jeudi 11 novembre 2021 - par lephénix

Lumières des vivants

Le XXIe siècle est décrété résolument "écologique" - ou bien il ne sera plus.... Mais quels intérêts obscurcissent la douce lumière verte des discours lénifiants sur "l'urgence climatique" ? Andreas Weber appelle de ses voeux un nouvel âge des Lumières ranimé par une culture du vivant selon un « état de nature » bien compris, c’est-à-dire en pleine conscience et maîtrise de « l’art d’être un élément fécond d’un écosystème ».

 

Si la « fin du monde » est une histoire sans fin, le catastrophisme est rarement éclairé, il fait même long feu - et ne fait pas une politique de « revitalisation »... Et si nos peurs suscitaient enfin une « volonté de responsabilité » (Hans Jonas) salvatrice ? Andreas Weber invite à nous défaire de notre « habitude de penser selon les termes du dualisme entre nature et culture » et à vivifier notre héritage des Lumières par un rapport renouvelé à la communauté des vivants.

Pourquoi ne pas « écologiser » la politique pour de vrai en repensant le sens de nos existences terrestres dans une perspective d’Enlivenment, c’est-à-dire de dépassement des dites Lumières en parfaite connaissance de cause ?

Cette perspective implique au préalable de « penser comme une montagne », selon l’expression de l’écophilosophe et forestier Aldo Leopold (1887-1948), afin de féconder le monde par une pratique imaginative que l’on pourrait appeler la « poétique spéculative ». Ne sommes-nous pas « l’espèce poétique » par excellence ? La poésie n’est-elle pas un mode de connaissance immédiate sur « ce que c’est que de faire partie du monde vivant » ? Pourquoi ne pas considérer « tous les êtres comme les participants à un foyer commun de matière, de désirs et d’imagination dans une économie de transformations métaboliques et poétiques » ? Pourquoi ne pas remplacer la notion de « marché » par celle de « foyer biosphérique » ?

Face aux dévastations engendrées par la « civilisation » technologique, l’écologie a acquis, semble-t-il, la force de l’évidence. Mais tous les « intérêts » ne convergent pas vers la même « évidence naturelle » et ne communient pas dans la même intuition poétique et océanique...

Si « suivre les principes de l’Enlivenment consiste à se déployer en tant que membre vivant d’un foyer animé et dynamique fait de flux d’énergie et de significations », alors cela pourrait bien, sur cette ligne de front, signifier « recréer des relations de réciprocité honnêtes et fécondes »... En aurons-nous l’intelligence ?

 

Un « monde de convivialité » ?

 

Andreas Weber invite à reconsidérer « ce qui est donné en partage à tous les vivants : ce commun, c’est la vitalité, le désir de toucher et faire se rencontrer les corps pour créer des communautés fertiles d’épanouissement mutuel  »... Car les organismes vivants « se réalisent mutuellement dans leur être par l’établissement de relations et ce faisant produisent non seulement leur environnement mais aussi leur identité même ». Ces communs créent un « monde de convivialité par la transformation réciproque  », aux antipodes d’une « société sans contact » de contrainte automatisée pilotée par une technosphère sans conscience : « Toujours faire de nouvelles expériences constitue l’essence de la vie, la force vitale ».

Le journaliste oppose une économie des communs, « fondement de la niche écologique que les humains se construisent par des moyens culturels  », à une économie de prédation où les « profits » de la fuite en avant technologique alimentent des concentrations de richesses abyssales – et exigent toujours plus de surveillance...

Or, « ce n’est pas par l’exercice du contrôle que le monde devient meilleur, mais par la participation ». La culture, « faite de médiations et d’échanges créatifs », n’est pas qu’une option dans le champ des possibles : elle est ce « processus d’imagination et de transformation de la réalité » traduisant en langage sensible la communauté des destins humains avec ceux du vivant. Loin de s’opposer à la nature, elle en est l’une des manifestations.

Aussi ne saurait-elle être stérilisée ou dévitalisée par une volonté de « contrôle et d’ingénierie de la nature ». Le monde n’est-il pas fait de « matière désirante » voire pensante cherchant à se régénérer par le contact, en toute liberté ? L’humanité est-elle la « façon dont la Terre se pense lorsqu’on lui permet de rêver de liberté  » ?

