mardi 3 septembre 2013 - par Michel Koutouzis

Occident : le désir du monopole de la violence

Obus chimiques, armes interdites. Pourquoi ? Quelqu’un a pris la peine de réfléchir en quoi ces armes focalisent dirigeants et opinions publiques, allant même jusqu’à considérer qu’elles constituent une ligne rouge qui, aussitôt franchie, exige une mobilisation et intervention internationales, une sanction, une « punition » selon le président français ? En quoi ces armes sont différentes de celles qui tombent du ciel, rasant tout sur leur passage ? On pourrait penser que, les armes bactériologiques, chimiques, laissant en apparence le corps intact, procurent un effroi, et soulignent l’incapacité (du moins dans un premier temps) d’y faire face, sauver le blessé. On pourrait penser que le souvenir de la première guerre mondiale et du gaz sarin, celui de la deuxième et des camps d’extermination nazis identifient l’immatériel, le non visible comme désormais inacceptable.

 

Cependant, le journal le Monde s’insurge : pas de plaies, pas de blessures, juste des brûlures, en indiquant que les bombes incendiaires sont aussi interdites et pourtant utilisées par le régime syrien. Le napalm n’est pas une arme de la seconde guerre mondiale où il n’apparaît qu’à la fin et surtout sous la forme du lance-flammes. Il symbolise, par contre, l’arme totale utilisée en Grèce contre les maquisards communistes, il est largement utilisé en Corée, et connaît son apothéose au Vietnam. Il sera interdit en 1980, ou plutôt « son utilisation contre des populations civiles ». Ce qui n’a pas empêché son utilisation aux guerres yougoslaves, et en Iraq par les américains (qui le déguisèrent sous le nom de bombe incendiaire 77).

La plaie béante, le corps déchiqueté, oui, le corps brûlé, non. Où va donc se nicher l’inacceptable ? Et de nouveau, pourquoi ?

 

L’Occident se raconte des bobards qui ont pour nom frappes chirurgicales, bombes intelligentes et propres auxquelles il y ajoute (au cas où) la bombe nucléaire tactique ou, vite « oubliée », la bombe à neutrons qui aurait l’avantage de tuer les hommes mais garder les infrastructures intactes. Ainsi, l’Occident voudrait rendre les armes qu’il produit (et vend à tous les belligérants) conformes aux nouveaux dogmes militaires et leurs concepts oxymores (soldat de la paix, guerre juste, proportionnalité des moyens, guerre humanitaire, etc.). Ce qui suffoque sous ces concepts ou y dérape, on lui donne le nom de bavure, de dérapages ou, plus généralement de dommages collatéraux proches du concept juridique « ayant entrainé la mort sans le vouloir ».

 

Se désirant police universelle, l’Occident, de la sorte, aurait désiré posséder le monopole de la violence, une violence « raisonnée » qui punit toute utilisation d’armes non conformes à ce désir et qu’il nomme en opposition aux siennes bombe sale, attentat terroriste, action aveugle, etc.

Cependant, à la chute de ses ennemis, que ce soit en Iraq, en Côte d’Ivoire ou en Libye - pour ne donner que des exemples actuels -, on découvre dans leurs arsenaux des armes fabriquées en France, aux Etats-Unis, en Suède, au Brésil, en Grande Bretagne, en Russie, en Chine, etc. On dit alors, à la manière du lobby des fabricants américains, que ce n’est pas l’arme qui tue mais la main qui la tient. Sous entendu : nous sommes rationnels et quiconque le conteste est irrationnel. Puis on va se coucher, tranquilles

 

En avoir ou pas

Par un rapide glissement justificatif, les raisons d’une frappe sur Damas ont changé. D’une attaque chimique qu’il faut sanctionner, nous sommes passés, selon les dires du président américain, à une action obligatoire, qu’il faut mener si l’on veut que notre parole soit prise au sérieux. L’argumentaire inclue une menace supérieure et plus consensuelle (du moins pour l’opinion américaine) impliquant l’Iran : Si nous ne faisons rien avec la Syrie, nous ne pourront rien faire non plus si Téhéran utilise, à plus grande échelle, les mêmes armes. C’est exactement cette logique qui a mené de l’attentat de Sarajevo à la première guerre mondiale. La logique des alliances (pourtant mises en place pour éviter la guerre) et la mobilisation généralisée dans tous les pays européens avaient fini par rendre le conflit obligatoire.

