lundi 7 septembre 2009 - par
Ah oui, s’écrie Julien, cette église Notre-Dame du Port est une véritable merveille, c’est notre mère à tous et je veux, de toutes mes forces, quand je serai grand, me conduire en courageux citoyen.
Nos belles églises gauloises d’Auvergne I
Par un épais brouillard du mois de septembre, deux enfants, deux frères, sortaient de l’antique forteresse de Gergovie. Ils venaient de franchir la grande porte fortifiée devant laquelle les Romains avaient été repoussés lors de la grande victoire que Vercingétorix remporta sur Jules César.
L’ainé des deux frères, André, âgé de quatorze ans, était un robuste garçon. Il tenait par la main son frère Julien, un joli enfant de sept ans, frêle et délicat comme une fille, malgré cela courageux et intelligent (d’après "Le tour de la France par deux enfants", G. Bruno, 1877).
- Ô André, s’écrie Julien, voici que le soleil se lève.
- En effet, petit Julien. Chaque matin, c’était un grand évènement pour les Gaulois de notre belle province. Dans ses rayons flamboyants, ils voyaient venir le dieu Mercure comme une espérance qui, chaque jour, se renouvelait. Mais pour ne pas t’aveugler les yeux, tourne plutôt ton regard vers le puy de Dôme et tu comprendras.
Le sommet du puy de Dôme commençait à s’éclairer et sur ce sommet, émergeait des dernières nuées de la nuit la merveilleuse statue du dieu Mercure, une immense statue que Zénodore avait réalisée au Ier siècle de notre ère sur commande des dirigeants arvernes (certains pensent qu’elle se dressait à Clermont http://fr.wikipedia.org/wiki/Z%C3%A9nodore_%28sculpteur%29). La lumière descendait doucement les flancs de la montagne et touchait l’agglomération qui, dans la plaine, s’éveillait. Clermont était alors la nouvelle ville en plein essor des Arvernes. Au Vème siècle après J.C., Sidoïne Apollinaire en était l’évêque mais résidait toujours sur l’oppidum de Gergovie, au Crest.
- Mais je croyais qu’il résidait dans une agréable villa gallo-romaine au bord du lac d’Aydat, s’exclame petit Julien.
- Bien sûr que non, lui répond André ! Sidoïne Apollinaire était un grand seigneur. De sa ville fortifiée et dominante - Avitacus, l’antique Gergovie toujours située au Crest - le poète conduisait la cité arverne sur le chemin de l’Histoire en compagnie de son beau-frère Ecdicius. Il fut même préfet à Rome. Avitus qui donna son nom au site - le viacus d’Avitus - était son beau-père. Cet illustre personnage fut empereur romain pendant plus d’un an http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=19294
Tout en marchant, les deux enfants étaient arrivés à Clermont et visitaient la basilique Notre-Dame du Port qui vient d’être restaurée. D’après un ancien manuscrit, c’est saint Avit qui construisit dans la ville arverne, en un lieu appelé de tout temps le Port, une élégante église en l’honneur de la Mère de Dieu et Vierge Marie. Pourquoi mettre en doute ce document sérieux ? Pourquoi parler de fondation douteuse ? Grégoire de Tours écrit que l’évêque Namatius éleva la première cathédrale de Clermont en un lieu "intra muros". Comment ne pas voir dans dans cette cathédrale l’élégante église du manuscrit et dans ce saint Avit l’empereur Avitus lui-même ? Sachant que Namatius a été intronisé évêque en 446 et Avitus déposé en 456, cela nous confirme le manuscrit et nous donne la date d’édification. Est-ce parce que les historiens ne veulent pas reconnaître à la Gaule la capacité d’élever un tel monument qu’est Notre-Dame du Port qu’il leur faut inventer la destruction totale de l’élégante église/cathédrale par les Normands, puis une reconstruction en tant qu’actuelle Notre-Dame du Port, au XI ème XII ème siècle, en se référant à des textes plus que douteux et peu précis ? (1)
Notre-Dame du Port est un admirable témoignage de l’architecture gauloise qui nous est parvenu, quoiqu’on dise, dans un bon état de conservation. Elle est la mère des grandes églises romanes d’Auvergne. Elle est aussi la mère d’un art musulman qui a pris son essor au VIII ème siècle, dans la mosquée de Cordoue.
- Viens voir, s’exclame Julien en tirant son frère par la manche de sa tunique, ce chapiteau n’évoquerait-il pas l’empereur Avitus en compagnie de son épouse ?
- Tu as raison, mon Julien. Le bienfaiteur de l’église est représenté dans la force de l’âge, en compagnie de l’impératrice alors qu’à Brioude, qui est son mausolée, il figure toujours avec elle mais en plus âgé.
- Ah ! continue Julien, je voudrais bien connaitre l’histoire et la vie de cet Avitus qui donna à l’Auvergne de si merveilleux monuments.
- Tu trouveras tout cela à Brioude, cher petit frère. Cavalier réputé, tu le verras, valeureux, affronter l’adversaire dans un combat singulier. Tu le verras également animer une armée victorieuse qui, dans un autre combat loyal, délivre la Gaule souffrante d ’une armée ennemie qui l’enchaine. Et pour finir, car tout a une fin, son apothéose impériale avec son ange qui l’emmène jusqu’au ciel. Et tu verras aussi, dans les arabesques de pierre, le merveilleux poète que fut Sidoïne Apollinaire en compagnie de sa très belle épouse http://www.romanes.com/Brioude/ et de son beau-frère Ecdicius.
