lundi 8 juillet 2019 - par Nicolas Kirkitadze

Pourquoi ne faut-il jamais prononcer le mot « lapin » en mer ?

Chaque profession a ses superstitions propres qui lui donnent un charme désuet et qui la pimentent avec une touche mystique mêlée d'humour : ainsi, les comédiens ont interdiction de porter du vert à l'intérieur d'un théâtre ; les enseignants (surtout en Europe de l'Est) pensent que s'ils arrivent en retard le jour de la rentrée, l'année sera mauvaise ; les pilotes ne souhaitent jamais un "bon vol" à leurs collègues car c'est réputé porter malheur ; pour la même raison, les maçons ne doivent pas siffler sur un chantier. C'est toutefois chez les marins que l'on retrouve les superstitions les plus originales.

Parmi les nombreuses superstitions marines, une est particulièrement connue mais peu de personnes s'interrogent sur sa signification : le tabou du lapin. Car si la patte de lapin porte bonheur sur la terre ferme, le rongeur est perçu comme porteur de mauvaise augure en mer.

Il est bien connu que l'on ne doit sous aucun prétexte prononcer le mot "lapin" à bord d'un navire (voire même sur terre si l'on est marin). Mais d'où vient cette tradition ? Les marins, ces solides gaillards au gabarit puissant défiant la colère de Poséidon, seraient-ils effrayés par d'innocentes créatures aux grandes oreilles au point de craindre jusqu'à leur nom ?

Plusieurs versions existent pour tenter d'expliquer l'origine de ce mythe qui, en tous les cas, remonte au début de l'époque moderne, âge d'or de la navigation. D'après la version la plus répandue, cela viendrait du fait que les marins, embarqués pour de longs trajets (aller de l'Europe aux Amériques pouvait prendre jusqu'à trois mois au XVIIème siècle) appareillaient avec diverses denrées à bord dont des animaux vivants : cochons, poules et lapins ; or, ces derniers, lorsqu'ils n'avaient plus de nourriture dans leur clapier, auraient eu l'habitude de s'en échapper pour dévorer les stocks de nourriture et grignoter les cordages de chanvre, ce qui pouvait occasionner un déplacement de la cargaison dans les cales et une déstabilisation de la répartition du poids au sein du navire, susceptibles de provoquer un naufrage. D'après nos confrères du Monde qui ont enquêté sur cette superstition, il pouvait même arriver que les lapins dévorassent les colmatages des planches de bordé également faits avec du chanvre, ce qui pouvait amener des voies d'eau fatales dans le navire. Avec la répétition de cas similaires, la peur du lapin se serait installée chez les marins au point de les amener à ostraciser cet animal à bord de leurs embarcations, voire d'en interdire la mention.

Cette version communément acceptée est toutefois battue en brèche par les scientifiques modernes et les historiens de la marine, lesquels concluent que, plus que le lapin, les rats étaient susceptibles de ronger bois et cordages – sans compter les maladies dont ils pouvaient être porteurs ; or, de manière surprenante, aucun tabou ne frappe le rat dans les croyances marines.

On note également que ce tabou du lapin s'est développé après la Renaissance uniquement dans les marines anglaise, espagnole, portugaise et surtout française. Alors même qu'embarquer des animaux était une pratique courante chez l'ensemble des marins depuis l'Antiquité, pour de simples raisons de ravitaillement. Or, si certaines superstitions se retrouvent chez des marins de différentes aires culturelles (la poisse attribuée aux femmes à bord, l'interdiction de siffler en mer), on n'observe aucun interdit frappant le lapin sur les navires égyptiens, grecs, romains, chinois, arabes, ou même ceux d'autres États européens tels que Venise, Florence ou les Provinces-Unies, tous ces peuples étant de grands navigateurs.

La véritable histoire de cette superstition est plutôt à rechercher dans les mentalités du Moyen-âge occidental, voire jusque dans les écrits vétérotestamentaires. C'est que le judéo-christianisme voue une grande défiance à ce mammifère aux grandes oreilles qui aime tant copuler. Le Deutéronome et le Lévitique ostracisent clairement le lapin de la liste des animaux comestibles et le déclarent impur. Aujourd'hui encore, le judaïsme prohibe la consommation de viande lapinesque. Si, pour les Chrétiens, le tabou culinaire a été levé dans le Nouveau Testament (cf. Actes des Apôtres), il n'en demeure pas moins que le lapin a suscité une grande méfiance au sein de la Chrétienté jusque au XVIIIème siècle, la consommation de cette viande étant marginale jusqu'à la révolution industrielle. Comme dit plus haut, le lapin a une forte appétence envers l'acte charnel, ce que le judéo-christianisme – imprégné par une culture de la culpabilité – considère d'un très mauvais œil. Dans le bestiaire médiéval, cet animal aux grandes oreilles était ainsi associé à la fécondation et au plaisir, surtout dans le cas du lapin femelle. C'était d'autre part un animal réputé nocturne et donc associé à la lune mais aussi à la sorcellerie... et à la sexualité féminine que l'on pensait alors corrélée au cycle lunaire. Il s'agissait en fait d'un symbole érotique féminin : si de nos jours le terme vulgaire ch***e designe le sexe de la femme dans le langage familier, peu de personnes savent que c'est le mot "lapin" qui était d'usage jusqu'au XVIIIème siècle pour qualifier le même organe. C'était dès lors un mot vulgaire et à double sens, exactement comme le mot "chatte" l'est à notre époque.

