mercredi 6 novembre 2019 - par VICTOR Ayoli

Qu’est-ce qui vous ferait plaisir, docteur ?

Depuis ce matin, on entend, dans les machines à bruit, les conclusions d’une étude menée par des médecins, chercheurs et ingénieurs à l’université et au CHU de Rennes. Etude publiée non pas en France mais… ce mercredi 6 novembre dans la revue scientifique britannique British Medical Journal !

Il en résulte que les médecins généralistes français qui reçoivent des cadeaux des laboratoires pharmaceutiques ont tendance à faire «  des prescriptions plus chères et de moindre qualité  ». Et, à l’inverse, que ceux « qui ne reçoivent aucun avantage de la part de l’industrie pharmaceutique sont associés en moyenne à de meilleurs indicateurs établis par l’Assurance Maladie quant à l’efficacité de leurs prescriptions, et celles-ci coûtent globalement moins cher  ». C’est quoi ces cadeaux ? Ben ça peut aller d’un bon gueuleton offert à une invitation à un congrès sus les palmiers. Ça crée des liens de sympathie… et de renvoi d’ascenseur !

Eh, attention, pas d’amalgame, pas de stigmatisation ! Ces résultats ne démontrent pas de lien de cause à effet mais « renforcent l’hypothèse selon laquelle l’industrie pharmaceutique peut influencer les prescriptions des médecins généralistes » disent les auteurs de l’étude qui rajoutent, que « cette influence, parfois inconsciente chez les médecins, peut conduire à choisir un traitement qui n’est pas optimal, au détriment de la santé du patient et du coût pour la collectivité  ». L’étude met aussi en évidence qu’«  en moyenne  », « le groupe de médecins n’ayant reçu aucun avantage […] est associé à des prescriptions moins coûteuses, plus de prescriptions de médicaments génériques par rapport aux mêmes médicaments non génériques  » (pour trois types de médicaments), «  moins de prescriptions de vasodilatateurs et de benzodiazépine pour des durées longues  », dont l’usage est déconseillé par l’Assurance Maladie.

Et comment ils ont trouvé tout ça les chercheurs de Rennes ? Ben, ils ont croisé deux bases de données  : la première est le portail Transparence Santé, sur lequel doivent être déclarés tous les «  liens d’intérêt  » des professionnels de santé, et notamment les équipements, repas, frais de transport ou d’hôtel offerts par des entreprises du secteur (laboratoires pharmaceutiques, fabricants de dispositifs médicaux, etc.), à partir d’un montant de 10 €. La seconde base est le Système national des données de santé (SNDS) qui recense consultations, actes médicaux, prescriptions de médicaments et hospitalisations remboursés en conservant l’anonymat des assurés. L’étude concerne les prescriptions de 41 000 médecins généralistes (sur 102 000), ce qui lui donne une fiabilité.

Les labos pharmaceutiques dépensent 27 % de leurs CA pour la promo, plus que pour la recherche. Les dépenses marketing, comprenant également les frais d’administration, ont atteint 276,1 milliards de dollars en 2014. Les dépenses de recherche et développement des 131 plus gros laboratoires pharmaceutiques mondiaux se sont élevées à 135 milliards de dollars en 2014 d’après les chiffres exclusifs de GlobalData Health. 14 % de leur CA voir http://www.pharmaceutiques.com/phq/mag/pdf/phq138_36_dossier.pdf

Deux fois plus de fric pour inciter la population à acheter des médicaments que pour chercher et développer des médicaments nouveaux et efficaces !

Sacrés labos, va ! Tous les laboratoires pharmaceutiques ont mis en place des doubles et triples comptabilités. Si cette pratique est légale (? !), elle a pour but de rendre impossible la moindre visibilité.

La première comptabilité est destinée au fisc et abaisse le bénéfice fiscal par des politiques d’optimisation et de prix de transferts insultant la raison. La deuxième est pour le management local, et permet uniquement de suivre les dépenses (marketing, promotion…) et les ventes. La dernière est pour le groupe, qui suit et pilote ses marges réelles sur les produits vendus partout dans le monde avec une extrême attention. Ces marges réelles, produit par produit ne sont pas rendues publiques. Secret des affaires, vous répondra-t-on. Mais quand votre unique client est la Sécurité sociale qui a financé des années de bénéfices record et que vos produits sont achetés pour sauver des vies, cette opacité est-elle justifiable ?