Rêver la liberté ensemble permet-il d’imaginer la Terre que l’on voudrait habiter et partager ? Autant ne pas la traiter et la surexploiter comme si on pouvait lui en substituer une autre sur un coup de dé – ou prétendre être en capacité de survivre sur d’autres planètes « potentiellement habitables » après avoir brûlé sa demeure terrestre... Ainsi, la mise en oeuvre d’une « économie vitalisée » favoriserait l’éclosion d’une « vie riche et ludique », régénérée par et pour la joie de tous sur notre « Arche originaire » (Husserl). En avons-nous les bonnes passions – et le temps, encore ?

Andreas Weber, Invitation au vivant – Repenser les Lumières à l’âge de l’Anthropocène, Seuil, collection « Anthropocène », 234 p., 21 €



16 réactions


  • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 11 novembre 2021 10:24

    @iéphénix,

      Vous aurez peut-être un intérêt pour vous donner des idées à écouter ceci


    • lephénix lephénix 11 novembre 2021 12:19

      @Réflexions du Miroir
      Merci, mais on dirait que l’accès est « conditionné » nous épuisons peu à peu nos réserves de patience et d’endurance par rapport au langage machine et autres aspirateurs de données.. de quoi s’agit-il ?


  • Arogavox Arogavox 11 novembre 2021 10:24

    Une vision plus ancienne me paraît encore plus pertinente, ouverte, et féconde :

    « La place de l’homme dans la nature,
    Le groupe zoologique humain (1949) » ; par

    Teilhard de Chardin


    • lephénix lephénix 11 novembre 2021 12:22

      @Arogavox
      merci pour le rappel, c’est le « père » de la noosphère : en entrevoyait-il l’exploitation actuelle... jusqu’au « métavers » ?


    • Arogavox Arogavox 11 novembre 2021 13:12

      @lephénix
      je n’ai pas l’impression qu’il aurait été favorable à ce genre « d’exploitation » ... mais je l’ai encore trop peu lu pour imaginer ce qu’il a pu entrevoir


  • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 11 novembre 2021 12:08

    « penser comme une montagne », selon l’expression de l’écophilosophe et forestier Aldo Leopold (1887-1948), afin de féconder le monde par une pratique imaginative que l’on pourrait appeler la « poétique spéculative ».

    Ne dit-on pas des montagnes qu’elles n’accouchent que de souris ?

     

     ’’ « une économie de prédation où les « profits » de la fuite en avant technologique alimentent des concentrations de richesses abyssales – et exigent toujours plus de surveillance... ’’

    Une dictature des profits et de l’immédiateté.

     

    « L’investissement produit l’avenir dont la spéculation ferme au contraire les possibilités. Le spéculateur agit contre les intérêts du monde dans lequel il vit, de sorte que la spéculation détruit le monde ». Alain Badiou


    • lephénix lephénix 11 novembre 2021 12:17

      @Francis, agnotologue
      l’air des montagnes comme des forêts permet de respirer autre chose que les miasmes des « éléments de langage » et autres lieux communs et de voir le monde avec d’autres yeux que ceux de la surveillance généralisée mais elles se hérissent d’antennes, on dirait..
      .difficile de formuler mieux que Badiou - aussi parle-t-on de spéculatueur...


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 11 novembre 2021 16:58

    Une vidéo d’espoir........ mais tout le monde ne gagnera pas dans la course : https://www.youtube.com/watch?v=ySUynQBljPk. Comme écrit sur le TEMPLE de DELPHES : connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers. C’est assez clair, c’est en nous nettoyant nous mêmes des scories du passé que nous changerons le monde. Va vers ton toi (ou TOIT) et tu changeras le monde...


    • lephénix lephénix 11 novembre 2021 21:55

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.
      combien ont encore une vie intérieure permettant ce mode de connaissance... chacun irradie ce dont il se nourrit... autant se ressourcer à l’image de l’Arbre, « schéma de la construction du monde »...


