Les Roms en 2010 et 2012 ou l’absurdité de l’alternance
S’il est bien un exemple, une question, un cas pratique politique mettant en évidence l’absurdité de ce qu’on appelle l’alternance, c’est bien le cas des Roms, observé en 2010 sous un gouvernement de droite, puis observé en 2012 sous un gouvernement de gauche.
Tous les participants de notre « système démocratique » sont au rendez-vous dans le délire de ce qui constitue une pièce de théâtre comique grandeur nature : le pouvoir officiel, l’opposition, les militants et les éditorialistes.
Retour sur l’épisode de 2010
La politique de démantèlement des camps Roms poursuivie par le gouvernement de Sarkozy fut un des temps forts du cirque politico-médiatique et il donna à l’opposition l’occasion d’offrir un concert de récriminations et protestations. F.Hollande déclarait par exemple [1] :
« Cette circulaire, elle est à la fois immorale et illégale. Elle est immorale, parce qu’une communauté est stigmatisée en tant que telle et elle est illégale, parce que c’est une discrimination en infraction avec la Convention européenne des droits de l’homme »
Martine Aubry, elle, expliquait [2] :
« un pas de plus dans l'outrance verbale et une dérive antirépublicaine qui abîme la France et ses valeurs par des lois d'exception . (...) Nous ne laisserons pas stigmatiser les étrangers, pas plus que les Français issus de l'immigration ou les gens du voyage, comme l'ont fait honteusement le président de la République et sa majorité »
Dans le même temps, le gouvernement se bornait à dire, dans des termes qui sont ceux de Manuel Valls aujourd'hui [3] :
« les lois de la République s'appliquent à l'ensemble des personnes présentes sur le territoire national, y compris aux populations nomades »
Les prises de positions de ces derniers jours
S’il y a bien un champ de la vie politique ou la doctrine « le changement c’est maintenant » fut mise en application, c’est bien celui des démantellements des camps de gens du voyage. Après plusieurs démantellements de camps Roms, Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault ont fait leurs la déclaration de l’Elysée de 2010 expliquant s’en tenir à maintenir « l’ordre Républicain ».
Même Laurent Joffrin, éditorialiste du Nouvel Obs, a pris la plume pour défendre la politique du gouvernement socialiste en expliquant qu’il fallait cesser de « se drapper dans l’indignation » [4].
Les associations locales s’étonnent quant à elles de voir conduite sous un gouvernement de gauche une politique Sarkozyste et la journaliste Audrey Pulvar a donné à entendre son énervement en publiant une tribune dans les Inrocks. [5].
L’alternance, ou la tactique du « gentil flic » et du « méchant flic » pour pièger le suspect.
La situation est effectivement étonnante pour quiconque croit toujours sérieusement au jeu politique tel qu’il nous est présenté, sur le modèle Américain, ou les citoyens se voient offrir un faux choix entre deux candidats foncièrement similaires et ne se distinguant que sur des questions périphériques.
Il est intéressant de constater que dans ce système, un des candidats endosse le rôle du « méchant » pour ensuite céder plus facilement la place au « gentil » qui récoltera lui les fruits du travail d’abnégation du premier… exactement à la manière du « méchant-flic » en salle d’interrogatoire, permettant au « gentil-flic » d’ensuite obtenir plus facilement la sympathie et la confiance du gardé à vue, les deux étant évidemment complices derrière la vitre teintée. Le bi-partisme et l’alternance, c’est ce qui se passe dans la salle d’interrogatoire devant la vitre tintée ; un gigantesque jeu de rôle, un montage impliquant politiques, média, journalistes, reposant sur la complicité active d'un petit nombre de relais, et sur la complicité inconsciente du plus grand nombre, persuadé de l'authenticité de son combat et de ses idées.
Bush et Sarkozy constituent deux bons exemples de « méchants flics », cristallisant l’un et l’autre sur leur nom les foudres de l’opinion pour les guerres ou la politique d’immigration. Obama ou Hollande représentent en revanche deux exemples de « gentils flics », jouissant de la possibilité de faire autant voire pire que leur prédécesseur de part leur statut de « gentil ».
