lundi 30 mars 2020 - par Alain Roumestand

Nicole, fille, femme, mère de marins pêcheurs

Elle est là devant moi. Assise dans sa cuisine de cette maison de pêcheurs qu'elle habite toujours. Sur la table, des livrets maritimes aux noms de son mari et de son fils disparus, qu'elle a préparés pour entamer notre entretien. Sur les murs des photos expressives de mer et de marins. Dans l'entrée et sur les commodes, trônent bateaux modélisés, instruments de navigation et de pêche, souvenirs toujours vifs de son époux Bernard.

Nicole c'est une présence forte et un maintien impeccable, une âme chevillée au corps (comme on dit encore quelquefois), souriante et affable, malgré tous les aléas de sa vie, cachant au fonds d'elle-même, ses brisures, ses cassures (son intime douloureux dont on ne parlera naturellement pas dans cet article).

Nicole a plus de 70 ans (ce n'est pas poli de donner l'âge d'une dame, même en 2020). Elle a accepté cette rencontre car elle me connait depuis quelques années et elle m'a souvent parlé, au travers d'anecdotes plus ou moins longues, de sa vie passée, de sa destinée actuelle. Sans jamais se plaindre, acceptant avec une solide philosophie de la vie, ce qu'est une existence faite de hauts et de bas, dans un milieu professionnel, celui de la pêche côtière, qui a eu ses heures de gloire, mais aussi ses détresses, ses revers, ses coups durs. La pêche artisanale, résiduelle aujourd'hui, mais toujours bien vivante pour les besoins des consommateurs, particuliers, restaurateurs et... touristes.

Sa vie mériterait une biographie ; le lecteur se plaira à l'écouter lors de cette rencontre, un jour de mars pluvieux.

AR : "D'abord merci, Nicole, de me recevoir chez vous pour parler de la vie des marins pêcheurs, de votre vie. Commençons par le début... votre enfance et votre adolescence."

Nicole : "Je suis née au Tréport, d'une famille de marins pêcheurs. Mon grand-père était marin pêcheur, mon père était marin pêcheur. Ma mère ne travaillait pas, parce qu'elle s'occupait du poisson et de nous... Mon père avait un tout petit bateau. La pêche, l'hiver il n'y avait rien. On n'avait pas grand chose à manger. Heureusement on avait la grand-mère qui était là. C'était elle qui apportait la viande. Après, au printemps c'était un petit peu mieux. On mangeait mieux.On avait juste un poste de radio, pas de télévision. On faisait rentrer la tonne de charbon pour passer l'hiver, des pommes de terre et on mangeait beaucoup de harengs salés, harengs marinés. On les mangeait à toutes les sauces. On avait droit à mieux quand la pêche était meilleure."

AR : "Les enfants vont à l'école. Et vous ?

Nicole : "Nous allions à l'école, moi et mon frère. On avait 7 ans de différence, j'étais la plus grande. J'ai aidé mes parents très tôt dans leur travail. L'hiver, mon père allait aux cordes. La corde était munie d'hameçons. Pour pouvoir aller à la mer le lendemain,il fallait que l'on mette aux hameçons des vers que mon père allait chercher sur la plage. Cette activité prenait beaucoup de temps. A partir de 7 ou 8 ans j'aidais mon père. On était 3 ou 4, chacun avec notre caisse de 100 hameçons. Il y avait mon père, ma grand-mère et les 2 matelots que mon père avait avec lui. Le lendemain on recommençait. Quand il y avait mauvais temps il fallait redémonter tout ce que l'on avait fait, en attendant le beau temps, pour refaire du neuf, pour remettre à la mer. J'ai aussi porté du poisson tout le temps. J'ai toujours été dans les bottes de mon père, comme on dit. J'ai toujours suivi mon père partout. Après j'ai continué jusqu'à mon certificat d'études. Je travaillais l'été dans un magasin qui vendait des foulards, des pulls. A 14 ans je suis partie à l'école des bonnes soeurs pour apprendre à coudre et les tâches ménagères. J'ai arrêté à 15 ans. Je n'y suis allée qu'une année, parce que mon père a eu un problème avec le moteur de son bateau. Pas de moteur, on ne peut pas aller en mer. Pour qu'il puisse avoir son moteur je suis allé voir ma patronne, sans rien dire à personne. Je lui ai demandé si elle voulait me garder et elle m'a pris à 15 ans, en travaillant tout le temps. Jusqu'à temps que je me marie. J'ai aidé mes parents pour qu'ils puissent avoir le moteur avec l'argent que j'avais ramené.