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 11 novembre 2021 17:15

    LE FIAT LUX. Fiat lux est une locution latine présente au début de la Genèse. Il s’agit de la première parole de Dieu, ordre donné lorsqu’il a créé la lumière le premier jour de la création du monde, traduisible en français par « que la lumière soit ». A mon amie Martine qui a compris le message et a acheté une fiat vert émeraude (Forêt d’Emeraude, l’AUDE et la CATHARES). Je lui ai alors fait remarquer que le noir a des reflet violet. Le violet étant le derneir chakra, Celui de la lumière (passer au rayon violet). Ouvrir son chakra violet : 






  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 11 novembre 2021 17:19

    6) Le Chakra indigo, le chakra du troisième oeil. ... C’est le sixième chakra qui se situe entre les deux sourcils. Le chakra violet, en relation avec les yeux, le cerveau et le sinus, est associé au domaine spirituel : intuition, sagesse et clairvoyance …

    Fiat, acronyme de « Fabbrica Italiana Automobili Torino » (ou en français « Fabrique italienne d’automobiles de Turin »), est un constructeur automobile italien, basé au Lingotto à Turin, filiale du groupe automobile Stellantis.
    Forme juridique : SA
    Siège social : TurinPiémont ; Italieoeil. ... C’est le sixième chakra qui se situe entre les deux sourcils. Le chakra violet, en relation avec les yeux, le
    Création : 11 juillet 1899 à Turin. Toujours le 11.....Sacré chiffre. 
    Le 7ème chakra est le chakra couronne : (CORONA VIRUS). Le septième chakra est celui de l’empathie : va vers ton TOIT pour t’ouvrir aux autres.. Le troisième oeil est indigo (6ème) le septième : est violet, blanc et or... l’AOR. Nom des couleur : X 11. https://fr.wikipedia.org/wiki/Noms_de_couleur_X11

  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 11 novembre 2021 17:28

    2466 ou la légende du PHENIX. LUC MoKA. La racine du prénom Luc, écrit aussi Luco, est arabe et latin. Il signifie « lumière ».. Comme Lucie : Lucy, ou Dinqnesh (ge’ez : ድንቅ ነሽ), parfois écrit Dinknesh, est le surnom donné au fossile de l’espèce éteinte Australopithecus afarensis découvert en 1974 sur le site de Hadar, en Éthiopie, par une équipe de recherche internationale. Ce fossile est daté de 3,18 millions d’années.


  •  C BARRATIER C BARRATIER 11 novembre 2021 17:36

    Malraux ne s’était pas trompé en annonçant que le 21 ème siècle seraitreligieux ou ne serait pas. Il n’avait pensé qu’aux religions traditionnelles, pas à la puissante écologie, qui sera notre sauveur !


    • lephénix lephénix 11 novembre 2021 21:50

      @C BARRATIER
      la phrase apocryphe prêtée à Malraux est en vérité de William James, le « père » de la psychologie, auteur de ’l’expérience religieuse« en... 1898... tout est religion ou religiosité, à commencer par le technoscientisme, le culte du »progrès« ou du »profit", etc mais plus rien ne relie ni n’assure d’une communauté de destin...surtout pas l’écologisme qui creuse la tombe de l’espèce présumée surnuméraire et pullulante, plutôt dépensante que pensante...


  • RED DAWN

    https://www.voltairenet.org/article209775.html

    L’épidémie de Covid-19 a tué à ce jour plus de 200 000 personnes et plongé des milliards d’autres dans une peur panique. Une panique qui prive la plupart d’entre eux de tout sens critique et les pousse à prendre ou à approuver des décisions politiques stupides. Un groupe de personnalités, l’Aube rouge (Red Dawn), dont les correspondances ont été révélées par Kaiser Health News et le site du New York Times, est parvenu à imposer une idéologie apocalyptique : la Chine nous aurait déclaré la guerre et nous ne pourrions nous protéger qu’en confinant tous les civils..............................


    • lephénix lephénix 12 novembre 2021 13:09

      @SPQR audacieux complotiste chasseur de complot
      merci pour le lien édifiant quant aux montages fictionnels subis ces dernières décennies...


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