vendredi 7 octobre 2016 - par Christophe Bugeau

Primaires : avancée démocratique ou déni de démocratie ?

Primaires à droite, primaires à gauche, tout le monde veut que le futur candidat des deux camps ne soit plus désigné par les « barons » du parti mais par le Peuple tout entier. Quelle belle avancée ! Mais voilà en y regardant de plus près, l’on se rend compte que ces primaires sont surtout une manipulation pour continuer à faire perdurer un système partisan qui n’arrive pas à se renouveler !

Tout d’abord, il s’agit d’obliger à droite comme à gauche à serrer les rangs : les républicains ne se sont décidés à jouer ce jeu que pour éviter des candidatures multiples et les dissensions. Il en va de même à gauche : le PS accepte uniquement parce que François Hollande n’a plus la légitimité nécessaire pour se présenter automatiquement (gageons que sinon le PS aurait modifié ses statuts qui l’obligent à en organiser une).

Ensuite, il s’agit d’obliger les « petits » partis des deux côtés à se fondre dans la masse : là le pari est bel et bien perdu. A gauche, il est clair que ni les écolos ni Mélenchon n’accepteront d’être phagocités et à droite, la primaire de la Droite et du Centre est devenue la primaire des républicains de facto : ni le MODEM, ni l’UDI ne sont tombé dans le panneau et seul le parti radical valoisien (que personne ne connaît plus) jouera le jeu. Donc le premier tour de la présidentielle restera celui où l’on choisit. La duopolisation de la vie politique n’aura pas lieu !

Mais le piège fonctionne quand même sur deux points essentiels : jusqu’à présent, le débat de la présidentielle commençait dès le mois de septembre, or il est clair que l’espace médiatique fait, lui, l’objet d’une OPA des Républicains et du PS. Qui empêchent donc jusqu’à début décembre un vrai débat démocratique ! Une première vraie victoire pour eux !

Second point qui pose problème : le choix du candidat qui a le plus de chance d’être au second tour (hors Front National) sera monopolisé par une petite partie de la population. Il n’y a pas encore d’étude précise sur la primaire PS mais pour les Républicains, le problème se pose clairement. En dehors de l’épiphénomène des électeurs de gauche qui iraient pour éviter Sarkozy, se pose la question de la participation des centristes de Bayrou directement appelés à voter Juppé et surtout se pose la question de la composition des électeurs.

Selon un sondage du Monde et du CEVIPOF de Sciences-Po Paris, il s’agirait avant tout de personnes plus âgées que la moyenne et surtout plus favorisées : d’où le programme très libéral et très austéritaire des candidats et leur quasi-unanimité sur le plan économique. Il n’y a pas de place pour une alternative à ce niveau. Tout le monde doit se fondre dans le moule pour plaire à cet électorat.

Et c’est là l’effet pervers du système : sous un couvert démocratique l’on accentue la tendance au choix des candidats de ce même système. L’on fait perdurer les tendances dures en bloquant toute possibilité d’évolution. Au risque à terme de faire « sauter » ce même système ! 

Tendance accentuée par la volonté de bloquer au maximum le débat : la volonté partagée de la Droite et de la Gauche de gouvernement de limiter le temps de paroles des autres partis en donnant à chacun des candidats non pas le même temps de parole dans les médias mais un temps en fonction des sondages est là pour le prouver. Tout comme le souhait de ne pas envoyer les professions de foi des candidats des Présidentielles et des Législatives, sous prétexte de faire des économies. Dans les deux cas, il s’agit bien de bloquer au maximum l’expression du débat démocratique !

Mais voilà, lorsque vous tirez trop sur la corde, elle casse. Et il faut craindre qu’un blocage des urnes ne trouve un jour une réponse dans la rue ! 



5 réactions


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 7 octobre 2016 10:02

    Les primaires « de gauche » étaient en fait les primaires du PS avec un représentant d’un parti croupion.

    En 2011, le ministre de l’intérieur aurait pu interdire à un parti d’utiliser à son profit les listes électorales pour organiser une vraie fausse élection.

    Il ne l’a pas fait, pas bète, pour pouvoir utiliser la procédure au profit de son camp le moment venu.
    LR reproduisent maintenant le même schéma, rendant visible la collusion entre ces deux cartels électoraux qui considèrent l’Etat comme leur propriété privée.


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 7 octobre 2016 10:06

     « La duopolisation de la vie politique n’aura pas lieu ! »


    Vous êtes sûr ?

    C’est fait depuis longtemps !
    Le modèle anglo-américain (les saxons n’ayant rien à voir là-dedans) s’est imposé petit à petit et a pris la place du cadre français classique en écrabouillant au passage les démocrates -chrétiens (anciens MRP, giscardiens, etc...) et les communistes.

    Ce qui est rigolo, c’est que ce modèle arrive à maturité en France quand il est en train de se décomposer au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, pays dans lesquels les électeurs ont perdu leurs repères : Bush père va voter pour Clinton, la CIA aussi, et les couches poupulaires vont voter pour Trump. Les partisans du brexit sont chez les travaillistes comme chez les conservateurs, mais les opposants aussi. Tout ça va péter, mais quand et comment ? Suspense....

  • alain-aaae (---.---.98.64) 7 octobre 2016 14:06

    on va voir encore une magouille aussi bien a droite qu a gauche puisque l on pense que des gens de gauches iront voté chez les L R et que l on aura la méme chose a gauche.pour la gauche on risque de se retrouver avec HOLLANDE mais a droite on aura SARKO méme s il ,n est pas élu et juppé


  • Salade75 7 octobre 2016 16:11

    Bonjour,
    Les primaires me semblent surtout être le symptôme de la déliquescence des partis qui ne sont plus capables ni de construire des programmes, ni de faire émerger des hommes d’état.
    Sans projet ni chef de projet, il proposent alors au cours des primaires des mesurettes parfois contradictoires et des ambitieux sans envergure pour essayer de sentir le sens du vent et pouvoir se positionner dans ce sens à la présidentielle et aux législatives.
    Les électeurs, qui ne sont depuis longtemps plus des citoyens, se prêtent à ce jeu mortifère.
    Et pendant ce temps, personne ne pense à la France.

    Les partis qui dénoncent en permanence le « populisme » (proposer au peuple des sujets qui lui plaisent pour être élu), en sont finalement l’incarnation même.


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