mardi 2 mai 2017 - par Clark Kent

Les présidentielles 2017 : une question de souveraineté nationale

L'élection présidentielle de 2017 marque un changement dans les repères politiques. On passe de la rivalité gauche/droite à l'opposition entre la mondialisation (qui inclut l'Union Européenne) et la souveraineté nationale. Le traitement médiatique officiel, lui, se résume à un simple dualisme « démocratie/fascisme » : le rejet « raciste » ou « xénophobe » des immigrants est le principal problème pour la presse « aux ordres » et ce qui compte, c'est d’« arrêter Marine Le Pen ! ».

Il y a cinquante ans, les héros de gauche étaient Ben Bella, Sukarno, Lumumba et Ho Chi Minh. Ils se battaient pour libérer leurs pays de l'impérialisme occidental, pour l'indépendance, pour le droit de déterminer leur propre mode de vie, de préserver leurs propres coutumes, de décider de leur propre avenir. Ils se battaient pour la souveraineté nationale, et la gauche soutenait cette lutte.

Aujourd'hui, comme dans « Alice au pays des merveilles » on se retrouve de l’autre côté du miroir : tout est retourné. La "souveraineté" est devenue une incongruité dans le discours dominant de la « gauche ». Pourtant, la souveraineté nationale est un concept défensif, le contraire des nationalismes agressifs qui avaient amené l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie à conquérir d'autres pays en les privant justement de cette "souveraineté".

La confusion actuelle est due au fait que ce qu’on appelle « la gauche » en Occident s’est totalement dilué dans la forme actuelle de l'impérialisme que les américains appellent « globalization » et les Français « mondialisation », un impérialisme d'un nouveau type, centré sur l'utilisation de la force militaire associée à l’illusion démocratique (et les "révolutions" de couleurs téléguidées) pour permettre aux financements transnationaux de pénétrer tous les recoins de la planète et remodeler toutes les sociétés dans la quête sans fin des « retours sur l'investissements ». La gauche a été happée par ce nouvel impérialisme sous la bannière des « droits de l'homme » et de « l'antiracisme », deux abstractions qui ont formaté toute une génération.

Le fait que le « souverainisme » se développe en Europe est interprété par les médias mondialistes traditionnels comme le signe d’un glissement de l'Europe vers le « populisme » (mot fourre-tout devenu dévalorisant), sans doute par « racisme ». Cette interprétation est fausse et dangereuse. En fait, les citoyens des nations européennes recherchent la souveraineté nationale tout simplement parce qu'ils l'ont perdue : elle a été sacrifiée à l'Union Européenne. C'est la raison qui a poussé les Britanniques à voter pour quitter l'Union Européenne. Non pas parce qu'ils sont « racistes », mais surtout parce qu'ils attachent une grande valeur à leur tradition historique d'autonomie, quelle que soit leur classe sociale.

En France, le naufrage du PS causé par une soumission caricaturale du gouvernement aux directives de la Commission Européenne a amené une bonne partie de son état-major à embarquer sur le « liberty-ship » préparé pour eux par la maison-mère dont le siège est à Wall-Street : « En Marche ». Macron a d’abord hésité à les accueillir, craignant que leur conversion ne rende trop évident le fait que son mouvement n’est qu’un clone de l'aile droite du PS, destiné à devenir la filiale française du Parti Démocrate américain dans sa forme Clintonienne, et il a crié bien fort qu'il n'était ni de droite ni de gauche. Hamon n’a toujours pas compris que la cause fondamentale du naufrage du PS est son attachement à deux principes contradictoire : la social-démocratie traditionnelle et l'Union Européenne. On connait maintenant le coût de son aveuglement : un score de 6.36 % pour le parti majoritaire à l'assemblée et dans les collectivités territoriales. Macron, Hollande et leurs collègues, eux, ont fait un autre choix : l'Union Européenne.

