samedi 10 mai 2014 - par Mohamed Belaali

Qu’elle est jolie la république bourgeoise ! (acte 3)

Trafic d'influence, abus de faiblesse, favoritisme, escroquerie en bande organisée, corruption, enrichissement personnel, conflit d'intérêt, népotisme, malversation, fraudes en tout genre, achat de voix, etc. etc. Cette richesse dans le vocabulaire contraste violemment avec la misère morale et politique des dirigeants d'une République qualifiée pourtant « d'irréprochable » par les uns et « d'exemplaire » par les autres.

 

Le nombre d'hommes et de femmes politiques impliqués, à un degré ou à un autre, dans les affaires est impressionnant. Il est tout simplement impossible d'établir une quelconque liste exhaustive des scandales politico-financiers qui secouent régulièrement la tête de l'Etat. Sans remonter jusqu'aux diamants centrafricains de Giscard, on peut citer à titre d'exemples quelques noms de dirigeants

politiques empêtrés dans des affaires récentes : André Santini, Christine Boutin , Christian Blanc, Christian Estrosi, Alain Joyandet, Alain Juppé, Eric Woerth, Jérôme Cahuzac, Patrick Balkany, Claude Guéant, Serge Dassault, Jean-Michel Baylet, Jean-Noël Guérini, Jean-François Copé, Edouard Balladur, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy etc. etc.

 

Etrange démocratie où l'ex-président de la république, Nicolas Sarkozy, concentre à lui seul une demi douzaine d'affaires entre ses mains : l'affaire Tapie, l'affaire Karachi, l'affaire Bettencourt, l'affaire libyenne, l'affaire des sondages et l'affaire des écoutes téléphoniques. Malgré tous ces scandales, Sarkozy reste insaisissable par la justice. Et même ceux qui ont été condamnés, poursuivis ou inquiétés par la justice, se font régulièrement élire ! Alain Juppé reste un exemple éloquent. Mais Juppé n'est que l'arbre qui cache la forêt. Patrick Balkany, Jean-François Copé, Jean-Pierre Bechter, Maryse Joissains , Brigitte Barèges, André Santini, Gaston Flosse, Jacques Mellick, Pierre Bedier etc. ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres. Les institutions de la République, leur fonctionnement non seulement sont complices de ces agissements, mais permettent et favorisent la multiplication des opportunités de corruption et des scandales en tout genre. Que signifie dans ces conditions État de droit, démocratie, égalité, transparence, intérêt général etc. ?

 

Quel contraste entre les valeurs proclamées par la République et les pratiques réelles de ses dirigeants ! La corruption est au cœur même de la démocratie bourgeoise. Le cas Cahuzac est exemplaire à cet égard. C'est lui qui déclarait à l'Assemblée nationale et même « les yeux dans les yeux » devant le président de la République, « Je n'ai pas, et je n'ai jamais eu un compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant » avant de reconnaître posséder un compte bancaire en Suisse et frauder le fisc quelques mois plus tard !

Aquilino Morelle, ce puissant conseiller de François Hollande et ami de Jospin, de Valls, de Montebourg et de bien d'autres hommes politiques se comportait selon le site Mediapart « comme un petit marquis au Palais de l’Elysée où il abuse des privilèges de la République ». A. Morelle se faisait par exemple« cirer ses 30 paires de souliers de luxe faites sur-mesure dans un salon de l’hôtel Marigny ». Il utilisait les deux chauffeurs officiels et les secrétaires pour ses affaires personnelles et familiales. En bourgeois qui se respecte, non seulement il utilisait et méprisait le « petit personnel de l'Elysée », mais il « le terrorisait » selon Mediapart.

Aquilino Morelle, « farouche adversaire » de l'industrie pharmaceutique, travaillait, toujours selon le même site, « en cachette pour des laboratoires pharmaceutiques, y compris à une époque où il était censé les contrôler ».

 

Jérôme Cahuzac, Aquilino Morelle, voilà les hommes avec lesquels le chef de l'Etat travaillait en étroite collaboration pour mener à bien une politique de classe dans le cadre de sa « République exemplaire » ! Cette politique n'est que le prolongement de celle imposée par Nicolas Sarkozy dans sa « République irréprochable ».

 

Que peuvent attendre encore les masses populaires de cette République corrompue dont les dirigeants possèdent de larges pouvoirs discrétionnaires qui leur procurent des privilèges matériels et symboliques pour leur propre compte ou pour celui de leur organisation politique ? Ces « bénéfices » sont en quelque sorte une récompense octroyée par la bourgeoisie à ses serviteurs zélés et dévoués.

Ce zèle et ce dévouement se traduisent concrètement par une politique de paupérisation systématique des classes populaires et par l'enrichissement d'une minorité de puissants. Le chômage et la précarité explosent comme les inégalités économiques et sociales. Et la destruction de l'économie de tout un pays se poursuit inlassablement. Même les retraités les plus pauvres qui survivent avec des pensions de misère doivent contribuer à cet effort gigantesque d'enrichir encore et encore industriels, banquiers et autres spéculateurs. Hollande, Valls, Montebourg et tout le Gouvernement au lieu de nationaliser les grandes entreprises (Safran, ArcelorMittal, Alstom etc. ) qui emploient des dizaines de milliers de travailleurs et préserver ainsi l'emploi, préfèrent les brader aux actionnaires dont le seul et unique objectif est de faire le maximum de profit avec le minimum de salariés possible. Et c'est Hollande lui-même qui disait « l’État n'a pas à se substituer à l'initiative privée, car ce sont les industriels qui connaissent les marchés, les clients, les technologies. Il lui revient de définir un cadre, d'accompagner et de stimuler » (1). Il aurait pu tout aussi bien dire que le gouvernement « n'est qu'un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise toute entière » (2) confirmant ainsi, sans le vouloir, ce que Marx et Engels avaient écrit il y a longtemps !

 

On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle du capitalisme sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Les lois et les mesures prises pour lutter contre la corruption ne sont que des paravents derrière lesquels la bourgeoisie dissimule ses forfaits. Le problème n’est donc pas l’existence de la corruption, des scandales financiers, des affaires et autres privilèges, mais celle du capitalisme qui les engendre. Il y a eu dans le passé des scandales, il y a aujourd’hui des scandales et il y aura dans l’avenir d’autres scandales tant que ce système existe. Le véritable scandale, c’est le capitalisme lui-même.


 

Mohamed Belaali

http://www.belaali.com/

 

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(1) http://www.gouvernement.fr/gouvernement/34-plans-de-reconquete-pour-dessiner-la-france-industrielle-de-demain

 

(2) K. Marx et F. Engels dans le « Manifeste du parti communiste ». Editions en langues étrangères, Pekin, page 35.

 



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