence sur l’opinion publique. Au nom de la sécurité, les libertés publiques sont de plus en plus rognées et soumises à conditions. C’est un peu la leçon des dictatures aux démocraties.

 

Jacques LUCCHESI 



35 réactions


  • troletbuse troletbuse 1er mai 2019 10:57

    En France, les journaleux ou journaputes sont plutôt dans le déni. Ainsi, ils ne risquent rien.


    • baldis30 1er mai 2019 12:30

      @troletbuse

      bonjour,
      mais quelques fois on se demande si un éclair de lucidité ne traverse pas la tête d’un rédacteur en chef...
      Un exemple : après le discours de Macron d’il y a quelques jours, le lendemain Midi-Libre grand chantre du politiquement correct et au moins crypto-macroniste
       publiait une phot de l’orateur avec, en lettres de calibre au moins trente : « Suffisant  ? »
      Là mon interrogation m’arracha un sourire intérieur en ajoutant un composé dont je ne sais plus à quoi il s’adressait , en tant que discours, ou qui visait-il en tant que personne : « Insuffisant  ! »
      Le dilemme de l’adresse de mon interrogation ne cesse de me tourmenter ... mais le journal a repris tranquillement ses habitudes ... là c’est rassurant ...


    • Le421... Refuznik !! Le421 1er mai 2019 17:33

      @troletbuse
      Les journalistes ?
      Entre ceux qui lèchent les bottes pour garder leur boulot et faire vivre la baraque et ceux qui sont réellement libres et se font matraquer la gueule sans parler de ce qu’ils gagnent, il faut avoir soit aucune conviction ni fierté, soit aimer les coups.
      Alors, à la limite, je les excuse.
      Par contre, ce qu’ils racontent, évidemment, je trie au tamis fin !!


    • baldis30 2 mai 2019 09:05

      @troletbuse
      bonjour,
       merci pour le lien ...
      il résume bien toute l’orientation et la dérive que l’on constate quotidiennement ..
      Si la presse veut s’en sortir, et en particulier celle-là il faudrait au moins qu’elle passât , en première étape de l’égout au caniveau ( au moins cela pue à l’air libre), et ensuite du caniveau au trottoir .... (une petite marche à franchir) quoique ce voisinage journalistique puisse gêner les pauvres filles qui le arpente !


    • baldis30 2 mai 2019 09:13

      @baldis30

      oulalalala précipitation finale ignoble ...
      qui l’arpentent ( et non pas "qui le arpente )
      avec mes excuses


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 2 mai 2019 14:30

      @troletbuse

      Etre à la fois un journaliste impartial et un citoyen engagé me semble bien difficile... Si les journalistes ne risquaient pas des coups, ne seraient-ils pas de simple bavards sans pertinence ni crédibilité ? C’est la mort de quelques uns qui fait la valeur de tous les autres. Cela dit, je lève respectueusement mon chapeau a ceux qui tombent au combat.

      PJCA


  • gaijin gaijin 1er mai 2019 12:56

    la france est combien au classement de la liberté de la presse ?

    40ème .....


  • zygzornifle zygzornifle 1er mai 2019 13:58

    journaliste est un métier à risque

    Ouais s’ils ne filent pas droit Macron va s’occuper d’eux ....


  • Cateaufoncel3 Cateaufoncel3 1er mai 2019 17:35

    J’ai bien aimé l’expression « travailleurs de l’information », qui évoque irrésistiblement les « travailleurs du sexe ». tant le rapprochement s’impose. Par définition, le journaliste, quel qu’il soit, roule toujours pour quelqu’un du moment qu’il roule contre quelqu’un.

    Voir sur l’excellent site Dreuz.info - https://www.dreuz.info/2019/04/30/un-nouveau-rapport-devastateur-pour-les-medias/ -

    L’organisme d’étude Rasmussen vient de publier des résultats dévastateurs pour la crédibilité des médias.

    Extraits :


    42% des personnes interrogées considèrent que la couverture de l’actualité politique nationale est « inexacte et peu fiable
     »,

    Seulement 26 % pensent que « les journalistes politiques rapportent soigneusement les faits ».


    57% des personnes interrogées pensent que les journalistes politiques « utilisent les informations pour promouvoir leur propre programme idéologique ».


    « 78 % des électeurs disent que ce que les journalistes font de l’actualité politique, c’est promouvoir leur programme, et qu’ils utilisent les incidents comme des accessoires pour leur propagande plutôt que de chercher à rapporter avec précision ce qui s’est passé ».