Or, les marins étant exclusivement des hommes (la présence de femmes à bord était encore mal vue au début du XXème siècle car elles étaient réputées porter malheur en mer), il n'est pas à exclure que la présence à bord de ce symbole de l'érotisme féminin ait eu la même portée maléfique que les femmes elles-mêmes. Ce n'est dès lors pas un hasard si ce tabou se développa chez les marins anglais, espagnols et français, le puritanisme anglican et la contre-réforme catholique ayant forgé une morale austère basée notamment sur la nécessité spirituelle de combattre l'érotisme et la sensualité : il est drôle d'observer que catholiques et protestants, qui s'étripaient sur de nombreux points à travers toute l'Europe, étaient parvenus à tomber d'accord sur la nécessité d'ostraciser le lapin. Cependant, des États comme les Provinces-Unies, Venise ou Florence, bien que chrétiens, n'avaient pas été affectés par la vague réactionnaire puritaine ou tridentine ; leur morale sexuelle était par conséquent plus libérale par rapport à la France et à la Grande-Bretagne. Aucun tabou cuniculophobe ne se développa donc dans les marines néerlandaise ou vénitienne. A noter qu'il n'y eut guère plus de tabous dans les marines du monde musulman (dont la plus connue est la flotte ottomane) ; c'est que l'islam considère le lapin comme un symbole positif de fécondité, d'abondance et d'accomwplissement ; il en est de même dans le bouddhisme où il symbolise en plus la lucidité : le lapin/lièvre étant un des rares mammifères à naitre avec les yeux ouverts.

En revanche, cette superstition persiste toujours en Occident. Difficile de dire si les marins y croient réellement ou s'ils l'entretiennent pour agrémenter avec une touche d'humour et de nostalgie leur vie consacrée à la mer. Quoi qu'il en soit, plusieurs marins et skippeurs confirment qu'ils n'emploient sous aucun prétexte le mot "lapin" en mer ou sur terre : "On dit la bête aux grandes oreilles", déclarait le skippeur Jean Le Cam à nos confrères du Monde en 2012. Franck Cammas, un autre skippeur et pratiquant de la course à la voile, affirme quant à lui, dans le même article, qu'il est toujours mal vu de prononcer le mot "lapin" dans les équipages français, et reconnaît lui-même : "Quand quelqu'un prononce le mot lapin à côté de moi quand je suis en mer, ça m'énerve".

Ballottés entre le bleu du ciel et le bleu de l'océan, en voyage durant de longs mois sans toucher terre, sujets aux caprices des éléments, les marins ont développé un grand nombre de traditions empreintes de tabous et de superstitions au fil des siècles, dans le but de se créer un sentiment de contrôle sur leur vie sujette aux aléas de la nature. Ce désir de contrôle, couplé à une défiance envers le plaisir charnel et la féminité, a conduit ces hommes à voir la source de leurs malheurs dans ces petits rongeurs innocents que sont les lapins. Quand la Raison s'estompe, les superstitions ont force de loi.

Nicolas Kirkitadze



52 réactions


  • Séraphin Lampion Séraphin Lampion 8 juillet 2019 17:48

    On ne doit pas dire « corde » non plus, chaque cordage a un nom.

    Cette superstition a été adoptée dans le monde du théâtre ou les décors dans le coulisses étaient souvent manœuvrés par d’anciens marins, habiles au maniement des poulies et au rangement des grandes pièces de tissu à l’époque où ces décors étaient des sortes de voiles peintes...


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 8 juillet 2019 18:43

      @arthes

      Sur un voilier moderne le cordage qui m’intéresse le plus est la ficelle du string.


    • Francis, agnotologue JL 8 juillet 2019 19:21

      @Aita Pea Pea
       
       tout ce qui ressemble à une corde et qui n’est pas destiné ou employé à un usage spécifique est appelé bout’ (prononcer boute), et ce qui ressemble à une ficelle respectable peut être appelé garcette.


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 8 juillet 2019 19:37

      @JL

      J’aime bien garcette ... Chérie met pas ta garcette vais t’enfiler mon bout’ . Lol


  • Laconique Laconique 8 juillet 2019 17:49

    What is this article for ?


