mercredi 20 juin 2012 - par Chem ASSAYAG

Lettre à François Hollande, Président de la République

Cher François Hollande, Cher Président,

Vous êtes élu depuis à peine quelques semaines mais voilà sans doute que se présente à vous un premier moment décisif, celui du sommet européen des 28 et 29 juin prochains.

Paradoxalement l’élection présidentielle et la campagne législative qui s’achève victorieusement pour vous ont relégué au second plan ce qui va constituer la « grande affaire » de votre quinquennat : l’Europe.

Vous nous aviez annoncé une présidence normale, que pour ma part j’avais comprise comme une présidence sobre, mais elle se déroulera dans une époque de temps extraordinaires. C’est bien là votre défi car il s’agit d’un rendez-vous avec l’Histoire, et pour une fois la majuscule se justifie.

En 2007/2008 démarrait la crise des « subprimes » ; elle a muté en crise du secteur bancaire et financier, puis en crise de la dette publique, elle même devenue crise de l’euro. Cette crise de l’euro atteint son stade final car elle s’est transformée en crise de l’Europe tout court.

Régulièrement, au cours des trois dernières années, vos homologues nous ont annoncé des « sommets de la dernière chance » qui se terminaient immanquablement par des communiqués lénifiants et optimistes sur la résolution de la crise. Mais, à force de courir de sommet en sommet les dirigeants européens ont atteint des altitudes où l’air devient irrespirable et où, la ligne de crête est si mince que la probabilité de la chute se rapproche dangereusement de la certitude.

L’absence de vision, le repli sur les égoïsmes nationaux, et les calculs politiques qui vont avec, un conformisme marqué par le poids de la technocratie, des lobbies et des lourdeurs institutionnelles, la peur, ont finalement conduit l’Europe au bord de l’abîme. Car, ne nous y trompons pas, cette crise de l’euro est maintenant celle de l’Europe et des espoirs qui ont accompagné sa patiente édification depuis cinquante ans.

Aujourd’hui la quasi totalité des pays européens se débat dans une crise économique et sociale sans fin, marquée par de fortes régressions pour les citoyens et les salariés, le tout dans un contexte de défiance grandissant des peuples envers leurs dirigeants. En effet ces derniers, sous prétexte de complaire aux marchés, ces alibis invisibles et commodes, imposent des cures d’austérité aux résultats dévastateurs – précarité, désespoir et montée des extrémismes – sans aucun signe d’un rétablissement possible. Parfois, même, ces peuples ont l’impression d’une totale dépossession de leur destin, puisque leurs aspirations exprimées à travers leurs votes, ne semblent avoir aucune importance.

Mais bien sûr, cher François Hollande, vous savez tout cela. La question est donc : qu’allez-vous faire ? Quel discours allez-vous tenir à Mme Merkel, à la BCE et à ces fameux marchés ? Allez-vous adopter les mœurs habituelles de ces sommets et apposer votre signature au bas d’un de ces communiqués écrits dans une novlangue estampillée Union Européenne, savant mélange d’anglicismes, de jargon économique et de litotes ? Ou bien allez vous faire preuve de courage, d’intelligence et de grandeur ? Ici l’enjeu n’est pas seulement de trouver les solutions pour sortir le plus rapidement possible de la crise monétaire et budgétaire, mais au delà de tracer un avenir pour l’Europe et les nations qui la composent, et de choisir un modèle de développement et de vivre ensemble. A ce titre votre proposition de « "Pacte pour la croissance en Europe" reste singulièrement timide.

Et, cher François Hollande, vous savez aussi pertinemment qu’un sommet qui se conclurait sur des décisions médiocres, serait sans doute non plus celui de la dernière chance mais de l’échec final.

Aussi, modestement, mais tout en sachant que nombreux sont ceux qui partagent les mêmes idées, je voudrais vous proposer quelques réflexions à partager avec vos collègues. Elles traitent à la fois des urgences – comment répondre à la crise violente qui est là et mine nos pays – et des perspectives indispensables au rétablissement d’une confiance entre les citoyens et leurs représentants pour imaginer un avenir commun. Les voici :

- accepter ENFIN que la BCE joue son rôle de prêteur en dernier ressort comme n’importe quelle banque centrale, ce qui permettrait notamment d’éviter que les banques empruntent à 1% pour prêter ensuite aux Etats à 6%,

- affirmer une solidarité européenne sur les dettes, en acceptant une forme de mutualisation et en actant la nécessité d’une renégociation de certaines d’entre elles,

- mettre en œuvre le principe d’un trésor européen et donc d’une dette européenne, servant à financer des projets phares notamment dans la recherche, l’innovation et l’éducation,

- créer de vraies instances de supervision bancaires et financières à l’échelle européenne et combatte REELLEMENT les paradis fiscaux et l’évasion qui va avec,

- acter la nécessaire fin de la concurrence fiscale entre Etats membres – ceux qui ne sont pas d’accord peuvent quitter l’Union – et tracer un horizon de convergence en la matière,

- prévoir l’élection des instances dirigeantes de l’Union (Commission, voire futur président de l’Europe) au suffrage universel,

- prévoir le doublement du budget de l’Union,

- définir un principe simple : ceux qui ne veulent pas avancer sur la voie du renforcement de l’Union ne peuvent pas empêcher ceux qui veulent avancer de le faire.

