lundi 8 novembre 2010 - par Paul Villach

Peut-on parler d’« un ennemi intérieur » mondialiste contre la Sécurité sociale française ?

On souhaite se tromper et on demande d’avance pardon de poser cette question existentielle à la fois prétentieuse, emphatique et terriblement banale : où va le monde ? Elle en entraîne deux autres qui trahissent une angoisse  : où va l’Europe ? Où va la France ?

Le commerce, un moteur de paix ?

On imagine bien qu’on n’est pas le seul à se les poser et qu’à voir le bel entrain qu’ils affichent, les dirigeants politiques et économiques paraissent le savoir, certains que le meilleur des mondes possibles est à venir. Qu’est-ce qui a été célébré en grande pompe lors de la récente visite du président chinois en France ? La signature de fabuleux contrats commerciaux, avec, s’empressera-t-on d’ajouter, les emplois qu’ils garantissent !

C’est vrai ! Le commerce n’est-il pas, en outre,  un bon moyen de pacifier les relations entre les hommes : « Le commerce guérit des préjugés destructeurs, écrit Montesquieu dans « De l’Esprit des Lois » (1) : et c’est presque une règle générale que, partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces. » « L’effet naturel du commerce, assure-t-il encore, est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. ». Comme on voudrait encore le croire !

Raréfaction des ressources et demande accrue

Est-ce bien ce qui s’annonce à plus ou moins brève échéance ? Dans un contexte de mondialisation où toutes les économies nationales, tous crocs dehors, sont mises en concurrence, la montée en puissance de deux pays, la Chine et l’Inde, représentant à eux seuls plus du tiers de la population mondiale, redistribue nécessairement les cartes. Si Chinois et Indiens prétendent légitimement connaître un niveau de vie comparable à celui de l’Europe ou des États-Unis dont la population ne représente qu’un tiers de la Chine et de l’Inde réunies, les ressources connues de la planète ne peuvent y suffire. 

Dans l’attente, sous la pression de la demande croissante chinoise, le marché des matières premières et en particulier celui des métaux flambent. Et il n’y a aucune raison que la tendance s’inverse, bien au contraire elle ne peut que se renforcer. Déjà le marché des minerais dits « terres rares », si essentiels aux produits des hautes technologies, est dominé par la Chine. Quant au pétrole dont l’épuisement certain est attendu sans qu’on en connaisse la date précise, sa raréfaction progressive prochaine ne peut qu’être source de vives tensions internationales, tant qu’à cette énergie fossile et à ses dérivés qui ont assuré le confort de la vie quotidienne occidentale depuis cent ans, on n’aura pas  trouvé de substituts. Il est vrai, cependant, que tout espoir n’est pas perdu : nul ne peut savoir ce que sera le monde dans trente ans. Qui, en 1950, aurait, en effet, imaginé celui d’aujourd’hui métamorphosé par les révolutions informatique et numérique ?

Paupérisation de la majorité nationale

N’empêche, on a tout lieu de penser qu’on vit sur un volcan dont tous les sismographes de surveillance signalent la montée du magma et son éruption imminente. Or politiques et entrepreneurs paraissent s’en soucier comme d’une guigne et ne se préoccuper que de continuer à faire des affaires, en commençant par tenter de prendre leurs parts de marchés dans les pays dits émergents, où l’absence de protection sociale et des salaires de misère permettent une fabrication de produits à des prix défiant toute concurrence en Europe de l’Ouest et en France en particulier, en raison même d’une haute protection sociale développée progressivement depuis plus d’un siècle.

Sans doute, répète-t-on, la solution est-elle dans l’innovation pour maintenir une avance technologique par rapport à ces pays émergents. Mais pour combien de temps ? En attendant, c’est la délocalisation des entreprises dans ces pays à la main-d’œuvre misérable, et pour prétendre faire face à cette concurrence déloyale, le démantèlement méthodique de la protection sociale en France, pierre par pierre : l’accroissement du chômage, la stagnation des salaires depuis quasiment 25 ans qui abaisse le pouvoir d’achat du marché intérieur et oriente forcément l’économie vers l’étranger, les déremboursements des soins médicaux couverts par la sécurité Sociale et actuellement la démolition du système de retraite par répartition pour le rendre si peu suffisant qu’un système par capitalisation devienne indispensable et fournisse une masse de capitaux à des groupes banquiers impatients d’aller la jouer aux casinos de la finance. Pour procéder à cette démolition en règle, délocalisations à l’extérieur et immigration clandestine encouragée à l’intérieur ont été deux leviers particulièrement activés.