    • Nicolas Kirkitadze Nicolas Kirkitadze 8 juillet 2019 19:45

      Bonsoir @Laconique

      Aucune raison particulière. Je souhaite simplement souffler un peu et parler d’autre chose que de mes thèmes habituels. Si c’était de moi, je n’aborderais pas du tout la politique et j’écrirais exclusivement sur l’art, la littérature, la musique, l’histoire, le sport, les langues etc... Mais, tant que les nuages sombres menaceront nos libertés et notre diversité, je n’aurai hélas d’autre choix que de mettre ma plume au service de mes valeurs quitte à replonger dans le marigot politique - non pas que j’aie l’illusion de pouvoir influer sur la marche du monde avec mes articles, mais je ne peux tout simplement pas rester indifférent à l’oppression des minorités et aux menées d’idéologies antidémocratiques. Ceci dit, j’aime bien m’accorder une pause de temps en temps et écrire sur les sujets qui me passionnent vraiment.

      Cordialement

      Nicolas Kirkitadze


    • popov 9 juillet 2019 03:23

      @Nicolas Kirkitadze

      je n’aurai hélas d’autre choix que de mettre ma plume au service de mes valeurs

      Alors, c’est déjà fini l’opportunisme, vous avez de nouveau des valeurs ?

      Ceci dit, vous écrivez bien, vous êtes étudiant en histoire et vous avez un patronyme géorgien. Pourquoi ne pas de temps en temps nous parler de la pré-histoire et de l’histoire de votre pays qui est totalement ignorée dans les écoles occidentales ?
      Il y aurait tant à dire depuis l’homo georgicus, en passant par l’influence sumérienne, la conversion au christianisme, le rôle joué par les Géorgiens dans le siège de Bagdad par les Mongols, Staline, Chevarnadze...


    • Nicolas Kirkitadze Nicolas Kirkitadze 9 juillet 2019 18:54

      Bonjour @popov

      Mon article sur l’opportunisme avait justement pour but de démontrer que ce n’est pas une immoralité ou un retour à l’état barbare mais bien un comportement humain et une pensée politique morale. Défendre l’opportunisme politique n’empêche pas d’avoir des valeurs. L’individualisme/opportunisme n’est pas une apathie ni un voyeurisme sadique : évidemment que si un enfant se noie ou si une femme se fait agresser, un individualiste doit intervenir et aider la personne, le contraire serait de l’inhumanité. Mais, il refusera d’aller faire la guerre ou de payer plus d’impôts pour la collectivité, car il n’en reconnait pas la légitimité. Aider une personne en difficulté est un devoir humain, mais se plier à la collectivité et se sacrifier pour un prétendu « intérêt commun », c’est juste de la sottise. L’aide ou l’échange de services (et non de « dons », ce concept étant hypocrite) se passe entre individus mais pas avec la collectivité. Le principe d’altruisme libéral est le suivant : je vous aide non pas parce que la loi me l’ordonne ou pour plaire à un dieu et avoir ma place au paradis, mais parce que vous êtes un individu comme moi et que je fais le libre choix de vous venir en aide, d’humain libre à humain libre - avec l’espoir non-dissimulé que vous en ferez de même pour moi si les rôles sont inversés. Comme disait la philosophe Ayn Rand, l’individualisme rationnel est « la pensée la plus morale et la plus honnête qui soit ». Car, contrairement aux idéalistes, un individualiste ne prétend pas être désintéressé et n’a pas peur d’admettre qu’il agit aussi dans son intérêt propre avant la collectivité. Je ne dis rien de plus ici. Comme vous le soulignez, j’ai un patronyme étranger, il se trouve que je suis en plus malvoyant - si on y ajoute mon libéralisme, celà fait de moi une cible privilégiée de l’extrême-droite. Et n’oublions pas qu’ils me voient comme un apostolat qui a osé ouvrir les yeux et quitter leurs rangs. Bref, si ces gens prenaient le pouvoir, ma sécurité serait loin d’être garantie. Donc, combattre cette idéologie n’est pas totalement désintéressé dans mon cas, et je n’ai aucun tabou à l’admettre. C’est aussi mon intérêt propre qu’ils n’arrivent pas au pouvoir ; celà ne m’empêche nullement d’avoir des valeurs morales, de combattre sincèrement pour l’émancipation des minorités et d’aimer fraternellement ces dernières. Mais, contrairement à un idéaliste, je n’aurai pas la malhonnêteté de prétendre que ce combat pour les minorités est un don sans intérêt de ma personne : non, il s’agit bien d’échange car il se trouve que les migrants, les musulmans et moi, avons un intérêt commun à ce que le nationalisme n’arrive pas au pouvoir. L’individualisme est une sortie de l’hypocrisie et une entrée dans la morale authentique. C’est en tous cas ainsi que je vois les choses.

