mardi 21 mai 2019 - par Hamed

Les « Ruses de la Raison » dans les 24 événements historiques qui ont changé le monde. Le sens du Hirak algérien dans l’histoire

 Comment comprendre le Hirak algérien, sorti pratiquement du néant ? Et le monde entier a les yeux braqués sur l’Algérie. L’Occident, la Russie, la Chine et les régimes totalitaires, en premier, les pétromonarchies arabes retiennent leur souffle. Tous ces pays sont en train de décrypter le mouvement algérien qui, s’il a des similitudes avec les révolutions et printemps des peuples, il demeure que le Hirak algérien est un mouvement contestataire unique dans l’histoire. On ne connaît pas de mouvement politique historique similaire qui a déstabilisé le régime politique algérien jusque dans ses fondations, et ce que par des marches politiques réunissant des millions d’Algériens, à travers toutes les villes algériennes, en particulier les grandes villes Oran, Constantine, Annaba, et bien sûr Alger, et chaque vendredi depuis trois mois. Et il ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que ses revendications soient satisfaites. Et les seuls mots d’ordre sont « selmya », « khawa khawa » (frère-frère entre peuple et son armée), signifiant pacifisme, civisme, revendication de liberté et de justice sociale. Comme le peuple algérien montre sa pleine confiance en son armée qui est issue de lui, la peur léguée par une décennie de terrorisme islamique qui a fait plus de 100 000 morts est définitivement évacuée de son inconscient.

Il est évident que ce mouvement n’est pas sorti du néant, et tout mouvement contestataire a des causes, et celles-ci relèvent essentiellement des crises politiques ou économiques qui couvent, et qui brusquement éclatent sans prévenir. Cependant, si a priori, l’analyste ne peut préjuger de ce qui se passe avec la crise qui éclate, a posteriori, il a déjà de la matière historique pour juger et décrypter ce qui peut en ressortir.
 

  1. La « Première Guerre mondiale », premier événement marquant le début du déclin de l’Occident

 

    Oswald Spengler, dans son ouvrage, en 1919 « Le déclin de l’Occident », s’est interrogé sur l’histoire : « Existe-t-il une logique de l'histoire ? Y a-t-il, par-delà tout le fortuit et tout l'imprévisible des événements particuliers, une structure pour ainsi dire métaphysique de l'humanité qui soit essentiellement indépendante de tous les phénomènes visibles, populaires, spirituels et politiques de la surface ? Qui soit au contraire la cause première de cette réalité de second ordre ? Est-ce que les grands traits de l'histoire universelle n'apparaissent pas toujours au regard du clairvoyant sous une forme qui autorise des déductions ? Et dans l'affirmative, à quoi se réduisent ces déductions ? (...) En un mot, y a-t-il, au fond de tout ce qui est historique, des formes biographiques primaires et universelles ?
Le déclin de l'Occident, phénomène d'abord limité dans l'espace et le temps, comme le déclin de l'antiquité qui lui correspond, est, on le voit, un thème philosophique qui, si on l'entend dans sa gravité, implique en soi tous les grands problèmes de l'être.
 » (1)

Comme l’écrit Oswald Spengler, il y a des causes qui n’apparaissent pas au regard de l’observateur, qui pourtant concourent à la marche du monde. Une nation, par exemple, qui perdurerait au-dessus des autres nations rendrait tout simplement l’histoire de l’humanité stérile et fausserait le sens même de l’existence humaine. Et c’est la raison pour laquelle l’humanité est une et indivisible dans sa diversité, et elle est de même essence

C’est précisément dans cette diversité des peuples pourtant liés par leurs destins et leur histoire qui nous amène à analyser la dynamique de la période contemporaine qui a suivi le Premier Conflit mondial, un événement qui a non seulement marqué le monde mais a véritablement ouvert la voie au monde d’aujourd’hui.

Aussi interrogeons-nous sur le déclenchement de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Pouvait-il être fortuit, c’est-à-dire relevant du hasard et de la seule volonté des empereurs d’Europe ? Les empereurs européens ont certes provoqué la Première Guerre mondiale, mais dans leurs plans, il n’était pas question d’entraîner leur perte, et le démembrement de leurs empires. Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’il y a dans « l'imprévisible des événements particuliers, une structure pour ainsi dire métaphysique de l'humanité qui soit essentiellement indépendante des hommes et est la cause première qui fait avancer le monde.  » C’est ce que Oswald Spengler veut vouloir dire de la marche du monde, dans le sens que le déclin de l’Occident est inscrit dans l’universalité.

Donc ce premier événement qui a marqué le monde qui n’était ni prévu ni pensé par les acteurs du moment, par son ampleur, a non seulement bouleversé l’Europe et ses empires mais ouvert un processus qui allait changer la carte du monde. A cette époque, pratiquement toute l’Afrique et une grande partie de l’Asie étaient colonisées par les grandes puissances européennes. Des peuples donc sans droits humains, vivant sous le diktat des grandes puissances européennes. La région balkanique de l’Europe était aussi sous tutelle des puissances européennes.

De là, on comprend que la succession des événements dans l’histoire ne relève pas des puissances même s’ils ont été les principaux acteurs, mais de ce que le Premier Conflit mondial a produit. Trois empires démembrés (allemand, austro-hongrois et ottoman) et plusieurs États créés, en Europe centrale et du Nord et dans les Balkans créés (9 Etats sont créés en Europe). Mais le plus important, c’est que la Première Guerre mondiale va amener tous les pays colonisés à revendiquer leur indépendance. Le monde donc progressait, l’espoir revenait aux peuples d’Afrique et d’Asie.
 

  1. Les raisons de la crise financière de 1929 et la Grande Dépression des années 1930

 Une décennie après le Premier Conflit mondial passe qu’éclate un deuxième événement inattendu qui va changer le cours de l’histoire. C’est la crise financière de 1929, suivie de la Grande dépression des années 1930. La question qui se pose : Comment est-ce possible une décennie après la Première Guerre mondiale alors que les blessures physiques et morales dues à la guerre n’étaient pas cicatrisées que de nouveau s’ouvre une période d’incertitude qui va mettre à néant la Paix de Versailles. Le traité de Versailles âprement négocié entre les belligérants et signé en 1919 a amené les pays vainqueurs à imposer leur diktat aux pays vaincus. Cependant, en imposant leur diktat à l’Allemagne, les pays vainqueurs ignoraient qu’ils préparaient une nouvelle guerre encore plus meurtrière ? Pouvaient-ils le savoir ? S’ils le savaient, ils auraient certainement tout fait pour que cette guerre ne puisse arriver. Mais ils ne le savaient pas. D’autre part, savaient-ils comment la guerre va être provoquée ? Non plus, ils ne savaient pas. Est-ce que cela relève de la fatalité due à l’inconscience des gouvernements des puissances ? Ou est-ce que ces événements entrent dans un processus caché mais naturel en vue d’une finalité que n’ont pas vu ceux qui gouvernent ? 

En réalité, ce n’est ni la fatalité ni un processus caché mais simplement la rationalité de la marche de l’humanité qui n’était pas perçue ni ne pouvait être perçue. Comme le dit Hegel
« Dieu n’est pas l’enfant héraclitéen qui joue aux dés. (...) Ce monde du tourment et du souci n’est pas extérieur à Dieu comme s’il était indépendant de lui ; on ne peut pas non plus l’imputer à l’homme et à ses limitations, comme si l’homme était un être à part ou pouvait être quoi que ce soit indépendamment de la volonté de Dieu.  » (2) L’homme en tant qu’être créé par Dieu, pourrait-il s’éloigner de Lui ? Il est évident que Dieu est omniprésent en lui sauf que l’homme ne le sait pas. Le fait même que l’homme pense sa pensée dont il ne sait rien de son origine est suffisant pour dire que l’homme n’est pas libre totalement. Et c’est libre-arbitre octroyé à l’homme qui donne sens à son existant.

Par conséquent tout événement qui arrive à l’humanité a un sens. La crise boursière qui a fait irruption en 1929 avait donc un sens. Le processus qui l’a engendré est pour ainsi dire parlant. Les États-Unis, durant la guerre, ont suppléé à la baisse de la production des pays d’Europe en guerre, et par une production massive, le progrès technologique aidant, ils sont devenus la première puissance économique mondiale. En aidant les pays d’Europe à se reconstruire, les États-Unis ont mis à profit les débouchés que leur offrait l’Europe dévastée par la guerre, pour maintenir leur croissance économique. Et donc l’Europe leur a évité une contraction de leur potentiel industriel et manufacturer, et un chômage massif.

D’autre part, la menace soviétique était une réalité. Le risque que l’Europe devienne après la guerre « communiste » était une donnée stratégique majeure. L’endiguement de la menace soviétique était d’une absolue nécessité. La même politique s’appliquait à l’Allemagne, la sauver à tout prix du communisme. L’Allemagne profitait de cette générosité au point que ce qu’elle recevait des subsides des États-Unis, elle les versait à la France à titre de réparations de guerre. L’enjeu pour l’Amérique était donc double, maintenir son soutien à l’économie par les débouchés européens et endiguer la menace communiste. Une Allemagne communiste entrainerait toute l’Europe continentale à embrasser le communisme, ce qui isolerait l’Amérique. Et ce qui ressortirait en conséquences seraient insupportables pour les États-Unis, qui se retrouveraient confrontés à des régimes communistes en Europe pouvant s’étendre en Amérique du Sud.

Ainsi se comprend la montée en puissance de l’Europe, et l’aide américaine pour l’Allemagne et le renforcement du mouvement national-socialiste (nazi). Mais, le problème est qu’après la reconstruction, l’Europe, redevenue une puissance industrielle et manufacturière, se transforme en concurrent pour les États-Unis sur le marché mondial. La situation d’impasse dans laquelle va se trouver l’économie occidentale aura de graves conséquences sur leur production, les débouchés se restreignant de plus en plus. Si le Japon en cours d’expansion coloniale en Asie, les France et l’Angleterre ont leurs empires coloniaux en Afrique et en Asie, de même que les autres pays d’Europe qui ont des colonies, la situation est autre aux États-Unis. De première puissance industrielle mondiale, et ses débouchés dans le monde qui baissent considérablement, et pose la question : comment écouler leur formidable production industrielle et manufacturière ? D’autre part, comment les trois pôles de puissance économique pourront « consommer » la formidable production de richesses qu’ils produisent alors que les trois-quarts de l’humanité ne comptent pas dans la consommation mondiale ? Ces trois-quarts de l’humanité sont soit colonisés, donc spoliés de leurs richesses de leurs terres (minerais, énergies fossiles, produits agricoles, etc.) acheminées vers l’Occident et du travail des peuples colonisés (main d’œuvre pratiquement gratuite et corvéable), soit dominés comme les pays d’Amérique du Sud qui sont indépendants mais vivent dans la pauvreté.

Pour les États-Unis, le seul moyen était de masquer cette situation d’impasse économique, après que l’Europe s’est reconstruite et repris ses parts de marché dans le commerce mondial, a été la spéculation en Bourse. Et c’est ainsi qu’en octobre 1929, les éclatait, à Wall Street (New York), la plus grave crise boursière de l’histoire américaine. Elle sera suivie de la Grande dépression économique des années 1930.

