Plan cancer : à la guerre comme à la guerre
Ainsi que nous l’avons vu en suivant les propos d’un spécialiste en biologie moléculaire et en histoire des sciences de la dimension de Michel Morange, la cellule cancéreuse serait l’objet d’une guerre sans merci que la médecine contemporaine mène plutôt aveuglément avec toutes les armes que la recherche veut bien lui mettre entre les mains.
D’une certaine façon, il suffit de savoir à quoi elle ressemble, quelles sont les diverses caractéristiques qui vont pouvoir se manifester dans le viseur de spécialistes armés de pied en cape, pour faire son affaire à la cellule cancéreuse : inutile de lui demander de nous en dire plus sur le procès qu’elle fait à la vie de l’organisme qui, après l’avoir abritée, ne peut plus que mourir de l’assaut qu’elle engage contre lui de la manière la plus sauvage.
Car l’armement des médecins spécialistes du cancer, aussi performant soit-il, ne manque pas de susciter une réaction parfois extrêmement intelligente et toujours plutôt foudroyante qui ne leur donne pas le beau rôle, sauf à prétendre avoir tout de même repoussé – au prix de diverses mutilations – une échéance dont il leur est cependant difficile de savoir a posteriori où elle aurait pu se situer.
Mais cette notion de « guerre au cancer » est-elle vraiment pertinente ?
La recherche centrée sur le cancer se résumerait-elle à la seule fabrication d’armes médicales sophistiquées permettant d’anéantir celui-ci sans du tout chercher à savoir qui il est et ce qu’il veut… alors que, manifestement, il est capable de se refaire très vite une santé sans que nous puissions savoir d’où il tire sa compréhension des faiblesses qui sont les nôtres ?
Qu’en est-il donc des buts visés par cet instrument massif mis en place sur une première initiative datée de 2003 et due tout particulièrement au président de la république française qu’aura été Jacques Chirac : le plan cancer et ses différentes déclinaisons, et notamment celle qui couvre les années 2014-2019 ?
C’est ce que nous allons maintenant considérer de plus près en imaginant que ce type d’opération de grande dimension nous révélera peut-être le schéma idéologique général dans lequel la population française est appelée à accompagner… la recherche sur le cancer, sans peut-être savoir à quel point elle est la dupe d’enjeux qui ne sont pas que de santé publique et qui n’ont pas grand-chose à voir avec une vraie lutte contre le cancer en tant que tel.
Le plan cancer 2014-2019 a donné lieu à un premier rapport daté du mois de février 2015. Nous y lisons ceci :
« Un diagnostic plus précoce permet, pour la majorité des cancers, un traitement plus efficace, avec un impact positif avéré sur le pronostic de la maladie. La détection des cancers à un stade débutant permet aussi de réduire la lourdeur et la durée des traitements, et de diminuer l’importance des séquelles potentielles. » (page 3)
En conséquence de quoi, un dépistage aussi précoce que possible de la présence de cellules cancéreuses chez un individu paraît extrêmement souhaitable… Ne risque-t-on pas de donner à celles-ci l’envie de faire face plus tôt qu’elles ne le prévoyaient peut-être d’abord ? Question qui paraît totalement inepte… Dépêchons-nous donc de partir à la recherche de ces sales petites bêtes !…
… en suivant le « plan » » d’attaque que nous propose le « plan » cancer 2014-2019 selon l’annonce qu’il en fait dans le premier rapport de février 2015 et qu’il souligne pour bien en montrer toute l’importance :
« Une étude médico‐économique permettant de choisir les différentes stratégies de dépistage sera achevée début 2015. » (page 3)
Pour notre part, nous retiendrons surtout le terme « stratégies »… On ne peut évidemment pas faire la guerre sans un minimum de réflexion stratégique… et sans le développement de plans agrémentés de ce même adjectif…
Ainsi la suite du même rapport prévoit-elle de mettre au point (je souligne)…
« […] une étude médico‐économique fondée sur une modélisation permettant d’évaluer l’efficience de différentes stratégies de dépistage […]. » (page 4)
Un peu plus loin, nous apprenons que (je souligne)…
« […] la stratégie de surveillance, comme les techniques (test de détection des HPV) et les pratiques (vaccination anti‐HPV), ont beaucoup évolué. » (page 4)
Mais aussi qu’en ce qui concerne « les recommandations » (je souligne)…
« Elles aborderont les questions portant sur la stratégie de diagnostic[…]. » (page 4)
Pour finir, voici que survient une nouvelle phrase soulignée d’un bout à l’autre dans l’original, et dont je relève le terme qui commence à sérieusement nous intriguer :
« Une étude pharmaco‐épidémiologique sur les effets secondaires de la vaccination anti‐HPV a été engagée en 2014, et sera publiée en 2015 afin de proposer une stratégie de vaccination. » (page 4)
Que signifie donc tout cela ? C’est ce que nous allons nous efforcer de cerner.
Clic suivant :
Que visent les « stratégies » mises en oeuvre par le plan cancer 2014-2019 ?