Michel Onfray : le champion toutes catégories de la volte-face
(Note : crédit photo : LePoint, 2017, interview par FO Giesbert)
Qu'y aurait-il de si intéressant à dire sur le compte d'un polémiste mondain, si le faussaire en question n'était pas, plus d'un demi-siècle après mai 68, l’une des figures de proue de l'intellectualisme dans sa version “société du spectacle”. Chez Onfray le retournement de veste est une prérogative comme nous allons voir.
Souvenons-nous :
Lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2002, Michel Onfray soutient Olivier Besancenot, candidat de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Puis en 2009 il écrira dans les colonnes du Monde à propos du NPA : « On ne peut vouloir faire de la politique uniquement avec un mégaphone, ni appeler à la révolution planétaire sans même être capable de présider aux destinées d’un village de campagne. Le mégaphone n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour plus et mieux que lui. »
À la Fête de l'Humanité de 2006, il se prononce pour une candidature unique de la gauche antilibérale. Pourtant, en mars 2006, il avait déclaré « ne pas être contre le capitalisme.”
Lors des élections européennes de 2009, il soutient le Front de gauche, affirmant dans L'Humanité : « Je suis constant dans mon choix : je soutiens la gauche antilibérale.” En 2018 Onfray déclarera pourtant “Mélenchon, c’est la gauche barbelés”.
Onfray charge Bernard-Henri Lévy : "Il est le prototype de tout ce que je n'aime pas en philosophie"... Sauf que ce même Onfray a collaboré à 'La Règle du jeu', la revue de BHL .
Onfray, ex-participant antilibéral à la Fête de l’Humanité, fondateur d’une université populaire à Caen, ne déteste pas, comme à Bordeaux ce mardi 17 septembre 2019, s’exhiber pour la énième fois chez le trésorier du MEDEF girondin, ex-président du ROTARY CLUB, administrateur du SBCIC, et vice président de la CCI, son ami Denis Mollat.
Et encore, cette petite rétrospective ne constitue qu’un simple échantillon des inénarrables contradictions de monsieur Onfray.
Sa méthode ?
Bien rodée, elle consiste par exemple à utiliser la psychanalyse pour tenter de liquider la religion, puis à se débarrasser de la psychanalyse en ayant recours aux sciences comportementales. Bien qu'il fut contributeur du journal satirique et anarchisant Siné Hebdo pour discriminer les musulmans, il prône la véracité du "Choc des civilisations", formule du géopolitologue américain Samuel Huntington, dont le livre éponyme est la bible des « va-t-en guerre » américains. Islamophobe revendiqué sans états d’âme, il abuse de concepts fumeux générés en grande partie par la galaxie BHL qui vont de “l’islamo-gauchisme" à l’"islamo-fascisme". Vous apprécierez j'en suis sûr sa rhétorique grossière qui sous-entend que les musulmans sont par nature inféodés au fascisme et ont pour partenaires les militants des différents partis de la gauche. En somme “du Point Godwin à tous les étages”. Et vous comprenez sans doute mieux désormais, pourquoi une grande partie de l’extrême droite apprécie ce monsieur.
Derniers “faits d’armes”...
Ce jeudi 19 septembre 2019, lors d’une conférence à la librairie Mollat de Bordeaux, Michel Onfray déclare beaucoup apprécier les thèses défendues par François Asselineau. « Je suis en train de faire mon outing » ose-t-il déclarer, et « j’aime beaucoup ce qu’il dit », ou encore « Dans tout ce que j’ai entendu de lui, je n’ai pas trouvé de choses à redire, vraiment, et parfois je l’ai écouté longuement, j’ai écouté des enregistrements qui pouvaient durer une bonne heure avec un réel intérêt, avec un réel plaisir en me disant : “C’est vrai que je souscris à tout ça”. » Pour Michel Onfray, le discours de M. Asselineau est « un discours structuré qui démonte de manière rationnelle et raisonnable le dispositif maastrichtien, donc la chose essentielle qui est que la France a perdu sa souveraineté ». L’UPR a « mis en relation le fait que le refoulé maastrichtien produisait les Gilets jaunes », un mouvement que Michel Onfray soutient. « C’est un discours extrêmement bien fait, celui d’Asselineau, qui témoigne d’un effort de déconstruction extrêmement intéressant ».