On peut s’interroger pourquoi la Grande dépression des années 1930 a été si longue ? La réponse parle d’elle-même. Pourquoi produire et pour qui produire si les débouchés n’existent pas, ce qui ne fera qu’augmenter la création de richesses qui ne pourront être consommées, tout au plus provoqueront une surproduction. La réponse se trouve dans les trois-quarts de l’humanité qui ne consomment pas, ils sont colonisés ou dominés. Cette situation de crise de la consommation mondiale entraînera une chute drastique de la production mondiale et poussera au chômage de masse en Occident. Des dizaines de millions seront mis au chômage. Aux États-Unis, ils seront plus de 15 millions et en Allemagne, 6 millions. Il est évident que le monde tel qu’il était structuré était mal parti, et l’économie mondiale ne pouvait être viable.
 

  1. L’avènement d’Hitler, une « ruse de la Raison » dans le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale ?

 Le troisième événement sera le précurseur d’une transformation radicale de l’état du monde. La crise de 1929, le chômage massif qui a suivi en Occident, plus de quinze millions aux États-Unis, le protectionnisme poussant chaque puissance à se replier sur son empire, ont eu des conséquences désastreuses sur l’économie occidentale et mondiale. Et ce qui devait arriver est arrivé. Les 6 millions de chômeurs allemands ouvrirent le pouvoir au parti national-socialiste des travailleurs allemands. Hitler devient chancelier de l’Allemagne le 30 janvier 1933. Un pays qui a perdu tout son empire, sous le diktat du traité de Versailles, des millions de chômeurs allemands, ne pouvait que mal évoluer. La militarisation de la société allemande et les revendications territoriales vont avec la politique belliqueuse d’Hitler pousser les pays d’Europe à la guerre. Hitler n’a trouvé qu’une opportunité dans la crise économique mondiale pour se mettre en selle et mettre en pratique son pangermanisme comme il est édicté dans son livre, « Mein Kampf », rédigé lors de son incarcération en 1923-1924.

Avec la reprise économique à marche forcée et le chômage pratiquement résorbé, l’Allemagne, sous un régime nazi totalitaire – l’hitlérisme – prônant la race aryenne allemande supérieure aux autres races, la recherche de créer un espace vital pour le peuple allemand (annexion de plusieurs territoires européens) et toujours dans l’obsession de prendre sa revanche sur les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, ne pouvait qu’enclencher un nouveau conflit mondial, bien plus meurtrier que le premier.

 

Dix mois après le début de la Deuxième Guerre mondiale, Hitler lançait, le 19 juillet 1940, un « dernier appel à la raison  » aux grandes puissances, surtout à l’Angleterre qui résistait à l’Allemagne. Dans un discours prophétique devant l’assemblée du Reichstag, à l'Opéra Kroll, il dit : « (...) Celui qui compare les facteurs d’où est sorti ce règlement de comptes, avec l’ampleur, la grandeur et la portée des événements militaires, doit reconnaître qu’il n’y a aucune proportion entre les épisodes et les sacrifices de cette lutte et les raisons qui l’ont provoquée, à moins que ces raisons n’aient elles-mêmes été que les prétextes pour réaliser des intentions cachées. (...)

Un dernier appel au bon sens, surtout à celui des Anglais. (...) Et Mr Churchill devra m’en croire cette fois peut-être, par exception, lorsqu’en prophète je prévois qu’un grand empire mondial sera détruit. Un empire mondial qu’il n’a jamais été dans mes intentions d’anéantir ou de léser en quoi que ce soit. Seulement je ne me dissimule en aucune façon que la continuation de cette lutte ne pourra se terminer que par la destruction intégrale de l’un des deux adversaires. A Mister Churchill de croire que ce sera l’Allemagne qui sera détruite ; je sais, moi, que sera l’Angleterre.

 A cette heure je me sens tenu en conscience d’adresser une fois encore un appel à la raison, à celle de l’Angleterre. Je crois pouvoir le faire parce que je ne sollicite pas en vaincu mais je parle raison en vainqueur. Je ne vois aucun motif qui puisse contraindre à poursuivre cette lutte.

Je plains ceux qui en seront des victimes. A mon propre peuple, je voudrais aussi épargner ces sacrifices. (...) Mais je sais aussi qu’il y a chez nous, au foyer, bien des femmes et des mères qui, tout en étant sincèrement prêtes à sacrifier ce qui leur est le plus cher, n’en sont pas moins attachées de tout leur cœur à ces êtres aimés.  » (4)

 

Que peut-on dire ce discours ? Quand on sait que le nazisme prône la supériorité de la race aryenne dont les Allemands sont censés être issus, l’extermination des Juifs, et l’espace vital, il est clair que son discours ne pouvait porter dans son appel à la raison. D’ailleurs, en 1941, Hitler envahit l’Union soviétique. Cependant, on ne peut ne pas remarquer ce qu’il a énoncé « à moins que ces raisons n’aient elles-mêmes été que les prétextes pour réaliser des intentions cachées  », et là, on entre dans l’indicible, dans l’intention cachée, puisqu’il prophétise « la continuation de cette lutte ne pourra se terminer que par la destruction de l’un des deux adversaires. » Et c’est ce qui est arrivé. Si l’Allemagne a été détruite et occupée après 1945, l’empire anglais lui aussi a été détruit. L’inde et le Pakistan accédèrent à l’indépendance. Puis suivit un formidable mouvement de décolonisation à partir de 1947 qui emporta tous les empires occidentaux.

Donc tout ce qui s’est produit entre 1914 et 1945 est rationnel. La Première Guerre mondiale, la crise de 1929 et la Grande dépression qui a suivi et l’appel à la raison d’Hitler en 1940 qui n’a été qu’une ruse, nous font dire qu’Hitler lui-même a été une « ruse de la raison qui gouverne l’Histoire du monde » dans le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.

Comme l’écrit Hegel « L’intérêt particulier de la passion est donc inséparable de l’affirmation active de l’Universel ; car l’universel résulte du particulier et du déterminé, et de leur nation. Le particulier a son propre intérêt dans l’histoire ; c’est un être fini et en tant que tel il doit périr. C’est le particulier qui s’use dans le combat et est en partie détruit. C’est de ce combat et de cette disparition du particulier que résulte l’universel. Celui-ci n’en est point troublé. Ce n’est pas l’Idée qui s’expose au conflit, au combat et au danger ; elle se tient en arrière hors de toute attaque et de tout dommage et envoie au combat la passion pour s’y consumer. On peut appeler ruse de la Raison le fait qu’elle laisse agir à sa place les passions, en sorte que c’est seulement le moyen par lequel elle parvient à l’existence qui éprouve des pertes et subit des dommages. Car c’est seulement l’apparence phénoménale qui est en partie nulle et en partie positive. Le particulier est trop petit en face de l’Universel : les individus sont donc sacrifiés et abandonnés. L’Idée paie le tribut de l’existence et de la caducité non par elle-même, mais au moyen des passions individuelles. » (3)

Ce qu’écrit ici Hegel explique d’une manière magistrale l’avènement d’Hitler et le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale et pourquoi plus de 50 millions d’êtres humains sont morts pour qu’un nouvel état du monde plus juste naisse. Force de dire donc que quoi que fasse l’Humanité, tout événement qui lui arrive relève en fin de compte de l’Idée, qui lui revient de structurer la marche du monde. Et les peuples ne peuvent rien comme leurs dirigeants, quelles que les ambitions, les passions, ils sont assujettis à l’Universalité de la marche de l’histoire.

On comprend dès lors que les trois événements étaient nécessaires pour changer le monde. Avant les guerres, chaque puissance cherchait à préserver son empire, et l’Allemagne cherchait à agrandir son empire sur leurs empires, au besoin par la guerre. A la fin, toutes les puissances ont perdu leurs empires (français, anglais, belge, portugais, espagnol...) après 1945 comme ce le fut, après le Premier Conflit mondial, pour les empires (allemand, austro-hongrois et ottoman). L’histoire du monde a un sens, une finalité, aucun événement qui marque l’humanité ne relève du hasard, au contraire, tout événement participe au progrès universel du monde. Qu’on l’accepte ou non, il existe un ordre naturel, providentiel dans la succession des événements historiques, et c’est cet ordre qui n’est pas perçu a priori mais l’est a posteriori qui régit le monde. Les puissances du monde pourraient-ils le comprendre ?
 

  1. Les 24 événements qui ont changé le monde

 Pour l’étude de l’histoire du monde qui va suivre, énumérons les événements qui nous paraissent les plus marquants dans la marche du monde, depuis la Première Guerre mondiale.

  • Le premier événement, la Première Guerre mondiale 19141918 et le traité de Versailles de 1919
  • Le deuxième événement, la crise boursière de 1929 et la Grande dépression des années 1930
  • Le troisième événement, Hitler et la Deuxième Guerre mondiale 19391945  
  • Le quatrième événement, les accords de BrettonWoods en 1944 et l’instauration du roi dollar-or dans le monde
  • Le cinquième événement, la décolonisation
  • Le sixième événement, la création de l’Etat d’Israël en Palestine et les guerres israéloarabes
  • Le septième événement, la guerre froide et son pendant, les dictatures militaires dans un monde bipolaire
  • Le huitième événement, création du Marché commun (Europe des Six en 1957) et retour en 1958 des grandes monnaies européennes à la convertibilitéor
  • Le neuvième événement, les deux guerres de Corée et du Vietnam dans l’endiguement du communisme
  • Le dixième événement, les crises monétaires et la fin de la convertibilité du dollar en or en 1971
  • Le onzième événement, les crises pétrolières en 1973 et 1979
  • Le douzième événement, les accords de camp David en 1978 entre l’Égypte et Israël et l’avènement de la République islamiste d’Iran en 1979
  • Le treizième événement, la guerre d’Afghanistan et le mouvement islamique armé
  • Le quatorzième événement, la crise d’endettement mondial des années 1980 et le début de démocratisation du monde
  • Le quinzième événement, les ÉtatsUnis à la tête d’une coalition internationale de 28 pays déclenche une offensive militaire contre l’Irak pour libérer le Koweït
  • Le seizième événement, l’éclatement du bloc Est et la fin de l’Union soviétique
  • Le dix-septième événement, l’ascension de la Chine sur le plan économique mondial depuis que l’économie planifiée s’est convertie en économie socialiste de marché
  • Le dix-huitième événement, l’attentat terroriste du World Trade Center le 11 septembre 2001
  • Le dix-neuvième événement, l’offensive militaire américaine contre le régime des Talibans en Afghanistan et occupation de l’Irak
  • Le vingtième événement, l’avènement du BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud) et du Groupe des vingt (G20)
  • Le vingt-et-unième événement, la crise financière et immobilière mondiale de 20072008
  • Le vingt-deuxième événement, le Printemps arabe
  • Le vingt-troisième événement, l’emploi massif concerté des quantitative easing par les quatre grandes Banques centrales du monde de 2008 à 2019
  • Le vingt-quatrième événement, le contrechoc pétrolier programmé en 2014 par l’Occident

 

Comme on l’a énoncé, l’histoire du monde est rationnelle. Et si la Terre tourne avec la précision d’un métronome, et personne ne peut en disconvenir, la rotation de l’humanité sur elle-même dans le temps n’est pas loin, sauf qu’elle a un degré de liberté qui lui aussi est géré indiciblement par l’Universel, par le Principe du monde éternel. Pour ce qui va suivre, nous n’allons pas traiter un à un les 21 événements qui restent, ce serait trop long et ne peuvent l’être que dans un ouvrage, et qui sollicite un travail important, cependant, par une synthèse, nous tenterons de montrer que dans les événements historiques qui se succèdent, l’histoire en fait est rationnelle, elle est positive et c’est ce qui caractérise son caractère universel.
 