Pour se faire une idée de la profitabilité globale d’un laboratoire, il est possible de regarder leur rapport annuel, public et disponible sur internet en quelques clics : on pourra constater que l’industrie pharmaceutique est plus rentable que la banque, les télécoms, la finance, le luxe, l’énergie. Ces profits sont ceux réalisés après financement de la R & D (largement subventionnée avec nos sous en France), et ne servent qu’à la rémunération des actionnaires ou au rachat de concurrents, et non au financement de la recherche, comme veulent le faire croire les laboratoires dans leur communication publique.

Tè, c’est à vous dégoûter d’être malade…

 

Sources :

https://www.francetvinfo.fr/sante/medicament/les-medecins-recevant-des-cadeaux-des-laboratoires-pharmaceutiques-font-des-prescriptions-plus-cheres-et-de-moindre-qualite-d-apres-une-etude_3690753.html

https://rmc.bfmtv.com/emission/ils-prescrivent-plus-et-moins-bien-ce-que-l-on-sait-des-medecins-qui-recoivent-des-avantages-des-laboratoires-pharmaceutiques-1800390.html

https://www.alternatives-economiques.fr/labos-pharmaceutiques-champions-de-lopacite/00082283#footnote2_27j0dba

https://www.alternatives-economiques.fr/labos-pharmaceutiques-champions-de-lopacite/00082283#footnote2_27j0dba

www.journaldunet.com/economie/sante/1162469-les-laboratoires-pharmaceutiques-qui-depensent-le-plus-en-r-d-et-marketing/

https://www.transparence.sante.gouv.fr/flow/main ; jsessionid = AFA4D0067D3422D35C04AF96CE0AFF65 ? execution = e1s1

 

Illustration : merci à Frizou



22 réactions


  • Elixir Elixir 6 novembre 2019 13:29

    Encore une nouvelle qui va faire pschitt... On attend malgré tout le commentaire du ministre de la santé... qui fait d’ailleurs probablement partie des gens qui ont aussi reçu eux-mêmes des cadeaux..


    • doctorix, complotiste doctorix 6 novembre 2019 20:33

      @Elixir
      Il y a 20 ans que je ne reçois plus les labos (sauf Boiron).
      Les voyages, connais pas.
      Les repas de labo non plus, sauf Boiron mais il faut se farcir 90 minutes de cours avant de gagner un de ces repas bobos branchés pour liliputiens. Cher payé, je vous le dis.
      Quant aux préconisations de la Sécu, je m’assieds dessus, en particulier les vaccins, les statines (et à moindre de gré les irradiations à répétition diverses).
      Les cadeaux sont en fait interdits, mais il est vrai que certains contournent.
      J’ai un souvenir d’une caisse de vin pas terrible il y a trente ans, pour une étude sur un antihypertenseur, assez longue.
      Je n’ai jamais pratiqué le moindre dépassement d’honoraires.
      Beaucoup de clichés dans cet article donc, concernant sans doute bien peu de médecins (à part certainement les spécialistes).
      On ne parle que des trains qui sont en retard.


    • Elixir Elixir 7 novembre 2019 08:36

      @doctorix

      "2 527 854 cadeaux
      soit 244 572 645
      entre janvier 2012 et juin 2014
      235 455 contrats
      soit XXX XXX XXX
      entre janvier 2012 et juin 2014"

      le montant des contrats est caché, car il est bien plus élevé que les cadeaux, qui sont simplement de l’argent de poche pour les médecins.

      Toutes les spécialités sont touchées. La corruption est la norme, la déontologie une exception.

      "Qu’est-ce qu’un contrat ?

      Un contrat ou convention a pour objet l’achat de biens ou de services entre entreprises et professionnels de santé comme défini par les articles L. 441-3 et L. 441-7 du code de commerce et précisé dans le décret du 21 mars 2013.

