vendredi 8 août 2008 - par Rousquille

Pékin Jour J : impressions à chaud

Pour ceux qui n’ont pas voulu y aller ou qui n’ont pas pu y aller à cause de la politique de rejet des visiteurs étrangers de la Chine, ce que l’on vit ici à Pékin, à quelques heures de la cérémonie d’ouverture.

Ça y est : après sept longues années d’attente et de chambardements énormes, le jour J est arrivé à Pékin, capitale de la Chine. Si la jubilation de tout un peuple gonflé à bloc est dans l’air, le soleil et le ciel bleu, eux, ne sont pas au rendez-vous. La ville d’accueil de la XXIXe olympiade — Paris aurait pu avoir ce privilège, souvenons-nous-en ! — s’éveille aujourd’hui 8 août, comme tous ces derniers jours, sous un épais linceul de brouillard dont le teint grisâtre s’harmonise à merveille avec les tons ternes des rangées de HLM de l’immense ville dortoir qu’est Pékin en dehors de son centre historique. La visibilité est réduite à moins d’un kilomètre ; l’air irrite la gorge et les yeux ; la météo a annoncé un ciel couvert avec des averses en cours de journée, voire à la tombée de la nuit ; la qualité de l’air devrait être bonne, dit-elle. La chaleur est supportable, aux environs de 28 degrés. De ce fait, la forte humidité n’est pas trop pénible, même si beaucoup de cyclistes — espèce devenue rare ici, la voiture étant reine — affichent sur le dos de grosses taches de sueur dès cette heure matinale. L’atmosphère, qui physiquement parlant est meilleure que d’habitude grâce aux mesures anti-pollution draconiennes de la municipalité, est moralement et politiquement parlant à mille milliards d’années-lumière d’un boycott ou de la moindre revendication politique.

L’immense majorité des Chinois, qui est par nature extraordinairement friande d’animation (et complètement indifférente au sort du Tibet et du Turkestan), attend avec impatience la grande fête de ce soir. Avec impatience et aussi avec fierté. Les grandes humiliations du passé semi-colonial vont enfin être lavées, et ce sous un flot de louanges de tout le gratin des anciennes nations oppresseuses. Si la ville est avant tout pavoisée de bannières multicolores portant les inscriptions « Beijing 2008 » et le sinistre « One World, One Dream (Un seul monde, un seul rêve) », le drapeau chinois, rouge à cinq étoiles dorées, est très présent, de même que le tee-shirt « I (cœur rouge) China ». Jamais le nationalisme — je ne parle pas de patriotisme parce qu’il faut faire la distinction entre amour sain et hystérie infantile — n’a été aussi vigoureux.

Il ne fait nul doute dans mon esprit que le moindre grain de sable lancé par un « long nez » dans la machine des Jeux provoquerait non seulement une incompréhension totale, mais aussi une fureur haineuse à côté de laquelle les colères de Yavéh au Sinaï sembleraient délicieusement zen. De drapeaux étrangers, cependant, pas la moindre trace. C’est un vrai miracle que l’auteur ait pu dénicher dans un kiosque à journaux du centre un petit drapeau français. Voilà qui confirme une fois de plus son diagnostic, à savoir qu’il s’agit moins d’une ouverture au monde que d’une auto-célébration. Cette jubilation s’explique si l’on veut comprendre le fait que le commun des Chinois ne ressent pas du tout les JO comme une vaste mise en scène politique destinée à redorer le blason du Parti communiste. Et puis le régime de Hu Jintao (président) et Wenjiabao (Premier ministre) n’est pas stalinien. Du moment qu’on la boucle, on est tranquille. On peut même vivre plutôt bien, en tout cas dans les grandes villes et si on a la chance d’avoir du travail.

Bref, la Chine en 2008, c’est Franco, plutôt que Pol Pot. Ajoutons que, pour beaucoup de Chinois, surtout à Pékin, les JO, ce sera près de vingt jours de vacances, une aubaine inouïe dans ce pays où les horaires de travail sont infernaux, particulièrement pour les jeunes. Par conséquent, d’incidents politiques, il n’y en aura point, sauf si des sportifs s’avisaient de faire du zèle dans les stades, ce qui est possible, mais improbable vu le faible degré de mobilisation de ce côté-là. La police et les forces paramilitaires sont omniprésentes, sans parler de la foule immense des espions en civil. Les membres des « minorités nationales » (les Chinois qui n’appartiennent pas à l’ethnie dominante) » gênantes comme les Tibétains et les Ouïghours ont été renvoyés chez eux ; le nombre de touristes étrangers a été réduit au minimum ; des quartiers qui regorgeaient habituellement de « laowaï » (le terme consacré, plus ou moins poli selon l’intonation du locuteur, pour parler des étrangers : « les vénérables extériens ») sont maintenant entièrement nettoyés, si j’ose dire. Autant dire que le beau linge olympique se lavera essentiellement en famille.

