vendredi 30 novembre 2012 - par Piere CHALORY

Pour vivre heureux imagine le pire

C'est drôle, dans le pire des cauchemars, le sursaut du réveil face au dénouement du rêve insupportable est proche de la jouissance. Au moins par le soulagement intense qu'il procure.

A contrario le joli rêve, le désir inassouvi réalisé dans nos songes de midinets, nettes, le doux court métrage auto-produit par nos libidos s'enfuit au petit matin, lui. La Rolls imaginaire nocturne peut facilement se transformer en ticket de métro, voire en marche forcée le jour.

JPEG - 236.8 ko
Henry Fuseli, the nightmare, Detroit Art Institute

La triste réalité quotidienne, ou matérialité objective guidant nos vies mornes nous apparaît suite au beau rêve encore pire qu'avant.

Merde, je m'y voyais pourtant, comme en vrai. Mais non. Voici que réveillé l'enfer continue.

 

Saloperie de rêve mignon à la con.

Cette même réalité, après un horrible cauchemar où le peu que nous possédons se désintègre, brûle ou disparaît, devient alors semblable au Jardin d'Eden : En sueur, terrifiés, nous émergeons de l'apnée du sommeil et mettons de longs instants à réaliser que ce n'était qu'un cauchemar. Ouf ! Tout n'est pas perdu, et puis, finalement il y a pire comme situation que la mienne...

 

Vive les cauchemars.

Dans la vraie vie c'est pareil. Paradoxalement, l'optimiste imagine toujours le pire qui n'arrive jamais en général. Le réel est toujours mieux que la projection antérieure de la vie de l'homme joyeux. Le pessimiste lui, imagine le meilleur juste pour lui, la vie en rose qui n'arrive jamais, mais toujours cette fois ci. Le réel est systématiquement pire que le conte naïf qu'il s'invente au jour le jour.

Auto-condamné à la souffrance inutile, hermétique à la joie, le pessimiste se ride en accéléré et provoque les catastrophes sur sa route. Lorsqu'il croit s'en sortir, un coup du sort bien placé, tel un uppercut aléatoire, l'enfonce un peu plus dans la maladie, les soucis matériels, sociaux, familiaux, autres.

Pourtant je n'ai pas mérité ça pense-t-il, t-elle. Si mon gars ! tu l'a mérité ma fille ! ça t'apprendra à croire en des babioles intempestives parce que tu dors. Tu te crois où ?

Toi l'optimiste fermes là, ça vaudra mieux. Pour sûr la fin du monde n'a pas eu lieu cette nuit, ni n'arrivera le XX décembre 2012, c'est un peu facile de visualiser l'horreur pour conjurer le sort, ne crois tu pas ?

Finalement, dans un cas comme dans l'autre, l'inconscient refoulé nous oblige d'une manière ou d'une autre à relativiser nos problèmes. Si graves qu'on en oublie qu'on dégagera tous un jour de cet état lamentable, cette dualité permanente où nous sommes, nous les pauvres hommes. Bonheur ? Malheur ? What else* ?

*Quoi d'autre ?

JPEG - 733.8 ko
Prise de tête, sculpture, Piere Chalory 2009


8 réactions


  • lulupipistrelle 30 novembre 2012 20:03

    Votre solution ne doit pas marcher avec tout le monde. 


    Pour avoir vécu un épisode dramatique qui aurait pu tourner effectivement au pire... je peux vous affirmer que le danger écarté, pendant des mois j’ai été hantée par ce pire qui n’était pas arrivé, qui pouvait se représenter inopinément à n’importe quel moment... et qu’il m’a fallu des années pour revenir à la normale...

    Quand j’ai eu une véritable représentation du pire (pour moi), je n’ai plus jamais été heureuse.

    • Piere CHALORY Piere Chalory 30 novembre 2012 20:19

      Je comprend votre sentiment, certaines personnes sont plus fragiles que d’autres. Mais la représentation de votre pire une fois effective, qu’il s’agisse de maladie grave pouvant conduire à la mort par exemple, ne doit pas vous empêcher d’être heureuse.


      Ce que je veux dire dans ce paradigme de la représentation la plus horrible censée ne jamais arriver, c’est que ceci n’ira jamais au delà de la mort, à laquelle rien ni personne n’échappera.

      Quoi d’horrible dans la mort ? au regard de la vie, ou plutôt de la non vie que nous menons pour la plupart d’entre nous. 

  • Dwaabala Dwaabala 30 novembre 2012 22:15

    Le tableau de Füssli est très ambigu : il est la représentation du cauchemar d’une belle femme, mais le spectateur qui le reçoit se trouve placé dans la situation érotique de jouisseur sadique.

    Les meilleurs des rêves, à mon goût, sont précisément ceux qui demeurent énigmatiques, ceux que l’on n’ira confier à personne, mais dont on s’efforce de garder vivant longtemps le sens mystérieux, en sachant qu’il n’y a rien à comprendre au-delà : cela est  ; ils sont animés d’une palpitation qui fait dire : oui, là est la vie.

    L’explication, toute personnelle, de ce phénomène, c’est que cette vision établit un lien,un pont, qui peut durer dans la vie diurne, entre la conscience et les abysses du sommeil autrement inaccessibles.  


  • Soi même Soi même 30 novembre 2012 23:02

    De toute façon, faire un cauchemar où vouloir être heureux pour être heureux, c’est aussi un cauchemar !
    Concevoir le pire sans avoir un idéal, c’est mourir, car on s’avoue vaincus !


  • chmoll chmoll 1er décembre 2012 11:43

    celui qui ne rève pas ou presque pas , pareil pour le cauch’mard
    il doit ètre bien emmerdé


    • Piere CHALORY Piere Chalory 1er décembre 2012 15:48

      ’’J’échangerai bien vos cauchemars contre ma réalité et quand bien même la mort sera au bout du parcours cela ne pourra qu’être que délivrance’’


      Banco, mes ’’cauchemars’’ contre votre ’’réalité’’, c’est quand vous voulez. 

      Mais si c’était possible, je me demande bien qui gagnerait au change...

Réagir