AR : "Votre jeunesse, vous l'avez donc passée au Tréport ?"

Nicole : "Toujours au Tréport. Je n'ai jamais eu de vacances qui m'auraient permis de quitter LeTréport. On n'avait pas les moyens pour. J'ai connu Bernard au Tréport et on s'est marié en 1964 et on a eu Philippe. Voilà comment la jeunesse s'est passée."

AR : "Parlez-nous de votre mari Bernard, ses activités."

Nicole : "Il est issu d'un père matelot. Mon beau-père a travaillé d'abord aux chemins de fer. Il a été prisonnier de guerre. Quand il est revenu, son médecin lui a dit qu'il fallait qu'il aille au bord de la mer. Il est donc arrivé à la mer pour apprendre le métier de marin pêcheur. Il a connu mon père et c'est beaucoup mon père qui lui a mis le pied à l'étrier. J'ai connu Bernard parce que les pères ensemble, çà discutait. On est devenu amis, forcémént. Bernard a eu son bateau à lui en 1967. Toujours la marine."

AR : "Quelles sont les grandes étapes de sa vie professionnelle ?"

Nicole : "Bernard a été à l'école et comme cela ne lui plaisait pas du tout, il est sorti à 14 ans, sans rien. Son père lui a dit que, puisque cela ne lui plaisait pas, il n'avait qu'à rester là. Il a mis ses bottes et il est parti à la pêche avec son père, avec un marin pêcheur. Et c'était pareil que chez nous ; il n'y avait pas grand'chose à manger l'hiver. On était tous les 2 du même côté de la barre, on a été élevé pareil. Moi, j'étais quand même mieux car, jusqu'à 7 ans, j'étais fille unique,et j'avais une grand-mère qui me gâtait beaucoup. La grand-mère m'a toujours habillée pour que je ne manque de rien. Et elle a continué avec mes enfants, après. Ma grand-mère, quand elle est partie, j'ai vraiment perdu gros. Elle était vraiment gentille. Aussi avec mes frère et soeur. Si elle donnait quelque chose à l'un, elle le donnait aussi à l'autre. Elle voyait vraiment quand il manquait quelque chose. Elle venait prendre un café ; elle avait un grand fichu noir et elle donnait ce qu'elle avait apporté dedans."

AR : "Votre mari a-t-il eu toujours le même bateau et comme la vie n'est jamais un long fleuve tranquille, quelles sont les difficultés qu'il a rencontrées et comment les avez-vous résolues en couple ?"

Nicole : "On a fait construire un bateau en 66-67. Mon mari l'a eu le 18 juillet 1967. Il l'a mis à l'eau. Il est entré au Tréport. On a fait le baptême après. Bernard faisait en mobylette tous les jours le trajet Le Tréport -Saint Valéry-sur-Somme. Pas de téléphone pour prévenir en cas de pépin, de retard. Il allait à la mer avec un marin. C'était la petite pêche côtière, comme son père l'avait fait avant. Et on a gardé ce bateau jusqu'en 1977. Comme Philippe notre fils sortait de l'Ecole des Mousses et qu'il voulait aller à la mer, on a voulu changer de bateau pour prendre un petit peu plus grand. Parce qu'il y avait Philippe notre premier fils et qu'il y aurait eu Dominique notre 2ème garçon."

AR : "Vous venez de parler de l'Ecole des Mousses. Pouvez- vous nous dire quel enseignement y était dispensé ?"

Nicole : "L'école des mousses c'est l'école d'apprentissage maritime. Il y avait de l'écriture, il y avait dictée, calcul, beaucoup.Les élèves faisaient tout comme s'ils embarquaient. Le lundi matin ils avaient du pain frais et les "vitailles" pour la semaine. Ils étaient confinés comme s'ils étaient sur un bateau. Philippe a appris tout ce dont il avait besoin, pour les moteurs des bateaux, à faire les noeuds marins, à s'occuper des chaluts, à faire tout ce qu'un marin doit savoir faire. En plus ils apprenaient à bien nager. Ils apprenaient aussi à plonger avec une combinaison, au large de Boulogne, pour avoir les brevets à la fin de leurs études. Philippe est sorti avec l'appréciation qu'il avait bien travaillé. Il était 3ème de son canot. Il était prêt à l'emploi qu'il n'a jamais quitté. Il a toujours été dans la marine."

AR :" Quand votre fils est sorti diplômé de l'Ecole des Mousses, vous aviez déjà le second bateau ?"