  1. Les zones d’influences post-indépendance et les dictatures militaires essaimées à travers monde dans un contexte extrême de guerre froide

 En revenant aux deux Guerres mondiales, il faut se dire qu’elles ne sont pas venue ex nihilo, mais ont été l’œuvre des hommes, l’œuvre des dirigeants des grandes puissances européennes. Mais une guerre est une guerre, a fortiori une guerre mondiale. Les puissances victorieuses comptaient pour un quart de l’humanité. Les trois-quarts monde dominés ne comptaient ni politiquement ni économiquement sur le plan mondial. Asservis, ces pays étaient des territoires et des peuples enfermés dans une colonisation indigne ne respectant pas l’humain. Les autochtones assimilés par les colons à des indigènes qui n’ont ni droits ni dignité tout au plus des peuplades bonnes à être exploitées.

C’est ainsi qu’après la Deuxième Guerre mondiale, les puissances européennes de nouveau sortirent très éprouvées par les destructions et les pertes humaines. Comme après la Première Guerre mondiale, les États-Unis les aidèrent de nouveau à se reconstruire, et toujours pour les mêmes enjeux. Les pays d’Europe représentaient des débouchés vitaux pour l’économie américaine. Sans ces débouchés, l’Amérique serait obligée de diminuer la voilure de son industrie et son agriculture, le marché extérieur ne portant plus comme en temps de guerre. D’autre part, l’Europe, endettée par les dépenses de guerre, ne pouvait pas payer, et c’est là ou entrent les aides massives américaines dont les effacements partiels des dettes et le Plan Marshall.

Et la générosité de l’Amérique n’était pas gratuite, c’était dans son intérêt. En plus que l’Europe par ses débouchés évitait de graves dommages à l’économie américaine, et donc une contraction du potentiel industriel et un chômage de masse, cette même aide américaine permettait d’éviter à l’Europe de céder au chant des sirènes du communisme. Ce qui serait une catastrophe pour les États-Unis, d’où la nécessité urgente d’endiguer la menace communiste.

Mais cette situation n’a fonctionné qu’un temps. Les pays d’Europe reconstruits, reprenant leurs parts de marché dans le commerce mondial, se sont transformés de nouveau, comme après le Premier conflit mondial, en concurrents pour l’Amérique. Mais, contrairement à la fin des années 1920 qui a vu éclater la crise boursière de 1929, l’accession à l’indépendance du Pakistan et de l’Inde en 1947, suivi d’un formidable mouvement de décolonisation, a au contraire permis d’étirer la croissance économique mondiale. Plus de 100 pays ont accédé l’indépendance, dopant par leurs besoins pour édifier leurs pays, la demande mondiale, et donc la croissance de l’économie mondiale. Période qualifiée par les économistes les « Trente Glorieuses ». 

Si, sur le plan économique, la situation a mieux évolué, sur le plan géopolitique, elle est très instable. La conférence de Yalta en février 1945 qui a été déterminante dans le nouvel ordre mondial d’après-guerre eut pour effet la création de deux zones d'influence dues à l’émergence de deux grandes puissances, les États-Unis et l’Union soviétique. Comme naguère au temps du nazisme et du fascisme face aux empires de l’Ouest, de nouveau le camp occidental face au camp communiste, un combat idéologique contradictoire qui fait que chaque camp luttait contre l’autre. Tout recul de l’un mettait sa propre existence en péril.

La politique d’endiguement des États-Unis de la menace communiste que faisait planer l’Union soviétique aidée en cela par l’avènement de la Chine communiste qui se proclame République populaire de Chine (RPC), en 1949, aura de graves conséquences sur les pays de la périphérie des puissances communistes en Asie. Ce sont surtout eux qui paieront le lourd tribut à la politique d’endiguement américaine. Deux guerres atroces marquent l’Asie, d’abord, en 1950, la guerre de Corée, et la guerre du Vietnam, en 1964. Les États-Unis subiront une débâcle militaire au Vietnam.

Cette bipolarisation du monde eut pour conséquence d’essaimer partout des dictatures militaires dans le reste du monde. Les coups d’État étaient légion dans les pays du tiers monde. Y compris au sud de l’Europe dans les années 1970 et dans les pays latino-américains qui pourtant ont eu leur indépendance au début du XIXème siècle, donc des États qui ont environ 150 ans d’existence. Un profond fossé séparait un Occident riche et développé et un tiers monde sous-développé. Les peuples de ces nouveaux États n’avaient d’alternative que de se soumettre aux régimes politiques militaires, soutenus tous par leurs protecteurs respectifs – les grandes puissances – selon le camp occidental ou communiste auxquels ils se rattachent.

On comprend dès lors les crises à répétition et les guerres dans ces pays, conséquences de la guerre froide. Une paix armée avec une pléthore d’arsenaux de missiles nucléaires déployés sur le monde et une guerre froide poussée à l’extrême ne pouvaient qu’avoir une incidence négative sur l’existence des peuples du tiers monde. Certes libérés, mais toujours en confrontation avec les forces subversives déstabilisatrices externes.

Au final, que peut-on dire de la décolonisation ? Les faits historiques parlent d’eux-mêmes. D’une situation d’indigènes, sans droits, sous le joug des puissances colonisatrices, la décolonisation qui a permis à ces peuples de recouvrer leur indépendance les a mis, dès le départ, entre l’enclume et le marteau. Comment sortir de la misère économique si, dès le départ, ils sont confrontés à une guerre froide qui fait rage entre les deux camps, et qui obligent ces peuples à choisir leur camp ? Et cela passe par des systèmes politiques autoritaires imposés qui font que les peuples ne peuvent résister, sinon se soumettre, parce que telle était configurée l’architecture mondiale du temps de la guerre froide.

D’autre part, ces pays nouvellement indépendants ne disposent ni d’industrie ni d’une élite pouvant les inscrire dans le développement. Donc tout est à construire et une situation économique difficile qui n’apporte pas beaucoup d’espoir à leurs peuples.

Si les guerres de Corée et du Vietnam ont été néanmoins bénéfiques pour les pays asiatiques alliés à la puissance américaine, le Japon a vite été reconstruit et s’impose dès les années 1960 en grande puissance économique, la Corée du Sud, Taïwan, et d’autres pays asiatiques ont profité des aides américaines dans le contexte de la guerre froide, cela n’a pas été le cas pour les pays de la périphérie du camp socialiste, leurs économies sont restées précaires.

Dans le monde arabe, le même processus. Tout d’abord, la création de l’Etat d’Israël en Palestine qui a provoqué plusieurs guerres au Proche et au Moyen-Orient a permis paradoxalement de réveiller le monde arabe. Elle l’a sorti d’une longue léthargie historique d’abord sous l’empire ottoman, puis sous les empires européens. Sorti de la colonisation, le monde arabe s’est trouvé lui aussi divisé en deux camps, les monarchies arabes dans le camp américain, les pays progressistes dans le camp socialiste. Le monde arabe, bien qu’il ne soit pas industrialisé et dépend des biens et services importés, a cependant deux atouts importants qui jouent en sa faveur. Le premier, et c’est un paradoxe, les guerres qu’il a menées contre Israël vont l’endurcir au point qu’il aura à jouer un rôle central dans l’équilibre de puissance dans le monde.

Les pays arabes continueront à s’armer devant les menaces des deux camps qui pèsent sur eux. Après la guerre du Vietnam, tous les conflits vont se concentrer dans le monde arabe. Il deviendra une aire centrale de confrontation pour toutes les grandes puissances du monde. La question qui se pose, pourquoi le monde arabe est dans cette situation ? Pourquoi il est devenu une aire de confrontation pour les grandes puissances ? Est-ce le pétrole ? Pourtant l’or noir, en tant que matière première énergétique commercialisable et libre dans le commerce mondial, ne peut expliquer à lui seul cette concentration de forces étrangères en son sein. Comment comprendre que le monde arabe se trouve dans cette situation d’instabilité permanente faite de crises et de guerres ? Même la création de l’État d’Israël et les guerres qui ont survenu ne peuvent l’expliquer.
 

  1. L’Empire-dollar et les trois royautés monétaires régnant sur le monde. Le clash entre les États-Unis et l’Europe sur le dollar

 Pour comprendre la complexité du monde arabe, il faut remonter à l’année 1944. En pleine guerre mondiale (à moins d’un an de se terminer), les États-Unis ont pris les devants pour mettre en place une organisation monétaire mondiale afin de stabiliser le système monétaire mondial et favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. Les accords de Bretton-Woods, signés en juillet 1944 par 44 nations alliés, un observateur soviétique était présent, instaurèrent le dollar US comme « monnaie internationale » pour l’après-guerre. Adossé à 35 dollars l’once d’or, le dollar américain qui était aussi bon que l’or, et par la confiance qu’il inspira, est devenu la monnaie internationale par excellence. De plus des organisations mondiales tels le Fonds monétaire international (FMI, la Banque mondiale... ont été prévu dans les accords de 1944.

Et les «  accords de Bretton-Woods en 1944 dont l’instauration du roi dollar-or dans le monde » qui constituèrent le quatrième événement historique, comme on l’a énuméré ci-haut dans l’ordre chronologique de l’histoire du monde, auront des conséquences considérables dans l’évolution du monde.

Un point cependant important à souligner est que, par les accords de Bretton Woods, les États-Unis se sont octroyés le « droit de seigneuriage » sur le monde. Cela signifie que, par le dollar-or américain, le monde est devenu un immense royaume et les États-Unis détenaient la royauté puisqu’ils étaient seuls à avoir le pouvoir d’émission monétaire, les autres pays du monde qui s’apparentaient à des sujets à ce pays-roi, émettaient leurs monnaies domestiques sur la base des réserves de change en dollar et or qu’ils avaient dans leurs coffres auprès de leurs Banques centrales. Les quantités de monnaies domestiques (nationales) émises par ces pays s’opéraient au prorata des réserves de change qu’ils détenaient. Si les pays abusaient de la planche à billets sans couverture suffisante en dollars et or, il se produit dans les pays concernés inflation et hausse des prix, et le risque d’une spirale inflationniste aboutissant à de graves crises politiques et économiques.

L’Union soviétique avait aussi instauré le rouble-or mais restait très limité dans l’emploi international, utilisé surtout par les pays d’Europe de l’Est dans leurs échanges.

Mais si le dollar-or-roi octroyait des avantages considérables à la première puissance mondiale sur le plan économique, financier et monétaire et était librement convertible, les États-Unis, avec les guerres en Asie et dans d’autres parties du monde, vont se retrouver concurrencés dès les années 1960 par les pays d’Europe, et perdre beaucoup de parts de marché dans le commerce mondial. En effet, après la reconstruction, la remise à niveau et leur essor économique, les pays d’Europe commencent à peser sur le marché mondial. Précisément, le huitième événement, la « création du Marché commun (Europe des Six en 1957) et le retour à la convertibilité-or des grandes monnaies européennes en 1958  » sera déterminante dans les développements politiques et économiques dans les années 1960 et 1970 pour l’ensemble des nations du monde.