- affirmer pour l’Europe le choix d’un modèle original de développement respectueux des droits sociaux et de l’environnement, attentif à ce qui fait lien entre les individus, ce qui suppose des règles protectrices vis à vis d’autres blocs géo-économiques et la subordination des questions économiques aux intérêts des peuples,

- proposer comme horizon la constitution, sur une base démocratique, d’une fédération d’Etats.

Mais comme je le disais précédemment vous savez sans doute déjà tout cela, mais ce que je sais à mon tour c’est que vous aurez de nombreux conseillers, amis – plus ou moins intéressés -, homologues, pour vous expliquer que tout cela est très pertinent mais qu’il ne faut pas le faire pour des tas d’excellentes raisons : « pas le moment », « les marchés !!! », « vous allez provoquer le chaos », « vous êtes inconscient…. ». Alors à ce moment là il vous faudra assumer le poids de votre charge et décider dans quel sens vous honorerez votre rendez-vous avec l’histoire. Il vous faudra accepter le débat, la confrontation voire le conflit.

Paradoxalement, alors que vous n’avez pas de « passé » trotskiste comme de nombreux dirigeants du PS et que le landernau médiatico-politique vous a souvent décrit comme le chantre de la synthèse molle, vous avez semblé affirmer une conscience aigüe des rapports de force lors de vos premiers pas de Président de la République. Cela autorise donc quelque espoir.

Mais en conclusion je voulais vous dire que votre choix est simple. Comme tous les écoliers français j’ai étudié un jour le pari de Pascal ; ici il s’agit un peu de cela mais dans une forme inédite et contemporaine. Nous savons que les politiques actuelles ne mènent nulle part, ou plutôt si, elles mènent à la catastrophe. En changer, paradoxalement, ne comporte donc aucun risque.

Je vous prie de croire, monsieur le Président, en mes sentiments respectueux.

 

Chem Assayag



8 réactions


  • Pelletier Jean Pelletier Jean 20 juin 2012 11:18

    @l’auteur,

    belle analyse et surtout un ensemble de propositions pour sortir l’Europe de la crise plus que pertinentes.
    Vous adjurez le prèsident de s’y rallier.... certes, mais l’Europe c’est à 27 qu’elle avance (ou pas) donc n’attendez pas dès le prochain sommet des révolutions....pour autant en imputer la responsabilité à Hollande ne serait pas très juste.
    Il va plaider et prendre le temps nécessaire pour pallier à sa gauche les pays dont il a beosin pour s’opposer à Mme Merkel et M ; cameron.

    Cordialement.

    http://jmpelletier52.over-blog.com/ 

    http://jmpelletier52.over-blog.com/ 


    • Chem ASSAYAG Chem ASSAYAG 20 juin 2012 11:20

      pour répondre à votre remarque : d’où la nécessité du principe simple que j’énonce ci-dessous

      - définir un principe simple : ceux qui ne veulent pas avancer sur la voie du renforcement de l’Union ne peuvent pas empêcher ceux qui veulent avancer de le faire.

      A 27 il ne se passera effectivement rien...


    • Massaliote 21 juin 2012 06:57

      Mais puisqu’on vous dit qu’il était mal dans sa peau, qu’il n’avait pas eu l’enfance qu’il voulait avoir (il faudra que je m’en souvienne le jour où je dérape) Encore un malheureux dérangé, comme celui qui a abattu les gendarmes de Collobrières, une victime de la société, un discriminé...


  • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 20 juin 2012 20:13

    Il est clair que vous avez voté pour FH.

    Il est aussi très clair que vous n’avez pas tout assimilé de la crise des subprimes : Les Euros-bonds chers à FH sont exactement la même chose que les subprimes. De mauvaises créances, émises pour aider des irresponsables, qui vont nous péter au nez en un rien de temps.

    Vous appelez de vos voeux une réglementation de la finance, en ignorant que la finance a été plus règlementée dans les dix dernières années que l’industrie pharmaceutique, pour le résultat que l’on sait.

    Vous semblez aussi avoir un gros problème avec la démocratie. Si on n’est pas d’accord avec vous, on doit s’écraser : "ceux qui ne veulent pas avancer sur la voie du renforcement de l’Union ne peuvent pas empêcher ceux qui veulent avancer de le faire.".

    Enfin, refuser la concurrence fiscale, c’est courir le risque (déjà bien réel) d’une fiscalité confiscatoire et stérilisante.

    *** Si vous préférez l’échange à la spoliation : Votez Libéral ! ***


    • Chem ASSAYAG Chem ASSAYAG 20 juin 2012 20:58

      Effectivement on sait bien à quel point les recettes libérales ont fonctionné ces dernières années..


    • samuel 21 juin 2012 14:51

      De quels irresponsables parlez-vous ?


    • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 25 juin 2012 11:08

      Ben oui,

      Les pays ayant des libéraux dans leur gouvernement sont ceux pour qui la crise a été la moins douloureuse : Pays-Bas, Suède, Suisse, Nouvelle-Zélande, Autriche, Australie, Canada (taux de chômage inférieur à 5%).

      En revanche, les pays sociaux-démocrates ou carrément socialistes n’en finissent pas de se désespérer : Espagne, Grèce, France, États-Unis pour ne pas parler de la Tunisie, de l’Égypte, du Venezuela, de Cuba ...


  • Yohan Yohan 20 juin 2012 23:08

    Ayrault en passe de virer sa cuti ?


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