Moscou-Bruxelles : d’une dictature politique à une dérive autoritaire
MOSCOU-BRUXELLES :
D’UNE DICTATURE POLITIQUE A UNE DERIVE AUTORITAIRE
Dimanche 31 janvier 2021. La Russie de Poutine a encore frappé un grand mais effroyable coup en matière de non respect des droits de l’homme et bien sûr, dans la foulée, à l’encontre de la démocratie : 4000 personnes y ont été arrêtées sans ménagement, manu militari, pour avoir osé braver l’interdiction de manifester en faveur de la libération d’Alexeï Navalny, abusivement emprisonné aujourd’hui, après avoir été empoisonné par ses ennemis idéologiques, dans une obscure cellule aux nauséabonds relents de dictature soviétique.
Aussi, pour tout démocrate digne de ce nom, s’avère-t-il donc on ne peut plus légitime, et même nécessaire, de s’indigner contre ce type de répression : 4000 personnes arrêtées sur plusieurs dizaines de milliers de manifestants, à travers les principales villes de la gigantesque Russie (de Moscou à Saint-Pétersbourg, en passant par Vladivostok et le fin fond de la Sibérie), n’est certes pas anodin ni, bien au contraire, acceptable. C’est dire si nos médias occidentaux ont raison, bien évidemment, de dénoncer pareille forfaiture, même si ladite protestation était, en l’occurrence, interdite par les autorités !
Quand la répression policière devient une insulte à la démocratie
Mais enfin : quelle que soit certes cette infamie, que je ne peux à l’évidence que dénoncer ici aussi, même si, hélas, l’on ne s’en étonne plus guère, désormais, en ce genre de totalitarisme étatique, qu’est-elle encore, cette même infamie, au regard de la non moins odieuse répression policière, à peine moins violente, qui vient de s’abattre en ce dimanche 31 janvier 2021 également, avec 488 arrestations sur le petit millier de personnes (soit près de la moitié des manifestants) qui, à Bruxelles, capitale de l’Union Européenne et d’un pays réputé aussi civilisé que la Belgique, protestait pacifiquement, même si cette manifestation était elle aussi interdite par les autorités, contre les mesures sanitaires anti Covid, par ailleurs souvent prises en dépit du bon sens et surtout, en plus de leur caractère parfois aussi absurde qu’incohérent, sinon carrément irrationnel, de manière autoritaire, unilatérale et arbitraire, sans que jamais, sur cette délicate mais vitale question, le peuple ne soit consulté au préalable, comme cela devrait théoriquement l’être en toute authentique démocratie, par nos dirigeants politiques ?
Oui : voir, en plein cœur de l’Europe dite libre et prétendument moderne, des êtres humains menottés, bras derrière le dos et assis en rangs serrés par terre, pour avoir simplement exprimé leur désaccord en la matière, et de manière pacifique de surcroît, a quelque chose de profondément révoltant, choquant, intolérable ! C’est, ni plus ni moins, une insulte, la plus inadmissible et honteuse qui soit, à la démocratie elle-même !
Un inéquitable deux poids deux mesures
D’où, cet inéquitable deux poids deux mesures contre lequel je m’insurge ici le plus fermement du monde : notre sacro-sainte Union Européenne, que j’ai souhaitée de mes vœux et que j’ai tant aimée pour ses valeurs morales et principes universels (la liberté, l’égalité, la justice, la fraternité, la tolérance), vaut-elle vraiment mieux aujourd’hui, en matière de respect des droits de l’homme comme de la femme, que la Russie de Poutine, à laquelle nous nous plaisons cependant tant, du haut d’on ne sait quelle haute mais hypocrite tribune morale, à faire la leçon en matière de démocratie ?
Le cœur écœuré !
Oui : l’Europe dite démocratique est, aujourd’hui, dans un bien piteux état, sinon moribonde ! C’est à pleurer, si ce n’est, le cœur écœuré, à désespérer, du moins en ce déplorable cas, de la nature humaine lorsque, croyant s’élever vers l’idéal ciel de la liberté, elle ne fait que se coucher sur l’infernal lit de la tyrannie. Avec, pour couronner le tout et de sinistre mémoire, l’abjecte délation !