Nicole : "Le "Confiance en Dieu" on l'a vendu en 1977. Après avoir acheté le "Grizzli", on a eu des difficultés, parce qu'il y a eu la grève de 1980. Période difficile, car on a fait grève un mois complet, parce qu'on ne vendait pas bien le poisson,et qu'on n'arrivait plus à payer nos échéances. On n'était pas tout seuls, on était tous dans le même bateau, c'est le cas de le dire. La grève a fini parce qu'il y avait un gros armateur avec 2 gros bateaux. Il est revenu de vacances.Il a repris la mer et il a écrasé tout le monde. Et nous, on n'avait que nos yeux pour pleurer. On est resté sur le bord du chemin. On n'a rien eu du tout. Au mois de décembre 80 on a vu sonner à la porte le Syndic des Gens de mer qui venait nous chercher le rôle. Le rôle c'est ce que les marins pêcheurs gardent à bord du bateau, avec le nom du propriétaire, le nom des marins au fur et à mesure qu'ils embarquent et qu'ils débarquent. On nous a demandé le rôle la veille de Noël. On savait que c'était fini pour l'année 81. En 81 le premier janvier, mon mari a regardé sur le journal. Il a trouvé une place au Havre. Il a pris la voiture. Il s'est présenté, et il a été pris. Je suis restée 2 mois au Tréport avec mes enfants, et puis on a tous déménagé au Havre. Mon mari a changé de métier, il est rentré dans les travaux publics maritimes. Il était toujours dans la mer."

AR : "Quelques mots sur les travaux publics maritimes ?"

Nicole : "Les travaux publics maritimes, c'est,par exemple, pour implanter des pontons . Mon mari est parti travailler à la centrale nucléaire de Flamanville. Il y a un genre de petit port dans cette centrale. Il allait chercher les plongeurs. Il a même peut-être été contaminé par le nucléaire. Ils ont toujours dit qu'il n'avait rien, mais je me suis toujours demandé s'il n'y avait pas eu des conséquences.Bernard avait fait rentrer mon frère sur les bacs qui traversent la Seine, avec les gens et leurs voitures, pour aller travailler d'une rive à l'autre. Mon frère a vu qu'ils embauchaient. Il a donc dit à mon mari d'envoyer une lettre. Et il a été engagé. Il a quitté les travaux publics maritimes et il a travaillé aux bacs qui faisaient partie du port autonome de Rouen. Et il a fini sa carrière sur les bacs, en 1989, quand il est tombé malade. Il a fait un infarctus. Il a été transporté d'urgence à l'hôpital. Et après, quand il a voulu reprendre son travail, la marine l'a refusé, parce qu'il n'était plus capable de prendre les commandes d'un bateau, vu son état de santé. Il a été mis en retraite. Il lui manquait encore 2 ou 3 années de navigation".

AR : "Et vous pendant toutes ces années ?"

Nicole : "Après avoir élevé mes enfants, je suis allée travailler en usine. Puis j'ai été licenciée, je me suis alors occupée du poisson, à nouveau. J'allais vendre le poisson sur le quai, dans les rues. On passait avec notre petite voiture, en criant "qui veut du beau poisson !", le matin de bonne heure, quand les marchands de poissons étaient servis. Parce que les petits marchands du coin venaient se servir à nos bateaux, pour avoir des poissons frais, pour faire leurs tournées. Après, selon ce qu'il restait, je montais à Dieppe avec la voiture. J'avais passé mon permis de conduire, ce qui me permettait de porter le poisson moi-même. Cela coûtait moins cher ; on avait moins de frais qu'avec le camion. Le poisson attendait moins, il était mieux vendu. Je revenais après à la maison et j'avais mon ménage et tout à faire,la double journée. Après, je suis tombée malade et j'ai arrêté de travailler. J'ai été opérée du dos, mais je me suis toujours occupée du bateau quand même.

AR : "Le bateau qu'est-il devenu au bout du compte quand votre mari a quitté la pêche ?

Nicole : "Le bateau, on l'a vendu pour payer ce que l'on devait, forcément. J'ai travaillé dans une poissonnerie du Havre, une petite poissonnerie dans une belle rue, qui travaillait très bien. Je me suis trouvée avec une hernie discale, qui a mal tourné. Du coup, j'ai été obligée d'arrêter et je n'ai plus jamais travaillé. Le médecin de la sécurité sociale m'a mis à l'invalidité après 3, 4 ans. Il faut savoir que les femmes de marins n'étaient pas reconnues pour toutes les activités qu'elles avaient eues avec leur mari. Maintenant elles sont reconnues pour leur travail sur le quai, quand elles travaillent avec leur mari. Mais il n'y a plus beaucoup de femmes qui font cela. Maintenant le bateau rentre et le poisson s'en va directement à la coopérative, à la Criée, pour être vendu."

