lundi 23 février 2009 - par
Nadine Morano, hors-sujet
S’il est entendu, pour tout le monde je crois, que les ministres de Sarkozy sont des pantins agités par la petite équipe de cow-boys élyséens qui, bien qu’ils se fassent périodiquement traiter de cons par le Maître, incarnent la voix de celui qui est tout à la fois président, premier ministre, ministre multi-fonctions, patron de presse et jet-setteur, il est frappant de voir qui s’exprime chez ces pantins et pour dire quoi :
- le ministre d’ouverture (le seul puisque Besson est désormais à l’UMP) a un peu parlé pour finir de renier ses idées (ce qui n’est pas forcément plus mal d’ailleurs), mais le bruit des casseroles qu’il traîne risque bien de le forcer au silence, sa défense fondée sur l’accusation d’antisémitisme n’ayant pas grande chance de prendre hors de la dernière page du Point ;
- Rachida Dati et Rama Yade l’ont pas mal ouverte, aussi. L’une est à l’agonie ministérielle (trop réac pour la communauté qu’elle devait incarner et diplomate comme un pitbull) tandis que l’autre (qui a vraiment cru qu’elle avait été sélectionnée pour des raisons objectives) a déjà une fesse hors de son secrétariat d’Etat jugé inopportun par son propre ministre de tutelle. Sans preuve d’amour convaincante au président, la belle Rama reviendra vite illuminer les jours des vieux sénateurs ;
- Christine Boutin essaye de l’ouvrir parfois, souvent d’ailleurs pour se démarquer de ses collègues. Jusqu’à ce jour, elle n’a pas tiré toutes les conséquences de son total isolement politique dans cette majorité libérale et amorale. Ses prises de parole sont de toute façon inaudible puisque Ch. Boutin a le tort définitif, pour le microcosme, d’être une catholique assumée ;
- Reste Nadine Morano, secrétaire d’Etat à la famille après que Sarkozy, au bout de quelques mois, s’est aperçu que ce poste était vacant. La porte-flingues du patron de l’UMP voulait entrer au gouvernement après la claqué électorale subie à Toul et Sarkozy a donc déterré ce portefeuille pour elle, deux jours après l’échec cuisant de sa groupie.
C’est à cette dernière, UMP pur jus (de chaussettes), que je consacre cette tribune. J’aurais pu ajouter les interventions de Jégo, de Darcos, de Pécresse et de Bachelot mais celles-ci ont coïncidé avec des circonstances plutôt fâcheuses, dont ils se seraient bien passés, même si Bachelot prétend toujours venir exposer ses tailleurs rose bonbon sur les plateaux pour glousser…
Nadine Morano a pour principaux titres pour perpétuer la très enviée politique familiale française, enrichie d’influences diverses, d’avoir piloté la communication du parc naturel régional de Lorraine. J’oubliais, elle est fille de parents et mère d’enfants, ce qui est rare et tout à fait remarquable. Un DESS d’information, de communication et organisation des entreprises. Et un talent tout particulier pour invectiver les socialistes. C’est ce dernier talent, qui semble-t-il, a primé et c’est assez curieux. Parce que ce que les socialistes « modernes » les plus osés avaient rêvé, Nadine Morano est en train de le faire :
- confondre politique familiale et politique sociale (d’où le cafouillage sur la carte familles nombreuses et les allocations familiales) ;
- imposer des sujets qui sont présumés montrer que la gauche est moins « progressiste » que la droite : euthanasie, mères porteuses, adoption par les homosexuels ;
- orienter l’aide familiale vers le travail forcé des femmes (par le financement des modes de garde hors foyer) plutôt que de muscler le congé parental (qui est l’objet de récentes attaques) et de laisser une véritable option aux femmes (ou aux hommes) qui souhaitent consacrer quelques années de leur vie à éduquer elles (eux)-mêmes leurs enfants
En quelque mots, pour expliquer : la politique familiale a été conçue de façon utilitaire par les régimes successifs de droite comme de gauche pour assurer un renouvellement des générations, nécessaire à l’affirmation de la nation quand droite et gauche étaient nationalistes, puis pour garantir la bonne marche du système social quand la France est devenue avant tout une république sociale. C’est la raison pour laquelle les allocations familiales ne sont pas soumises à condition de ressources. En parallèle, la famille était considérée comme une cellule essentielle de la société capable d’assurer une formation civique, morale et culturelle aux enfants. Aider cette cellule, c’était faire réaliser des économies à l’Etat par ailleurs. Socialiser la politique familiale, c’est-à-dire la concentrer sur les ménages défavorisés sans prendre en compte le nombre d’enfants, c’est piocher dans la branche « familles » de la sécurité sociale, la seule qui soit excédentaire, pour tenter de remédier à l’échec de l’Etat providence. C’est une terrible erreur, qui ruinera cette branche comme les autres sans modifier substantiellement les problèmes sociaux de la France. Et, accessoirement, cette dérive remettra en cause les (maigres) succès de notre démographie, qui est l’un des deniers atouts de la France en Europe.
Morano est donc l’artisan de la fin de l’exception française en matière familiale. Cette politique éprouvée, consensuelle et non partisane l’intéresse moins que la défense au couteau d’un sarkozysme dont plus personne ne sait de quoi il est fait. Son créneau à elle, c’est la transgression. Petite télégraphiste des lobbies Gaylib et ADMD (respectivement « association du droit des homosexuels à jouir d’un double revenu sans avoir à financer la charge sociale des hétéros reproducteurs tout en ayant les mêmes droits qu’eux » et « association du droit à mourir euthanasié par un médecin ayant prêté le serment d’Hippocrate »), elle tente ridiculement le grand écart en se prétendant catholique pratiquante. Nadine Morano a tout à fait le droit de ne pas être catholique, mais elle ne peut se revendiquer de cette religion en défendant ses options sociétales, qui la placent hors de l’Eglise sans que ceci signifie en quoi que ce soit que les catholiques sont meilleurs qu’elle. Etre catholique, c’est adhérer à certains principes, ou en tout cas essayer de le faire. Il n’y a pas de catholicisme à la carte.
Au total, Nadine Morano, l’anti-Jeanne d’Arc produite par la même terre, est la preuve pathétique de ce que l’UMP n’est pas un parti conservateur. Le bipartisme en France n’est définitivement pas possible. Il y a l’extrême-gauche, la social-démocratie, avec des courants « républicains » et « libéraux-libertaires ». Reste à créer un parti conservateur. Sans elle, évidemment.