A droite, contrairement à Hollande, Fillon n’a pas essayé de dissimuler ses conceptions néolibérales. C’est un conservateur. Le but affiché était de réduire la dette nationale et il a remporté la primaire des Républicains sur un programme de fortes réductions des dépenses publiques, programme qui, selon lui, aurait dû amener les capitalistes français à investir en France et ainsi éviter que les sociétés étrangères, les fonds de retraite américains et le Qatar ne contrôlent totalement l'économie du pays. Or, dans les règles de l'UE, rien n’est fait pour encourager les investisseurs français à investir en France plutôt qu'ailleurs, et le résultat a été que la politique pro-capitaliste somme-toute cohérente de Fillon n'était pas exactement ce que préfère l'élite dominante mondialisée. Leur choix politique est le « centre gauche » : Tony Blair et Bill Clinton en sont les pygmalions. Le conservatisme patriotique traditionnel, représenté par Fillon, ne correspond pas à l'ambition transnationale de la mondialisation.

Revenons à la « gauche » : la « construction de l'Europe » est devenue son fond de commerce depuis les années 80. Mitterrand avait caressé l'espoir que la France domine politiquement une Europe unie, sans envisager l'unification de l'Allemagne qui a changé la donne. Et pour renforcer l’effet de cette surprise prévisible, l'expansion de l'UE dans les pays de l'Est s’est faite dans la sphère d'influence allemande. Le résultat est que la politique économique de l’UEest maintenant élaborée en Allemagne.

Pendant longtemps, la « gauche » a déploré les pertes d'emplois, la baisse du niveau de vie, les délocalisations ou la fermeture d'industries rentables, sans vouloir reconnaître que ces résultats impopulaires et objectivement désastreux étaient causés par les exigences de l'UE. Les directives et les réglementations de l'UE sapent de plus en plus le modèle français du rôle de l’état et des services publics et elles menacent maintenant de le détruire totalement - soit par une mise en faillite de l’état, soit parce que les règles de concurrence de l'UE interdisent aux pays membres de prendre des mesures pour préserver leurs industries clés ou leur agriculture. Plutôt que de faire face à la réalité, la réaction de la gauche a toujours été de seriner sa rengaine d'une « Europe sociale » toujours différée (et en fait impossible).

Pourtant, le fantasme de « l'Europe sociale » avait reçu un coup fatal en 2005, avec le référendum sur une Constitution pour l'Europe unie. Ce document gelait les Etats membres dans une politique économique et monétaire unique, sans possibilité de changement. Le 29 mai 2005, les électeurs français ont rejeté le traité de 55% à 45%.

Mais voilà ! Ce qui aurait dû être une grande victoire pour une démocratie responsable, est devenu son talon d’Achille, le cancer qui la ronge : le même document, renommé « traité de Lisbonne », a été ratifié en décembre 2007, sans référendum. La gouvernance mondiale a montré où se situe le vrai pouvoir, mais ce fait a entraîné une énorme désillusion dans la population ; des millions de personnes ont compris que leurs votes n’avaient pas de valeur et que les politiciens ne tenaient aucun compte de la volonté du peuple. Malgré cela, les politiciens du PS ont renforcé leur allégeance à l'UE, en mettant toujours en avant la perspective d’une Europe sociale type « arlésienne » : celle dont on parle beaucoup, mais qu’on ne voit jamais.

En même temps, il est devenu de plus en plus évident que la politique monétaire de l'UE basée sur l'euro, ne créait ni croissance ni emplois comme promis mais détruisait les deux. Privée du contrôle de sa propre monnaie et contrainte d'emprunter auprès des banques privées en leur payant des intérêts, la France s’est endettée progressivement, son industrie a pratiquement disparu et ses agriculteurs sont aux abois. La gauche s'est retrouvée dans une position impossible : être loyale envers l'UE tout en faisant mine de revendiquer des changements qui sont impossibles selon les règles de l'UE régissant la concurrence, la libre circulation, la déréglementation, les restrictions budgétaires et d'innombrables autres règlements produits par une bureaucratie opaque et ratifiés par une parlement européen sans pouvoir, sous l'influence d'une armée de lobbyistes.