Quelques heures plus tard, changement de cap : Onfray déclare ne pas soutenir Asselineau. Le philosophe qui vient de se faire blacklister par la presse nationale qui multiplie les couvertures de son coming out, rétropédale en urgence dans l'autre sens, et s'insurge contre “la récupération à laquelle se livrent depuis François Asselineau et les siens » dit-il. Reprenant à son compte les arguments de la presse de masse, il qualifie les militants de l'UPR de "conspirationnistes” et même de “raëliens". Le lendemain Onfray va même plus loin et fait comprendre via son blog que l’UPR serait “un parti d’antisémites”. Une insulte malhonnête et gratuite quand on sait qu’Asselineau a toujours condamné l’antisémitisme et qu'il ne parle jamais d’Israël. Qui plus est rappelons à Onfray qu’Aurélien Enthoven, qui a été lui-même victime d’insultes antisémites, est adhérent à l’UPR.
Bref, la réaction d’Onfray est transparente : Effrayé par le fort impact médiatique suscité par ses dernières déclarations à la manière d'un BHL qui tente de discréditer les Gilets jaunes, Onfray diabolise ces nouveaux adversaires en les assimilant au nazisme. Triste procédé quand on intègre le fait que notre donneur de leçons par l’entremise d’un exercice de contorsion récent, a tout fait pour minimiser la responsabilité de son ami Yann Moix, pourtant auteur d’écrits antisémites et négationnistes virulents. Des similitudes avec BHL récurrentes et très nombreuses.
Un narcissique sans convictions.
A l'instar de son ami Yann Moix, Michel Onfray est l'archétype du narcissique sans véritable conviction. Philosophe sans système, Michel Onfray n'a pas d'autre choix que de s'aménager un espace rebelle pour exister. Egratigner Macron, Valls ou Sarkosy est devenu sa marque de fabrique. Mais à la moindre alerte de disgrâce, ce dernier quitte le navire comme nous venons de le voir. Dès lors, il est facile de concevoir pourquoi notre philosophe n'a jamais contesté les embargos qui frappent des pays listés par les Etats-Unis, pourquoi il défend Israël, qui pourtant ne respecte pas les obligations que lui impose le droit humanitaire international, ou encore pourquoi, alors qu'il se fait passer pour le champion de la lutte contre l'antisémitisme, il n'a pas réagi quand la France invitait par l'intermédiaire de François de Rugy Andreï Parouby, néo-nazi ukrainien fondateur en 1991 du parti “social nationaliste d’Ukraine” Svoboda. Rappelons simplement ici que Parouby, à son retour de France, ira sur une télévision ukrainienne équivalente de TF1 expliquer au peuple qu’ “Hitler était le plus grand démocrate à sa connaissance”, rendant ridicules les explications embarrassées de François De Rugy pour qui “c’était de l’histoire ancienne.”
Plus sérieusement et pour conclure...
Que nous a appris ce nouveau revirement ? Ce simple petit examen nous a amenés à constater que Monsieur Onfray n’est pas le genre de philosophe qui pour défendre des convictions, est prêt à boire de la ciguë jusqu'à la dernière goutte. Chez lui, deux éléments aux aspects antagonistes reviennent à intervalle régulier : 1/L'absolue nécessité de se singulariser en prônant de temps à autre un discours iconoclaste pour émoustiller ses dévôts (ses “raéliens” ?) tout en justifiant le statut que veut bien lui accorder le pouvoir (nous aussi pouvons faire dans le dénigrement complotiste façon Onfray, c’est si simple). Et 2/ Si l’homme semble se conforter dans la dénonciation du "tous pourris", n’oublions jamais que ce libertaire à la mode libérale adore avant tout les salons parisiens et les bouteilles millésimées façon De Rugy (vous voyez comme les acrobaties perfides sont faciles avec la méthode Onfray ?). Ce second point explique sa crainte d'aller trop loin et donc de se voir marginalisé par les médias qui au fond le tolèrent tant qu'il continue d'alimenter des polémiques qui ont pour principal effet d’occulter les véritables questions. A défaut d’être un grand penseur, Onfray est un grand contorsionniste.