Une question anodine cependant : Quel est le véritable sens de ce huitième événement qui a marqué le monde, c’est-à-dire « le retour des grandes monnaies européennes à la convertibilité-or en 1958 ». Que signifie de nouveau la convertibilité des monnaies européennes depuis la Deuxième Guerre mondiale ? Quel en est le sens pour les États-Unis et le reste du monde hors Europe et hors-États-Unis ? Pour imager ce retour de convertibilité de monnaies européennes, si les États-Unis constituent avec le roi dollar-or, un «  Empire monétaire » sur le monde puisqu’ils régnaient pratiquement sans partage sur le monde depuis 1945, le retour de la convertibilité en or de la livre sterling, du franc français et du deutschemark allemand de la RFA faisait du Royaume-Uni, de la France et de la République fédérale allemande des pays concurrents à l’Amérique sur le plan financier et monétaire international.

En procédant à la convertibilité monnaies en or, le Royaume-Uni, la France et la RFA deviennent de facto des émetteurs de monnaies internationales à l’instar des États-Unis avec le dollar. Dès lors, le monde n’est plus régi par un Empire monétaire mondial mais par un Empire partageant ce « droit de seigneuriage » avec trois Sous-Empires sur le plan financier et monétaire, ou simplement dit trois royautés. Certes les trois nouvelles royautés sont plus faibles dans le volume monétaire en circulation dans le monde, il reste cependant qu’elles partagent intégralement avec les États-Unis le droit de seigneuriage sur le monde.

Ce monde, qui était constitué de 82 pays en 1958, est passé à 99 pays en 1960. Ce qui signifie qu’en 1960, les pays étaient au nombre de 95 dépendant des cinq monnaies (4+1) pour leurs échanges extérieurs. Pour avoir une idée de l’importance des pays à utiliser le dollar et les autres monnaies internationales, en 2011, les pays sont passés de 99 en 1960 à 193 pays en 2011. Si on soustrait les pays de la zone euro qui sont 19 membres, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, la Chine en 2011 n’avait pas encore de monnaie internationale agréée par le FMI, du nombre total des pays à cette date, c’est 171 pays qui utilisent ces monnaies (dollar, euro, livre sterling et yen). Aujourd’hui, le nombre de monnaies internationales est passé à cinq avec le yuan chinois, depuis son entrée dans le panier du DTS du FMI, en octobre 2016.

Dès lors ces pays ont une liberté totale pour augmenter ou diminuer la masse monétaire dans le monde selon qu’ils dévaluent ou réévaluent leurs devises internationales, en injectant plus de liquidités ou en restreignant les injections monétaires. Les pays du reste du monde sont tenus de fixer leurs monnaies nationales sur le panier de ces monnaies internationales et l’or selon les quantités disponibles auprès de leurs Banques centrales.

La stabilité du système monétaire international qui impacte les échanges économiques internationaux dépend essentiellement des politiques monétaires de ces grandes Banques centrales du monde. Dès lors, par ce statut seigneurial qui est unique pour ces Banques centrales est qu’il existe d’évidence une action concertée pour éviter des turbulences entre elles puisqu’elles ont tout à gagner précisément par ce droit de seigneuriage qu’elles ont sur le monde.

Mais cette action concertée a des limites lorsqu’une partie « abuse » dans la création monétaire, et qui déstabilise ses autres partenaires. En effet, combien même les États-Unis détiennent la part la plus importante du droit de seigneuriage, ils sont limités par le stock d’or qu’ils détenaient dans les années 1960. En effet, par la compétitivité commerciale, les pays d’Europe ont accumulé des excédents commerciaux appréciables sur les États-Unis, et donc accumulé beaucoup d’or au détriment de l’Empire. Le stock d’or américain ayant beaucoup diminué, les Américains ont continué à émettre des dollars pour financer leurs déficits extérieurs. Des liquidités considérables de dollars américains censés être convertibles en or, sauf qu’elles ne l’étaient pas.

Devant la réclamation de conversion de masses de dollars par les pays d’Europe que les États-Unis ne pouvaient satisfaire, le stock d’or américain étant arrivé à la limite de sûreté, une crise de confiance s’est instaurée sur le dollar américain, amenant l’Europe à s’opposer à la première puissance du monde.

Le constat qui s’est fait pour les pays d’Europe, en acceptant des dollars sans couverture or, est qu’ils finançaient gratuitement les déficits commerciaux américains. D’autant plus qu’à cette période, les États-Unis étaient engagés dans une guerre coûteuse au Vietnam. En plus de l’intervention massive au Vietnam, en pleine guerre froide, ils s’étaient lancés dans une course aux armements et à l’espace avec l’Union soviétique tout aussi coûteuses. Les déficits américains en hausse année après année ont amené les pays d’Europe à refuser les dollars américains, sans couverture or.

Une situation de blocage sur le plan monétaire s’est ensuivi au début des années 1970, qui a conduit le président Richard Nixon à suspendre la convertibilité du dollar en or, le 15 août 1971. Une suspension qui était en fait définitive à partir de cette date. Devant la fin de la convertibilité et la surévaluation du dollar – excès d’émissions monétaires par la Banque centrale américaine (Fed) –, les pays d’Europe sont passés au change flottant, seul moyen pour les prémunir de l’invasion de dollars, issu des déficits extérieurs américains.

Que peut-on dire des dissensions monétaires entre les grandes puissances occidentales ? En imageant cette crise, on peut représenter les trois royautés monétaires européennes du monde demandant des comptes à l’Empire américain. Qu’ont-ils fait les trois royautés en refusant les dollars et passant au change flottant ? Tout simplement, devant les abus du droit de seigneuriage de l’Empire, les trois royautés ont mis fin précisément à leur droit de seigneuriage, mais en même temps au leur. Puisque l’Empire ne pourra plus émettre de dollars sinon à les voir se déprécier sur les marchés monétaires internationaux, rendant leurs importations plus chères, et si la dépréciation continue, elle amènera les autres pays du monde à « fuir un dollar déprécié ». Devant une telle situation qui pourrait finir par un krach du dollar, l’Empire n’a d’autres solutions que d’arrêter ses émissions monétaires ex nihilo et financer ses déficits extérieurs en levant plus d’impôts, en restreignant les importations, annuler des projets, par exemple, d’armements coûteux, dans la recherche spatiale, etc...

Pour les royautés monétaires européennes, il en sera de même. Ce sera à la loi de l’offre et la demande sur les marchés monétaires qui régira les taux de change respectifs de leurs monnaies. Le Japon qui dépendait du marché américain, et devenu une puissance économique mondiale, est aussi concerné par la crise du dollar. Il constituera le quatrième royaume monétaire avec les pays d’Europe.

Qu’ont-ils fait les pays d’Europe à l’égard des États-Unis ? Toujours en image, sans en prendre conscience, malgré qu’ils étaient dans leur droit en optant pour le refus des dollars, et, par ce biais, refuser de financer gratuitement les déficits américains, les pays d’Europe ont fait « découronner  » les États-Unis tous « se découronnant » eux-mêmes.

Cependant, ce processus de contraction de l’économie américaine sera dommageable pour l’Amérique elle-même, mais aussi pour l’Europe et le reste du monde. Le monde entier perdra donc le moteur que furent les États-Unis avant la crise. La diminution des importations américaines va impacter forcément les pays d’Europe qui seront obligés de diminuer leurs exportations, donc moins d’excédents commerciaux, et se traduisent par des fermetures d’entreprises économiques (usines, manufactures...) et hausse du chômage. Au final, ce sera un jeu à somme nulle, personne ne gagnera ni les États-Unis ni l’Europe, et le reste du monde sera aussi gravement touché par une chute d’exportations de matières premières, et donc l’appauvrissement pour tous.

Les conséquences seront terribles pour l’économie mondiale. Le passage du change fixe au change flottant ne règlera pas les problèmes économiques, financiers et monétaires dans le monde. Les pays d’Europe ont certainement pensé aux conséquences de cette donne mais cette situation ne pouvait être évitée parce qu’il y avait pour eux un problème d’équité économique et morale dans leurs échanges commerciaux avec les États-Unis.

Une telle situation que provoquera le clash monétaire entre pays occidentaux ne pourra que mener vers un remake de la crise des années 1920, c’est-à-dire une crise financière comparable à celle de 1929 et une dépression économique mondiale qui suivra. Les États-Unis vont se replier sur eux-mêmes, de même pour les pays d’Europe et le Japon. Ce sera des mesures protectionnistes réciproques qui ne feront que créer un marasme économique mondial.

En image, cela signifie aussi la fin de l’Empire et des royautés monétaires européennes. Alors se pose la question, d’où viendra la solution-miracle à cette situation-impasse ?
 

  1. L’Arabie saoudite, une « ruse de la Raison » dans la facturation du pétrole en dollar

 Une telle situation ne pourrait se produire historiquement parlant. Pourquoi ? Parce que l’Occident n’est plus seul comme il l’était dans les années 1920 dans le commerce mondial. Les pays d’Afrique étaient colonisés. Une grande partie d’Asie l’était aussi. Ces pays, accédant à l’indépendance, et venant renforcer ceux qui étaient déjà indépendants comme l’Amérique centrale et du Sud, comptent tous dans le commerce mondial.

Comme alors vont se régler les crises monétaires entre les États-Unis et les pays d’Europe ? D’où viendra le salut non seulement pour l’économie occidentale mais pour l’ensemble des économies du monde ? Ce sera comme l’a énoncé Hegel, une « ruse de la Raison » qui gouverne le monde. Et que sera cette ruse de la raison ? Ironie de l’histoire, elle viendra de ce monde arabe que l’Occident ne cesse de déstabiliser. La ruse de la Raison viendra de l’Arabie saoudite qui, en réaction à l’intervention américaine lors de la quatrième guerre israélo-arabe (guerre du Kippour), poussera les pays arabes, membres de l’OPEP, réunis au Koweït, le 16 et 17 octobre 1973, à quadrupler le prix du pétrole. Le prix du baril de pétrole passe de 3 à 12 dollars, en quelques semaines.

Mais ce qui n’est pas dit dans ce jeu du poker menteur, c’est que l’Arabie saoudite, tout en décrétant des sanctions contre les États-Unis, comme l’embargo total sur les livraisons pétrolières, « facture son pétrole en dollar et pousse les autres pays arabes membres de l’OPEP à facturer leurs exportations pétrolières en dollar ». Il est évident que l’Arabie Saoudite, en décidant de facturer la vente de son pétrole en dollar, suivie par les pays arabes puis par les autres membres de l’OPEP, ne fait qu’« offrir » aux États-Unis le moyen cardinal pour « obliger » les pays d’Europe, le Japon et les autres pays importateurs de pétrole du reste du monde d’acheter les dollars US pour importer leur pétrole des pays du Golfe, d’Afrique du Nord et des autres pays d’OPEP. En clair, cela se traduit par un achat massif de dollars par les pays importateurs de pétrole lequel permet de nouveau à la première puissance du monde de répercuter ses déficits commerciaux sur le reste du monde.

