mardi 7 janvier 2020 - par Martin de Wallon

Libor, le scandale qui fait trembler les banques

Son nom a été formé à partir des initiales de la dénomination anglaise London Interbank Offered rate qui signifie taux interbancaire pratiqué à Londres.

Le Libor est un taux d’intérêt de référence établi à Londres par la British Banker Association (BBA). Chaque jour, c’est à ce taux que les grandes banques de la planète se prêtent des milliers de milliards de dollars pour financer leurs activités.

Ces taux sont calculés en fonction des informations que les banques se communiquent entre elles sur leur capacité d’emprunt. Or aucun organe indépendant, ni même la BBA, ne contrôle la réalité des taux annoncés par les banques pour obtenir de nouveaux financements.

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Rôle de Libor et l’Euribor

Le Libor, pour « London interbank offered rate » (« taux interbancaire proposé à Londres »), est le taux d’intérêt de référence auquel les banques, sur le marché de Londres, se prêtent entre elles (pour des prêts sans garantie et d’une durée de moins d’un an).

On parle du Libor, mais on devrait dire « les » Libor : il existe en effet des Libor pour dix devises différentes et, pour chacune d’entre elles, de quinze durées différentes, de un jour à douze mois. Il existe donc 150 taux Libor.

Ces taux sont publiés une fois par jour, par l’Association des banquiers britanniques. Ils sont ainsi calculés en fonction de ce qui se pratique dans un groupe de 18 banques, le « panel ».

Le Libor est donc une moyenne, calculée à partir de transactions réelles réalisées par ces 18 banques et après avoir éliminé les taux les plus bas et les taux plus élevés, pour éviter les anomalies.

L’on parle aussi de l’Euribor, un taux similaire calculé pour la zone euro, sur la base d’un panel de 57 banques.

Ces taux servent de référence. En effet, c'est sur la base du Libor et Euribor que les banques offrent une infinité de produits financiers, qui alimentent l'économie réelle via des prêts aux particuliers et aux entreprises.

C'est dire l'importance du Libor dans les transactions bancaires de la vie courante, chaque année, ce sont des centaines de milliers de milliards de dollars de produits dérivés qui sont adossés aux taux Libor et Euribor. Le Wall Street Journal évoque des montants annuels pouvant s'élever à plus de 600.000 milliards de dollars, soit à peu près dix fois le PIB mondial annuel !

Une histoire de fraude

Le Libor, c’est le cœur de la finance, il sert de référence à de très nombreuses transactions à savoir prêts à la consommation, épargne, crédits immobiliers.

Au total, la valeur des produits indexés sur le Libor se chiffrerait à plus de 350 000 milliards d’euros. Si le Libor, censé être déterminé dans la transparence, est faussé, cela signifie que l’ensemble de la finance mondiale repose sur du sable. Et que les bilans des banques, leurs comptes de résultats, sont biaisés.

Les banques à l’origine de la manipulation

Le Libor est un taux auquel les banques se prêtent entre elles, qui est fixé sur la base d'estimations faites par les banques elles-mêmes. Du coup, tricher est tentant :

  • Quand l'économie va bien, les banques sont tentées d'augmenter un petit peu les taux Libor et Euribor, pour prêter un peu plus cher et dégager de meilleurs rendements.
  • Quand l'économie va de moins en moins bien et que le secteur bancaire est touché : si une banque est fragilisée, elle est par définition moins solvable, ce qui implique que les autres banques lui prêteront, avec plus de risque, à des taux plus élevés.

Le processus de calcul du Libor permet toutefois à cette banque fragile, de continuer à annoncer quotidiennement des taux Libor faibles pour cacher sa mauvaise santé financière, continuer à emprunter à des taux bas et, limiter les dégâts.

Les évolutions du Libor

La variation du taux Libor est liée aux évolutions des taux directeurs des grandes Banques centrales mondiales (Réserve fédérale américaine, Banque centrale d'Angleterre, du Japon et européenne, etc.) sauf en cas de gros choc. Ainsi le Libor constitue-t-il une sorte de baromètre de la stabilité financière et de la santé du système bancaire mondial. Lorsqu'il s'envole, et qu'il s'écarte des taux directeurs des Banques centrales, il permet -techniquement- aux banques d'emprunter pas cher et de prêter cher aux autres banques, aux ménages et aux entreprises.

Donc de tirer plus de profits. Mais, un taux Libor qui grimpe en flèche reflète surtout un manque de confiance généralisé : les banques rechignent à se prêter de l'argent entre elles, paralysant l'offre globale de crédits.



2 réactions


  • Clark Kent Séraphin Lampion 7 janvier 2020 10:37

    Vous écrivez à juste titre :

    « ...un taux Libor qui grimpe en flèche reflète surtout un manque de confiance généralisé : les banques rechignent à se prêter de l’argent entre elles, paralysant l’offre globale de crédits.  » Mais un faible taux du Libor n’est pas nécessairement un signe positif : une partie du chaos entourant la crise financière de 2008 avait pour origine une baisse provoquée dece taux, et les banques ont payé des milliards d’amendes et de pénalités pour s’être livrées à cette manipulation.

    C’est pour cette raison que les régulateurs éliminent progressivement le Libor et prévoient de le remplacer par un nouveau taux de référence d’ici 2021, mais pour l’instant, le Libor règne en maître et, aux États-Unis par exemple, les taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires à taux variable et les prêts étudiants sont liés au Libor, ce qui affecte directement le pouvoir d’achat des gens les plus modestes comme celui des financiers alors qu’ils n’y sont pour rien, eux.

    En fait, les banquiers transnationaux cherchent à sécuriser leurs résultats en impliquant le plus grand nombre possible d’acteurs, et certains techniciens croientque les « accidents » sont dus à des « excès » ou des « malversations », alors que c’est le système lui-même qui provoque les « crises » : on ne peut pas imaginer de jouer au poker « cartes sur table », ni de jouer au menteur en disant la vérité. Ce ne sont pas les règles qu’il faut changer, mais l’idée même que les échanges économiques ne sont pas un jeu de monopoly dans lequel la distribution des cartes est remplacée par la transmission d’un patrimoine et les coups de dés pas la pratique du lobbying.


  • Désintox Désintox 7 janvier 2020 12:32

    Cet article est intéressant, mais il me laisse un peu sur ma faim. On voudrait une deuxième partie


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