mercredi 18 juin 2014 - par Olivier CHAZOULE

Négociez, négociez, il en restera toujours quelque chose

10 milliards de dollars, c’est beaucoup.

10 milliards de dollars, c’est la somme incroyable que la BNP devra payer aux autorités financières américaines pour avoir enfreint les restrictions américaines aux financements internationaux en dollars avec pays sous embargo des Etats-Unis entre 2008 et 2009.

 

Cette situation exceptionnelle soulève plusieurs questions :

La première question est relative à la juridiction à laquelle est soumise la BNP comme d’ailleurs les autres banques françaises, comme d'ailleurs toutes les banques du monde non américaines. C'est la question de la compétence territoriale et juridique de la loi américaine, autrement appelée dans le système judiciaire anglo-saxon, Jurisdiction. C’est-à-dire de quel droit, de quelle manière la justice américaine peut-elle avoir à connaître des agissements d’une entité morale, une société commerciale et financière de droit français et européen ?

Une partie de la réponse tient à la nature des sociétés incriminées, les filiales de la BNP qui opèrent sur le territoire des Etats-Unis.

Mais cette réponse est insuffisante.

La seconde partie de la réponse tient à la devise dans laquelle les opérations sont effectuées, le dollar, qui est toujours la devise mondiale de référence. Mais dans ce cas-là, peut-on considérer que chaque pays a vocation et/ou légitimité à agir mondialement dans les transactions qui se déroulent en tout lieu lors de tous les échanges de sa propre devise ?

La troisième partie de la réponse tient à la nature des intérêts considérés comme stratégiques par les Etats-Unis. En d'autres termes, tout ce qui peut directement ou indirectement menacer la sécurité des Etats-Unis doit être contrôlé et empêché si nécessaire. Si pris trop tard et après commission de ce qui est considéré comme un manquement ou une faute, une punition s'impose.

La loi la plus connue dans ce domaine est celle qui a été émise par le Congrès le 26 octobre 2001,en réponse aux évènements du 11 septembre 2001, le Patriot Act. Destiné à préserver les Etats-Unis de toute transaction financière illégitime, de blanchiment d’argent et de liquidités, le Patriot Act vise à réglementer et contrôler les transactions financières U.S. et internationales avec répercussions et incidences sur les Etats-Unis pour restreindre l’accès aux sources et canaux de transferts de financement par les groupes terroristes.

Il existait déjà des dispositions américaines comparables issues de la guerre froide qui tendaient à restreindre les exportations de technologies sensibles à destination de l’URSS, y compris par les pays alliés des Etats-Unis. Elles se sont transformées en restrictions d’exportations de technologies sensibles à destination de la Chine.

La quatrième question qui se pose est celle de savoir de quel droit les Etats-Unis se permettent d’édicter des lois mondiales, c’est-à-dire des lois bien que votées par des Américains seulement peuvent avoir et ont un effet sur le reste de la planète. La série de lois Foreign Account Tax Compliance Act, ou FATCA, de 2010 en est une illustration. Elle apporte une réponse pragmatique : c’est comme ça et pas autrement ! nous y reviendrons.

 

Les Romains disaient que les lois parfaites, ou leges pefectae, sont les lois assorties de sanctions. Autrement dit, s’il n’y a pas de sanction applicable et appliquée personne ne respecte la loi. C’est ce qui conduit à la cinquième question qui est de savoir quels sont les moyens de pression et de sanction qu’ont les Etats-Unis à l’égard des banques et institutions financières étrangères, c’est-à-dire non-américaines.

Cette sanction majeure, ce goulot d’étranglement c’est l’interdiction d’accès à Wall Street qui demeure le marché financier dominant de la planète et l’interdiction potentielle de conduire de transactions en dollars qui est la devise majeure des échanges internationaux et de réserves mondiales.

Si une banque est bannie d’accès à Wall Street et/ou d’effectuer des transactions en dollars, ce n’est plus une banque.

Cela signifie que les autorités fédérales américaines ont le pouvoir de faire et de défaire toutes les banques du monde ; et ce pouvoir, elles l’exercent discrétionnairement.

Ce n’est pas totalement le fait du Prince mais cela y ressemble.

Face à un tel pouvoir exorbitant du droit commun, mais bien réel, quelle stratégie faut-il adopter ?

Ce que font les banques américaines, aussi puissantes soient-elles, c’est qu’elles vont dans le sens du courant.

Comme elles, il faut considérer la psychologie et la sociologie des affaires et de la finance américaine, connaitre suffisamment le droit des procédures administratives fédérales et des Etats principaux dans ce domaine, New York, Delaware, et engager de négociations directement et avec l’aide de ses conseils.

La dernière chose à faire est de se heurter de front aux autorités fédérales, il faut négocier, négocier, négocier.

 

Ce que disent souvent les Américains est explicite et mérite d’être considéré ici : if cou cannot beat them, join them, ce que l’on peut traduire par : si tu ne peux pas les vaincre, allies-toi à eux.



3 réactions


  • Robert GIL ROBERT GIL 18 juin 2014 10:34

    10 milliards de dollars, c’est 12 semi-remorques remplis de billets de 100 dollars ...

    voir : LES ETATS UNIS SE CROIENT-ILS VRAIMENT LES MAITRES DU MONDE ?


    • Deneb Deneb 18 juin 2014 14:40

      Tout arrive, les cocos se mettent à défendre les banquiers sans scrupules, faisant tranquillement leur beurre en s’acoquinant avec les pires dictatures de la planète. En fait, les Ricains voulaient juste la tête du cousin de Bernardette. Un de moins, c’est toujours bon à prendre.


  • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 18 juin 2014 15:05

    Le plus surprenant dans cette affaire c’est que BNP a toujours su que ça risquait de lui retomber lourdement sur la gueule ( interdiction de travailler avec les marchés américains ) et qu’ils ont fait comme si de rien n’était.


    A un tel niveau de légèreté on ne parle plus d’erreur mais de FAUTE qu’on peut faire réparer en justice.



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