Que peut-on dire dès lors de l’Arabie Saoudite puisque l’impulsion vient d’elle ? Par ce privilège unique octroyé aux États-Unis qui n’est autre que le « droit de seigneuriage » sur le monde, ce sont l’Arabie Saoudite et les pays arabes qui remettront la « couronne monétaire » à la première puissance mondiale. Les États-Unis redeviennent de fait l’Empire régnant sur le monde par le « dollar adossé au pétrole arabe et OPEP ».

Dans ce nouveau processus, lorsque les pays arabes convertissent des dollars sur les marchés en monnaies européennes ou japonaise pour régler leurs importations en provenance d’Europe et du Japon, et qu’une partie de ces dollars reviennent sur les marchés, si le dollar se déprécie sur les marchés monétaires, cette dépréciation du dollar ne sera pas un frein au « droit de seigneuriage » de l’Empire, pour au moins trois raisons. La première porte sur les excédents commerciaux des ventes du pétrole en dollars des pays arabes qui, en accord avec le pouvoir financier américain, viennent se placer en bons du Trésor et obligations américains. Ce qui permet de pondérer la dépréciation de la monnaie américaine. La deuxième raison réside dans le fait que les conversions des dollars en d’autres monnaies pour régler les achats de biens et services en provenance d’Europe ou du Japon par ces pays sont en bonne partie contrebalancées par les achats de dollars sur les marchés pour le règlement des importations pétrolières ultérieures qui sont récurrentes. Le pétrole étant une matière énergétique consommable qui nécessite toujours de nouvelles importations.

La troisième raison, et c’est la plus importante, en « couronnant » les États-Unis sur le plan monétaire, les pays arabes «  couronnent » aussi les pays d’Europe et le Japon, en tant qu’émetteurs de monnaies internationales. Comment ? Toute dépréciation du dollar due à un excès d’émission monétaire par la Fed est aussitôt contrebalancée par des émissions monétaires ex nihilo par les pays d’Europe et du Japon. En effet, une dépréciation du dollar fait automatiquement apprécier les monnaies européennes et japonaise. Conséquence : les pays d’Europe et le Japon perdent en compétitivité commerciale, les biens exportés sont plus chers. Pour dégonfler le taux de change de leurs monnaies, les pays d’Europe et le Japon utilisent à leur tour la planche à billets et émettent des liquidités en franc, en livre sterling, en deutschemark, en yen, adossés à rien donc ex nihilo comme les États-Unis.

Ainsi, les quatre royautés monétaires, c’est-à-dire les trois grands pays d’Europe et le Japon, en tant que détenteurs de monnaies internationales, retrouvent aussi leurs couronnes monétaires. Et la boucle est bouclée avec de nouveau les quatre royautés monétaires et les États-Unis régnant sur le monde. Il faut dire aussi qu’en plus des grandes nations, d’autres pays comme l’Italie, la Suisse... ont aussi un droit de seigneuriage mais beaucoup plus restreint.

Cette « ruse de la Raison », on le voit bien, avec l’inclusion du monde arabe dans la consommation mondiale à laquelle s’ajoute la monétisation des déficits extérieurs américains, a permis, en dopant la consommation mondiale, d’éviter une crise économique majeure au monde. Avec le monde arabe et l’Arabie Saoudite au centre, le jeu monétaire mondial s’opère en fait à six : « l’Empire, le monde arabe-Arabie Saoudite et les quatre royautés monétaires. »

On comprend dès lors l’importance du monde arabe et de l’Arabie Saoudite dans le jeu monétaire mondial, et toutes les crises et guerres qui se jouent en son sein. Toutes les grandes puissances convoitent cette région centrale du monde. Pour les États-Unis, la région du monde arabe constitue l’espace vital qui conditionne leur survie en première puissance économique, financière, monétaire et militaire du monde. Sauf que ce conditionnement ne s’opère pas dans la paix mais dans la guerre. Et l’islamisme grâce aux pétrodollars qui a permis à l’Arabie saoudite de le propager à travers le monde, en construisant dans tous les pays des mosquées, des instituts islamiques, et ce avec l’assentiment intéressé des puissances occidentales, dans le but d’embrigader les Musulmans où qu’ils se trouvent.

Le véritable objectif des puissances occidentales et l’Arabie Saoudite en tant que monarchie absolutiste est donc d’instrumentaliser l’islam pour en faire un rempart contre les visées soviétiques sur cette région centrale du monde, surtout depuis l’affaiblissement de la première puissance mondiale dues à la débâcle militaire au Vietnam et à la semi-victoire de l’Égypte contre Israël en octobre 1973.
 

  1. La République islamiste d’Iran, une autre « ruse de la Raison » providentielle dans un nouvel équilibre du monde

 Dans la stratégie américaine de créer une ligne de feu autour des plus grands gisements de pétrole arabe du monde pour endiguer toute avancée de puissance adverse, en l’occurrence soviétique, une offensive subversive déstabilisatrice a été menée sur plusieurs points stratégiques dans cette région. D’abord au Liban, une guerre civile intercommunautaire qui a éclaté en 1975 et a fait rage, elle durera quinze ans. Entre le Maroc et l’Algérie, un conflit armé éclate la même année sur le Sahara occidental. Soutenu par l’Algérie, le Front Polisario créé la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976 et réclame son indépendance. Ce conflit colonial n’a toujours pas trouvé solution. 

L’Égypte qui se posait en danger pour l’État d’Israël depuis la guerre de 1973 devait, dans les plans occidentaux, être neutralisée à tout prix. Des négociations entre l’Égypte et Israël, après la guerre, ont abouti aux accords de Camp David (États-Unis), en septembre 1978. Un traité de paix par lequel l’Égypte récupérait son territoire occupé par Israël, le Sinaï, et en échange normalisait ses relations diplomatiques avec Israël, est signé, à Washington, en mars 1979.

Par ce traité de paix avec Israël, l’Égypte sortait du front arabe. Aussitôt un Front du refus arabe ou de fermeté s’est formé entre l’Algérie, la Syrie, le Yémen, la Libye et l’OLP contre Israël, qui ne reconnaît pas les droits des Palestiniens à l’autodétermination. Cependant, ce front était trop faible devant Israël qui a un soutien total des États-Unis. La neutralisation de l’Égypte et la normalisation avec Israël a porté un coup très dur aux Palestiniens et au monde arabe. Les monarchies, devenues le front du silence, et ceux qui ont capitulé comme l’Égypte et les pays arabes qui l’ont en sous-main appuyé ont laissent un front arabe lézardé, perdant de son unité et de sa détermination.

Comment la situation entre Israël et les États-Unis et le monde arabe affaibli va-t-elle se redresser ? Et de nouveau se rééquilibrer ? La nature, ne l’oublions pas, a horreur du vide, surtout dans des situations sensibles, morales, critiques, en particulier pour le peuple palestinien qui risquait d’être dépossédé de son territoire reconnu par l’ONU et poussé à l’exode dans les pays voisins.

Là encore, un événement inattendu, majeur va survenir qui va non seulement rééquilibrer les rapport de forces mais conditionner la marche de l’histoire du Proche et Moyen-Orient et du monde, comme on le constate encore aujourd’hui, et certainement demain.

Quel est cet événement qui va changer les rapports des forces dans la région pour ainsi dire la plus sensible du monde ? Est-ce une autre « ruse de la Raison » ? Précisément, les États-Unis n’avaient pas d’un bon œil le shah d’Iran qui voulait doter son pays d’un programme nucléaire ambitieux, qui risquait de rompre l’équilibre de la région. Et l’intérêt des États-Unis dans leur plan de créer une « ceinture verte » (islamiste) autour de la partie sud de l’Union soviétique, faisait de l’Iran qui avait précisément une frontière avec l’Union soviétique, un maillon idoine dans la stratégie islamiste américaine. Il y avait donc nécessité et urgence d’installer un régime islamiste en Iran. Ce qui permettait de faire une pierre deux coups. Mettre fin au programme nucléaire du Shah et, via un Iran islamiste, propager l’islamisme aux républiques soviétiques musulmanes qui inévitablement déstabiliserait l’Union soviétique. Et c’est ce qui était planifié dans l’éclatement de la révolution iranienne, en 1979, qui a renversé l’État impérial d’Iran et la dynastie Pahlavi.

Tout paraissait pour le mieux pour les États-Unis, sauf qu’ils n’ont pas pensé qu’il y a une Raison dans l’histoire, et que cette Raison va utiliser leur stratégie à des fins qu’ils n’ont pas pensées. C’est ainsi que, par la « ruse de la Raison », l’Iran certes est devenu une république islamiste, sauf qu’elle a pris fait et cause pour les droits palestiniens et a rejeté l’impérialisme américain. Une situation complètement nouvelle puisque l’Iran vient ainsi suppléer providentiellement la sortie de l’Égypte du Front arabe puisque la même année était signé un traité de paix entre l’Égypte et Israël.

N’est-ce pas là un miracle ? Mais pour la Raison qui gouverne le monde, il n’y a pas de miracle mais la nécessité de l’universalité dans la marche du monde. Comme on rappelle encore la pensée de Hegel, « Dieu n’est pas l’enfant héraclitéen qui joue aux dés. (...) Ce monde du tourment et du souci n’est pas extérieur à Dieu comme s’il était indépendant de lui ; on ne peut pas non plus l’imputer à l’homme et à ses limitations, comme si l’homme était un être à part ou pouvait être quoi que ce soit indépendamment de la volonté de Dieu.  » L’homme ne gouverne pas le monde dont il n’est qu’un maillon, mais l’Esprit par lequel est le monde qui gouverne le monde.

C’est ainsi que la faiblesse du front du refus arabe s’est trouvée contrebalancée par l’entrée de ce nouvel acteur, qui bouleversera l’ordre américain au Moyen-Orient. Les États-Unis et l’Arabie Saoudite riposteront en provoquant une guerre entre l’Irak et l’Iran. Huit années de guerre avec toutes les atrocités commises et 1 million de morts dans chaque camp vont changer radicalement l’équilibre des forces de cette région. Devant les nouvelles forces arabo-musulmanes, Israël se trouve dépassé, et ce sont les États-Unis qui doivent prendre le relais et intervenir militairement au Moyen-Orient.

Et l’Union soviétique tombe aussi dans le piège de la ceinture verte pensée par les États-Unis et l’Arabie Saoudite. En s’attaquant à l’Afghanistan, pour endiguer la poussée islamiste sur ses républiques du sud, l’URSS va s’épuiser durant 9 années d’une guerre atroce. Les islamistes de tout le monde arabe se déversant en Afghanistan, armés par les Américains, ne laisseront pas de répit aux forces de l’armée rouge, qui, à la fin, évacue l’Afghanistan. L’armée rouge se retire en 1989 sans aucun gain de guerre. Mais, l’échec n’était pas seulement dans la guerre, l’Union soviétique sera affectée aussi par des problèmes économiques, dans les années 1980, qui s’avèreront extrêmement graves pour sa survie.
 