      Vous avez en tous points raison sur la Géorgie dont l’histoire est fort riche depuis le Paléolithique et assez ignorée par le monde de la recherche. Il y aurait en effet beaucoup à raconter. Cependant, je ne souhaite pas qu’on assimile mes articles à de la propagande chauvine. Combattre le nationalisme français tout en racontant l’histoire et la culture de mon pays d’origine, certains auraient tôt fait d’y voir un paradoxe voire la concrétisation de leur fantasme de « Grand Remplacement », ce qui leur donnerait du grain à moudre. Quand la menace brune sera définitivement écartée, je compte bien lâcher pour toujours la politique et écrire en priorité sur mes grandes passions que sont l’art, l’histoire et la spiritualité ; là, je vous parlerai avec plaisir de cette histoire plurimillénaire. Ceci dit, puisque vous semblez intéressé (ce qui est à votre honneur, beaucoup de gens ne s’intéressant même pas à l’histoire de leur propre pays, tant leur curiosité est anesthésiée), je ne saurais vous laisser sans réponse. Donc, voici une petite introduction schématique.

      Comme vous le dites, l’homo georgicus est un des plus anciens hominidés trouvés hors d’Afrique : il daterait d’environ 1,8M années. C’est un des rares hominidés carnivores de cette époque, ce qui lui a permis de survivre à de si hautes latitudes. Mais c’est au néolithique qu’on a le plus de traces historiques : on sait notamment que ce serait le berceau de la viticulture vers -5000, à noter d ailleurs que le mot « vin » proviendrait lui-même de la langue géorgienne. Cette langue, justement, est un isolat linguistique dont on n’a pu établir aucune parenté avec certitude. L’hypothèse d’un cousinage avec le basque - envisagée par certains linguistes et anthropologues - me paraît personnellement fantaisiste. Je penche davantage vers l’hypothèse sumérienne, eu égard aux similitudes grammaticales et phonétiques entre les deux langues. Bien sûr, je ne dis pas que je descends des Sumériens : je pense que les proto-kartveliens et les proto-sumériens formaient deux branches collatérales d’un même proto-groupe ethno-linguistique qui a du se scinder vers la fin de l’ère glaciaire. Quoi qu’il en soit, les premières mentions des Géorgiens (ou plutôt proto-Géorgiens) sont en akkadien et remontent au XXème siècle avant notre ère : il s’agissait alors de petites principautés vassales de l’empire akkadien auquel elles payaient tribut. D’après Hérodote, des Égyptiens s’y seraient également installés suite à une expédition militaire vers -1850. Même si je trouve l’hypothèse séduisante, elle est sans doute fausse, aucune source égyptienne n’attestant une expédition si lointaine. Ensuite, l’âge de bronze et le début de l’âge de fer sont assez méconnus faute de sources. On sait qu’il y avait deux grands royaumes (Diauehi et Colchis) et qu’ils étaient tour à tour sous l’influence hittite, babylonienne, puis assyrienne et perse, en gardant malgré tout leur indépendance. Malheureusement, ces deux royaumes se faisaient la guerre entre eux au lieu de s’unir, ce qui a provoqué leur anéantissement mutuel au VIIeme siècle : ils étaient économiquement et militairement exsangues à force de se déchirer, si bien que l’empire perse n’a eu aucun mal à les annexer. C’est finalement Alexandre qui a libéré les Géorgiens de l’emprise perse en 330. Mais les Grecs étaient en fait présents depuis plusieurs siècles (surtout à l’ouest, où ils avaient fondé plusieurs cités). La renaissance d’un état géorgien s’opère en -302, lorsque Pharnabaze 1er, fils d’un roitelet local, réussir à unifier les diverses petites principautés et à créer le vrai premier état géorgien auquel il donne un alphabet, un code juridique, une organisation militaire ainsi que la religion mazdeiste venue d’Iran (remplaçant ainsi l’ancien panthéon polythéiste). Ses descendants ont su étendre la domination géorgienne vers ke Caucase et maintenir tant bien que mal leur indépendance face aux royaumes hellénistiques puis face aux Parthes et aux Romains.

      Vous évoquez la conversion au christianisme. Cela se passa en 334 sous le règne de Mirian III, un roi d’origine iranienne. Selon la tradition, la reine avait une servante qui avait réussi à la convertir et elle-même aurait converti son mari qui aurait eu une vision... La vérité, c’est que Mirian III voulait sortir son royaume de la suzeraineté des Perses sassanides (avec lesquels la Géorgie partageait la foi mazdeiste) et se rapprocher de Rome dirigée alors par Constantin. Dès 298, il avait signé un traite d’alliance avec Rome pour sortir du cercle d’influence perse. Sa conversion est donc à considérer sous un angle plutôt politique que mystique.