Enrichissement d’une minorité mondialiste

Les heureux bénéficiaires de cette stratégie, eux, n’ont aucun souci à se faire : jamais leurs actions n’ont été tant rétribuées ni les grands patrons tant payés ; leurs actifs sont à l’abri dans des paradis fiscaux. Mais à terme, pour la grande majorité des Européens et donc des Français c’est bien une paupérisation qui est programmée, avec moins l’espoir de voir les Chinois s’aligner sur le système social français que les Français sur celui des Chinois, en attendant que la rareté des ressources et la concurrence pour en disposer conduise à une probable et terrible confrontation. Il devient de plus en plus clair que la mondialisation de ces échanges inégaux et déloyaux enrichit au-delà de toute raison une infime minorité en France, et que, dans ce contexte de concurrence sauvage, la Sécurité sociale française, construite en particulier depuis 1945 pour protéger ceux qui n’ont que leur travail pour toute richesse, et ne pouvant être mondiale mais seulement nationale, doit être détruite si l’on veut que la fête mondialiste continue : concurrence oblige !

Seulement, pour peu qu’on soit attaché à cette Sécurité sociale emblématique d’un mode de vie français, malgré cette guerre économique qui fait rage à travers le monde, peut-on continuer à qualifier de compatriotes les bénéficiaires de ce désastre programmé qui prennent soin de mettre leurs biens en sécurité hors du pays ? Que deviennent donc des individus organisés en clans qui jouent leur propre profit immédiat contre la Sécurité sociale nationale de la majorité de ceux qui civilement sont leurs concitoyens ? N’est ce pas une définition de « l’ennemi intérieur » ? Paul Villach

 

(1) Montesquieu, « De l’Esprit des lois  », II, ch1 et ch 2.



11 réactions


  • ZEN ZEN 8 novembre 2010 10:36

    Bon article, qui nous oblige à relire Maurice Allais


  • Francis, agnotologue JL 8 novembre 2010 11:18

    Je tiens à dire que j’approuve la teneur de cet article, exepté un détail.

    PV, vous écrivez au sujet des pays émergeants qu’ils fabriquent à « des prix défiant toute concurrence en Europe de l’Ouest et en France en particulier, en raison même d’une haute protection sociale développée progressivement depuis plus d’un siècle. »

    Ce qui fait le prix à payer de la MO occidentale ce ne sont pas les charges, mais le niveau de vie, autrement dit le PIB. Et les charges contribuent au PIB en tant que leur contrepartie est une consommation, laquelle a pour contrepartie (je ne fais pas exprès), une production.

    Si bien que, une baisse des charges, si elle ne se traduit pas par une augmentation des salaires conduira rédhibitoirement à une baisse du PIB.

    C’est mon avis, et j’aimerais le partager.

     smiley


  • obismey [ Against All Authorities ] obismey [ Against All Authorities ] 8 novembre 2010 11:34

    La mondialisation est une bonne chose pour tout le monde ! Il n’y a que les idiots qui s’en plaignent au lieu d’en tirer parti ! Les Chinois, Indiens, Brésiliens l’ont compris ! Les Africains .... eux , ils m’énervent ! Ne les mettons pas dans l’équation pour le moment !


    • Jordi Grau J. GRAU 8 novembre 2010 12:34

      Oui, une partie des Chinois, des Indiens et des Brésiliens s’est considérablement enrichie grâce à la mondialisation. Mais il ne faut pas généraliser, ni confondre les peuples chinois, indiens et brésiliens avec leurs gouvernants. Lisez à ce propos La grande désillusion de Stieglitz, ou d’autres livres plus récents du même auteur.

      Une des choses les plus graves, dans cette mondialisation à outrance, c’est la perte totale de l’indépendance alimentaire pour de très nombreux pays. Paradoxalement, ce sont les paysans qui en ont souffrent le plus. Les émeutes de la faim sont en grande partie dues au fait que le prix des produits alimentaires est réglé par un marché mondial qui est lui-même aux mains de spéculateurs. C’est tout à fait aberrant. Chaque pays, voire chaque région, devrait produire suffisamment de nourriture pour ses propres habitants. Le commerce international devrait être réservé, pour l’essentiel, aux produits qui ne sont pas absolument indispensables à la survie des gens.


  • Daniel Roux Daniel Roux 8 novembre 2010 11:46

    La mondialisation sauvage est une calamité pour les Français. Mettre en concurrence un pays développé comme le notre et les pays émergents sans pratiquement aucune sécurité sociale, est une aberration qu’il ne faut pas cesser de dénoncer.

    Continuer sur cette voie est un suicide. L’Union Européenne est au main des multinationales et de la mafia financière.Elle est impossible à réformer dans l’intérêt des peuples. Il faut donc la quitter pour tenter de sauver ce qui pourra l’être et réguler sévèrement la finance.

    Je ne voterai que pour celui qui s’engagera clairement dans cette voie.

    Ne votez plus pour vos ennemis, même au 2ème tour.