La cérémonie d’ouverture, qui sera ponctuée de feux d’artifices gigantesques déclenchés en plusieurs poins de la ville et même à l’extérieur, sur la Grande Muraille, commencera ce soir à 8 h 8 minutes. Comme on est au 8e mois de l’année 2008, on aura donc une conjonction non pareille du chiffre porte-bonheur de la tradition chinoise. Jusqu’à présent, ce chiffre n’a pas vraiment souri à la Chine (le tremblement de terre du 12 mai — 1+2+5 — en serait un exemple), mais qui sait si la fortune ne va pas enfin daigner faire une concession aux superstitions locales ? Le spectacle, mis en scène par le réalisateur Zhang Yimou — ah, elle est loin l’époque où il faisait des films brûlots comme Vivre ! — mais sans Spitzberg, durera une cinquantaine de minutes. Il ressassera les vieilles rengaines que sont l’invention de la poudre et du papier tout en chantant les louanges de la politique d’ouverture et de réforme, le tout saupoudré d’éléments méconnus de la culture chinoise millénaire. La grande fantasia sera suivie par un défilé de deux heures et demie.

Comble de l’ethnocentrisme, les organisateurs ont décrété que les délégations marcheraient dans le stade olympique dans l’ordre non pas alphabétique de leur nom anglais (restons réalistes sur la place du Français à ces Jeux), mais de celui du nombre de traits figurant dans leur nom chinois. Le nom de la France — ô heureux hasard ! — comporte 8 traits, ce qui devrait la placer parmi les premières délégations. La Chine en tant que pays hôte fera la dernière son entrée dans le soi-disant « Nid d’Oiseau » (qui fait plutôt penser à un pied bandé, à un turban ou un tas de bandelettes abandonné par une momie). Ni Liu Xiang, le spécialiste du 110 m haies, ni Yaoming, le fameux pivot chinois de la NBA, ne seront à mon avis choisis pour porter en dernier la flamme olympique, tant chahutée dans nos pays. Un héros du sauvetage des sinistrés du Sichuan me semble un choix plus probable, à moins que les autorités chinoises ne veuillent infliger un épouvantable camouflet à Sarkozy en faisant entrer l’escrimeuse handicapée Jinjing (la soi-disant victime des indépendantistes tibétains à Paris). Tout est possible.

L’hymne de l’olympiade sera chanté par une ex-vedette masculine de la chanson chinoise et par l’actrice, chanteuse et danseuse britannique Sarah Brightman. Céline Dion, qui avait fait outrageusement du pied aux organisateurs pour pouvoir assumer ce rôle phare, n’a pas été retenue. Il faut dire qu’une francophone, même partielle, aurait déteint dans ces Jeux anglomanes à souhait. J’attends, mais sans y croire, un beau geste de la part du gouvernement chinois. Quelque chose comme la libération de Hu Jia et des autres dissidents d’opinion. Le dernier en date est un Pékinois qui, en mai, avait osé critiquer sur son carnet web la façon dont le pouvoir avait mené les secours au Sichuan après le séisme. Ou, encore plus improbable, une réconciliation avec le Grand D. Quelque chose qui donne une vraie légitimité à ces Jeux, au-delà des jets d’encens de l’officialité et de l’adhésion d’un peuple endoctriné.



17 réactions


  • Philou017 Philou017 8 août 2008 12:14

    Vous prétendez faire un reportage sur les jeux, mais vous n’arrêtez pas de déverser votre fiel anti-Chinois, avec pas mal de mauvaise foi comme votre distinguo a-priori sur la différence entre patriotisme et nationalisme.
    Les problemes en Chine, on les connait, pas la peine de les sussurer toutes les 5 lignes.

    Ca ressemble plutôt à de la propagande qu’autre chose. Genre Le Figaro.
    Au revoir.



  • Echo Echo 8 août 2008 12:52

    C’est tres etrange.
    Sur RFI, un envoye special affirmait que le temps etait radieux sur la ville olympique. Il disait meme que les Chinois avaient fait des miracles pour s’assurer que les athletes respirent un air pur et que les resultat etaient clairement visibles. Il etait sur place depuis assez longtemps pour avoir pu constater de tres grands progres.

    Alors, qui dit vrai... ?


    • Rousquille Rousquille 9 août 2008 05:34

      Il a fait un ciel radieux, deux jours seulement, la semaine dernière. Hier le ciel était complètement bouché. Les journalistes sont peut-etre achetés. depuis quelque temps, le sujet de la pollution est passé sous silence par tout le monde, alors qu’il est très évident.

      Qu’il y ait une amélioration, c’est indéniable. mais de là à dire que l’air est bon...


  • Jean-paul 8 août 2008 15:38

     Erreur de texte ,le titre est :
    Pekin jour J : mes impressions politiques !! .
    Critique politique de la Chine ( la dessus tout le monde est d’accord )mais l’auteur ne s’interresse absolument pas a la vie quotidienne des Chinois.
    En parland de critique ,sur la meme page d’Agoravox nous avons :le Rwanda ,les Francais coupables ???


  • bobbygre bobbygre 8 août 2008 18:13

    "hystérie infantile"

    Comme celle qui a frappé les français l’été 1998 ?
    Mepris quand tu nous tient...