      Pour ce qui est du siège de Bagdad en 1258, j’admets (non sans rougir) que j’ignorais totalement la participation géorgienne. Merci de me l’apprendre smiley. Je savais cependant que la Géorgie était alors sous l’influence des Mongols, apparus peu après le décès de la reine Tamar 1ère (1213) dont le règne est un âge d’or politique, économique et culturel dans l’historiographie géorgienne... un âge d’or de courte durée puisque le pays perdit vite son indépendance et fut obligé de combattre aux côtés des maitres en vertu du traité de 1240 faisant de la Géorgie un pays vassal de l’empire mongol... d’où la participation forcée de Géorgiens au terrible siège de Bagdad. Je veux cependant croire qu’ils n’ont pas pris part aux exactions contre les civils, mais tout est possible...

      Il y aurait bien sûr beaucoup plus à dire sur l’histoire de ce pays. Le mythe des Argonautes et celui de Prométhée, par exemple, qui tirent leurs origines là bas. Les rapports entre Grecs et Géorgiens mériteraient un article en soi. Je n’ai pas non p !us évoqué le règne de Vakhtang 1er au Vème siècle qui constitue le premier âge d’or de la Géorgie, ni les siècles obscurs (500-900) faits de guerres civiles, et, enfin, la réunification du royaume au Xème siècle. On pourrait y ajouter la libération du joug mongol au XIVème puis la lutte contre l’Iran et les Ottomans entre 1500 et 1800, et l’annexion par la Russie tsariste en 1801 jusqu’en 1918 et l’annexion par l’URSS en 1921 après seulement trois ans d’indépendance jusqu’en 1991. Pour ne pas surcharger mon commentaire, je vais m’arrêter là même si chacun de ces épisodes mériterait un article à lui seul. Les historiens orientalistes expliquent tout ceci bien mieux que moi, je ne peux que vous inviter à vous tourner vers leurs recherches si vous êtes intéressé par des informations complémentaires, ce commentaire n’étant qu’une introduction d’introduction. En revanche, je vous déconseille les historiens géorgiens qui adoptent une vision ethnocentrée dans leurs recherches et manquent hélas de rigueur scientifique. Je vous déconseille également les historiens russes qui, eux, au contraire, prennent systématiquement le parti anti-géorgien et interprètent l’histoire de ce pays à l’aune de la propagande kremlinienne. Bref, tant que le nationalisme embrumera les consciences (de part et d’autre) les historiens ne feront pas de recherche mais de la propagande.

      J’espère que mon commentaire aura répondu à vos questions.

      Cordialement

      Nicolas K.


    • popov 10 juillet 2019 12:32

      @Nicolas Kirkitadze

      Merci pour cette longue réponse et une introduction à l’histoire de la Géorgie.

      En ce qui concerne votre explication de l’individualisme/opportunisme, je crois qu’il faut faire la différence entre opportunisme et individualisme. Un individualiste peut en effet aider un de ses semblables en détresse en espérant que par effet ricochet, il sera lui-même aidé un jour. L’opportuniste, lui ne pense pas à si long terme, il pique le portable et le portefeuille de la personne accidentée.

      Quand vous dites que les échanges se font uniquement entre individus, je crois que c’est un peu restrictif. On peut très bien accepter de payer des taxes pour que l’état construise des routes, des conduites d’eau, de gaz et d’électricité. On peut même accepter de partir en guerre quand le bien commun coïncide avec le bien individuel de chacun.

      Vous dites que vous luttez contre le nationalisme (sous-entendu fascisme). Le danger fasciste aujourd’hui en France, ce sont les Frères Musulmans. Les partis comme le RN ne sont que des épouvantails qu’on agite pour cacher le véritable danger.

      Quelqu’un comme vous risque-t-il plus de se faire agresser par un membre du RN que par une racaille islamique ? Combien de vieillards et d’infirmes agressés, volés, violés par ces racailles ? 

      Ces racailles sont les chemises brunes du régime qu’on vous prépare. L’état ne fait rien contre cette insécurité montante. Vous verrez bientôt les islamistes proposer de mettre de l’ordre dans tout ça. Ce sera l’étape chemises noires.


  • Xenozoid 8 juillet 2019 17:55

    au pays de galles on a le droit de tuer les écossais entre 12.01 am jusqu’á 6 00 am


  • gaijin gaijin 8 juillet 2019 18:41

    « on n’observe aucun interdit frappant le lapin sur les navires égyptiens, grecs, romains »

    pour la raison simple que les lapins a l’époque n’étaient pas encore domestiqués .....

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Lapin


  • machin 8 juillet 2019 18:41
    Pourquoi ne faut-il jamais prononcer le mot « lapin » en mer ?