  1. Les conséquences de la crise d’endettement mondial, conséquences elles-mêmes dues à la « ruse de la Raison »

 Il faut rappeler que si la situation économique mondiale, dans les années 1970, a pu dépasser l’antagonisme entre les États-Unis et l’Europe sur le plan monétaire, cela n’a pu s’opérer qu’avec l’entrée des pays arabes dans la crise monétaire. En effet, les Arabes, après avoir facturé leurs ventes pétrolières en dollars, ont, sans le savoir, évité une dangereuse crise économique au monde. Cependant, avec les déficits américains devenus structurels et haussiers, un processus d’injections monétaires par les Banques centrales américaines et européennes et japonaise s’est enclenché provoquant une spirale inflationniste à deux chiffres. Ce qui ne pouvait si ce rythme était maintenu que mener à terme à un clash de l’économie mondiale.

Comment s’opérait le processus inflationniste ? Le processus est le suivant. On avait, d’un côté, les États-Unis injectant massivement des liquidités en dollars pour financer leurs déficits extérieurs, pondérées par la hausse des prix de pétrole, de l’autre côté, les pays européens répondaient, suite à l’appréciation de leurs monnaies, par des injections massives de liquidités pour déprécier leurs monnaies et, en même temps, conséquemment à ceux de la Fed, par ces liquidités ex nihilo injectées, ils finançaient leurs déficits énergétiques. Et la boucle est bouclée produisant l’inflation, qui provoque une forte hausse des prix des biens et services. Si la hausse du prix du pétrole a pondéré l’inflation, il demeure que la Banque centrale américaine, par les injections monétaires massives, après le premier choc pétrolier, n’a pas tenu compte des conséquences inflationnistes que provoquaient des hausses répétées du prix du pétrole et répercutées sur les prix des biens et services répétées au point qu’un deuxième choc pétrolier fut nécessaire, en 1979, pour absorber le surplus de dollars américains sur les marchés dans les transactions pétrolières. N’empêchant pas les pays d’Europe et le Japon à utiliser à leur tour la planche à billets vu l’augmentation des prix de pétrole.

Les prix des biens et services augmentaient donc sans cesse, les avoirs privés se détruisant par l’inflation, le deuxième choc pétrolier de 1979 ne faisait que reculer la nécessité de mettre un terme à la spirale inflationniste. Finalement, pour éviter un troisième choc pétrolier qui ne résoudra pas le problème de l’inflation, et ne fera que l’accélérer, le président de la Fed américaine, Paul Volcker, a augmenté brusquement le taux d’intérêt directeur, en 1979, le faisant passer de 10 % à 20 %. Il réduira parallèlement les injections monétaires. Ces mesures macroéconomiques prises par la Fed auront des conséquences désastreuses pour l’ensemble des pays du monde. Par cette augmentation du taux d’intérêt, l’Amérique siphonnera toutes les liquidités en dollars dans le monde. Les investisseurs dans le monde cherchant à rentabiliser leurs avoirs procèderont à des conversions massives de leurs capitaux en dollars pour les investir aux États-Unis. C’est ainsi que les monnaies européenne commenceront à se déprécier, de 1980 à 1985, elles atteindront un pic baissier historique. 

Pourquoi les monnaies des quatre royautés monétaires, c’est-à-dire les trois grands pays européens (France, Allemagne et Royaume-Uni) et le Japon, se sont fortement dépréciées ? Tout d’abord par le siphonage de leurs capitaux à la recherche de rendement convertis en dollars et placés aux États-Unis, de l’autre par les émissions monétaires ex nihilo pour financer leurs déficits énergétiques dus à la hausse du pétrole, les prix ayant triplé en 1979 (année du 2ème krach pétrolier) qui dureront jusqu’en 1986 (année du contrechoc pétrolier). Alors que normalement, les quatre royautés monétaires devaient suivre la politique monétaire de l’Empire puisque la Fed, en restreignant les émissions monétaires, le dollar s’appréciait et les monnaies européennes et japonaise par conséquent se dépréciaient, donc plus d’intérêt à émettre de liquidités qui ne feraient que déprécier plus leurs monnaies. Mais compte tenu du 2ème choc pétrolier, ils ne pouvaient restreindre leurs émissions monétaires ex nihilo et devaient au contraire en émettre et les convertir en dollars pour financer leur pétrole qu’ils importaient des pays arabes, contrairement à l’Empire qui lui importait du pétrole avec sa propre monnaie, le dollar, et donc point besoin de conversion.

C’est ainsi qu’au premier semestre de l’année 1985, le cours du taux de change du dollar américain atteindra pratiquement le double du taux du change en monnaies européennes de l’année 1979. Pour le franc français, le dollar passe de 4,037885 FRF en janvier 1980 à 10,111696 FRF en mars 1985. Pour le deutschemark, le dollar passe de 1, 723970 DEM en janvier 1980 à 3,308957 DEM en mars 1985. Pour la livre sterling, le dollar passe de 0.441990 GBP en janvier 1980 à 0.911996 GBP en février 1985. Pour le yen, le dollar passe de 197.262452 JPY en janvier 1979 à 260.200188 JPY en février 1985. (5)

Ces chiffres réels confirment la forte dépréciation des monnaies européennes et japonaise eu égard aux injections massives de liquidités ex nihilo pour boucler leurs balances des paiements. Mais si les royautés eurent recours aux émissions monétaires ex nihilo parce qu’ils disposent du « droit de seigneuriage », en tant que pays émetteurs de monnaies internationales, il n’en va pas de même des pays du reste du monde, qui voient, par le seul effet conjugué de la hausse drastique du taux d’intérêt américain et l’appréciation du dollar américain, leur endettement vis-à-vis des États-Unis, de l’Europe et du Japon exploser.

Ces pays du reste du monde seront traversés par de graves troubles politiques. Des émeutes, des crises économiques, politiques et sociales. En cessation des paiements, ces pays qui ont beaucoup emprunté dans les années 1970, suite à l’argent facile accordé par les banques occidentales, vont se trouver étranglée financièrement par l’endettement.

Mais ce qui est intéressant à constater est l’autre revers de la médaille qui est positif à maints égards. C’est que la crise de l’endettement mondial a permis de « démocratiser  » une partie des pays du reste du monde, en Amérique du Sud en particulier. Le bloc Est a subi des révolutions étonnantes. En Amérique du Sud, les juntes militaires, impuissantes à répondre aux besoins des peuples, n’ont pas d’alternative que de transmettre, en échange de leur immunité, e pouvoir aux civils.

Quant au bloc Est, il subira en plein fouet la crise de l’endettement. L’Union soviétique en déclin, d’abord en Afghanistan, puis avec la crise de l’endettement – tous les pays alliés des autres continents se trouvant étouffés par l’endettement et aux prises avec les programmes d’ajustement structurel (PAS) du FMI –, un commerce extérieur donc déprimé ne lui laissa aucun espoir que de voir ses alliés de l’Europe centrale et orientale, aussi endettée, s’émanciper de son influence et sortir de ce glacis d’après-guerre. Avec la chute du Mur de Berlin en 1989, et la libération des pays d’Europe de son influence, ce sera au tour de l’Union soviétique qui subira le même sort, elle finit d’exister en décembre 1991. La Yougoslavie suivra, elle éclatera à partir de 1992, en libérant tous les pays qui étaient sous fédération yougoslave.

Que peut-on dire de ce changement brusque de l’état du monde à la fin des années 1980 et début des années 1990 ? Il y a des « ruses de la Raison » qui ne sont pas perceptibles dans leur sens car elles sont censées être naturelles dans la marche de l’histoire. En fait, d’une manière anodine, sans même en sentir les effets qui paraissent découler naturellement, elles renferment des forces qui peuvent broyer des puissances, transformer des continents entiers. On comprend alors le vrai sens de la facturation du pétrole arabe en dollars, qui, par ses effets inflationnistes, la lutte contre l’inflation par la Fed, l’endettement mondial qui a suivi, conjugué à l’islamisme qui a donné République islamiste d’Iran, et le formidable processus qui a résulté en quelques années, et sans guerre mondiale, a abouti à la démocratisation de l’Amérique du Sud et l’éclatement du bloc socialiste, libérant des pays entiers des dictatures socialistes. Même la Chine a été touchée par le « Printemps de Pékin », en 1989.

 

Tous les effets induits par des ruses anodines, ne le paraissant pas, mais en fait relèvent de la Raison, ne sont pas terminés comme on le voit encore aujourd’hui dans les crises qui ne cessent pas dans le monde arabe. Qui aurait pensé qu’en s’entendant avec l’Arabie Saoudite d’augmenter le prix du pétrole et le facturant en dollar, les États-Unis ont pu démanteler le barrage européen dans leur refus d’accepter des dollars parce qu’ils sont adossés à leurs déficits commerciaux et ne sont pas couverts par de l’or ? Qui aurait pensé qu’en érigeant une « ceinture verte » au Sud de l’Union soviétique, cette même Union soviétique aura aussi son « Vietnam » en Afghanistan ? Et que, conjuguée à la crise économique dans les années 1980 issue de la même ruse « États-Unis-Arabie Saoudite » de la Raison, allait sortir définitivement l’Union soviétique de la scène de l’histoire et la libération des peuples de son influence ?

Mais ce qu’on constate que dans les « ruses de la Raison » dans les développements de l’histoire du monde, les « ruses de l’humain » font parties intégrantes des ruses de la Raison. Et l’histoire en témoigne. Après le cessez-le-feu intervenu au cours de l’été 1988 avec l’Iran, l’Irak a été montré du doigt par les Américains par le fait que ce pays représentait un danger pour l’équilibre de puissance au Moyen-Orient. Par conséquent, il était urgent de l’annihiler. D’autant plus que le contrepoids que fut l’Union soviétique à la puissance américaine ne fonctionnait plus, la deuxième puissance du monde était en pleine dérive politique, économique et sociale.

L’Irak, au sortir de la guerre, bien que surarmé, était très endetté. Le président irakien, demandant l’allègement de sa dette auprès de ses alliés, les pétromonarchies arabe, ces derniers le lui refusèrent. L’Empire en fait voulut l’acculer. Le président irakien, pour desserrer le poids financier qui pesait sur son pays, posant son dévolu sur le Koweït, consulta l’ambassadrice April Glaspie sur cette question, elle lui affirme, selon les informations occidentales, que son pays n’avait pas d’opinion sur les frontières de l’Irak avec le Koweït. Tranquillisé du côté américain, il passa à l’action et envahit le Koweït le 2 août 1990. Le piège tendu par les Américains a fonctionné. En réalité, les forces américaines stationnées au Moyen-Orient aurait pu s’interposer à la frontière Irak-Koweït et arrêter immédiatement l’invasion. Et cela n’a pas été fait, pourtant les forces US stationnées dans cette région jouent le rôle de gendarme dans la région et protègent tous les gisements de pétrole des pétromonarchies du Golfe. Et elles n’ont pas été activées.

