lundi 6 mai 2013 - par Robin Guilloux

Marguerite Duraille, L’Eveil de Nabilla V. Stein (extrait)

"Je veux écrire. Déjà je l'ai dit à ma mère : ce que je veux c'est ça, écrire. Pas de réponse la première fois. Et puis elle demande : écrire quoi ? Je dis des livres, des romans. Elle dit durement : après le CAP de coiffure chez Pigier, tu écriras si tu veux, ça ne me regardera plus... Quinze ans et demi. Le corps mince, presque chétif, des seins d'enfant encore, fardée en rose pâle et en rouge. Et puis cette tenue dont tout le monde rigole. Je vois bien que tout est là. Je m'appelle Nabilla von Stein, il y a du soleil ou de la pluie, je ne sais pas, je ne sais plus, je n'ai jamais su, j'ai tout oublié, sauf ses mains, la douceur de ses mains, ses pied, son sexe... Dingue de toi !... Il y a cet homme, cet impressario venu de Los Angeles... quinze ans et demi, des seins d'enfant, à peine formés... Elle a laissé sa mère et ses deux frères, Caïn et Abel dans le 93, ZEP, méthode globale, activités d'éveil, notices de machines à laver, de gauche, forcément de gauche... elle les a laissés... sa mère devant Desperate Housewives, Caïn devant South Park, l'appel au crime et l'autre, le plus jeune, le plus fragile, celui qui ne parle jamais, devant les Télétubbies ou la Téléréalité... de droite, forcément de droite... elle a traversé le fleuve interdit, vers la rive gauche, forcément de gauche, elle a rejoint l'impressario Porte d'Italie, de l'autre côté du périph., ils ont fait l'amour toute la nuit sous le ventilateur du loft.. Il y a du saucisson et du fromage, mais Il n'y a pas de shampoing dans l'armoire... Je suis une fille et il n'y a pas de shampooing, lui a-t-elle dit ... Allo non, mais allo quoi ?

Elle a senti flotter ses mains autour de son corps, comme de grandes écharpes de soie rose décolorées dans le couloir de ce bac qu'elle n'a jamais eu à cause de la globale et dont on entend à peine le bruit du moteur, traversant la rivière... Il a ramassé tout ce qu'il a rencontré depuis Bougival. Il emmène tout ce qui vient, des oiseaux morts, des chiens morts, des hommes noyés, des leurres, l'affaire Cahuzac, l'affaire Woerthe, des bouteilles de shampooing vides en plastique... tout va vers le Havre, rien n'a le temps de couler, tout est emporté par la tempête profonde et vertigineuse du courant intérieur, tout reste en suspens à la surface de la Seine... La brûlure de cet absence, cette explosion de jouissance dans son corps... La voix de cet homme murmure dans le couloir, ses mains, son sexe, sa voix, sa peau... Elle s'appelle Nabilla von Stein... Elle est une fille et elle n'a pas de shampooing... Allo quoi ? Alors il a dit : "si tu n'es pas contente, tu peux faire ta valise... L’impressario en Hugo Boss est descendu du 4/4, il ressemble à Daniel Craig dans Skyfall, il fume une cigarette roulée à la main. Il regarde la jeune fille au feutre d’homme, au débardeur mauve et aux baskets vert fluo. Il vient vers elle lentement. C’est visible, il est étonné. Il pense : "Quelle dégaine de pouffe !". Il ne sourit pas tout d’abord. Tout d'abord il lui offre une cigarette. Sa main tremble. Il y a cette différence de race, il n’est pas blanc, il doit la surmonter, c’est pourquoi il tremble. Elle a conduit un camion, elle a appris à faire sa valise, elle a passé des journées entières dans les arbres à se peigner, à se faire des shampooings, à boire du Gigondas, à bouffer des burgers, à écouter Sexion d'Assaut sur son MP3, à sentir ses cheveux pousser... Il y a du soleil ou de la pluie, je ne sais plus... une valise dans un couloir...Tu es allée à Hiroshima, non, tu n'es pas allée à Hiroshima, tu n'as rien vu, arrête de boire et laisse tomber le hash... Elle est partie en laissant sa valise avec le shampooing Loréal qui ne lui vaut rien... je ne sais pas, je ne sais plus, je suis si fatiguée, je n'ai jamais rien su, j'ai tout oublié, sauf sa voix, ses mains, ses pieds, son sexe, au-delà de l'oubli... Allo non, mais allo quoi ?..."