D’où ce cri d’alerte que je lance ici, en le clamant haut et fort quoique en toute humilité, à mes contemporains : réapprenez l’exigeant mais admirable enseignement des humanistes qui nous ont précédés, d’Erasme de Rotterdam à Léonard de Vinci, et, peut-être plus encore, des libres penseurs de l’illustre Siècle des Lumières, ceux-là mêmes qui, de Voltaire à Rousseau et de Diderot à Montesquieu, préparèrent, parfois au paradoxal mais énorme prix de leur propre liberté, l’avènement de la Révolution Française, avec, dans son docte sillage, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme !
L’esprit des lois contre le déni de démocratie
Montesquieu ! C’est lui, précisément, qui, nanti là de son érudit mais bienveillant savoir en matière de science politique, avait énoncé, dans son précieux « Esprit des Lois », que le fondement même de toute démocratie correctement entendue, c’est-à-dire en tant qu’Etat de Droit, était la nette et stricte séparation de ses trois principaux niveaux de pouvoir institutionnel : le législatif (le Parlement), l’exécutif (le Gouvernement), le judiciaire (le Tribunal). Sans cette étanche séparation des pouvoirs, il n’est pas de démocratie qui vaille ni qui, à long terme, ne tienne !
Et précisément : c’est à un scandaleux déni de démocratie, en touts points anticonstitutionnel, auquel nous assistons malheureusement aujourd’hui, à l’occasion de l’actuelle crise du Coronavirus, avec ces contraintes continuelles, ces décisions sommaires et ces interdictions arbitraires, sous le joug desquelles nos différents dirigeants politiques, en l’occurrence bien plus irresponsables que responsables, veulent nous faire ployer quotidiennement sans jamais, de surcroît, nous demander, à nous le peuple censé pourtant être souverain en démocratie, notre avis.
La liberté individuelle étouffée au profit de la sécurité collective : un alibi politico-idéologique ?
Pis : ils nous bâillonnent, nous entravent avec menottes derrière le dos, nous bastonnent à coups de matraque et nous humilient en nous obligeant à nous asseoir par terre, lorsque, comme en ce maudit dimanche du 31 janvier 2021 (jour où, je le répète à regrets et sans pour autant verser ici en d’indus amalgames ni comparer l’incomparable, il y a eu plus de gens arrêtés ou verbalisés dans la petite Belgique, proportionnellement, que dans la vaste Russie), nous voulons, cet avis, le donner librement quoique, certes, avec respect envers cette démocratie que nous entendons ainsi protéger, en toute honnêteté intellectuelle, tel le plus précieux des biens au sein des sociétés humaines.
Non : ces incessants abus de pouvoir, cette permanente asphyxie des libertés individuelles au prétexte de la sécurité collective – règles sanitaires prenant de plus en plus des allures d’alibi politico-idéologique – ne sont plus possibles !
Résistance à la dictature hygiéno-sanitaire : indignons-nous !
D’où, en guise de conclusion et tel un salutaire manifeste de résistance à cette ignoble dictature pseudo-sanitaire, elle-même doublée d’une obsessive oppression hygiéniste, cet appel aussi pressant qu’urgent lancé il n’y a guère si longtemps, quoique en un tout autre contexte socio-politique, à ses semblables – mais que je fais ici mien aussi – de mon ami feu Stéphane Hessel, juif rescapé des camps de concentration nazis et admirable auteur du premier volet de la charte des droits de l’homme au sein des Nations-Unies (ONU), dans son ultime, court mais précieux, diptyque philosophico-littéraire : Indignez-vous ! Engagez-vous !
Pour un nouvel humanisme ; contre la tentation totalitaire
Il est grand temps, pour un nouvel et sain humanisme et pour, enfin, que notre belle et glorieuse civilisation ne meure point, en désespoir de cause, sous les mortifères assauts de sa propre tentation totalitaire, de sa seule et coupable indignité, voire de son dangereux manque de sagesse, sinon de simple intelligence !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur, notamment, de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (publiés tous deux chez Gallimard, coll. « Folio Biographies »), « Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné » et « Gratia Mundi – Raphaël, la Grâce de l’Art (publiés tous deux chez Erick Bonnier), « L’Ivresse artiste – Double portrait : Baudelaire-Flaubert » (Editions Samsa). A paraître : « Le meilleur des mondes possibles » (Editions Samsa, ouvrage collectif avec Robert Redeker, Audrey Palma, Elsa Godart et Luc Ferry).