AR : " Vous avez connu les ports il y a 40 ans, quelles sont les différences avec le temps présent ?"

Nicole : "On travaillait sur des petits bateaux. On n'avait rien. On n'avait pas de glace, il fallait vite porter le poisson pour le vendre. On le portait à la criée. La criée ce n'était pas comme aujourd'hui. La criée c'était les gens qui donnaient (d'où le nom "la criée") le prix du poisson qu'ils voulaient. Ils prenaient ce qu'ils voulaient. Maintenant c'est électronique. Parfois, mon mari croyait avoir fait une bonne pêche. Quand il allait téléphoner, au tabac, pour savoir ce qu'il avait fait de sa marée, il avait les bras qui pendaient vu le mauvais résultat. On a même vendu des soles pour produire de la farine de poisson. Alors que la sole c'est quand même un poisson bien vendu. Mais quelquefois le marché était engorgé et on ne faisait pas attention à la qualité du poisson."

AR : "La vie a beaucoup changé. Quels sont les éléments les plus positifs dans la vie de marin-pêcheur, par rapport à la vie que vous avez connue ?"

Nicole : "Il n'y a pas de comparaison, parce que maintenant il y a les appareils pour la navigation, les radars, les sondeurs sophistiqués. Les hommes savent où ils mettent leurs chaluts et ce qu'il y a en-dessous. A cette époque-là il n'y avait rien du tout. Mon mari il a fait mettre un sondeur avec le "Confiance en Dieu". C'était déjà mieux mais il avait toujours son compas, parce que, quand il y avait de la brume il ne voyait rien du tout. C'est en 70 -72 qu'il a eu son premier sondeur, pour voir où il mettait son chalut. 3 ou 4 ans après, on a fait mettre un radar, pour être un petit peu plus rassuré dans le brouillard. C'est la sécurité des marins. Même pour le matériel, les treuils, maintenant, c'est hydraulique, il ne faut plus tirer dessus. Auparavant, ils avaient des petits treuils, mais qui passaient par leurs mains. Il fallait qu'ils tirent sur la corde pour pouvoir entrainer les bobines."

AR : "Les villes maritimes ont toutes étaient marquées par les décès dans les familles, car il y avait du danger pour la pêche, qu'elle soit côtière ou au long cours..."

Nicole : "Pour la pêche côtière il y a eu moins de décès. Ce sont plutôt les bateaux qui allaient au large. Pour la pêche côtière c'était des bateaux qui rentraient tous les jours au port. Je me rappelle qu'il y a eu une famille qui a disparu. Il y avait 5 frères. ils en ont retrouvé 2, les autres on les a jamais retrouvés. On n'a jamais su comment l'accident s'était produit. C'était en 1960. Le bateau s'appellait le" Mater Dei". Il y a eu un fils de cette famille qui a été sauvé, car il était au régiment, à l'armée. Il aurait dû être avec ses frères. Tous les ans il allait mettre des fleurs à l'endroit où ses frères étaient perdus. A la fête de la mer, tous les ans on le voyait partir avec son bateau."

AR : "Quelques mots sur les cimetières en mer..."

Nicole : "Pour nous il n'y a pas de tombe. On part en mer et c'est comme si on allait sur une tombe, mettre des fleurs à nos défunts. C'est un peu ce que je fais pour mes hommes, une fois par an, le jour de la fête de la mer. On met des fleurs pour tous les marins qui sont perdus. Il y a la messe le matin et l'après-midi il y a les sorties en mer, pour mettre des fleurs là où des hommes sont restés. Pour les 3/4 , on ne retrouve pas les corps."

AR : "Il y a des lycées maritimes qui forment la jeunesse, ceux qui sont intéressés par ces métiers, quelles recommandations, vous leur donneriez à ces jeunes, pour rentrer dans ces professions-là ? Quelles qualités il faut pour réussir ?"

Nicole : "Il faut vraiment aimer la mer. Ce n'est pas toujours ce que l'on croit. Maintenant tout le monde veut gagner de l'argent, tout le monde veut faire voir sa réussite. Ils ne connaissent plus ce que l'on a connu. Mais moi, je vais vous dire franchement, je n'ai pas voulu que mon deuxième garçon aille à la mer. Il y en a un qui y a été, mais pas le deuxième. Le deuxième il travaille à l'usine et il est tourneur. La mer c'est un beau métier, mais il y a beaucoup de risques que les jeunes ne connaissent pas. Il y a le mauvais temps, comme on a maintenant, des semaines complètes, pendant lesquelles les bateaux restent à quai. Il n'y a pas de rendement, il n'y a pas de paye. Chez nous, quand on n'allait pas à la mer, il n'y avait pas de gain. Et il fallait quand même payer les frais qui couraient."