    Parce que beaucoup de marins sont très cons ?


    • Francis, agnotologue JL 8 juillet 2019 19:16

      @machin
       
       il faut n’avoir aucune expérience de la mer pour dire ça. C’est très con.


    • machin 9 juillet 2019 04:55

      @JL

       « il faut n’avoir aucune expérience de la mer pour dire ça. C’est très con.  »

      Je peux dire cela parce que j’ai eu très longtemps mon propre bateau et que j’ai aussi fréquenté beaucoup de gens de mer (les vrais pas ceux du port de plaisance avec un ciré jaune tout neuf qui ne connait même pas le sel). J’ai même travaillé un peu avec eux dans une autre vie...
      Je puis vous assurer qu’il y a les mêmes ratios d’humanité parmi eux que parmi nous les terrestres... Mais qu’ils regroupent, en plus, mordicus et à eux seuls, toutes les sottes superstitions du monde.
      J’en ai même vu un, entrer en transe parce que j’avais des œufs durs à bords...

      Ceci dit, il est évident que je n’ai pas, contrairement à vous, une grande expérience maritime... (pas plus que je ne sois un champion automobile au prétexte que je possède une voiture.)
      Mais, au moins, je nage correctement (je sais, cela prolongera mon agonie), j’ai tous mes permis mer et je ne rejette pas, au retour, toutes les saloperies de la marée à la mer, très curieusement comme beaucoup de pros, il y a peu de temps encore.
      À leur décharge (sans jeu de mots) il n’y avait pas, jadis, au port, de conteneurs à déchets...

      Enfin et pour terminer, il y a l’humour...
      Mais là, visiblement, c’est aussi une question de ratio...
      Qu’en pensez-vous ?


    • Francis, agnotologue JL 9 juillet 2019 08:02

      @machin
       
      vous écrivez : ’’Ceci dit, il est évident que je n’ai pas, contrairement à vous, une grande expérience maritime..’
       
      et en même temps : ’’Je puis vous assurer qu’il y a les mêmes ratios d’humanité parmi eux que parmi nous les terrestres..’’
       
       J’en conclue que vous faites dans l’ironie. Permettez moi de vous dire que la différence entre votre expérience et la mienne en la matière si j’en crois ce que vous écrivez, c’est

      le fait que je possède encore un bateau, un voiler.
       
      Chacun voit midi à sa porte : on peut donc avoir une expérience de la mer et dire que les marins sont très cons.
       
      Sans rancune.

       
      Ps. Savez vous ce qu’est un ex-voto ?
       
      « L’ex-voto, dont l’origine remonte d’avant les Phéniciens, est le symbole de la foi et de la reconnaissance. Bien souvent il est lié à une fortune de mer (bateau perdu dans la tempête ou drossé sur les rochers) ; il peut aussi être lié à une expédition militaire ou lointaine pour la marine de guerre (guerre de Crimée, d’Indochine par exemple), un voyage au long cours pour les bâtiments de commerce. Quand le marin se trouvait en danger face aux éléments déchaînés ou lors d’un théâtre d’opérations de guerre, il se vouait alors à la Vierge Marie, Notre Dame, en général celle de son village natal. C’est pourquoi, il lui offrait à son retour, en guise de remerciement selon le vœu fait, une réplique de bateau, un diorama, une peinture, voire une pièce du navire, du gréement ou tout simplement un cordage ou un bout. C’est ainsi que les chapelles et églises ont hérité d’ex-voto que les marins ou leur famille confectionnaient eux-mêmes ou en passaient commande auprès des artisans quand il s’agissait par exemple de peintures. »


    • machin 9 juillet 2019 13:45

      @JL

      Vous avez lu trop vite.... j’ai dit beaucoup de marins... pas tous les marins.

      Concernant les plaisanciers, on peut déjà un plus généraliser vers la frime la pavane et la grande gueule... Ils ne sortent, pour la plupart qu’au moteur, et et ne savent pas plus ce qu’est un cap que l’élémentaire courtoisie en mer comme sur terre.
      Mais ce sont tous, évidemment (les grandes gueules) de grands, de très grands marins, et assurément sur route des pilotes hors pair.

      Pour finir, je ne comprends pas très bien ce que vient faire, ici, votre fine couche de confiture à l’ex-voto...
      Ce doit être une erreur ou un mauvais copié collé...


    • Francis, agnotologue JL 10 juillet 2019 19:42

      @machin
       
       ’’ je ne comprends pas très bien ce que vient faire, ici, votre fine couche de confiture à l’ex-voto.’’
       
      Si vous ne voyez pas le lien entre superstition et croyance religieuses, n’en parlons plus.
       
       ps. Je ne crois pas que ce soit le lieu ici pour déverser sa bile sur ceux qui friment ; en tout cas, ce sera sans moi.