Le premier secrétaire du Parti Socialiste se connaît sans doute en manœuvres internes au parti, en circonvolutions, alliances et autres rapports de force nécessaires pour évoluer en son sein. Cependant, la géopolitique et ses dynamiques internes c’est autre chose. Se référer à l’esprit Munichois c’est parler de corde à la maison du pendu. Car la raison principale, d’où découlent la complexité et les impasses de la situation actuelle en Syrie c’est justement l’attentisme munichois qui a prévalu depuis que la société civile a contesté le pouvoir de Damas. Tétanisés, les pays occidentaux consommaient les images d’une révolte populaire non armée écrasée par des moyens militaires puissants. Les chancelleries occidentales ont utilisé comme un cache-sexe futile leur étonnement d’avoir d’emblée sous-estimé les capacités de ce régime qu’elles croyaient chancelant et surestimé celles de la société civile révoltée. La paralysie occidentale a transformé un conflit issu du « printemps arabe » en un point de fixation fédérant toutes les contradictions et toutes les impasses du monde arabe mais aussi des fautes, des ambigüités et des contradictions de l’occident face à cette révolte. En Syrie, la France paie ses compromissions tunisiennes, son activisme aveugle libyen, son mimétisme naïf égyptien et ses accommodements paralysants mais intéressés en Yémen et aux autres pays du Golfe.

Aujourd’hui, paradoxalement, ceux qui s’opposent aux frappes en Syrie fédèrent deux positions diamétralement opposées : ceux qui considèrent le régime syrien légitime et ceux qui veulent en finir définitivement et radicalement avec Assad. C’est cette alliance oxymore qui a fait perdre la bataille parlementaire au premier ministre britannique ou qui paralyse l’exécutif américain. Frapper, même symboliquement, en annonçant d’emblée qu’il s’agit d’une punition qui ne vise pas la chute du régime mais notre propre légitimité en tant que référence morale universelle n’est pas tenable. Si l’on cherche où se niche l’esprit munichois, c’est de ce côté qu’il faut chercher.

Ménager la chèvre et le chou n’a jamais constitué une politique. L’Occident peut inlassablement partir à la chasse aux radicaux fondamentalistes, quel que soit leur nom ou le nom qu’on leur donne. Tant qu’on ne s’attaque pas à leur matrice, le sous continent arabique, ces derniers seront toujours présents pour souligner nos propres contradictions, au Sahara, au Pakistan, en Syrie, en Egypte ou ailleurs. Ils déformeront tout conflit, donnant ainsi à l’Occident des raisons fausses pour agir ou ne rien faire.

Le constat de complexité n’est pas en soi un obstacle à l’action. Mais il faut l’assumer. Il faut surtout digérer que l’Occident n’est pas un simple témoin. Il est un acteur majeur : ce qu’il fait ou ne fait pas, son activisme ou son attentisme influent radicalement sur une situation et la font muter. Les Etats-Unis et ses alliés occidentaux doivent aussi assumer que cette complexité inclue d’autres acteurs et que ces derniers voient le monde autrement. La Russie et la Chine, mais aussi le Brésil, la Turquie ou l’Inde ne doivent pas obligatoirement voir le monde avec l’œil déformant de notre regard, ni succomber à nos sirènes ou nos pythies. Ils en ont d’autres, pas forcément pires que les nôtres.

On dit souvent que la première victime de la guerre c’est la vérité. Mais cela c’était avant, quand les conflits étaient l’aboutissement d’une politique et non pas la preuve de ses impasses. Désormais, la vérité - ou le regard lucide -, sont les victimes d’une politique incohérente, inconstante et amateuriste qui se refuse de voir le monde tel qu’il est, qui agit d’abord et, éventuellement, réfléchît après. Sûre qu’elle semble être de pouvoir convaincre, via le monopole confusionnel des médias, de tout et de son contraire. 

 



21 réactions


  • frugeky 3 septembre 2013 09:13

    C’est marrant, la première partie de votre article n’est pas publiée sur mediapart.


    • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 5 septembre 2013 09:23

      kungfukis a plusieurs casquettes....expertises..quand il fait un dossier il fait plusieurs versions

      qu’il ven au plus donnant....encore un guerrier sans couilles en civil.......qui fréquente les hotels

      4...5 étoiles.a l’abri des bombes ...mais leurs chambres sont touhours GARNIES


  • etrange etrange 3 septembre 2013 09:40

    « ....se désirant police universelle (l’occident).... »
    Non, elle ne se désire pas police universelle, ça c’est ce qu’elle voudrait laisser croire, c’est ce que nos médias nous matraquent jours et nuits afin de donner à ses actions meurtrières, partout sur la planète, une aura de vertu et de « gardien de la paix mondiale »..Ce n’est pas du tout la réalité, loin de là, un peu comme lorsque nous allions coloniser des pays prétendument au nom d’une « action civilisatrice »... Les gouvernements occidentaux agissent exclusivement au nom du profit et meme, parfois, du lucre, de la géostratégie, du controle des matières premières, etc...en un mot, au nom de l’hégémonie des uns sur les autres... !


    • Captain Marlo Pilou Camomille 4 septembre 2013 09:00

      etrange,

      En toile de fond, c’est la lutte pour le gaz, dite « énergie propre du 21e siècle » qui se joue.

      Il s’agit, en plus d’intérêts géostratégiques comme l’implantation de bases militaires tournées vers la Chine et la Russie, d’empêcher la construction de « l’ Islamic Gas Pipeline ».

      « Ce pipeline construit par l’ Iran, 5600 kms, doit amener du gaz liquéfié, 35 milliards de m3 par an, de l’ Iran vers les ports méditerranéens de la Syrie.

      Le Liban, l’ Irak, le Jordanie et la Syrie pourront s’y raccorder.

      Il s’agit pour les occidentaux et les USA de ne pas perdre le contrôle de ce gaz après la »défaite de leur propre projet , le pipeline Nabbuco« , qui est dans les choux. »

      Source : « voie militante.com »
      « Géopolitique du gaz et conflit syrien », en date du 31 juillet 2012


  • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 3 septembre 2013 09:50

    @kungfujis

    laissons gazer assad..« les africains ne sont que des sous-hommes » 110000 c’est rien c’est « cela ou mourir de faim »

    dès 1930 on pouvait arreter HITLER des gens comme vous ont laissé faire.beaucoup sont devenus pétainistes ou collabos...........

    la majorité des occidentaux sont des laches.....meme pour leur sécu...leur retraite..leur travail ils preferent COLLABORER et se faire« niquer par leurs élus lobbyistes »

    MR HESSEL....VOUS A DIT INDIGNEZ VOUS REVOLTEZ VOUS

     vous répétez ON S EN FOUT DES AUTRES....des autres


    • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 4 septembre 2013 10:13

      nous préférons que les« nationalistes » moinssent sur AGORAVOX PLUTOT QUE de cogner COMME COGNO SUR NOS

      JEUNES KAMARADES COMME LE BRETON MERIC..........

      PLUS FACILES A TUER LES GAMINS QUE LES RESISTANTS SYRIENS..........VOTRE RAISONNEMENT EST STUPIDE DEFENDRE ASSAD L ARABE QUE VOUS VOMIISSIEZ IL N Y A POINT LONGTEMPS................
      VOUS ETES AUSSI CRETINS QUE LES SALAFISTES « MEIN GOTTE ALLIE AUX INCH ALLAH »
      comme votre ami copé qui encense hollande pour son « projet d’intervention » et qui quand le SARKO DE JARDIN VOTRE GRAND AMI LUI REMONTE LES BRETELLES DIT TOUT LE CONTRAIRE 3 JOURS APRES


  • berry 3 septembre 2013 09:59

    Je n’avais pas fait le rapprochement tout de suite mais il y a des similitudes, ils sont en train de nous présenter une nouvelle shoah.

    Alors que le rapport des enquêteurs de l’ONU n’est pas attendu avant 2 semaines, les dernières « preuves » présentées en urgence hier par le gouvernement français peinent à convaincre les parlementaires.
    La description des évènements du 21 août tient sur 3 pages, écrites en gros.
    Le reste du rapport parle de l’armement chimique possédé par l’armée syrienne, connu depuis longtemps.
    http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/syrie_synthe se_nationale_de_renseignement_declassifie_02_09_2013.pdf

    la réaction du professeur et politologue Bassam Tahhan :
    http://www.dailymotion.com/video/x1423om_irib-2013-09-01-bassam-tahhan-sur-les-armes-chimiques-en-syrie_news#from=embediframe
    .