AR : "Des fêtes commémoratives sont organisées chaque année dans les villes portuaires, vous nous en dites quelques mots ?"

Nicole : "Quand il y a un décès de marins, c'est toute la corporation qui est mise à contribution, parce qu'on n'est pas sans connaitre les personnes qui viennent de disparaitre. Ce sont des gens que l'on a cotoyés. Le "Pardon de la Saint-Pierre des Marins" à Fécamp, c'est vraiment un bel hommage à tous ceux qui sont partis et ne sont jamais revenus. Car c'était un métier dur, la pêche à la morue. Ils partaient de nombreux mois. Après la Saint Pierre, les marins s'en allaient. Ils rentraient quand le bateau était plein à craquer. Ils allaient dans le nord à Saint Pierre et Miquelon, où il faisait très très froid. Et il y en avait beaucoup qui ne revenaient pas, soit par le froid, soit par des chutes en mer, ils glissaient, ils tombaient par dessus bord, souvent dans l'océan déchainé. Il y a des femmes qui attendaient en vain leurs maris, au retour."

AR : "Il y a un très beau tableau aux "Pêcheries" de Fécamp, musée remarquable, qui montre l'annonce à une famille, du décès en mer d'un marin."

Nicole : "La même scène est reproduite sur un tableau, au Tréport dans la salle des mariages. Exactement la même. Quand on apprend la mort d'un marin, çà fait froid dans le dos, c'est notre chair, notre sang. Malgré cela, j'ai toujours été élevée à la mer ; si je ne vois pas la mer çà ne va pas."

AR : "Dans toute cette vie que vous venez de nous décrire, des moments de regrets ?"

Nicole : "Non. Des regrets, non, car on a été élevé comme çà. Tout ce qui nous est arrivé avec les bateaux, la pêche, on a fait tout pour réussir. On n'a pas eu de chance, on n'a pas réussi, on a travaillé autrement, toujours avec la mer, mais, non, pas du tout de regrets. Au contraire, on a eu des hauts, on a eu des bas, mais je trouve qu'on a eu une belle vie, on s'en est sorti quand même. Et j'ai assuré le plus que j'ai pu."



6 réactions


  • ASTERIX 30 mars 2020 16:22

    et oui !!!!!! c’est cela « le milieu maritime peche » pas de vrai salaire le sytème a la part existe toujours on peche on mange  !!!!!

    le « plus beau métier du monde » MAIS AUSSI LE PLUS DUR ( un fils de Marin pecheur MORT EN MER A 47 ANS )§§§§§§§§§§§§§§§§§§ du Finistère 29 ARPONTAR


  • Jjanloup Jjanloup 30 mars 2020 17:12

    Merci pour ce témoignage.


  • Francis, agnotologue JL 30 mars 2020 18:00

    Beau témoignage. Merci pour le partage.

     

    « Homme libre, toujours tu chériras la mer » Valéry

     

    Je ne connais aucun marin de métier qui au bout d’une vie de labeur dise aimer la mer. Est-ce qu’ils n’étaient pas libres ?


  • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 30 mars 2020 19:45

     Merci @ Alain pour cette épopée d’un autre temps qui a bien heureusement évoluée au fil des années .

     Femme de marin : femme de chagrin

     Femme de pêcheur  ; femme de labeur disait -on à l’époque .

     je joins un lien d’un document de l’ INA ? 1968 qui nous conte le quotidien d’une de ces femmes de marin dont la vie est rythmée entre les enfants les tâches ménagères et les fameuses « vacations » 


  • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 30 mars 2020 20:03

    @ JL

     aimer la mer ? c’est un drôle de truc çà ! j’avoue ne m’être jamais posé cette question .

    perso c’est juste de la fascination ça reste quand même un boulot de « forçat » pour les pêcheurs ...mais bon les temps ont changés le modernisme y est certainement pour qqchose 

     On galère moins de nos jours .... bon vent JL smiley


    • Francis, agnotologue JL 31 mars 2020 16:36

      @Armand Griffard de la Sourdière
       
       ’’On galère moins de nos jours’’
       
       On galère autrement ...Bon vent aussi, Armand.


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