Primaires : avancée démocratique ou déni de démocratie ?
Primaires à droite, primaires à gauche, tout le monde veut que le futur candidat des deux camps ne soit plus désigné par les « barons » du parti mais par le Peuple tout entier. Quelle belle avancée ! Mais voilà en y regardant de plus près, l’on se rend compte que ces primaires sont surtout une manipulation pour continuer à faire perdurer un système partisan qui n’arrive pas à se renouveler !
Tout d’abord, il s’agit d’obliger à droite comme à gauche à serrer les rangs : les républicains ne se sont décidés à jouer ce jeu que pour éviter des candidatures multiples et les dissensions. Il en va de même à gauche : le PS accepte uniquement parce que François Hollande n’a plus la légitimité nécessaire pour se présenter automatiquement (gageons que sinon le PS aurait modifié ses statuts qui l’obligent à en organiser une).
Ensuite, il s’agit d’obliger les « petits » partis des deux côtés à se fondre dans la masse : là le pari est bel et bien perdu. A gauche, il est clair que ni les écolos ni Mélenchon n’accepteront d’être phagocités et à droite, la primaire de la Droite et du Centre est devenue la primaire des républicains de facto : ni le MODEM, ni l’UDI ne sont tombé dans le panneau et seul le parti radical valoisien (que personne ne connaît plus) jouera le jeu. Donc le premier tour de la présidentielle restera celui où l’on choisit. La duopolisation de la vie politique n’aura pas lieu !
Mais le piège fonctionne quand même sur deux points essentiels : jusqu’à présent, le débat de la présidentielle commençait dès le mois de septembre, or il est clair que l’espace médiatique fait, lui, l’objet d’une OPA des Républicains et du PS. Qui empêchent donc jusqu’à début décembre un vrai débat démocratique ! Une première vraie victoire pour eux !
Second point qui pose problème : le choix du candidat qui a le plus de chance d’être au second tour (hors Front National) sera monopolisé par une petite partie de la population. Il n’y a pas encore d’étude précise sur la primaire PS mais pour les Républicains, le problème se pose clairement. En dehors de l’épiphénomène des électeurs de gauche qui iraient pour éviter Sarkozy, se pose la question de la participation des centristes de Bayrou directement appelés à voter Juppé et surtout se pose la question de la composition des électeurs.
Selon un sondage du Monde et du CEVIPOF de Sciences-Po Paris, il s’agirait avant tout de personnes plus âgées que la moyenne et surtout plus favorisées : d’où le programme très libéral et très austéritaire des candidats et leur quasi-unanimité sur le plan économique. Il n’y a pas de place pour une alternative à ce niveau. Tout le monde doit se fondre dans le moule pour plaire à cet électorat.
Et c’est là l’effet pervers du système : sous un couvert démocratique l’on accentue la tendance au choix des candidats de ce même système. L’on fait perdurer les tendances dures en bloquant toute possibilité d’évolution. Au risque à terme de faire « sauter » ce même système !
Tendance accentuée par la volonté de bloquer au maximum le débat : la volonté partagée de la Droite et de la Gauche de gouvernement de limiter le temps de paroles des autres partis en donnant à chacun des candidats non pas le même temps de parole dans les médias mais un temps en fonction des sondages est là pour le prouver. Tout comme le souhait de ne pas envoyer les professions de foi des candidats des Présidentielles et des Législatives, sous prétexte de faire des économies. Dans les deux cas, il s’agit bien de bloquer au maximum l’expression du débat démocratique !
Mais voilà, lorsque vous tirez trop sur la corde, elle casse. Et il faut craindre qu’un blocage des urnes ne trouve un jour une réponse dans la rue !