  • ZenZoe ZenZoe 3 septembre 2013 11:05

    On remarque que dès qu’une arme de destruction échappe au contrôle des Occidentaux, elle est immédiatement condamnée et interdite par ces mêmes Occidentaux qui, eux, n’ont pas hésité à s’en servir par le passé - oui, il s’agit bien de protecter un monopole.


  • Lou Lou 3 septembre 2013 13:31

    Medecins sans frontière a interviewé des victimes qui ont parlé de l’ odeur du gaz pendant l’ attaque , typique dans le cas d’ une préparation artisanale comme les mercenaires financés par l Arabie saoudite , dans le cas d’ une attaque des forces Syriennes il n’ y aurait PAS eu d’ odeur car la version plus ” hight tech ” du gaz Sarin le VX est sans odeur …


    • lulupipistrelle 3 septembre 2013 18:34

      MSF est une officine d’infiltration Française... Ils disent ce que le pouvoir français leur demande de dire. 


      Il n’ y a que le CICR qui puisse être considérer comme une organisation humanitaire. 

  • alinea Alinea 3 septembre 2013 13:58

    On ne peut pas le dire à chaque fois mais peut-être faut-il le dire de temps en temps : merci pour vos articles Me Koutouzis


  • alberto alberto 3 septembre 2013 14:46

    Moi, j’attends avec intérêt le jour où les américains demanderont à ce qu’ Hafez al-Assad soit traduit devant une Cour de Justice Internationale pour crimes contre l’Humanité !

    Quoique je risque d’attendre ce jour encore assez longtemps, vu que, constante de tous les gouvernements américains depuis (je ne sais plus, à vérifier) , que les dits américains se refusent à voir s’instaurer la constitution d’une telle juridiction, pourquoi ?

    Car on ne peut être juge et parti...

    Ca serait à pisser de rire, si ce n’était aussi tragique.


  • GdeBell 3 septembre 2013 19:27

    On peut imaginer qu’un jour, des personnages aussi abjects que BHL, Kouchner, Sarkozy ou Hollande, soient jugés par un tribunal international pour leurs mensonges et leur contribution à la guerre (en compagnie des dictateurs qu’ils prétendent combattre)... 


  • Chris De Baün 3 septembre 2013 19:29

    Comme ses maîtres yankees, sionistes et rosbifs, comme son professeur F. Mitterrand le trafiquant d’armes, F. Hollande est un provocateur de conflits pour vendre des armes et un semeur de zizanie par le gaz sarin pour s’accaparer le gaz Syrien..... !


  • Captain Marlo Pilou Camomille 4 septembre 2013 09:06

    Sur les pipeline et autres gazoducs, un article de Bepe Escobar, un journaliste indépendant et spécialiste de géopolitique :

    « Du pétrole, du gaz et du sang ! »
    Sur le site « elcorreo.eu.org » en date du 14 janvier 2012.


  • Captain Marlo Pilou Camomille 4 septembre 2013 09:08

    Et un bouquin explosif qui vient de paraître :
    « Les confessions d’un assassin financier » par John Perkins


  • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 4 septembre 2013 11:50

    @kungfujis ou kourjouski

    GAZAGE DE SYRIE= ORADOUR SUR GLANE.....LACHE EN 1930 LE FRANCAIS MOYEN

    NATIONALISTE RESTE LACHE ET DE PLUS RACISTE EN 2013.

    ALLEZ DONC AU DJIHAD AVEC ASSAD QUI VEUT GAZER TOUS SES OPPOSANTS ET CONTRADICTEURS.....LE NOUVEL HITLER C EST BIEN LUI...................


  • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 4 septembre 2013 11:59

    à@koutouzis

    j’ai vu ce que valent vod AMIS CIVILS DE L ONU VALENT  A ABIDJEAN montant dans las chambres de l’hotel IVOIRE avec des gamines de 14 ans

    VOUS ETES MEILLEURS POUR FAIRE CELA QUE DE FAIRE TAMPON ENTRE LES TYRANS ET LEURS PEUPLES (rappelez vous de SEBRENICA) grands guerriers blancs ......en civil...
    qui n’ont de COUILLES QU A LA GUERRE


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