    • Guizmo Guizmo 8 août 2008 21:06

      "France" en Chinois, ça comporte 16 traits, pas huit. Si on ne prend que le 1er caractère des deux caractères il y a effectivement 8 traits mais il veut dire "Loi" et non pas France. Le deuxième veut dire pays.

      C’est marrant, France en Chinois veut dire "Pays de la Loi".


    • Guizmo Guizmo 8 août 2008 21:07

      Oh pardon ce n’était pas une réponse à votre commentaire, juste une remarque comme ca.


    • Rousquille Rousquille 9 août 2008 05:41

      D’après mes renseignements, on ne compte pas les traits du mot "pays" pour établir l’ordre du défilé. Mais il y a peut-etre erreur. Le fait d’avoir ainsi rangé les délégations relève d’une betise incommensurable, mais je ne suis pas étonné parce que les dirigeants chinois vivent dans une bulle.


  • enzoM enzoM 9 août 2008 00:50

    Moi je  vais vous donnner mon avis,    vous savez,   -     hé ben ces "chinois", je  n’ai jamais vu  quelqu’un vous donner pareille leçon magistrale !


  • zfg 9 août 2008 03:30

    Dommage que votre article soit truffe d’a priori (ou devrais-je ecrire "d’aneries" ?) qui enlevent toutes credibilite a certains points dignes d’un debat serieux.

    Vous semblez avoir choisi la voie (voie ?) de nombreux  journalistes professionnels d’aujourd’hui qui affirment sans savoir. Dommage ! n’est-ce pas pour combattre cette tendance que nous aimons Agoravox ?

    La prochaine fois, prenez la peine de faire relire votre prose par quelqu’un connaissant le sujet que vous traitez : vous perdrez moins la face...

    Pour information : c’est sous la pression de CocaCola et consorts que le comite olympique avait refuse d’acceder a la demande de Pekin de repousser les jeux au mois de septembre, generalement beau et degage, au pretexte que les "taux d’ecoute" seraient moindres (vivent le sport et l’esprit olympique !).


    • Rousquille Rousquille 9 août 2008 05:44

      Dieu, comme vous etes ignorant ! Les Chinois croient dur comme fer au chiffre 8. Au départ ca devait commencer en juillet, mais ils ont quand meme compris que ce serait un désastre. Reste que le mois d’aout, ce n’est pas beaucoup mieux.


    • Rousquille Rousquille 9 août 2008 05:50

      Vendredi deux Anglais ont sauvé l’honneur en hissant des bannières pro-tibétaines à proximité immédiate du stade Olympique. Je ne m’attendais pas à une telle audace et à une telle incompétence de la police (et des services de visa). http://www.pekingduck.org/2008/08/the-first-protesters-arrive

      Alors, oui, peut-etre qu’il y aura des protestations.

      A signaler que les trois zones de protestation offcielles indiquées par les organisateurs ne sont que des leurres. Les Chinois qui en ont tenté de les utiliser , pour exprimer des griefs essentiellement économiques, sont tous été soit emprisonnés soit renvoyés chez eux lors de leur demande au commissariat de police compétent.

      Moi, je serais heureux que les Chinois aient "leurs" Jeux, mais pas avec ces dirigeants-là.


    • wesson wesson 9 août 2008 10:30

      @rousquille

      exact pour le chiffre 8. Les chinois apportent une importance toute particulière aux chiffres. Au contraire du chiffre 8, le chiffre 4 est détesté par contre. Sa prononciation ("Se") étant identique au mot "mort" à l’accent tonique près.

      La conséquence amusante de ces superstitions est que lorsque on demande un numéro de téléphone, son prix varie en fonction des chiffres qui le compose. Si il ne contient que des "bons" chiffres, il sera plus cher ...

      En tout cas, si la chine est un pays qui trouve qu’il existe des raisons objectives pour préférer plutôt un chiffre qu’un autre, je les voit bien barré pour se faire un avenir radieu !


  • manusan 9 août 2008 05:29

    Le ton de cet article pourra surprendre certains, mais c’est comme ça que beaucoup de Français en Chine, d’étrangers dans l’ensemble, voient les jeux. Les journalistes qui passent à Beijing en coup de vent donner leur impression ne voient que la partie émergé de l’iceberg lorsqu’ils parlent de la société chinoise, j’entends par là : que pensent vraiment les chinois de leur JO ? une grande fierté qui ressemble plus à de l’orgueil national, puis la vie et ses tracas reprennent vite leurs cours.

    Pour la grande majorité du peuple, l’entousiasme ne dure pas longtemps. La grande préoccupation actuelle, c’est comment compenser ses pertes en bourse (plus de 100 millions de petits porteurs concernés, pour certains une vie d’économie), et comment rembourser son appart ( les villes de Shanghai, Beijing, Shenzhen, Ghanzhou ont perdu 1/3 de sa valeur en quelques mois).

    Avec l’inflation, l’éclatement de la bulle boursière et immobilière, les Chinois ont les jeux mais tous n’ont pas de pain. Les étrangers n’en seront rien, pas question de perdre la face.





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