samedi 19 octobre 2019 - par Alexandre Gerbi

Obscurantisme ou les Lumières en négatif : L’impensé de notre temps

Et si la poussée islamiste n'était qu'une des multiples conséquences de l'effacement de la France comme puissance idéologique et comme puissance tout court ?

Il est tentant en 2019, après le grand nombre d'attentats commis au nom de l'islam intégriste en France et dans le monde, de se polariser sur la radicalisation musulmane. Et après tout, on n'aurait pas tout à fait tort, puisque ce phénomène, outre son ampleur, possède sa dynamique propre. Une dynamique impulsée, on le sait bien, par les pétromonarchies saoudiennes et qatariennes, qui financent depuis des années et même des décennies, à coups de milliards de dollars, le projet islamiste à travers la planète. De Djakarta à Casablanca, le monde musulman tout entier en porte aujourd'hui les stigmates, entre femmes voilées, hommes barbus en kamis et autres modes du halal et du ramadan scrupuleusement observés, en particulier parmi les jeunes, entre autres joyeusetés sorties tout droit d'un Moyen Âge qu'on pouvait croire, naguère encore, révolu. Autant de comportements collectifs dûment provoqués, mais qu'il est de bon ton de justifier par des choix personnels dont les tenants sont, pourtant, des marionnettes.

Au demeurant, tout comme la bouteille peut être vue aussi bien à moitié vide qu'à moitié pleine, tout comme un mouvement peut être vu comme une immobilité au regard d'un objet qui bouge au diapason, ce phénomène pourrait bien n'être, en réalité, que l'effet d'un autre, nettement moins identifié mais qui en est la vraie cause.

Il est loisible au fou de défier les lois de la gravité et de s'élancer dans le vide. Dans ce cas, pour peu que l'étage choisi soit assez élevé, ledit fou s'écrasera, et mourra instantanément, en arrivant sur le sol à grande vitesse. La France connaît ce triste sort. Son Etat, voilà une soixantaine d'années, a défié les lois de la gravité. Il suffit d'observer l'histoire mondiale pour constater que tous les pays ont toujours défendu bec et ongles leur territoire. L'assise géographique, et démographique, paraissant depuis la nuit des temps, et comme une évidence, être le ressort de la puissance, de l'indépendance et, partant, de la survie. Défiant cette loi universelle, les chefs français, au prix il est vrai d'intrigues étrangères qu'il serait trop long de mettre ici au jour (1), ont jugé bon de bazarder ce qu'on appelait alors l'Outre-Mer. Sous le nom de "décolonisation" (alors qu'il s'agissait en fait d'un tremplin du néocolonialisme, mais ce sujet appellerait là encore de trop longs développements (2)), la République française, ou plutôt la République franco-africaine, fut ainsi démantelée en quelques petites années (1958-1962). Le tour de force propagandiste consista à faire passer pareille trahison réactionnaire, pareille folie antidémocratique et antisociale, pour une merveille progressiste, avec l'appui et la complicité de beaucoup de ceux qui se réclamaient de ce dernier camp. Le résultat, nettement plus prosaïque, fut le basculement d'immenses territoires, et de leurs populations, dans d'effarantes régressions, sans que l'ampleur du désastre n'induise jamais la moindre remise en question du bien-fondé du processus...

La résultante fut, comme il fallait s'y attendre, un effroyable abaissement des anciens territoires de l'outre-mer africain, mais aussi de ce qui restait de la France. Réduit pour ainsi dire à l'Hexagone, le Pays perdit toute chance de jouer dans la cour des grands, à l'heure où des géants se bousculaient au portillon de l'Histoire.


Mais la perte de puissance géographique, démographique et économique, ne se solda pas uniquement par une relégation politique. Elle conduisit aussi à l'effondrement idéologique. Condamnée, comme puissance moyenne, et bientôt comme puissance de troisième ordre, à devenir le protectorat du géant de ses parages (en l'occurrence les Etats-Unis), la France vit le modèle, social comme idéologique, dont elle était dépositaire, voué à s'étioler et à disparaître. Ainsi la laïcité, dont elle était le phare, le chantre, la championne à l'échelle planétaire, déclina. Jusqu'à s'éroder puis s'effondrer, y compris chez elle.

Sous cet angle, les succès de l'islamisme ne sont pas tant l'effet d'une dynamique propre à l'islamisme, que la conséquence de l'écroulement de la nation qui était le bastion des Lumières, son opposé.

D'ailleurs, il faut bien le constater, l'islamisme n'est pas la seule manifestation de l'obscurantisme contemporain, mais simplement l'une de ses facettes. A ses côtés, l'obscurantisme chrétien, l'obscurantisme juif, mais aussi l'obscurantisme économique, l'ultra-libéralisme antisocial, ont eux aussi le vent en poupe.

L'obscurantisme chrétien, ce sont ces sectes protestantes, avec leurs pasteurs faiseurs de miracles, qui officient et prolifèrent dans les banlieues françaises, non loin de leurs collègues salafistes.

