À l’heure où, au nom du principe de précaution, on envoie 30.000 femmes au casse-pip, aux frais de la Sécu, pour pas loin de 60 millions d’Euros, n’y a-t-il pas d’autres questions à se poser, au sujet de ces pratiques, que celles des malversations d’un ex-charcutier reconverti en gros bonnet du faux nichon, du grade du silicone utilisé, ou des dépassements d’honoraires ? Thèse, antithèse, prothèse.
Avant lorsqu’une femme voulait une augmentation, elle allait voir son patron. Maintenant, elle va sonner chez son chirurgien esthétique. 500.000 interventions en France en 2010 — 18,5 millions dans le monde — dont la moitié chirurgicales (voir rapport de l’International Society of Aesthetic Plastic Surgery paru en décembre 2011, en lien ci-dessous). C’est l’époque. Personne n’y échappe. Le culte du visage lisse, la lèvre pulpeuse en haut et fine en bas, le cuissot ferme, la taille élancée, le lolo gonflé, le popotin poupard, le long kiki toujours plus raide — cherchez l’intrus. C’est la féminité prescrite à plein media. Le soi-disant droit à la beauté pour toutes. Arlette à Malibu ! Se noyer dans l'illusion. Substituer le faux au vrai. 68 et la libération de la femme pour rien. J’emballe...
Deux études, réalisées en janvier et juin 2011 par la FDA, concluent que les femmes implantées avec ce type de prothèses en silicone — toutes marques confondues, dont PIP troisième mondiale — ne présentent pas un risque accru de développer un cancer du sein. En revanche, la FDA met en avant une « possible association » avec une forme très rare de lymphomes, dits ALCL, même si, compte-tenu de la rareté de cette maladie — 3 cas d’ALCL pour 100 millions de femmes —, il n'est pas possible de confirmer avec certitude statistique que les implants mammaires en soient responsables (sources ci-dessous). Notez que ce risque ne concerne pas uniquement les 30.000 porteuses de prothèses PIP, pour lesquelles les études n’ont établi qu’un risque accru de rupture, mais bien les 500.000 porteuses d’implants en silicone. Dans ces conditions, la décision de retirer les implants PIP apparait plus politique que médicale. A-t-on, une fois de plus, sur-rebondi sur les deux cas déclarés à ce jour à l’Afssaps — un de cancer du sein, et l’autre de lymphome — certes tragiques, mais isolés ? Cédé à la dictature, non pas de l’urgence — les implants ont été retirés du marché depuis mars 2010 et la liquidation de l’entreprise varoise — mais bien du fait divers ? Quoi qu’il en soit, le débat actuel, ou plutôt le tam-tam médiatique et politique habituel, ciblant les seules prothèses de marque PIP semble bien mal posé.
Moi, en découvrant ces chiffres, la première chose qui m’est venue, c’est : Effrayant ! 500.000 femmes ! Pensez ! Un million de faux nichons en France… C’est plus une mode, c’est un virus, une religion presque… à quel sein se vouer ? Et un drôle de business : plus de 5 milliards de dollars, une croissance annuelle de 11%. Merluche ! Un chou colossal. Faux seins, culs, yeux, lèvres, oreilles, liposuccion, lifting, botox… Alouettes ! Gentilles alouettes, on vous plume. Ça coûte un (wonder ?) bras, cette affaire. Un plan mammaire, c’est la peau des fesses. Signe des temps, le site Groupon a publié, le 26 août 2011, cette proposition « la poitrine de vos rêves pour 2.499 euros au lieu de 5.430 dans une clinique esthétique privée, soit 54% de réduction », avant d’être contraint de la retirer dans la journée, suite à une réaction de l’ordre des médecins — non sans en avoir vendu 6. Y‘a du monde au bal con ! Effrayant ou lamentable ? Grand bonnet ou Boney M ? Choisissez.
Dans des temps plus anciens, les jeunes filles se bourraient le corsage de boules de papier. Coquetteries ! Aujourd’hui, c’est la course à la technologie, toujours plus ruineuse pour les unes, juteuse pour les autres, dangereuse aussi. Chaque année, des centaines de milliers de femmes passent sous le bistouri, en dépit des douleurs, des risques d’échec. Il y en a pour tous les goûts : l'abdominoplastie, le silicone entre deux grossesses — l’alchimie des poly-mères ? —, la vibro-liposculpture, l'acide hyaluronique en injections formidables, jusqu’à la culotte électrodes laser à méga volts qui est encore en phase de test en Corée du Nord mais dont on dit le plus grand bien... Et j’en passe !
Ah ! mais j’entends vos arguments. De quoi se mêle-t-il, ce malotru ? C’est pas ses oignons. Il s’agit de notre intimité, de notre santé mentale, du libre choix, du droit de disposer de notre corps. Blablas ! Il s’agit simplement, Mesdames, de la mise de votre corps sur le marché et, pour les moins chanceuses, de sa mise en charpie atroce. Et quand les réparations liées aux effets secondaires, fâcheux et inévitables, de la chirurgie esthétique doivent être prises en charge par les systèmes de santé publique, peut-on encore parler de « sphère personnelle » ? On vous a fait des PIP, madame — un comble, convenez-en ? Eh bien ! on va les retailler. Quant au bien-être, à la santé mentale… Loin de moi l’idée de nier les préoccupations essentielles de notre époque : le rapport à soi et à l’autre, la sexualité, le sentiment amoureux, ou encore le vieillissement. Mais de là à présenter ces interventions esthétiques comme LA Solution, à accréditer l’idée selon laquelle elles permettraient d’échapper à nos maux, à la mésestime de soi, aux vicissitudes humaines, ou d’accéder à la plénitude du bonheur. C’est du gaz, tout ça, Mesdames. De la mystification marketing pour bigorneautes. De la banane à un seul bout !
C’est même le contraire, si on en croit cet article paru dans l’American Journal of Psychiatry (lien en bas de l’article) faisant état d’un taux de suicide multiplié par deux chez les femmes ayant reçu des implants mammaires à visée esthétique.
Restent celles qui disent le faire pour nous autres, les hommes. Et c’est à celles-là que je voudrais consacrer la fin de cette tribune, pour leur hurler : Stop Mesdames ! Parce que nous, c’est vous qu’on veut palper ! Pas les sœurs Bogdanov ! On s’en fout de vos obus si pointus qu’on a l’impression de faire l’amour à la soute à munitions d’un bombardier B52. Et dans quelques années ? La perspective de finir sa vie avec une compagne tellement tirée qu’elle a les deux oreilles dans la nuque et les yeux par côté, un qui monte et l’autre qui descend, comme les poissons. Vous croyez que ça nous excitera encore, quand vous ressemblerez à des Sharpei dans une soufflerie ? Alors, oubliez ce fourbi. Ne touchez à rien ! Laissez nous le faire. Vous aimer comme vous êtes. Et couvrez donc ce faux sein, que je ne saurais voir.
Sources :