    Seulement 14% pensent qu’un journaliste rapporte réellement ce qui s’est passé  ».

    https://www.dreuz.info/2019/04/30/un-nouveau-rapport-devastateur-pour-les-medias/


    • JPCiron JPCiron 2 mai 2019 09:13

      @Cateaufoncel3

      @Cateaufoncel3


      les journalistes, des « activistes politiques et non une source d’information »  ? (Rasmussen)


      Je dirais plutôt « les Médias ».

      Car les représentants des actionnaires de ces derniers recrutent les profils qui correspondent au type de message (propagande ?) qui leur convient.

      Et ne donnent pas la parole à la contradiction.


      Sur certains sujets, la ’’propagande’’ se fait simplement en ne publiant pas/peu les informations, ou en n’en publiant qu’une facette.


  • blablablietblabla blablablietblabla 1er mai 2019 20:17

    « la seule chose exacte dans un journal c’est la date »

    Coluche.


    • Xenozoid 1er mai 2019 20:34

      @blablablietblabla

      « la seule chose exacte dans un journal c’est la date »

      et c’est pour ça que les criminels s’en serve


    • Cateaufoncel3 Cateaufoncel3 1er mai 2019 20:58

      @blablablietblabla

      Mais la date elle-même ne correspond pas au contenu. Si on veut savoir ce qu’il s’est passé le jour de notre naissance, il faut se procurer le journal du lendemain !


    • blablablietblabla blablablietblabla 1er mai 2019 21:55

      @Cateaufoncel3
      Oui si on veut , les rubriques de chats écrasés.


  • zygzornifle zygzornifle 2 mai 2019 08:44

    S’il retourne sa veste BLMacron l’accueillera a bras ouvert .....


  • zygzornifle zygzornifle 2 mai 2019 08:45

    Coluche :

    Les politiques mentent , les journalistes le savent mais il répètent .....


    • Emohtaryp Emohtaryp 3 mai 2019 13:36

      @zygzornifle

      Oui, mais des bobards répétés n’ont jamais fait une vérité....

      Et là, ça commence vraiment à se voir pour l’immense majorité des citoyens....ouif, il était temps !


  • lala rhetorique lala rhetorique 2 mai 2019 09:28

    Faire le vrai métier journalistique ça n’existe pratiquement plus et depuis pas mal de temps... Ce qui se passe actuellement avait été exprimé par Edwin Plenel devant les journaleux de la 5 qui, eux, avaient un air goguenard style « pfffff il déconne le gars ».


  • JPCiron JPCiron 2 mai 2019 09:31

    la liberté de la presse a aussi du plomb dans l’aile au pays des Droits de l’Homme.>


    A l’international, le problème saute aux yeux.

    Les actionnaires des Groupes de Presse privés semblent avoir la même sensibilité que les Groupes Publics.

    C’est très inquiétant, car, comme le souligne Rasmussen (voir réponse Cateaufoncel3), en l’absence d’autres informations contradictoires, les gens sont nécessairement influencés par ce qu’on leur a servi.





  • Ruut Ruut 2 mai 2019 09:57

    Il est certain que Macron a fait tomber tous les masques.

    La Dictature Française a bien du mal a garder son masque Démocrate, surtout depuis le dernier référendum de 2005 violé par nos « Représentants » qui ne représentent désormais qu’eux mêmes.

    Quelle tristesses......

    La complicité des éditorialistes a cet égard est affligeant.


  • Dom66 Dom66 2 mai 2019 10:54

    Il faut qu’un jour on arrête d’appeler la France pays des Droits de l’Homme.

    Gaspard Glanz fiché S, on rêve, c’est vraiment du n’importe quoi.

    Un bon exemple de la dictature qui avance, c’est l’affaire des 3 journalistes convoqués à la DGSI où il leur est reproché d’avoir publié, un article , sur les armes Française qui tuent des civils au Yémen


  • Eric F Eric F 2 mai 2019 10:59

    Je pense que les deux affaires ne sont pas de même nature.

    Un journaliste indépendant (*) peut être poursuivi en tant que citoyen pour des actes personnels (rébellion envers les forces de l’ordre dans le cas présent), Est-ce dans ce cas précis justifié ou pas, on a aussi des cas où des militants lambda sont interpellé de manière abusive.

    La seconde affaire relève de l’activité spécifiquement journalistique, et il y a manifestement tentative d’entrave ou intimidation relative à la diffusion d’information.

