lundi 2 mai 2016 - par Serge ULESKI

Nuit debout : en être ou ne pas en être et comment ?

 

  Tout a commencé le 31 mars 2016 à l'occasion de la manifestation contre le Projet de loi El Khomri dont les réformes sont exigées par la Commission européenne depuis 10 ans.

A la fin de cette manifestation, une rumeur s'est répandue : "Et si on ne rentrait pas à la maison  ?!"

Depuis cette date, des citoyens se sont installés sur différentes places dans nos villes. Ces rassemblements visent à réinvestir l’espace public pour échanger et débattre.

 Un seul mot d'ordre : « la convergence des luttes », de toutes les luttes de toutes les "France" : quartiers populaires, paysans, ruraux, populations des centres-villes...

 

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Emmanuel Todd et "Nuit debout"

 

Fakir : C’est un petit truc, Nuit debout…

Emmanuel Todd : Il ne faut pas dire ça. D’abord, c’est peut-être une petite chose mais au milieu de rien. Et ça, le fait que les médias s’intéressent à cette petite chose, c’est aussi un signe du grand vide. Les journalistes, qui certes appartiennent à des grands groupes, liés à l’argent, qui certes ne remettront jamais en cause ni l’euro ni l’Europe ni le libre-échange, mais qui sont des gens diplômés, pas toujours bêtes, ils sentent ce grand vide. Ils savent qu’ils donnent la parole à des hommes politiques méprisables, inexistants, tellement creux. Eh bien, ce qui se dit, ce qui se passe place de la République, et sur les places de province, parce qu’il faut regarder l’ouest de la France, Rennes, Nantes, Toulouse, la jeunesse des villes universitaires, ce qui se dit sur ces places, pour aussi farfelus que ce soit, ça vaut toujours mieux que ce grand vide. Et il ne s’agit pas seulement de remplir des pages, de vendre du papier…

Fakir : Ça remplit l’âme ? C’est l’indice d’une crise métaphysique ?

E.T. : Presque ! Et puis, pour aussi petit que ce soit, c’est peut-être un signe avant-coureur. Regardez Occupy Wall Street. Quelques mois après, je regardais les sondages qui paraissaient aux Etats-Unis, les jeunes devenaient favorables à l’Etat, à du protectionnisme. Et aujourd’hui, certes Bernie Sanders a perdu contre Hillary Clinton, mais il s’est revendiqué du « socialisme » aux Etats-Unis, et ses thèmes font maintenant partie de la campagne.

« Il y a là une ouverture pour se débarrasser du parti socialiste ! »

Fakir : Donc ça pourrait mener à un basculement ?

E.T. : C’est sans doute une étape dans la maturation des esprits. Déjà, si ça pouvait conduire à un engagement simple, chez les jeunes : « Plus jamais nous ne voterons PS ! » Je me porte beaucoup mieux, c’est une libération spirituelle, depuis que j’ai fait ce serment pour moi-même. Je rêverais de la mise à mort du PS. C’est peut-être ce que va nous apporter Hollande, il y a là une ouverture pour se débarrasser du parti socialiste. Et il existe désormais un boulevard à gauche.

 

 La suite ICI

 

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 Nuit Debout, comment ça marche ?

 


Nuit Debout - Démocratie en travaux par latelelibre

 

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  La démocratie est-elle encore représentative ?

 L'historien Pierre Rosanvallon, dit spécialiste des mutations de la démocratie, nous livre ses réflexions :

 

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  Crise démocratique avez-vous dit ?

 Donnez donc un travail, un logement et des salaires décents à tout le monde, de réelles perspectives pour chacun, et vous verrez, il n’y aura plus de crise démocratique ! Place de la République, les animateurs de « Nuit debout » choisiront alors de passer la nuit couchés, dans un lit bien douillet avant de dormir du sommeil du juste, contentés, sereins quant à leur avenir.

 Crise de la démocratie ?

 Pierre Rosanvallon, cette semaine, sur France Culture passe à côté de l’essentiel, incapable qu’il est d’identifier cette crise et d’en fournir une analyse pertinente, se contentant de parler de malaise mais sans pouvoir nous expliquer là où les « contre-pouvoirs » ont échoué dans leur mission, et plus important encore : quelle devait et devrait être cette mission. Rien de surprenant à cela : si sa bonne foi et sa bonne volonté ne sauraient être remises en cause, il n'en demeure pas moins que Rosanvallon est un social-démocrate, bourgeois de centre-ville à position dominante.

 

 Car enfin...

 Dans le contexte d’une mondialisation qui n’est qu’une guerre contre les Etats nations, la démocratie, l’Etat providence, les droits des salariés et la liberté d’expression – mondialisation encadrée ici en Europe par la Commission de Bruxelles avec la complicité du parlement de Strasbourg totalement sous influence des lobbies...