  • Jordi Grau J. GRAU 8 novembre 2010 11:59

    Ce très bon article me fait penser au célèbre aphorisme du spéculateur américain Warren Buffet (un homme qui était encore récemment le plus riche du monde) ;

    « La guerre des classes existe, c’est un fait, mais c’est la mienne, celle des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la remporter »

    La grande force de la classe dirigeante (que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe), c’est qu’elle est beaucoup moins franche que Buffet. Elle n’arrête pas d’invoquer les intérêts de la patrie (d’où, entre autres, le « Patriot Act » voté par les amis de Bush) mais elle ne travaille que pour elle-même. La situation actuelle fait un peu penser à l’Ancien Régime. En ce temps-là, les souverains d’Europe avaient beau se faire la guerre, ils se sentaient plus solidaires les uns des autres que des peuples qu’ils dirigeaient. Ils se donnaient d’ailleurs du « mon cousin » à cause de leurs nombreux liens de parenté. Depuis lors, les liens de parenté ont été remplacés par des liens financiers et des accords politico-économiques. Un exemple parmi d’autres : la connivence entre Schroeder et Poutine a valu au premier de pantoufler au conseil d’administration d’une filiale de Gasprom.


  • desmotscratie 8 novembre 2010 22:35

    Excellent billet qui pose (enfin) le problème en des termes clairs et frontaux : si on ne se met pas en ordre de bataille on va périr bouffé par la mondialisation avec la complicité active de l’ennemei intérieur ici explicitement désigné ! Je poste ci-dessous un commentaire (n° 55) posté sur le site de Marianne au sujet de la visite chinoise en France (le lien avec ce billet apparait dans la seconde partie dudit commentaire) :

    « Il est grand temps de dire clairement que Sarkozy n’a que faire de la France. Il faut le dire et le redire afin que les gens sachent à s’en tenir à ce propos. La France il s’en sert pour parvenir à ses fins personnelles. Il est prêt à lui faire subir toutes les avanies possibles afin de servir ses intérêts propres. Exemple : frayer avec des dictateurs et les recevoir en grandes pompes (le Lybien et le Chinois). Tant pis si il faut s’humilier p… Lire la suite Il est grand temps de dire clairement que Sarkozy n’a que faire de la France. Il faut le dire et le redire afin que les gens sachent à s’en tenir à ce propos. La France il s’en sert pour parvenir à ses fins personnelles. Il est prêt à lui faire subir toutes les avanies possibles afin de servir ses intérêts propres. Exemple : frayer avec des dictateurs et les recevoir en grandes pompes (le Lybien et le Chinois). Tant pis si il faut s’humilier pour décrocher des contrats pour ses amis qui l’ont mis en place et dont il doit conserver le soutien pour espérer se maintenir à son poste et continuer son oeuvre de pillage de la France, au sens premier et symbolique du terme ! Non seulement il n’a que faire de l’Etat dans lequel il rendra la France, mais d’une certaine façon il sait qu’il pourra compter sur la reconnaissance de personnages haut placés dans les affaires du monde si il accomplit cette oeuvre d’affaiblissement politique et symbolique de la France … et des Français ! Sarkozy est là pour vider la France de sa substance, pour la priver subrepticement de son âme… De Gaule pour sa part s’identifiait à la France et à son histoire. Il mettait sa grandeur personnelle au service de la grandeur de la France ! Qui le lui rendait bien il est vrai. Nous avons là les deux pôles de l’implication patriotique. En d’autres termes, Sarkozy gère la France comme un territoire occupé dont l’administration lui aurait été remise par l’occupant — et l’ennemi intérieur, à savoir la bande du Fouquet’s et non pas la bande de Tarnac — en faisant valider ses desseins par le processus électoral aux apparences conformes à la démocratie. »


    • non667 14 novembre 2010 16:06

       a desmotscratie

      "Il est grand temps de dire clairement que Sarkozy n’a que faire de la France. Il faut le dire et le redire afin que les gens sachent à s’en tenir à ce propos. La France il s’en sert pour parvenir à ses fins personnelles. Il est prêt à lui faire subir toutes les avanies possibles afin de servir ses intérêts propres. "
      attribuer les problèmes qui ne datent pas d’aujourd’hui à talonnette 1° fausse le raisonnement

      que talonnette 1° soit mondialo-capitaliste c’est logique il est de droite tout le monde le sait .
       
       votre attaque sélective pousserait a voter ps
      or ps = collabo-mondialo-capitalisme depuis 1983 mais cela de nombreux électeurs de gauche ne le savent pas et continuent a voter ps au lieu de voter mélenchon par exp .


    • Paul Villach Paul Villach 11 novembre 2010 12:05

      @ Musima

      Merci de faire part de votre expérience qui confirme l’image que l’on a des fameux pays émergents et de l’entreprise de démolition de notre culture française et européenne. Paul Villach


  • srobyl srobyl 14 novembre 2010 18:33

    Excellent article,belle synthèse qui frise la perfection !
     Il va falloir un sacré sursaut pour s’en sortir. Commençons par une petite modification des paroles célèbres :

    « Debout, les baisés du systèèèmeu ! »
    « cocus d’la mondialisation »...

    Mais les féroces cadors (de tous bords) qui tiennent leurs chers nonos bien serrés dans leurs puissantes papattes feront tout pour que ça continue 


  • desmotscratie 19 novembre 2010 21:09

    D’accord avec vous sur le « bon » vote de gauche et sur l’infiltration du PS :)


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