Lettre ouverte à Michel Onfray
Cher Michel,
Je n'ai pas le tutoiement facile d'habitude mais permets-moi de te tutoyer le temps d'écrire cette bafouille. Je ne désire nullement te manquer de respect, loin de moi cette idée incongrue, mais ce ton familier sied pour faire pendant à ton billet sarcastique.
Je n'ai pas ri en lisant ta lettre, je me suis plutôt délecté. En revanche, j'ai ri quand les journalopes de la médiacratie nationale, ces plumitifs à la botte du pouvoir, t'ont dit que ta lettre ne les a pas fait rire. Le contraire m'aurait évidemment étonné.
Les voir interpréter au premier degré un texte satirique est la démonstration flagrante de leur ignorance des figures de style qu'on apprend pourtant au lycée ou au minimum, de leur manque criant d'humour. La rhétorique ne peut leur servir dans les salons parisiens que contre tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Tu aurais écrit une lettre du même style à l'ex-président fondateur du FN que tu aurais été porté aux nues. Eh oui, tu le savais et tu as eu maintenant la preuve que la pensée unique est défendue par des hypocrites.
Leur hantise est de voir le pouvoir vaciller et leurs privilèges ramenés à néant par l'arrivée d'une majorité réellement alternative. Tes critiques du pouvoir sont des pierres supplémentaires qui feront peut-être pencher un jour la balance de l'autre côté.
Je te rassure tout de suite, tu ne risques rien à part l'ostracisme et la réprobation des chiens de garde de la Macronie heureuse.
Le crime de lèse-majesté a été aboli, remplacé pendant la Troisième République par le délit d'offense au chef de l’État et finalement, une loi du 5 août 2013 a définitivement abrogé cette notion d'offense. La république monarchique qu'est devenu ton pays a l'esprit ouvert, du moins dans sa forme. Tu ne dois cependant pas ignorer que sous d'autres cieux, du côté de certaines de nos monarchies wahhabites amies, tu risquerais ta tête pour bien moins que cela.
Ils te font des gros yeux pour t'être servi de rumeurs qui circulent sur le net, ce vecteur de fausses informations selon eux. C'est peut-être vrai mais ce qui est certain, c'est qu'eux ne chercheront pas à en savoir plus sur ces rumeurs. Cela fait partie de la sphère privée qu'ils disent et cela pourrait surtout nuire à une communauté longtemps stigmatisée.
Ils n'ont pas tort mais... Une affaire que quelqu'un a maladroitement appelé « une affaire d'été... » a semé le trouble dans les esprits.
Se pourrait-il que certains aient bénéficié de privilèges parce qu'ils sont proches de la vie privée du président ?
Dans l'affirmative, il s'agirait bien d'une affaire d’État qu'on ne veut pas déclencher de peur d'ouvrir la porte à un scandale qui pourrait être fatal à beaucoup de monde et surtout à ce qui reste de crédibilité au jeune président.
Si ceux qui se disent le quatrième pouvoir refusent d'enquêter sur ce point, on n'aura bien sûr pas de réponse à cette question avant longtemps.
Tu as été bien gentil avec la caste bien-pensante et tu as, comme toujours, bien défendu ton point de vue en retournant la charge de la vulgarité contre la photo qui a inspiré ton pamphlet.
Sache quand-même qu'on ne t'épargnera pas dès qu'on trouvera une faille dans ta défense.
Tu vaux mieux que ce jeune arrogant qui se croit sorti de la cuisse de Jupiter et qui serait resté dans les limbes s'il n'avait épousé sa pygmalionne. Tu as compris que celui qui est fort avec les faibles et faible avec les forts ne mérite pas le respect des autres. Tu l'as fait savoir à tous et tous commencent à le comprendre.
Ne te laisse pas piéger comme Dieudonné a pu l'être maintenant que tu as prouvé que ton humour caustique est égal à celui du regretté Pierre Desproges. Redeviens ce que tu as toujours été : l'éducateur écouté du peuple, le didacticien des masses populaires, le tueur de mythes, le caillou dans la chaussure des privilégiés, le proudhonien libertaire, le bretteur de plateaux de télé et celui qui dit tout haut ce que les autres pensent tout bas.
Ce n'est qu'ainsi que tu resteras le philosophe français critique d'un arriviste qui commence peut-être à comprendre qu'il a brigué une charge beaucoup trop lourde pour ses épaules.
Pour conclure, je ne me permettrais pas de te donner de conseil mais j'exprime seulement un souhait au nom de tes nombreux lecteurs.
Les Français ne sont plus habitués à lire des pamphlets venant d'auteurs sérieux. Ce sont les humoristes et les chroniqueurs qui perpétuent aujourd'hui cet art qui fut florissant au XIXe siècle et qui vit des monuments de la littérature française s'y adonner : Victor Hugo (Napoléon le Petit), François-René de Chateaubriand (De Buonaparte et des Bourbons), Voltaire plus tôt évidemment, Émile Zola (J'accuse.)...
Il serait dommage que tu sois évincé des médias en essayant de renouer avec cette vieille tradition.
Je joins une citation qui définit bien la limite de ce genre littéraire.
« Le pamphlet est l'arme de ceux qui ont découvert l'erreur, pas encore la vérité. »
Je te salue bien courtoisement en te disant que je lirai toujours tes écrits avec un vif intérêt.