Avec la construction d’une Europe-instrument de cette mondialisation, c’est bel et bien contre un projet mondialiste liberticide et cruel qu'une vaste majorité de citoyens ne veut pas soutenir qu’aucun rapport de force ne peut être établi ; de plus, aucun recours ne peut être envisagé pour contrer ce projet puisque la quasi-totalité du corps politique et institutionnel (Matignon, Elysée, Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat) ainsi que tous les médias dominants de masse ou non (de TF1 à BFM-TV en passant par France Culture et Public Sénat) et le CSA, sont entièrement dédiés à la mise en oeuvre de ce projet en nous martelant avec plus ou moins de régularité qu’il ne saurait y avoir d’alternative crédible.

 Elle est donc là, et bien là, la crise dite démocratique ou bien encore « crise de la représentation » : dans l’incapacité d’opposer à ce projet un contre-projet, ou à défaut, d’empêcher son déploiement.

 Apathie, désenchantement, retrait de la vie politique et citoyenne, dégoût, abstention massive, vote à l'extrême droite, pour cette alternative privée d'appuis institutionnel et politique, trop de citoyens comme autant d'électeurs potentiels, manquent à l'appel.

 

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Pour prolonger, cliquez : Il faut que le PS meure pour que la gauche renaisse

 



7 réactions


  • bernard29 bernard29 2 mai 2016 11:03

    « Crise démocratique avez-vous dit ?

     Donnez donc un travail, un logement et des salaires décents à tout le monde, de réelles perspectives pour chacun, et vous verrez, il n’y aura plus de crise démocratique ! Place de la République, les animateurs de « Nuit debout » choisiront alors de passer la nuit couchés, dans un lit bien douillet avant de dormir du sommeil du juste, contentés, sereins quant à leur avenir. »

    Digne du café du commerce après une partie de pétanque bien arrosée.


    • Serge ULESKI Serge ULESKI 2 mai 2016 23:15

      @bernard29

      " Apathie, désenchantement, retrait de la vie politique et citoyenne, dégoût, abstention massive, vote à l’extrême droite, pour cette alternative privée d’appuis institutionnel et politique, trop de citoyens comme autant d’électeurs potentiels, manquent à l’appel.« 

      je ne suis pas sûr qu’ils soient si nombreux à vouloir »renverser la table" !


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 2 mai 2016 12:08

    Merci de nous donner des nouvelles d’E Todd, sans doute l’un des analystes contemporains les plus intéressants (même s’il en dit tellement qu’il se plante souvent).

    Un petit mot perso :

    c’est en bonne partie grâce à Todd que j’ai fait à peu près son serment de ne plus voter PS (« Après la démocratie » - 2009 - est assez cinglant pour ce parti) ; il a quand même soutenu Hollande en 2012, mais comme la corde soutient le pendu (attendre l’arrivée du hollandisme transcendant révolutionnaire, j’ai considéré d’emblée ce vœu comme du 2e degré).


  • Taverne Taverne 2 mai 2016 12:22

    Les élites de notre pays ont pour les jeunes de Nuit debout le regard consterné qu’auraient des parents devant leur enfant accomplissant ses premiers. Loin de se réjouir pour lui, ces parents ne veulent qu’une chose : maintenir leur tutelle en tenant la main de leur enfant sans jamais la lâcher.

    C’est pourquoi, les élites ne parlent plus de démocratie, c’est un mot qu’elles ont banni parce qu’il pourrait donner des idées d’autonomie au peuple. Elles n’invoquent plus que la république, avec derrière cette notion, l’idée d’ordre républicain et ses défenseurs : les compagnies « républicaines » de sécurité.


  • eric 2 mai 2016 13:13

    Comment cela marche ? C’est pas bien sorcier et ils ne s’en cachent même pas vraiment.. ;

    D’abord, comme Attac en son temps, c’est une propriété privée....le nom aurait été déposé par l’actuel patron de la Fage, « syndicat » très groupusculaire, concurrent de l’UNEF émanant du parti socialiste via vaguement je crois la CFDT pour les financement. Ce dernier est aussi patron d’une boite de relations publique qui fit en son temps, celles de ce « syndicaliste » de Florange que le PS récompensa par un siège de son opposition courageuse au PS, Martin ?. Mais peut être que c’est le contraire. On s’y perd dans ces officines de gauche financées sur fonds publics avec leurs étudiants depuis 9 ans qui ne sont pas pour autant des bacs plus 9

    Pas très regardante sur les moyens : comme Besancenot, hier, comme Mélenchon implicitement, le dit proprio du concept a bien expliqué qu’il ne se désolidariserait pas des « casseurs » qui ne le sont que face à la violence première du système.

