mardi 31 juillet 2018 - par Clark Kent

Pour son 20ème anniversaire, la CPI organise un safari

Adopté en Juillet 1998, il y a tout juste 20 ans par 60 états (1) (2) adhérant à l’ÓNU, le traité connu sous le nom de « Statut de Rome » a créé la Cour Pénale Internationale (CPI ; en anglais International Criminal Court ou ICC), une juridiction permanente se présentant comme « universelle », chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerre. Il est entré en vigueur le 1er juillet 2002 et, la compétence de la Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de cette date.

Lors de la cérémonie de signature du Statut de Rome, Kofi Annan qui étatit secrétaire général des Nations Unie avait qualifié cette initiative de « pas de géant une l’humanité en marche vers l’universalité des droits de l'homme et la primauté du droit ", et d’aucuns ont considéré cette fondation comme rien de moins que "la fin d'un processus historique, le début d'une nouvelle phase dans l'histoire de la justice pénale internationale ".

20 ans après, quel constat peut-on dresser ?

Sur les 11 dossiers traités par la CPI, 10 concernent des pays africains. Suri ces 10 dossiers, cinq concernent des pays qui ont eux-mêmes saisi la CPI pour enquêter parce qu'ils sont incapables de poursuivre les auteurs de génocides, crimes de guerre et crimes contre humanité commis sur leur propre territoire.

Tous les mandats d'arrêt et inculpations émis jusqu'à présent par la CPI visent des Africains, dont deux chefs d'Etat en exercice : le Soudanais Omar Hassan et le Kenyan Uhuru Kenyatta. Cette focalisation de la Cour sur l'Afrique énerve beaucoup de dirigeants africains qui ressentent une certaine partialité et, en octobre 2013, l'Union Africaine a appelé les états membres à ne pas coopérer avec la CPI, après que le Conseil de sécurité eût refusé de différer les poursuites engagées contre ces deux « présumés innocents ».

Le tribunal est accusé de se limiter à faire la chasse aux Africains, et le Burundi, qui s’est « retiré » de ce tribunal, le considère comme " un outil politique utilisé par les puissances étrangères pour maintenir leur pouvoir sur le continent africain ". Il faut reconnaitre qu’il est plus facile pour certains autocrates d’accuser la CPI d’être une institution néocoloniale mise en place par l'Occident que d'expliquer leur implication dans des atrocités contre leur propre peuple, et d’invoquer le racisme pour éluder leur responsabilité. 

Pourtant, le nombre disproportionné d'enquêtes sur des pays africains ne peut pas être simplement expliqué par l'ampleur des exactions mises en cause. Il faut admettre que la CPI, tout comme l'ordre juridique international dans lequel elle opère, n’est pas neutre. Le « droit international » fait partie intégrante d’un système englobant des valeurs, des expériences et des perspectives impérialistes. La CPI représente le point de vue correspondant aux intérêts de ceux qui l’ont imaginée, élaborée et mise en place : les puissants étas « développés ».

En fait, comme toutes les autres institutions internationales « multilatérales », la CPI n’a de « multilatérale » que le nom. Le droit international et les organisations internationales ne sont pas apparus comme des projets humanitaires, mais comme un outil postcolonial au service d’un empire mondialisé : les atrocités perpétrées par les sauvages doivent être poursuivies, jugées et punies par le monde civilisé qui lui, ne se livre aux mêmes exactions que contraint et forcé dans sa lutte contre le « terrorisme ».

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(1) Il y a 324 pays dans le monde, et non 197

  1. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine et Israël ne sont pas signataires, ce qui donne à cette institution une saveur étrangement « européenne ».



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