    (*) a-t-il une accréditation (carte de presse), en ce cas il est supposé être en observateur et non en tant que participant


    • pipiou 2 mai 2019 12:09

      @Eric F
      Tout-à-fait, il ne faut pas tout mélanger.
      Gaspard Glanz filme les débordements des manifs, c’est une sorte de Paparazzi comme il y en a des dizaines, il ne fait aucune analyse journalistique ni d’enquête.
      Il ne faut comparer ça a du vrai journalisme d’investigations.


    • Emohtaryp Emohtaryp 3 mai 2019 13:42

      @pipiou

      « vrai journalisme d’investigations »

      Ah oui le troll, le vrai « journalisme d’investigation » ce sont les BFMerdewc, WC FAKENEWS, Radio Mon Cul sur la Commode, Rance Intox, l’immonde....etc, etc ??? smiley


  • zygzornifle zygzornifle 2 mai 2019 11:13

    Les journalises de BFM reçus en catimini a l’Élysée sont dans la « tournante » ....


  • Bernard Mitjavile Bernard Mitjavile 2 mai 2019 12:26

    80 journalistes sont morts dans le monde en 2018, du coup on nous dit que cette profession est particulièrement à risques. Or combien de marins-pêcheurs, de pompiers, d’ouvriers du bâtiment, de mineurs, de policiers etc.. sont morts dans le monde durant cette même année ? des milliers ou des dizaines de milliers. En un mot, cela fait chic et politiquement correct de donner ce chiffre isolé sans aucune référence à d’autres métiers.


  • Taverne Taverne 2 mai 2019 16:27

    Le danger pour les journalistes, c’est aussi les fake news.

    Le ministre stagiaire Christophe Castaner a lancé une fake news en affirmant dans sa précipitation que l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière a fait l’objet d’un assaut délibéré en vue de nuire au service public. Or, n’importe quel juge peut analyser l’intention des manifestants en observant qu’ils se tenaient cois et que c’est une charge de CRS avec jets de grenades qui a déclenché ce mouvement de foule et de panique. D’autre part, ils ignoraient qu’ils s’agissait d’un service de réanimation. Enfin rien dans leurs propos en sortant n’indiquait une volonté de nuire (pas de slogan crié), rien n’indiquait non plus la préméditation (ils ne se sont pas cachés le visage, par exemple).

    Il serait bon que Nunez, maître de stage de Castaner, corrige sans tarder cette grave accusation et cette violation de la présomption d’annonce.


    • Eric F Eric F 2 mai 2019 21:29

      @Taverne
      Tout à fait !
      Ce matin, les média focalisaient sur cet évènement et tous les « témoignages » diffusés alors allaient dans le sens d’une attaque intentionnelle (y compris la directrice de l’hopital). Le ministre a « chauffé » l’opinion, certains politiciens et commentateurs ont amplifié. Or il n’a fallu que quelques heures pour que les « vrais » journalistes établissent les faits, et que la justice relâche les personnes appréhendées, qui avaient cherché refuge lors de charges des forces de l’ordre.
      Castaner a voulu encore faire le Tartarin, il est taré ce con...


    • Ruut Ruut 3 mai 2019 07:03

      @Taverne
      En effet Joli exemple que nous donne la le Ministre du Respect, de l’honnêteté, de la retenue et de la Morale que DOIT être le Ministre de l’intérieur.


  • keiser keiser 3 mai 2019 12:01

    Et il n’y a pas que sous les régimes autoritaires que leur liberté est menacée

    Dans l’appellation de régime autoritaire, voulez vous dire que la France n’a pas un régime autoritaire ?

    Alors peut être faudrait-il poser la question à Castaner mais ce la risque d’être compliqué.

    En effet celui ci est bien occupé à gérer les attaques d’hôpitaux.  smiley


  • baldis30 4 mai 2019 08:53

    bonjour,

     « ils n’en mourraient pas tous mais tous été touchés »

     sauf la France sauf la France ... nous sommes des purs d’ailleurs lisez ce texte en italien ( au besoin usez du traducteur Google) et vous verrez que la France n’est pas au piquet ... elle n’est pas citée ...par contre nos voisin... qu’est qu’ils prennent dans la gueule y compris le Danemark...

    https://www.repubblica.it/esteri/2019/05/02/news/liberta_di_stampa_il_consig lio_d_europa_critica_di_maio_pressioni_sui_giornali_e_gli_editori_-225332057/

    Nous, les français, nous sommes les meilleurs ... mais nous sommes les seuls à le savoir !

    Il ne faut pas compter sur les autres pour faire notre publicité, ils sont jaloux ...


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