Pour vivre heureux imagine le pire
C'est drôle, dans le pire des cauchemars, le sursaut du réveil face au dénouement du rêve insupportable est proche de la jouissance. Au moins par le soulagement intense qu'il procure.
A contrario le joli rêve, le désir inassouvi réalisé dans nos songes de midinets, nettes, le doux court métrage auto-produit par nos libidos s'enfuit au petit matin, lui. La Rolls imaginaire nocturne peut facilement se transformer en ticket de métro, voire en marche forcée le jour.
- Henry Fuseli, the nightmare, Detroit Art Institute
La triste réalité quotidienne, ou matérialité objective guidant nos vies mornes nous apparaît suite au beau rêve encore pire qu'avant.
Merde, je m'y voyais pourtant, comme en vrai. Mais non. Voici que réveillé l'enfer continue.
Saloperie de rêve mignon à la con.
Cette même réalité, après un horrible cauchemar où le peu que nous possédons se désintègre, brûle ou disparaît, devient alors semblable au Jardin d'Eden : En sueur, terrifiés, nous émergeons de l'apnée du sommeil et mettons de longs instants à réaliser que ce n'était qu'un cauchemar. Ouf ! Tout n'est pas perdu, et puis, finalement il y a pire comme situation que la mienne...
Vive les cauchemars.
Dans la vraie vie c'est pareil. Paradoxalement, l'optimiste imagine toujours le pire qui n'arrive jamais en général. Le réel est toujours mieux que la projection antérieure de la vie de l'homme joyeux. Le pessimiste lui, imagine le meilleur juste pour lui, la vie en rose qui n'arrive jamais, mais toujours cette fois ci. Le réel est systématiquement pire que le conte naïf qu'il s'invente au jour le jour.
Auto-condamné à la souffrance inutile, hermétique à la joie, le pessimiste se ride en accéléré et provoque les catastrophes sur sa route. Lorsqu'il croit s'en sortir, un coup du sort bien placé, tel un uppercut aléatoire, l'enfonce un peu plus dans la maladie, les soucis matériels, sociaux, familiaux, autres.
Pourtant je n'ai pas mérité ça pense-t-il, t-elle. Si mon gars ! tu l'a mérité ma fille ! ça t'apprendra à croire en des babioles intempestives parce que tu dors. Tu te crois où ?
Toi l'optimiste fermes là, ça vaudra mieux. Pour sûr la fin du monde n'a pas eu lieu cette nuit, ni n'arrivera le XX décembre 2012, c'est un peu facile de visualiser l'horreur pour conjurer le sort, ne crois tu pas ?
Finalement, dans un cas comme dans l'autre, l'inconscient refoulé nous oblige d'une manière ou d'une autre à relativiser nos problèmes. Si graves qu'on en oublie qu'on dégagera tous un jour de cet état lamentable, cette dualité permanente où nous sommes, nous les pauvres hommes. Bonheur ? Malheur ? What else* ?
*Quoi d'autre ?
- Prise de tête, sculpture, Piere Chalory 2009