Politique et désintéressement : quel espoir ?
Politique et désintéressement : quel espoir ?
On voit quotidiennement que des hommes politiques, des collaborateurs de ces derniers, des hauts fonctionnaires utilisent les contacts qu’ils nouent ou ont noués durant leurs fonctions, pour gagner de l’argent … en dehors. Des jeunes gens n’ont de cesse de faire la « grande » école qui les mènera à la sphère politique, donc ensuite à la sphère des affaires. D’autres, moins bien nés, trouvent d’autres moyens pour pénétrer dans la sphère politique.
Les intéressés disent naturellement que ceci n’a rien à voir avec cela. Les commissions de déontologie sont consultées sur les conflits d’intérêts et donnent l’avis qu’elles donnent.
En tous cas : une sorte de gigantesque mécanisme fonctionne (1), qui ne frôlant que la définition de la corruption, suscite la réprobation (… résignée) des citoyens. Quand, à tout le moins, des journalistes d’investigation donnent des informations à l’occasion d’affaires particulièrement épicées ; en particulier lors de règlements de comptes au sein du milieu.
On ne voit pas que les individus au pouvoir fassent voter des textes qui mettraient tout par terre. Ce qui ne servirait pas leurs intérêts. Et ce qui les mettrait dans une situation impossible avec les organismes et les personnes privées bénéficiaires de leur comportement.
Il y a une cependant solution. Qui se trouve entre les mains des juges.
Comment techniquement ? Il suffit qu’un juge ( de « niveau » suffisant) décide que le désintéressement est un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » (2). Comme ils l’ont fait pour d’autres principes (3) Les lois utilisables à cette fin ne manquent pas (4) .
Et une fois que la violation du principe de désintéressement est constatée, le juge peut en tirer d’autres conséquences intéressantes ( et sans avoir besoin de voter de nouvelles lois pénales). Comme par exemple constater qu’est « nul (et de nul effet) » ce qui est décidé ou a été acquis en méconnaissance du principe de désintéressement. Et à ce moment là, les porte-monnaie se vident.
Marcel-M. MONIN
m. conf. hon. des universités.
(1) comment, alors qu’il y a (- heureusement-) des politiciens et des hauts fonctionnaires désintéressés, et soucieux d’exercer leurs fonctions dans le seul intérêt général, ce mécanisme fonctionne-t-il quand même ? ( à creuser).
(2) Le préambule de la constitution de 1946, auquel se réfère celui de la constitution de 1958 traitait de principes mystérieux dits : « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Le concept de PFRPLR est le résultat d’un compromis entre les parlementaires M.R.P. et les autres lors de l’élaboration du préambule de la constitution de 1946. Les députés M.R.P. voulaient garantir à l’Eglise la possibilité d’ouvrir des établissements d’enseignement et de les financer sur des fonds publics. Pour ce faire, ils proposèrent de faire référence à une vieille loi de finances qui traitait de la liberté de l’enseignement, et permettait aux écoles confessionnelles de recevoir des subventions. Un compromis fut réalisé entre les deux tendances : on utiliserait le pluriel. Les politiciens M.R.P. avaient satisfaction, puisque la loi à laquelle ils tenaient était ipso facto incluse dans le champ de la disposition. Les autres aussi : la formule était vague et ils avaient le temps de « voir venir ».
(3) L’interdiction, de licencier une femme enceinte (édictée dans le code du travail pour les salariés de droit privé), est un principe qui s’applique aux agents publics (CE 8 juin 1973 Peynet, reproduit dans les Arrêts Fondamentaux du Droit Administratif ( ed Ellipses) n° 17-96) ; - jugé qu’il existe un principe général de droit, dont s’inspire le code du travail qui prévoit un SMIC pour les salariés privés, selon lequel les traitements ne peuvent être inférieurs au SMIC (CE 23 avril 1982 ville de Toulouse c. Aragnou, AFDA 17-97) ; - jugé que la loi sur les association de 1901 sur la constitution des association reconnaît le principe de la libre constitution des associations (sans contrôle préalable de sa légalité, (CC 16 juillet 1971 - associations- , AFDA 17-94) ; - jugé que les dispositions législatives qui dérogeaient, en faveur des ministres des cultes d’Alsace-Loraine et des professeurs d’université à l’interdiction pour un parlementaire de continuer à être fonctionnaire durant son mandat avaient reconnu le principe fondamental de la liberté des professeurs d’université lequel impliquait (sic) que ces derniers devaient voter pour les élections universitaires dans un collège électoral ne comprenant qu’eux. (CC 20 janvier 1984 -libertés universitaires-).
(4) par exemple : - les lois portant statuts des fonctionnaires ; - les lois de 2013 et de 1988/1993 relative à la transparence de la vie publique , …