Du côté de la France Insoumise qui rassemble Mélenchon et ce qui reste du PCF, les drapeaux français et la Marseillaise ont remplacé l'Internationale lors des rassemblements. Cette France ne veut pas se soumettre à quoi ? Ce que le mouvement refuse, c’est la soumission aux politiques antisociales néolibérales de l'Union Européenne qui ruinent la population modeste et enrichit les nantis. « L'Europe de nos rêves est morte », a reconnu Mélenchon, en promettant de « mettre fin au cauchemar de la dictature par les banques et les finances ».

Mais, même si Mélenchon a rapidement dépassé Hamon et attiré d'énormes foules enthousiastes à ses rassemblements en devenant l'un des quatre ténors du spectacle, il n’a pas passé le premier tour. Pourtant, son essor spectaculaire s’explique par les mêmes raisons que celles qui ont amené Marine Le Pen (qui avait pris son élan bien avant et récupéré un discours que la gauche avait malencontreusement abandonné) au second tour : tous deux ont évoqué la perspective de quitter l’euro (avant le premier tour), tous deux s'engageaient à négocier avec l'UE pour améliorer les termes du traité pour la France, tous deux défendaient les politiques sociales en faveur des travailleurs et des personnes à faible revenu, tous deux voulaient normaliser les relations avec la Russie et quitter l'OTAN, (ou du moins son commandement militaire). Tous deux défendaient la souveraineté nationale et pouvaient donc être qualifiés de « souverainistes ». Ce n’est pas par hasard si Dupont-Aignan a réalisé un score inespéré au premier tour et si la principale bénéficiaire du phénomène en cours l’a coopté pour le second tour.

Mais la question qui fâche est l'immigration : ceux qui s'opposent à l'immigration sont accusés de « fascisme », ceux qui argumentent pour montrer que les immigrés sont des boucs émissaires sont accusés de vouloir détruire l'identité de la nation en l'inondant d’étrangers, parlant même de « grand remplacement ». Or, dans un pays souffrant de chômage, sans emploi ni logement pour gérer l'immigration massive et sous la menace constante des attaques « terroristes islamistes », la question ne peut être éludée par une accusation rédibitoire de « racisme ».

Les médias globalistes ont déjà entamé une campagne unanime pour mettre la population en garde sur l'élection éventuelle d'une candidate "souverainiste". L'opinion publique occidentale est en train d'être préparée à des manifestations massives contre un vainqueur indésirable. Le 20 avril, l'Observateur de l'UE a publié un article intitulé « Les fausses nouvelles liées à la Russie inonderont les médias sociaux français ». Basé sur l'un des nouveaux kits de "vérification des faits" visant à détourner les lecteurs de l'opinion non officielle, l'article a accusé les sites Web influencés par la Russie de favoriser Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, François Fillon, Francois Asselineau , et Philippe Poutou, (en oubliant de mentionner le candidat souverainiste « historique », Nicolas Dupont-Aignan). Cet article est un exemple flagrant d'ingérence dans les élections françaises de la part des mondialistes au nom de leur favori, Emmanuel Macron, l'europhile le plus convaincu. En voulant dénoncer une manipulation supposée, il ne fait qu’apporter la preuve d’une influence réelle et tangible.

Même s’il n’est pas pris en compte d’une manière explicite pour le deuxième tour, le problème fondamental de cette campagne reste le conflit entre l'Union Européenne et la souveraineté nationale. Il ne sera probablement pas réglé dans cette élection, et les électeurs qui mettraient un espoir dans leur bulletin en votant pour Marine Le Pen risqueraient d’être déçus, car son positionnement vis-à-vis de l’UE n’est pas clair et son programme à géométrie variable, remanié à l’occasion du « mariage » avec NDA est rempli de contradictions.

Mais ce conflit UE/souveraineté nationale ne disparaitra pas. Il n’a rien à voir avec les relents nauséabonds de nationalisme auxquels il est facile de vouloir le rattacher pour le discréditer, ni avec l’idéologie défendant l’« identité nationale », même si la confusion est volontairement entretenue. C'est l'enjeu majeur de l'avenir, car il conditionne l'existence d’une véritable vie politique. Les candidats aux élections législatives seraient bien inspirés de s’en souvenir, car leur siège en dépend, et c’est la composition de la nouvelle assemblée qui déterminera les axes des cinq prochaines années.

 




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