Comme l’explique Laurent Joffrin, un démantèlement de camp Roms est condamnable quand il est de droite ; il est en revanche paré de toutes les vertus quand il est l’œuvre d’un gouvernement de gauche.
De la même façon, une privatisation accomplie par un gouvernement de droite est critiquable ; si la gauche en a statistiquement réalisé bien plus, c’est parce qu’une privatisation de gauche ne peut être nécessairement qu’une bonne privatisation (une gentille privatisation).
Quant aux guerres, une guerre lancée par les néo-cons est une guerre relativement difficile à vendre à l’opinion ; une guerre lancée et soutenue par Obama est en revanche bien plus acceptable, et , toilettée d’un ensemble de raisons humanitaires, elle en devient une gentille guerre.
Derrière la vitre teintée, ce sont bel et bien les mêmes personnes qui se frottent les mains et se félicitent de la bonne volonté de leur sujet à prendre part à cette gigantesque comédie humaine.
Sources :
[4] http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20120816.OBS9735/la-gauche-la-loi-et-les-roms.html
20 réactions
-
Olivier Perriet
29 août 2012 11:46
Bonjour,
Vous êtes opposé au démantèlement des camps.Donc vous êtes favorable à la réimplantation de bidonvilles autour des grandes cités ?
Il faudrait exprimer vos idées plus ouvertement.
Démanteler n’est pas une solution, tout le monde est d’accord là dessus.
Les laisser en l’état ne résout pas la question non plus.-
Relladyant
29 août 2012 12:29
Remarquez que mon article ne se prononce pas sur les camps. Personnellement je suis contre, mais je suis contre de façon cohérente, c’est à dire que je ne suis pas contre tout en étant pour la libre-circulation en Europe (position de l’UMP par exemple)...
Mon article parle en revanche du ridicule du bi-partisme et des postures quasi-schizophréniques de l’ensembles des politiques du système. -
Olivier Perriet
29 août 2012 13:06
Je vous rejoins sur la mauvaise foi patente de « l’UMPS ».
À propos, avez-vous avez voté Hollande en croyant qu’il allait « changer maintenant »
?
-
-
-
Castel
30 août 2012 11:44
@ PascalR
C’est un raisonnement qui se défend. Après, il y en a d’autres. Qui sommes nous pour dire qu’ils sont des parasites ? ils ont bien le droit d’avoir leur mode de vie. Pourquoi nous nous accaparons le territoires entiers et nous n’avons pas de place pour qu’ils puissent vivre tranquille ? pourquoi devrions nous nous sentir responsable de leur « misère » choisie ?
Le problème est avant tout un problème de propriété et de sécurité. Plus on a de « choses », plus on se sent responsable de ces « choses ». Notre rapport au territoire devrait être plus flexible mais, surtout, c’est aussi une question démographique et de choc culturel. Les peuples sédentaires ont toujours été « emmerdé » par les nomades, souvent par ailleurs des peuples pillards à l’origine. Nous sommes trop nombreux en France pour que leur passage passe inaperçu.
-
-
-
spartacus
29 août 2012 15:10
Même les déclarations sur l’accès au travail des Roms est bidon :
le communiqué officiel sur la question dit : « le gouvernement examinera, après discussions [avec la Roumanie et la Bulgarie] l’hypothèse d’une levée anticipée des mesures transitoires qui restreignent l’accès de Roms au marché du travail français, par rapport aux autres ressortissants communautaires ».Ca veut dire on en discutera....Du bruit et puis rien ! -
-
Taverne
29 août 2012 16:25
Je ne trouve pas que cela aide ces pauvres gens de les bouter dehors de leurs abris de fortune, en rompant leur suivi médical, leurs efforts d’insertion ou en rendant problématique la rentrée scolaire des enfants.
Le PS s’est trouvé un nouvel alibi moral : il dit appliquer les décisions de justice. Mais j’attends autre chose d’un gouvernement. Pour appliquer les décisions de justice, il y a déjà la police et les préfets. J’attendrais plutôt d’un gouvernement qu’il s’attèle à sa tâche qui est, notamment, de fournir des gites salubres à ces personnes et d’assurer un suivi sanitaire. Un gouvernement ne doit pas être un simple auxiliaire de justice, il doit agir et réformer.