    Hier Besancenot, le jeune facteur à mi-temps de 40 ans, propriétaire immobilier à Paris, pro de la politique depuis au moins 20 ans, a bien expliqué. Mettre des policiers, gardiens de la loi républicaine, dans les environs d’une manif, c’est une intolérable et dangereuse provocation.
    Pas entièrement faux. Il n’y aurait pas eu de policiers chez Charlie, il y aurait eu des morts en moins....Il se réjouit néanmoins de ce profond renouvellement de la vie politique....Comme Todd et les autres encore jeunes de 68....N’oublions pas Romain Goupil ( voir son film mourir à 30 ans).

    Il est vraisemblable que ce sont eux qui ont dit aux intermittents d’aller à l’Odéon, parce que ceux-ci n’ont sans doute pas assez de culture politique pour comprendre pourquoi cela peut effrayer les Hollandes and co.....

    A chaque violence, et en particulier lors de l’agression du vieillard malade Finkelkraut, les porte paroles officiels de ce mouvement sans porte-parole répètent la même chose : « c’est pas vrai, c’est pas nous, c’est pas notre faute et il ne l’ont pas volé... » Nauséabonde justification hypocrite de la violence de rue antidémocratique, qui n’est pas sans rappeler les heures les plus sombres de notre histoire. L’honnêteté en moins. Les nazis, eux, revendiquaient leurs actes...Enfin, ceux des paumés marginaux déséquilibrés qu’ils recrutaient pour leurs basses œuvres. Et ils sont tous complices. Je veux bien que la CGT ne soit plus qu’un sépulcre blanchit, mais enfin, les initiés connaissent son SO. Si ils ne voulaient pas de violence, il n’y aurait pas de violence. Quand aux anti fa, il ne prendraient pas le risque que le PS leur coup les vivres (voir le docu sur You tube ou demandez à vos enfants sur leurs copains dans les lycées chics du centre parisien...).

    Après, ils y a les empois du service civil....Un couac de com. à la télé, les mecs qui encadrent, distribuent les sandwichs à un euro ( ceux qui assurent la présence des punks à chien et sdf pour faire nombre, reconnaissent qu’ils sont payés pour en dernière analyse... ( comme pour les indignés).

    Il y a la presse pour plein de raisons qui n’excluent pas celles présentée par Todd mais qui sont loin de se limiter à elles. Une qui est important, c’est que les journalistes ( qui ont voté Hollande à 80%) se croient intelligents parce qu’ils sont sur informés par profession. Le fait d’avoir été berné par le PS les hérisse, les mets en face de la réalité de leurs intellects ( être berné par des gens comme cela... ! c’est dur pour l’amour propre... !)

    Et surtout, les touristes/ vu la pub fait à ces « nuits » chacun va voir. Ma fille entredeux concours. Elle y a croisé pas mal de copains de prépa.... Et les commentaires voraces d’aller bon train. Ça a la dents dures les jeunes à ces âges là....
    TU retire les journalistes, ceux qui viennent se montrer, ceux qui viennent se voir, les pro rémunérés, les badauds. Pas grand chose.

    Si pourtant :
    Les gauches de gauches testent le rapport de force interne aux gauches pour les discussion de bout de gras entre gauche.
    Elle prennent date pour la violence de rue contre l’alternance et c’est inquiétant. On les voit à l’œuvre avec leurs complices de toujours du PS, qu’est ce que ce sera quand les forces de progrès tenterons de remettre notre pays sur ses pieds ?
    Ce n’est pas parce qu’ils sont numériquement et politiquement ridicules qu’ils ne sont pas dangereux.

    Ici ils ont commencé parait il entre anciens combattant dans une sale de ciné avec le film « merci patron », d’autre aussi peu nombreux ont commencé par des brasseries à Munich. La vigilance démocratique s’impose, d’autant que le PS moitié cible, moité complice est sans doute incapable de réagir intelligemment à ce machin.

    La violence n’est pas une solution. Seule la dérision et le ridicule viendront à bout de ces racketteurs des finances publiques qui veulent maintenir leurs prébendes à tout prix, fusse au prix de la démocratie.

    Car en plus d’être de mauvaise foi, violents quand cela les arrange, profiteurs, ils ont aussi un amour propre surdéveloppé comme tous les complexés..
     


  • Pierre SCHWARZ (---.---.85.131) 2 mai 2016 13:44

    Je suis passé à NuitDebout. Mon impression est que l’on est sur un nouveau modèle de société, proposé par des personnes très à gauche. Il y a de bonnes idées, et on peut dire des personnes motivées pour organiser des réflexions et débats. Par contre, la population participante est parfois de qualité très inégale et souvent orienté fortement à gauche. C’est dommage que la participation ne soit pas plus hétérogène et donc dommage que certaines personnalités soient exclues de ces réflexions. En tout cas, il y a de l’idée, mais je pense que des initiatives Civi Tech auront plus d’effet sur le débat général et donc l’emergence de solutions réelles.


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