 



5 réactions


  • hans 6 mai 2013 19:27

    J’adore cet article bien qu’un peu court, et le titre est génial, vous auriez dû ( j’ai bon ?) dériver vers l’a-culture


  • ALEA JACTA EST ALEA JACTA EST 6 mai 2013 21:17

    Excellent pastiche bien plus drôle que l’ original.Sûr que la vraie Marguerite aurait adooooré Nabilla.Forcément !
    Votre billet me donne aussi l’ occasion de rappeler que Duras n’ avait pas trop le sens de l’ humour et qu’ elle n’ avait pas trop apprécié les parodies de Patrick Rambaud.
    L’ occasion également de citer le mot de Desproges, un peu cruel mais si juste :
    « Marguerite Duras n’ a pas écrit que des conneries...elle en a filmées aussi... »
    Il ne vous reste donc plus qu’ à réciter votre billet sur youtube avec une voix monocorde et sans emphase,imitant Frédéric Mitterrand...sur les images d’ une caméra filmant des doigts, en gros plan fixe, qui shampouineraient consciencieusement et très lentement une chevelure brune.
    PS : méfiez-vos de l’ expression « non, mais allo, quoi ! ».c’ est maintenant devenu une marque déposée par la maison de production et vous risquez d’ être obligé de payer des droits d’ auteur...


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 6 mai 2013 21:37

    C’est plus l’amant ,c’est le micheton ....


  • Wendigo Wendigo 7 mai 2013 08:07

     

     

     Vous êtes salaud avec cette pauvre fille et injuste surtout, c’est quand même le seul truc d’honnête que la télé nous montre !

    Attention, quand je dis « honnête », je veux pas dire que la came n’est pas frelatée, nabila c’est quand même un bœuf qui se prend pour un anglo-arabe, on est loin de spanghero mais dans sa totale opposition, c’est quand même ; reconnaissez le, la seule du petit écran qui n’a pas honte d’exhiber ostentatoirement sa connerie, comme un manifestant brandit son calicot.
    Elle ne fait pas dans le camouflage à deux ronds comme le reste de ses collègues audio-visuels.

    Et pour être tout à fait franc j’attend son livre avec impatience, car je le sent d’ici, il sera bien plus intéressant et d’un plus grand savoir que la collection BHL complète, la philosophie a besoin de sang neuf et d’honnêteté intellectuelle, que seule nabila pourra nous apporter pour la grandeur de notre siècle !

    Donc Mesdames et messieurs je vous prierais de respecter un peu l’artiste qui nous offre déjà le prodige d’ouvrir les yeux tout en continuant à bouger les lèvres, ce qui en soit est un miracle tant au niveau neurologique que d’un point de vu biomécanique. (bon, c’est toujours moins balèze que Bernheim qui lui arrive à écrire sans les mains. Mais , comme chez les X-men, chacun son super pouvoir ! )

     Et puis je suis très fière de Nabila ; elle a au moins le courage d’étaler son omniscience devant un drapeau des USA, ce qui flatte ma dignité franchouillarde, contrairement à mon ancienne camarade de classe, qui déjà enfant avait le choix cérébrale de faire plus tard, soit journaliste soit poulpe et qui nous a pourrie le 20h de TF1 pendant les années sarko (bien que j’estime quelle à gâchée sa carrière autant que son talent, toutes les poulpes se reconnaissent elles aussi à le dire.) ; qui elle nous infligeait son neurone devant une bannière tricolore.

    Grâce à nabila la télé nous offre le seul programme honnête à la hauteur de ses ambitions et du niveau intellectuel de ses actionnaires et propriétaires, donc GLOIRE à NABILA, qui nous faite de la véritable télé réalité en nous montrant la réalité de la télé !


  • Wendigo Wendigo 7 mai 2013 08:11

     

     

     Et puis reconnaissez le, ..... elle est moins dangereuse là où elle est que dans un salon de coiffure !

     


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