-
Abou Antoun
29 août 2012 18:09
Ne pourrait-on pas cesser d’employer ce stupide ’Gens du Voyage’ (faisant penser à des consommateurs de drogue) pour le mot simple explicite et parfaitement français ’nomade’, qui n’a d’ailleurs rien de péjoratif.
-
C BARRATIER
29 août 2012 18:32
Pour moi ni les roms ni les étrangers ne guidaient mon choix de voter Hollande. Je l’ai fait pour mille raisons franco françaises !..et faute de mieux !
-
clostra
29 août 2012 18:36
cher auteur,
il me semble que vous n’avez pas bien compris (les choix du PS dans cette fermeté et celui qui tiendrait les rennes et ne serait finalement pas PS) : le gouvernement par une sorte de ruse à 2 balles est agenouillé devant le Front National. Conclusion : c’est Marine Le Pen qui gouverne. De gauche comme de droite ou de drauche ou de groite finalement.
Mais nous on a tout vu !
et surtout des gens qui souffrent d’être rejetés, des enfants qui cauchemarderont peut-être toute leur vie, adultes souffriront de maladies psychiatriques et autres crises d’angoisse...
Courage fuyons !
-
arobase
29 août 2012 21:37
que des « y’a qu’à !! » facile !moi j’aimerai qu’un fils de Jupiter (sorti de sa cuisse) me dise ici quelle serait la solution qui pourrait satisfaire-les Roms,-les maires des villes responsables de la sécurité, du bien être des habitants, de leur santé etc...-les propriétaires des lieux squattés-les partisans du FN-les racistes-les écolos-l’église-les droits de l’homme-coppé, fillon et ciedonc un homme intelligent qui nous dirait ici « si j’étais président , voilà ce que je ferai.. »etc.... et tous nous dirions : « bon sang, mais c’est bien sûr !! »y a quelqu’un ? -
arobase
29 août 2012 21:47
Et si on se demandait simplement : « si je me trouvais dans la même situation, dans un pays étranger, rejeté par le mien, mal accueilli, brimé, rejeté, sans pouvoir travailler, affamé, sans logis, sans soins, avec des enfants qui souffrent.... comment voudrais-je qu’on me traite ?
la solution sera vite trouvée : c’est donc celle qu’on voudrait voir appliquer à soi-même qui devrait s’appliquer aux Roms. tout simplement.mais il y aura toujours les imbéciles , les belles âmes, ceux qui penseront : »que ça m’arrive à moi ? ça ? impossible..."qu’ils ne le disent pas trop vite, on en a vu d’autres !! nul ne sait de quoi demain sera fait. -
Taverne
30 août 2012 11:06
Entre la décision de justice qui est prise et l’exécution effective, il s’écoule plusieurs mois pendant lesquels les services compétents et le gouvernement ont le temps de trouver des solutions alternatives d’hébergement provisoire et de renvoyer certains Roms en Roumanie dans des conditions dignes en collaboration avec ce pays. Mais, Valls utilise la méthode brutale (et spectaculaire) comme le faisait le précédent gouvernement, à tel point qu’il est critiqué par l’ONU aujourd’hui.
-
Castel
30 août 2012 11:51
Je ressens dans votre article un mélange d’humour et de drame. Il est vrai que les politiques sont des girouettes qui jouent juste leur rôle devant le grand public. Quand leur rôle change, le discours change aussi.
Je trouve que la misère humaine est finalement aussi forte du coté des roms que de notre coté. Nous voulons faire croire que nous sommes humanistes tout en s’appliquant à être sérieux question sécurité et autre. Les deux sont profondément incompatible cette situation. On peut féliciter les Roms de nous avoir montrer notre propre misère humaine. -
Aristoto
30 août 2012 19:06
et bah alors ma proposition de créer un état propres au Roms tel que ce fut le avec Israel pour les juifs.
L’idée n’a apparemment pas l’air d’enchanter du monde
-
RAVAZ CHRISTINE
30 août 2012 22:35
Proposition : à relire la tribune libre sur le thème : « Les ROMS, un peuple martyrisé ».
?