On comprend pourquoi l’Irak a été présenté comme la 4ème armée du monde, et pourquoi les États-Unis, à la tête d’une coalition internationale de 28 pays, l’ont attaqué, en 1991, et libéré le Koweït et mis sous embargo l’Irak. Il le demeura jusqu’à 2003, soit 12 années avec des conséquences terribles pour la population. Il était évident qu’un nouvel état du monde va naître dans les décennies à venir, précisément par ces « ruses de la Raison ». Les États-Unis pensent qu’avec la disparition de l’URSS, le monde qui se lève leur est propice pour fonder un monde unipolaire. Se trouvant l’unique grande puissance du monde, ils oublient que le monde a besoin d’équilibre, qu’eux aussi sont une puissance passagère, et ce constat est une donnée de la nature même, vérifiée tant de fois par l’histoire.

 

Nous arrêtons là cette analyse des événements qui ont changé le monde, et laisserons l’étude des autres événements qui ont changé le monde pour un prochain article.

 

  1. La ruse de la Raison dans le Hirak algérien

 Il reste cependant un événement très important, le Hirak algérien, qui marque depuis le 22 février 2019, la scène algérienne et qui a émerveillé le monde. Le Hirak algérien a fait une entrée magistrale dans l’histoire d’Algérie et même du monde. Il est très intéressant de se pencher sur ce mouvement populaire tant il est inédit, tant il n’y a pas dans l’histoire de l’humanité un mouvement qui lui ressemble, un peu comme sorti du néant. Un mouvement populaire que personne n’attendait et beaucoup le qualifie de miraculeux, il a pour ainsi dire « ressuscité »la nation, donné beaucoup d’espoir aux Algériens, surtout à sa jeunesse. Les étudiants tant à Alger que dans les autres villes n’arrêtent pas de marcher. Chaque mardi apporte son lot de richesse pour cette jeunesse magnifique comme chaque vendredi apporte ce sentiment de dignité, de force, de conscience du peuple qu’il sait qu’il est lui l’Algérie, qu’il personnifie cette Algérie qui étonne le monde. Comment appréhender cet événement qui étonne à commencer par les Algériens eux-mêmes ? Ils ont brisé le mur de la peur, et marche dans la ferveur et la joyeuseté. Un peu comme il le mérite, ils ont osé et sont récompensés par leur courage qui est simplement de vouloir être, de ne pas mourir dans l’inanité, l’indifférence d’eux-mêmes.

Aussi pour parler de miracle dans la réalité de l’existence humaine, il n’y a miracle que s’il ne peut être expliqué par l’homme. Donc il est mis au compte de l’Essence, de Dieu. Or, dans le Hirak algérien, le qualifier de miracle veut simplement dire que son apparition le doit à la formidable aspiration du peuple algérien d’être ce pourquoi il est. Et on peut penser que ces dernières décennies, il n’a pas été, il n’a pas existé selon ses désirs, selon ses espoirs. Il a été pour ainsi dire enfermé depuis la décennie noire dans une sorte de fatalité, d’impuissance tant les forces lui ont été contraires.

Et, aujourd’hui, il s’est réveillé de sa léthargie et veut vivre dans son pays selon des règles qu’il veut lui-même édicter, et en toute souveraineté. Et ces règles sont l’égalité de droits pour tous devant la loi, la liberté citoyenne, les égalités des chances, la fraternité en tant que support de la solidarité sociale. Ce qui évidemment passe par un État réellement démocratique, sous-entendant un pouvoir civil loin de toute pression, de toute oppression.

Mais que peut-on dire aujourd’hui du pouvoir civil ? Il va de soi que combien même un pouvoir civil est aux commandes de l’État, le vrai pouvoir en fait est aux mains des militaires. Mais cette situation qui fait de l’armée l’instrument suprême dans la structure de l’État algérien ne relève pas de la décision de l’armée d’être l’instrument suprême mais de l’histoire. Ceci pour dire que le pouvoir militaire en Algérie n’est pas venu ex nihilo, et à l’indépendance, la démocratie ne pouvait tout simplement pas s’appliquer. Il faut se dire qu’il y a des forces historiques qui dictent la marche d’un pays dans l’histoire. L’Algérie ne vit pas en vase clos. Elle vit au sein d’un monde difficile, qui ne pardonne pas. Il faut rappeler qu’à son indépendance, le monde était bipolaire, deux grandes puissances, les États-Unis et l’Union soviétique, dictaient aux peuples leurs régimes politiques. La devise sous-entendue était « soit tu es avec moi, soit tu es contre moi ». Donc chaque pays nouvellement indépendant choisissait son camp.

Du temps de la guerre froide, la démocratie n’avait pas le vent en poupe. Le monde était quadrillé de dictatures militaires. En Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, y compris en Europe, le Portugal, l’Espagne, la Grèce, la Turquie ne sont devenus démocratiques pour certains qu’au milieu des années 1970, les autres dans les années 1980, et suite aux crises politiques et économiques.

Le pouvoir en Algérie n’a fait que suivre ce qui se passait dans le monde. Si tous les pays étaient démocratiques ou du moins pour la plupart, l’Algérie l’aurait certainement été parce qu’elle n’aurait pas subi de pression déstabilisatrice étrangère. Et il y avait la création d’Israël et les guerres et crises en cascades qui ont suivi dans le monde arabe. Le pouvoir militaire n’a pas été un choix, mais une nécessité. Il n’était pas non plus une originalité algérienne. De même pour le socialisme, il n’était pas un simple choix, mais un choix nécessaire parce que ce régime était censé être plus humain, porteur, et le pouvoir à l’époque a voulu édifier une nation où tous les Algériens pouvaient espérer de leur pays prospérité, quiétude et foi dans leur avenir.

Donc, on ne peut dire que c’est la démocratie qui a manqué à l’Algérie pour réussir. S’il en était, cela aurait été aussi pour les 4/5ème de l’humanité, qui n’auraient pas réussi. Soit pratiquement la plupart des États du monde. Donc le monde a évolué ainsi, et l’Algérie a évolué avec le monde, il ne pouvait être autrement. On peut même dire qu’elle a bien évolué par rapport aux autres pays arabes, qu’ils soient progressistes ou monarchiques. Et c’est d’ailleurs parce qu’elle a réussi que ce Hirak d’aujourd’hui a été rendu possible. Bien sûr, on peut penser qu’il y a trop d’optimisme dans ces propos. Non, il y a les faits historiques qui en témoignent. Prenons l’indépendance, personne ne peut en disconvenir qu’elle a été arrachée par les armes pendant plus de sept ans de guerre contre la France. La France, à cette époque, qui était classée 4ème puissance du monde, a tout fait pour maintenir l’Algérie dans son giron. Mais le peuple a dit non. 132 ans, barakat (ça suffit).

La période postindépendance, de 1962 à 1992, et les régimes politiques sous Ben Bella, puis sous Boumediene, puis sous Chadli, ont été un passage obligé, compte tenu de la configuration du monde. Qu’il y ait dictature, instabilité, erreur dans la gestion économique, corruption, népotisme, clientélisme, ce sont des traits de la face négative de tout système politique qui a commencé à s’édifier dans un court temps de trois décennies. Et ces trois décennies, le peuple et le pouvoir ont appris. Et même la crise économique qui a survenu en 1986 et a entraîné l’instabilité ont joué positivement dans la marche de son histoire. L’Algérie était le premier à inscrire dans Constitution le multipartisme, la liberté d’expression, de la presse, en clair, elle a adopté un régime démocratique bien avant les autres pays arabes qui n’ont commencé à le faire que 23 ans plus tard, depuis le Printemps arabe, en 2011. Et cela fonctionne mal pour ces nouveaux régimes censés être démocratiques.

Donc c’est un progrès considérable et il compte, malheureusement il a demandé des sacrifices en vies humaines.

On peut aussi citer la décennie noire où furent commises des atrocités dues à la guerre civile depuis que le courant de l’islamisme radical a frappé à la porte de l’Algérie et a entraîné plus de 100 000 morts. Mais c’était un passage aussi de l’histoire qui était nécessaire à traverser dans la décennie 1990 et non plus tard. Se représenter si l’islamisme radical n’a eu son effet en Algérie qu’en 2011, et qu’elle fut restée sous le régime politique d’un parti unique, que serait-il passée en 2011 si les manifestations populaires massives avaient été contre le pouvoir et la répression qui aura riposté ? L’Algérie aurait subi le même sort que la Syrie avec ingérence des forces étrangères. On aurait eu des millions d’Algériens déplacés, et une guerre civile qui aurait vu le peuple algérien se déchirer, ce serait une véritable guerre qui aurait divisé l’Algérie en camps opposés.

Mais la Raison dans l’histoire a évité cette situation, et ce que subissent les Libyens, les Syriens, les Yéménites, l’Algérie durant la décennie noire, s’immunisant contre les actes subversifs intérieurs et extérieurs, en est sorti indemne du « Printemps arabe ». Et le Pouvoir a su aussi répondre en déliant la bourse du Trésor public en augmentant massivement les salaires, comme l’a fait d’ailleurs l’Arabie Saoudite avec le peuple.

Force de dire qu’il y a un ordre du monde où jouent des forces souvent incomprises. Prenons le Hirak algérien. Si le pouvoir avait opté pour un nouvel président au lieu d’un cinquième mandat pour le président sortant Bouteflika, pour raison d’empêchement, l’état de santé ne lui permet pas un autre mandat, et que ce candidat aurait fait consensus malgré les réticences des parties au pouvoir. La raison l’ayant emporté, ce président aurait été élu. Et après le serment, il se serait adressé à la nation, en promettant tout ce qu’il lui était possible de dire. Et tout est dépendant de la conjoncture économique. Le président ne détient pas l’avenir. La population aurait-elle manifesté ? Pourquoi l’aurait-elle fait ? Il n’y avait pas de raison, et il y a aussi ce fatalisme qui ne décroche pas, la population a perdu réellement espoir, et si elle espère c’est en silence, surtout avec ce qui se passe en Syrie, en Libye, en Tunisie, au Yémen, en Égypte, le bras de fer Iran-États-Unis. Le monde arabe évolue décidément très mal.

Or, que s’est-il passé en Algérie ? Pour les gouvernants, la rue ne compte pas. L’aveuglément qui les saisit, et il ne trouve pas un candidat qui fait consensus du fait que chaque partie au pouvoir se méfie de l’autre partie. Et tous craignent un candidat qui va dégommer une partie et favoriser une autre. Et c’est ainsi que dans ces joutes au sein du pouvoir, on opte tous pour un cinquième mandat pour le président sortant, qui est un moindre mal pour toutes les parties.

Et voilà que la « ruse de la Raison » entre en action, elle exploite précisément le cinquième mandat et « souffle » ceci dit métaphysiquement dans les consciences du peuple algérien de se réveiller et de dire non à cette mascarade. On ne vote pour un portrait d’un président qui apparaît très rarement en public et n’existe presque pas sur la scène politique algérienne. Et c’est ainsi que commence l’incroyable, des marches chaque vendredi, et des mardis pour les étudiants et dans la capitale et pratiquement toutes les villes algériennes, et même le Ramadan. Le pouvoir est médusé, il ne comprend pas ce qui se passe.