  • Xenozoid 8 juillet 2019 18:46

    les lapins creusent


  • Fergus Fergus 8 juillet 2019 18:49

    Bonsoir, Nicolas

    L’explication la plus simple est que le lapin était autrefois nommé « conil », lequel mot rappelait le sexe de la femme, le « con », de même origine que l’animal. Or, la femme était considérée comme impure et indigne de monter à bord.

    Un principe que les marins de naguère affirmaient avec force, y compris dans les chansons des gens de mer : pas de « poulies coupées » dans la marine !


    • Nicolas Kirkitadze Nicolas Kirkitadze 8 juillet 2019 19:15

      Bonsoir @Fergus, enchanté de voir que vous lisez mes articles. J’apprécie également les vôtres qui abordent d’autres sujets que la politique et donnent un peu d’air frais à AV.

      Votre explication est très sensée et rejoint la mienne. Le lapin se disait « cuniculus » en latin, ce qui ressemble à un mot que nous connaissons en français mais qui n’a rien à voir avec les lapins. smiley C’est que « cunus » désigne bien le sexe féminin, d’où le mot « con » en français qui signifie aujourd’hui quelqu’un de bête ou de grossier mais qui désignait autrefois le vagin. Ce glissement de sens est révélateur d’une dévalorisation constante du sexe féminin qui trouve en effet ses origines dans la misogynie des sociétés anciennes. Nous parvenons aux mêmes conclusions puisque nous relions ce tabou à un autre tabou frappant la présence de femmes à bord ; l’interdiction du lapin n’en est que le prolongement symbolique.

      Salutations

      Nicolas Kirkitadze


    • Fergus Fergus 8 juillet 2019 21:19

      Bonsoir, Nicolas

      Tout cela se rejoint en effet autour du même thème.

      Ne vous laissez pas perturber par Positronique (alias Bébert), c’est un compulsif du commentaire malfaisant. Sans sa dose quotidienne de fiel, il souffre de terribles frustrations. smiley 


    • Legestr glaz Legestr glaz 8 juillet 2019 21:34

      @Positronique

      Fort heureusement, vous relevez le niveau avec vos propres articles.

      On ne parle bien que de ce que l’on connait, n’est-ce pas ?


    • keiser keiser 8 juillet 2019 21:53

      @Positronique

      "Bon on est sur internet , on peut raconter n’importe quoi . Ce que je peux dire , c’est que je fais 1M80 pour 85 Kg , 66 ans marié , 2 enfants et 2 petits enfants"

      Et en plus
      Tu t’es reproduis !? ...
      Et ben, on est pas rendus ...
      En plus, il va falloir faire face à plein de petites merdes ...
      Quel programme électoral en perspective.

      Allez, arrête de nous prendre pour des cons et dis nous pour qui tu travailles réellement.
      Je crois que ton petit cinéma commence à tirer sur sa fin.
      Petite merde. smiley


    • keiser keiser 8 juillet 2019 23:46

      @Positronique

      "Bon on est sur internet , on peut raconter n’importe quoi . Ce que je peux dire , c’est que je fais 1M80 pour 85 Kg , 66 ans marié , 2 enfants et 2 petits enfants"

      Le pire ...
      Cela serait que ce que tu dis pourrais être la réalité. smiley


    • keiser keiser 9 juillet 2019 00:29

      @ Positrinique

       Ah oui ! ...
      J’avais oublié :
      petite merde smiley


    • machin 9 juillet 2019 05:05

      @Nicolas Kirkitadze

      « J’apprécie également les vôtres qui a... »

      Flagornerie bien amusante.
      Dis qui tu aime je te dirais qui tu est.

      C’est cela la sagesse populaire.


    • Et hop ! Et hop ! 9 juillet 2019 20:47

      @Fergus

      Les femmes n’étaient pas conviées à bord des équipages pour des raisons très pratiques de promiscuité, de dureté des hommes et de la vie de matelot, que ce soit dans la marine de guerre, les corsaires, les terre-neuvois, etc., d’autant plus qu’ils partaient souvent pour un an ou plusieurs années. 

      Par contre elles pouvaient tout-à-fait être passagères.

      La catégorie religieuse de pureté / impureté n’existe pas dans la civilisation européenne antique et chrétienne, c’est typiquement sémitique (cashère / tamè, halal / haram). Par contre ily a l’opposition sacré / profane (qui est inconnue du judaïsme talmudique et du protestantisme).

      Conil a été remplacé par lapin au début du XVIe siècle, donc c’est déjà ancien.


    • Fergus Fergus 14 juillet 2019 13:14

      Bonjour, Et hop !