L'obscurantisme juif, ce sont ces calottes multipliées dans certains quartiers de Paris, assorties des pratiques les plus archaïques, qui sont autant de transitions vers une "alya" qui, si elle arrange évidemment l'Etat israélien, a pour effet de vider la France de ses juifs. Ce qui permet à un Houellebecq de lâcher cette lugubre et ironique sentence : "La Ve République va réussir là où Vichy a échoué."


L'obscurantisme ultra-libéral antisocial, c'est Macron qui, après ses funestes prédécesseurs, pour ne pas dire ses clones, achève de liquider le Pays, de brader son patrimoine, et de détruire son modèle social, que les peuples du monde entier pourtant nous envient, mais que détestent ses maîtres milliardaires et financiers qui l'ont fait roi.

Cette petite liste des oscurantismes contemporains n'étant, bien entendu, nulllement exaustive...

Au fond, l'islamisme de notre temps, qui inquiète tellement parce que ses victimes sanglantes sont plus visibles que les autres, n'est qu'une des facettes du puissant flux qui s'engouffre dans le vide laissé par la puissante France des Lumières qui a disparu et dont l'assassinat jamais identifié ni dénoncé, survenu entre 1958 et 1962, reste l'un des plus grands tabous de notre époque. Comme l'obscurantisme, son pendant négatif, gigantesque impensé.

 

(1) Lire en particulier mon dernier ouvrage, Le Cinquième Saut ou Le Livre blanc de Charles de Gaulle, Chronique d'une Résurrection, Editions du Plaqueminier, 2019.

(2) Lire par exemple mon article L'Amor est morte, De la "décolonisation" et de l'avenir franco-africain, contribution pour le Grand Symposium Franco-Africain 2010, en libre accès sur le blog Fusionnisme.



5 réactions


  • Jonas Jonas 19 octobre 2019 17:07

    " Sous cet angle, les succès de l’islamisme ne sont pas tant l’effet d’une dynamique propre à l’islamisme, que la conséquence de l’écroulement de la nation qui était le bastion des Lumières, son opposé.« 

    Les concepts des »Lumières« , de la déclaration des droits de l’homme 1789 (qui ne comporte même pas les mots »France« , »Français« , ou  »peuple français"), de la république universelle, de la laïcité, sont dépassés et ne sont plus adaptés au monde d’aujourd’hui tout simplement parce qu’au nom de la tolérance, du vivre-ensemble, du multiculturalisme et du métissage, on ne fait plus de différence entre le bien et le mal, car tout se vaut. Toutes les religions sont mises sur le même plan, comme si elles étaient toutes égales !
    Ces idéologues de la république et de la démocratie pensent que l’homme est fondamentalement bon par nature, qu’il n’a pas besoin de Dieu pour s’épanouir et lui fixer des limites, n’ont donc plus les armes pour lutter contre l’idéologie islamiste, donc on dit oui à tout.

    Tu veux construire une mosquée ? Prends, on te la paye même !
    Tu veux des repas spéciaux dans les cantines scolaires républicaines ? OK !
    Pendant les sorties scolaires, tu ne veux pas que ta fille aille à la piscine parce qu’il y a des garçons ? Mais bien sûr !
    Tu veux porter le voile islamique dans l’hémicycle ? Évidemment !
    Tu veux installer des kebabs à la place des charcuteries, épiceries et boulangeries ? Mais fait !
    Accepter les campements de migrants par milliers dans les rues de Paris ? Il faut accepter car la diversité est une richesse !

    Résultat, c’est le délitement de la Nation, parce qu’elle n’a plus son schéma directeur qui l’a guidée et unifiée pendant des siècles, l’Église Catholique.


  • Argonautes 20 octobre 2019 21:57

    Confer, pour la description très détaillée de l’islam radical en France, les vidéos d"actus d’Aldo Sterone (qualifié parfois de « grand blogueur » sur les réseaux sociaux), et pour sortir de cette question du voile de façon légère et humoristique,  l’auteur de cet article de Télérama qui, désespéré du traitement de celle-ci sur les chaînes d’infos, se réfugie sur la chaîne Météo, au risque de tomber encore sur l’annonce d’un « ciel voilé »…


  • Argonautes 20 octobre 2019 22:00

    Très bon article à nouveau !


  • L'Astronome L’Astronome 22 octobre 2019 09:34

     

    « les pétromonarchies saoudiennes et qatariennes, qui financent depuis des années et même des décennies, à coups de milliards de dollars, le projet islamiste à travers la planète »

     

    Il s’agit d’une affaire avant tout politique, car agir au nom d’une entité abstraite — et qui donc n’existe pas — est une vaste duperie, piège dans lequel tombent nos dirigeants.

     


    • Argonautes 23 octobre 2019 14:47

      @L’Astronome
      Oui et c’est pourquoi il est inutile voire non recommandé de dénommer même ou d’appeler le groupe de terroristes par quelque nom que se soit ou qu’il revendique pour se donner une identité, et qui contribuerait à lui faire de la publicité.


Réagir