Non, l’Afrique n’a pas gagné le Mondial
Fallait-il crier Vive l’Afrique ! après la victoire française ? Pour certains cela vient d’un bon sentiment : célébrer l’origine des « Françafricains », ces joueurs à peau noire titulaires chez les Bleus. On voudrait associer un peu le Continent Perdu aux lumières de la victoire.
Manne financière
Pourtant cette célébration n’est pas vraiment joyeuse si l’on regarde derrière. Sous plusieurs angles elle est même très critiquable et d’inspiration revancharde.
Non elle n’est pas joyeuse. D’abord parce qu’elle rappelle implicitement qu’aucun pays africain n’a été plus loin qu’en quart de finale. La faute à pas de chance ? Non. Le foot africain n’est pas encore du niveau du foot européen. La raison ? Aux Africains eux-même de la trouver et d’y remédier.
Le niveau des équipes africaines est plus faible que celui des européennes. La Fifa tient compte de cela dans l'attribution du nombre de places : 5 aux pays africains (1’225 millions d’habitants, 54 états) et 13 aux pays européens (740 millions, 56 états). Ce qui a des effets :
« Quand on sait que la participation à une Coupe du monde donne droit à une importante manne financière, le football des pays européens et américains ne peut que se développer au détriment des pays africains. Ce, d’autant plus que cette manne va croissant au fur et à mesure qu’on avance dans la compétition. Or la probabilité pour que les représentants européens et américains aillent loin, et donc d’engranger plus d’argent, est beaucoup plus grande au regard de leur nombre », notait Ivoire Matin en 2017. »
Dépendance
Mais voilà. Pour payer la note et redistribuer l’argent il faut des spectateurs. Qui veulent voir le plus haut niveau de compétition. Le spectacle prime. À ce critère l’Europe et l’Amérique du sud font course en tête. À quand une finale Vietnam-Togo ? Dans très, très longtemps. Peut-être.
En attendant les meilleurs joueurs africains sont engagés hors de leur continent. Le niveau du foot africain en pâtit. Selon un article paru en 2006 dans Cairn info :
« Dans le cas du football africain, la stratégie d’extraversion consiste à mettre à profit la tendance exogéniste, ce qui se traduit concrètement par la fin des tentatives de régulation de l’expatriation précoce des joueurs et l’abandon des politiques visant au développement local du football, par un appui à l’implantation de centres de formation contrôlés par des clubs européens et par le « rapatriement » périodique des footballeurs expatriés pour les activités des sélections nationales. »
Cet article pointe le doigt sur la dépendance de certains de ces pays :
« Dans l’incapacité ou dans l’impossibilité de générer localement les ressources pouvant assurer le développement du pays, les États africains sont obligés de négocier à l’étranger l’aide nécessaire, ne serait-ce que pour continuer à assurer le train de vie de l’État. L’aide extérieure devient alors indispensable pour gouverner le pays. »
Revanchisme
Dire dès lors que l’Afrique a gagné le Mondial au travers de la France, c’est rappeler le mal-développement endémique de ce Continent Perdu – expression que j’utilise à titre provocateur quand on sait le peu d’avenir offert à ses populations. C’est rappeler sa corruption endémique, véritable système économique dans certains pays.
C’est aussi demander des comptes à ceux qui reçoivent des centaines de milliards « d’aide au développement », aide dont on se demande si elle passe ailleurs que dans les poches de dirigeants corrompus ou dans les guerres régionales.
C’est également raciser certains joueurs. On les désigne comme « les africains » à cause de la couleur de leur peau. C’est le plus élémentaire des risques racistes : la distinction par la couleur. Or soit la négritude est une qualité essentielle et l’on attend de voir les résultats sur le terrain, soit on s’en fiche et l’on ne prétend pas que l’Afrique a gagné avec la France.
Cette Afrique ne gagne que par procuration, au travers d’un pays de blancs, et signe par là sa propre incapacité à se hisser au niveau des européens. Dans cette Afrique incompétente et perdante, seuls les anciens colonisateurs leur laissent quelques miettes de gloire volée.
Notez, les miettes en Afrique, ils connaissent. Ils doivent souvent s’en contenter… (c’est de l’humour… noir). Piètre revanche sur la famine morale que de manger la victoire acquise par un autre.
Pour la France
Communautarisme, origine ethnique et couleur de peau, Afrique mal développée et perdante, revanchisme sur les anciens colons : le message sur l’Afrique qui gagnerait par la France est non seulement la confirmation de la dépendance de l’Afrique à l’égard du monde, mais aussi son incapacité à se développer par elle-même. C’est un camouflet jeté à la face du continent noir.
Or tant des Africains – parfois intégrés dans des agences de l’ONU – que des personnalités médiatiques et politiques ont entonné ce refrain. Le chef d’État Nicolas Maduro affirme même que les migrants (les noirs de l’équipe) ont fait gagner la France. Quelle stupidité. Et quelle turpide utilisation politique du sport.
Tous les joueurs Bleus sont de nationalité française, quelle que soit leur origine. Ils ont été détectés et formés grâce à la France, à son système d’encadrement sportif, à ses ressources financières. Ils jouent pour la France et non pour un pays africain.
Ces déclarations sont dévalorisantes pour le continent noir. Malheureusement elles montrent une mentalité peu propice au développement chez certains africains ou pro-africains. Je connais un peu l’Afrique noire, je l’aime, et je pense qu’elle mérite autre chose que ce qui n’est qu’un simulacre de satisfaction.
Non, l’Afrique n’a pas gagné. Elle a perdu, hélas, une fois de plus. Avec ces gens-là elle n’est pas prête à gagner autre chose qu’un éternel second rôle.