      Ne vous laissez pas influencer par les dates : les deux éléments  promiscuité (source de querelles) et impureté (source de malheurs potentiels)  ont très longtemps cohabité dans la marine, en fait jusqu’au début du 20e siècle.

      A cet égard, je vous invité à venir cet été à Paimpol où se tiendra du 2 au 4 août la 14e édition du Festival du Chant de marin.

      Une excellente occasion de discuter avec de véritables spécialistes de la vie maritime de ce que furent la vie et les croyances des marins jusqu’à un passé récent. Personnellement, je ne raterais ce rendez-vous pour rien au monde !


    • Et hop ! Et hop ! 16 juillet 2019 13:51

      @Fergus

      La catégorie religieuse de pureté / impureté n’existe pas dans la civilisation européenne antique et chrétienne, c’est typiquement sémitique (cashère / tamè, halal / haram). Par contre il y a l’opposition sacré / profane (qui est inconnue du judaïsme talmudique et du protestantisme).

      Lisez les grandes études des folkloristes français comme Van Gennepp, la notion d’impureté de la femme, de jours, de mets, n’existe pas dans l’aire culturelle française (indo-européenne), c’est strictement sémitique (juif ou arabe)

      Si on admettait parfaitement les femmes comme passagères sur les bateaux, c’est qu’il n’y avait pas d’impossibilité ontologique les concernant.


    • Et hop ! Et hop ! 16 juillet 2019 13:56

      @Et hop !

      Ceci dit, les marins sont très superstitieux, comme le sont toujours les nomades, les chasseurs et les pêcheurs, et tous ceux dont l’existence dépend principalement de la chance et de la malchance, du fatum.


  • Alexis 8 juillet 2019 19:16

    « les pilotes ne souhaitent jamais un »bon vol« à leurs collègues car c’est réputé porter malheur »

    Après une telle connerie – je suis un ancien pilote de ligne –, inutile de continuer la lecture de ce qui doit être de l’histoire comique.


    • Nicolas Kirkitadze Nicolas Kirkitadze 8 juillet 2019 19:57

      Bonsoir @Alexis

      C’est une pratique assez répandue dans les pays d’Europe de l’Est ; elle n’est sans doute pas universelle.

      Cordialement

      Nicolas Kirkitadze


  • popov 9 juillet 2019 04:32

    Ceux qui s’intéressent aux superstitions doivent absolument lire « Le Grand et le Petit Albert » dont voici une introduction. On peut y voir un ramassis de bêtises ou un aperçu des désirs et des craintes des gens modestes de l’époque.


  • Old Dan 9 juillet 2019 05:31

    ... et de cunniculus à cunnilinctus, n’y’a que quelques lettres !


  • adeline 9 juillet 2019 12:04

    Bonjour, la vraie raison est que les bateaux ( à cette époque) embarquaient des bêtes vivantes pour la nourriture, parmi eux des lapins, les lapins ont une urine très acide et détruisent le bois, détruire le bois sur un bateau en bois, c’est dangereux.


    • John Orion 9 juillet 2019 14:36

      adeline bonjour,

      les lapins ont une urine très acide et détruisent le bois

      Effectivement, les lapinières ont souvent été faites en béton pour cette raison précise.

  • UnLorrain 9 juillet 2019 12:04

    Monsieur l’auteur,

    J’ai tapé « lagomorphe » dans google et comme je le subodorais,le lapin n’est pas un rongeur.


  • John Orion 9 juillet 2019 14:09

    Nicolas bonjour,

    Pas mal le coup du lapin pour noyer le poisson. smiley


  • Gasty Gasty 9 juillet 2019 18:27

    "le terme vulgaire ch***e designe le sexe de la femme

    « 

    Pourquoi vulgaire ? Des escalopes je veux bien mais une chatte quand même ! J’ai une chatte et j’adore la caresser, c’est doux. Que chatte désigne le sexe d’une femme, cela n’a rien de vulgaire.

    J’espère avoir choqué personne en écrivant » Chatte".


  • troletbuse troletbuse 9 juillet 2019 20:53

    Et lapine, on,peut dire, non ?


  • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 9 juillet 2019 22:43

    Les seules femmes tolérées à bord étaient en bois ,fixées à la proue pour faire peur aux esprits et autres monstres marins .

     Maintenant ceux qui pensent que les lapins pouvaient grignoter le navire ....arf ! , faut vraiment avoir l’écoute de foc coincée dans l’amure de misaine ...pfff !


  • confiture 10 juillet 2019 18:51

    La seule corde sur un navire est celle de la cloche.


  • Hufontaine 18 mai 2021 15:17

    Votre article était très intéressant, je l’ai même lu à haute voix à Pinpin mon lapin smiley (un magnifique bélier français). 


  • nono le simplet 18 mai 2021 15:28

    une femme qui pose un lapin à un mec le mène en bateau ... ça se complique ...


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