Il use toutes les ruses pour essouffler ce mouvement sans savoir que le pouvoir ne peut ruser avec la « ruse de la Raison ». Ce qui se passe en clair en Algérie, c’est la ruse de la Raison qui a mis à profit la décision du pouvoir d’octroyer au président sortant un cinquième mandat, par conséquent, la Raison qui gouverne le monde, c’est Dieu qui l’a accordé au peuple algérien. Et si le peuple qui a marché avec pacifisme, avec joie, avec dignité, avec civisme, c’est que ce peuple ne veut pas du mal pour son pays, mais au contraire il veut son bien, il veut avoir des représentants qui le gouvernent en qui il a confiance. Dès lors que ce peuple ait repris confiance en lui-même, et peu importe qu’il y ait ou non ses représentants, et peu importe que le pouvoir s’oppose, si la Raison a ordonné ce mouvement, et lui a donné cette ampleur que le monde entier loue, et tire même de cet étonnant mouvement exemple, apprend la maturité, le respect des rendez-vous, la force de l’âme du peuple algérien dans ce qu’il fait, c’est que c’est voulu.

Et c’est la raison pour laquelle le peuple algérien avancera inéluctablement et son armée inéluctablement le suivra, parce que cette armée est issue de son peuple. D’autre part s’il y a douze, treize ou vingt vendredi, ce n’est pas le nombre qui compte qui est important, c’est l’ardeur dans ce que fait le peuple algérien qui compte. Parce le dialogue viendra entre Algériens et ils trouveront la solution, la bonne solution. Et ces vendredi vont se terminer inévitablement, inéluctablement et le peuple algérien arrivera à son but pour ce qu’il a fait, parce que la Raison, Dieu donc l’a voulu. Sauf que ces marches resteront dans la mémoire collective, dans la mémoire du monde, et il y pensera avec nostalgie. Et probablement avec la réussite inéluctable, quel que soient les événements qui viendront, il n’appartient pas à l’homme de connaître son avenir, d’autres peuples en particulier arabes en apprendront et se libèreront comme l’aura fait le peuple algérien. Une liberté pour la dignité, une liberté pour la prospérité, une liberté pour combattre la mal-vie, une liberté pour apporter l’espoir à la jeunesse algérienne qui est désemparée et ne sait pourquoi elle vit tant les portes lui sont fermées. Et c’est la Raison pour laquelle il faut faire confiance à la Raison qui gouverne le monde.

 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective

 

Note :

1. « Le Déclin de l'Occident » Esquisse d'une morphologie de l'histoire universelle I, Forme et réalité, par Oswald Spengler. Éditions Gallimard 1948

2. «  La Raison dans l’Histoire. Introduction à la Philosophie de l’Histoire  », par G. W. F. Hegel. Traduit par Kostas PAPAIOANNOU Union général d’Éditions - Paris

3. Ibid. La Raison dans l’histoire, page 129

4. Adolf Hitler - Discours de la Victoire à l'Opéra Kroll, 19 juillet 1940

https://archive.org/details/AdolfHitlerDiscoursDuReichstagLe19Juillet1940

5. historique des taux de change

https://fxtop.com/fr/historique-taux-change.php

 



10 réactions


  • GHEDIA Aziz GHEDIA Aziz 22 mai 2019 01:45

    Avec tous mes respects, mais à la lecture du passage réservé au « Hirak » de votre très long article, j’ai pu constater que vous avez retourné votre veste. En effet, il y a quelques années, vous souteniez le contraire. Vous étiez un partisan zélé du... 4e mandat présidentiel de A. Bouteflika. A cette époque, vous aviez même critiqué mon article dont le lien est ici, dans une de vos contributions sur le Quotidien d’Oran.


    • Hamed 22 mai 2019 13:09

      @GHEDIA Aziz

       

      Bonjour Ghédia,


      Merci pour votre commentaire. Vous me dîtes « je retourne ma veste, et que j’étais un partisan su 4ème mandat  ». Que vous dire ? Je vais essayer de vous répondre rationnellement, c’est-à-dire par la logique. Vous êtes dentiste, dîtes-vous. Quand vous soignez une personne, et si vous êtes un dentiste consciencieux, votre travail, vous essayerez de le faire le mieux possible. Comment ? Quel est votre outil ? Est-ce la machine, c’est-à-dire le fauteuil de dentiste et ses accessoires ? Non, c’est une machine inerte pensée par l’homme. Mais c’est vous qui faîtes tout marcher et l’utiliser pour les soins que vous donnez. Bonne conscience, bon travail.


      Mais avec une autre personne, en ce qui me concerne, votre outil n’est que votre pensée, il n’y a pas de machine. Et très peu voire une infime partie des êtres humains ne sont conscients de leurs pensées, ne sont conscients que c’est la pensée qui pense en eux et non eux qui pensent leurs pensée. Et donc ils pensent et croient qu’ils pensent. C’est votre cas et le cas de 99,99999... à l’infini qui pensent comme vous pensez. Donc je ne prends pas en considération ce que vous dîtes. Pourquoi ? Parce que vous êtes inconscient dans votre conscience. Vous croyez penser juste alors que vous ne faîtes que penser sans que votre pensée vous éclaire. En clair, la pensée vous laisse à ce que vous voulez penser d’elle. Pourquoi ? Parce que dans votre pensée, il vous est accordé un libre-arbitre et vous êtes libre d’en faire ce que vous voulez même penser mal, ou penser dans l’erreur. Et dans le cas de votre commentaire, c’est l’erreur.


      Quant à l’Algérie, « tranquillisez-vous », l’Algérie réussira. Elle ira vers son destin, vers cette magnifique jeunesse consciente qui se fait tabasser, mais n’en démord pas parce qu’elle a Dieu avec elle. De plus, qu’on l’accepte ou non, l’Algérie est une grande nation.


      Voilà, Ghédia, J’espère avoir été explicite. Cdl


    • Hamed 22 mai 2019 14:25

      @Cadoudal

      Bonjour Cadoudal,

      Merci pour votre commentaire. Je ne veux pas vous vexer, alors je vous dis : Etes-vous jaloux de l’Algérie qui a montré au monde dans ses marches populaires massives son pacifisme, son civisme, sa maturité citoyenne, et d’autres encore que je ne peux énumérer.

      Et vous dîtes dîtes : « Une grande nation de qui ne produit que du gaz et de la merde, on s’en fouterait si elle gardait sa merde chez elle, mais non, ces nuisibles exportent leur merde partout dans le monde... »

       

      Je répondrais « Pauvre France ». Où est la France de Descartes, de Robespierre, de Marat, de Rousseau, de Victor Hugo, de de Gaule ? Quand on voit comment elle est gouvernée aujourd’hui. Et on passe l’opprobre sur les gilets jaunes, certes ils cassent, on les marginalise, parce qu’i n’y a rien à faire, le système et la bande ont « endormi » la France

       

      Et ce sont des français comme vous qui participent au déclin de la France, en n’arrivant pas à comprendre que ce sont ces nuisibles qui sont en train de donner une nouvelle vie à la France

       

      Évidemment vous ne pouvez pas comprendre, il faut d’abord vous comprendre et ce que « sa merde que vous projetez sur les autres, c’est d’abord la merde que vous avez en soi. »

       

      Je ne veux pas vous plaindre, je n’ai pas le droit en tant qu’humain comme vous, mais je vous dis : « De grâce réveillez-vous ! » Si vous le pouvez.

       

      Cdl


    • foufouille foufouille 22 mai 2019 14:49

      @Hamed
      et donc tu as obtenu une sécu, rsa, etc ?


    • Hamed 22 mai 2019 16:34

      @foufouille

      Je n’ai pas une sécu, ni RSA, ni etc. Et je ne m’en plains pas.Et vous ? Vous avez la sécu, le RSA, etc.


    • Hamed 22 mai 2019 17:04

      @Cadoudal

      Vous êtes sûr que vous êtes « francophone » ? Savez-vous que vous êtes francophone ou français par un pur hasard. Vous auriez pu naître arabe, chinois, russe ou aborigène australien, etc. Donc français ou francophone vous le devez à un Esprit du monde. Sauf que vous êtes aveugle en pensée et vous dîtes n’importe quoi.

      Comme, par exemple, «  ici c’est un site francophone, essaye au moins d’avoir la politesse de faire semblant de respecter les règles. » Quelles règles ? Un site francophone est avant tout un site humain, où il y a des êtres humains qui échangent leurs pensées. Et par échange, ils veulent comprendre le sens de leur existence. Savez-vous que le français n’appartient pas aux Français, ni l’arabe n’appartient aux Arabes, ni le chinois n’appartient aux Chinois, etc., mais appartiennent à la Raison, à la Pensée éternelle qui régit le monde.

      Vous Caldoudal, vous n’êtes qu’une poussière dans l’univers, beaucoup plus petite qui se mesure en milliardième de milliardième d’’angström dans l’univers sauf que vous êtes le milliard de milliard d’angstöm parce que bous pensez. Dans le sens que vous pensez le monde tout en étant tout petit dans l’univers.

      Autre chose, je ne veux pas vous vexer parce que vous vous vexer vous-même. Mon « QI de moule » normalement ne devrait pas vous vexer, mais vous vexez vous-même. Et une moule a-t-elle un QI ? Peut-être. Et si elle l’a, il est certainement supérieur à vous. Quant à moi, s’il est égal à celui d’une moule, je ne m’en plains
      pas. J’en serais même heureux.

      Aussi vous dis-je « Réveillez-vous, Caldoudal ! » Vous êtes humain, avant d’être francophone ou français. Il n’y a rien qui vous sépare de l’Arabe du Chinois, de l’Indien sauf votre haine de soi qui est en vous et est incompréhensible à vous-même. Alors que le problème est en vous et certainement il a une longue histoire.

      Psychanalysez-vous si vous pouvez, cela vous rendra beaucoup service, et en vous comprenant, et comprendre les autres, vous serez probablement plus heureux.

      Merci pour votre post, Caldoudal, et sans rancune.


    • Hamed 22 mai 2019 17:32

      @Cadoudal

      A bon entendeur, je ne peux rien pour vous. Cdl


    • Hamed 22 mai 2019 19:19

      @Cadoudal

      Décidément, je vous fais enrager. En fait, je n’ai fait que plaisanter avec vous. J’espère que vous ne m’en voudrez pas. Toute ma sympathie. Je suis sûr que vous un homme bien. 

      Parce que pour dire crapule, etc., c’est en fait que vous êtes très humain. Et peut-être je me trompe. Je réitère ma conviction « Vous êtes un homme bien quoique l’on puisse penser »

      Quant à Massu, je ne pense pas que vous êtes sanguinaire.Parce que un sanguinaire est un être froid, et vous vous emportez, donc vous ne l’êtes pas.

      Sinon merci pour tous les posts. Encore cdl


  • GHEDIA Aziz GHEDIA Aziz 22 mai 2019 19:06

    Mon cher Hamed, encore une fois, je trouve votre explication complètement tirée par les cheveux. A vrai dire, je n’ai pigé que dalle ; Peut-être est-elle très philosophique pour mes petits neurones ?

    Au fait, je ne suis pas chirurgien dentiste mais chirurgien tout court. 


    • Hamed 22 mai 2019 19:23

      @GHEDIA Aziz

      C’est vrai « tiré par les cheveux », mais l’essentiel, c’est l’Algérie, et c’est cela qui compte. Sinon merci pour les post et bonne continuation dans votre analyse, votre combat pour ce pays qui étonne, ce peuple magnifique et dont vous faîtes partie. Cela me conforte. Cdl


Réagir