L’empereur arverne Avitus rencontra dès le début de son règne la méfiance de l’empire d’Orient. Après une série de victoires remportées sur les Vandales, le Suève Ricimer qui commandait ses troupes le trahit avec une partie de l’aristocratie sénatoriale de Rome. Déposé vers l’année 456 par le Sénat et ayant voulu rejoindre l’Auvergne, il mourut en cours de route dans des conditions inexpliquées, probablement assassiné “pour raison d’Etat”. Grégoire de Tours écrit dans son Histoire des Francs qu’il fut enterré à Brioude.
Julien s’était arrêté devant une sculpture où un Stephanus offrait un chapiteau symbolique à Marie. Ne serait-ce pas plutôt ce Stephanus qui aurait financé le monument, s’interrogeait-il.
- Tu n’as pas tort, .Julien, de penser cela, car il a bien fallu que de nombreux bénévoles participent au financement de cette construction. Cet Etienne est le symbole d’une élite arverne dont la culture grecque s’est trouvée de plus en plus influencée par un judaïsme messianique http://www.romanes.com/Clermont/ND_Port//Notre_Dame_du_Port_de_Clermont_0082.html.
- Je croyais, s’écrie Julien surpris, que Notre-Dame du Port était une église chrétienne.
- Pas vraiment, lui répond André. Notre-Dame du Port n’est qu’une église mariale bien qu’elle s’inscrive dans l’annonce de l’évangile. Mais c’est Marie dont on attend la résurrection. Et c’est de cette Marie, autrement dit de Gergovie ressuscitée, qu’on attend qu’elle enfante les sauveurs de la patrie http://www.romanes.com/Clermont/ND_Port//Notre_Dame_du_Port_de_Clermont_0076.html.
- Ces sauveurs de la patrie, ne seraient-pas ces guerriers casqués qui combattent le péché en même temps que le mauvais citoyen hirsute ?
- Mais oui, mon petit Julien, ces sauveurs de la patrie, c’est Jes XoP, le fils de Jessé, le nouveau David.
Mais déjà Julien était parti devant un autre chapiteau. Viens voir, s’écrie t-il très excité à l’adresse de son frère. On dirait que le sculpteur a évoqué dans cette scène le temple de l’antique Gergovie du Crest http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=19503.
Et c’est Julien qui se met à expliquer à son frère la signification de ces étonnantes sculptures... Devant la forteresse de l’antique Gergovie, voici l’ange descendu du ciel qui dit à Marie/Gergovie : Ave, Maria ! Je te salue, Marie ! Et Marie, le regard pur, ouvrant une main, la droite, accepte que Dieu descende dans son sein http://www.art-roman.net/ndport/ndport2.htm. Et voici que la forteresse du Crest s’est ouverte, laissant apparaitre dans le choeur de son temple le sarcophage de Marie recouvert d’un voile http://www.romanes.com/Clermont/ND_Port//Notre_Dame_du_Port_de_Clermont_0072.html. Au-dessus est représentée l’abside extérieure du temple du Crest avec ses trois ouvertures visibles caractéristiques. Et voici, là encore, sous la voute parfaitement reconnaissable du choeur, le même sarcophage au-dessus duquel le sculpteur a représenté une barque http://www.romanes.com/Clermont/ND_Port//Notre_Dame_du_Port_de_Clermont_0062.html, car suivant l’hymne acathiste, Marie tu es pour nous la barque. Au-dessus, trône la forteresse du Crest qui fut l’ancien palais de Vercingétorix.
Ah oui, s’écrie Julien, cette église Notre-Dame du Port est une véritable merveille, c’est notre mère à tous et je veux, de toutes mes forces, quand je serai grand, me conduire en courageux citoyen.
Brave Julien ! Dans l’état dans lequel nous te laissons la planète, il te faudra vraiment beaucoup de courage.
Renvoi 1. Cet article s’inscrit dans la suite de mes précédents articles où je dénonce cette volonté délibérée que déploie une archéologie d’Etat pour refuser à la Gaule antique son merveilleux patrimoine et ceci, afin de l’attribuer à un Moyen-Age auquel les historiens bien en cour accordent toutes les vertus. Il s’agit de la plus grande escroquerie et manipulation intellectuelle qu’une technostructure professorale aura commise à l’égard d’un peuple avec la bénédiction et le soutien des pouvoirs publics.
Cette manipulation va trouver son apogée dans le futur parc archéologique d’Alésia où le but clairement avoué est - je cite - la présentation détaillée - et par conséquent la déconstruction - du mythe des origines gauloises, de l’héroïsation de Vercingétorix et de la promotion d’Alésia en lieu de mémoire. Fermez le ban ! La Gaule est morte et enterrée. Après la déclaration très révélatrice du professeur au collège de France titulaire de la chaire des Antiquités Nationales La Gaule, ce n’est rien, ça n’existe pas, c’est à un véritable lavage des cerveaux auxquels les enfants des écoles seront conviés... dans quel but ? Je me le demande ? S’il est une chose que je ne comprends pas, c’est bien celle-là.