      Dans la réalité, la frontière entre contrats et cadeaux est en fait très floue : un laboratoire peut tout aussi bien déclarer une invitation à un congrès comme un cadeau ou comme un contrat. Un laboratoire ne souhaitant pas publier le montant de certains cadeaux peut donc aujourd’hui les déclarer comme contrats plutôt que comme des « avantages »."

      http://www.regardscitoyens.org/sunshine/

      Selon Capital qui a recueillit des fuites de bayer un contrat irait de 10 000 à 70 euros * 232 000 contrats signés toute entreprise confondue= environ 10 milliards sur une période de deux ans(calculs grossiers).

      https://www.capital.fr/economie-politique/les-laboratoires-pharmaceutiques-qui-arrosent-le-plus-les-medecins-et-les-medecins-les-plus-arroses-1020396


    • Elixir Elixir 7 novembre 2019 08:38

      @Elixir
      erratum : 10 000 à 70 000 euros


    • _Ulysse_ _Ulysse_ 7 novembre 2019 10:29

      @Elixir

      Ce serait intéressant de savoir d’où vous sortez ces chiffres car franchement vous rêvez à vos fantasmes là. smiley

      Je comprend bien que beaucoup de gens croient forcément que les médecins ne prescriraient que des produits sur lesquelles en gros ils toucheraient des rétro commissions.

      Les médecins sont comme toute personne et connaissant la nature humaine, ce risque existe et concerne tout le monde, pas que les médecins smiley mais certains détails viennent empêcher cela :

      -Les médecins sont en France pour la très grande majorité conventionnés, ils dépendent de la sécu et sont contrôlés par celle-ci. Les contrôles sont faits sur le volume de prescriptions, médicament par médicament et sur les volumes d’arrêt de travail également. Après la sécu contrôle plus ou moins selon les spécialités les régions etc. Mais je peux vous assurer que ces contrôles sont bien réels et parfois excessifs même allant jusqu’à vouloir interdire ou presque certaines prescriptions uniquement dans un but de faire des économies.

      -Les médecins ont une responsabilité pénale réelle, ils ne peuvent donc pas faire n’importe quoi non plus. Comme prescrire de mauvais produits à leur patients ou autre. En gros faire des erreurs médicales volontaires.

      -Il y a également des contrôles sur les cadeaux d’affaire qui aujourd’hui sont quand même très limités. A moins que les stylos et calendriers soient de trop.

      Connaissant le monde des affaires, je peux vous assurez que là par contre il y a beaucoup à dire. Dans les grandes entreprises, la plupart des salariés qui ont un pouvoir de signature l’échange contre monnaie et cadeaux sans remords aucun.
      Certains harcèlent littéralement les fournisseurs pour toucher des cadeaux.


  • foufouille foufouille 6 novembre 2019 13:45

    Les médecins n’ont plus le droit de recevoir des gros cadeaux, c’est con.


    • foufouille foufouille 6 novembre 2019 17:07

      @astus

      je sais mais ce n’est plus le cas sauf rarement avec grosse magouille. le visiteur médical était souvent une femme mignonne .........


  • _Ulysse_ _Ulysse_ 6 novembre 2019 13:53

    En France et c’est tant mieux il y a peu de cadeaux faits par les labos aux médecins et c’est tant mieux.Il y a d’ailleurs des lois qui ont été faites et des contrôles mis en place.

    Il reste néanmoins une exception, ce sont les cardiologues qui sont très courtisés par les labos. La raison est simple, ce sont les plus gros prescripteurs de produits sur le longs termes, c’est ce qui rapporte le plus aux labos.

    La différence de traitement est vraiment importante et laisse à penser que les labos ont négocié cette exception avec le gouvernement.

    La plupart des critiques faites aux labos dans cet article et en général viennent principalement du fait que ce sont des sociétés privées.

    Effectivement, on pourrait tout à fait imaginer d’avoir en France un labo public. 

    D’ailleurs cette question des « cadeaux d’affaire » existe dans tout le business B to B en général. Si vous croyez que la plupart des appels d’offre sont gagnés grâce à la qualité de la réponse, vous êtes bien naïf. smiley

    Par contre, une remarque à l’auteur vous avez l’air de considérer que l’assurance maladie fait des recommandations qui seraient indiscutables et basées que sur des questions médicales mais vous faites erreur.

    L’assurance maladie est sous pression pour réaliser des économies et ces dernières années, les recommandations de celles-ci sont bien souvent plus guidées par un objectif de réaliser des économies que dans l’intérêt des patients.


  • stef 6 novembre 2019 15:32

    en marge de cette discussion, comment se fait il qu’il soit impossible d’avoir un ticket de caisse en pharmacie sauf si on le demande expressément et on voit bien que ça les emmerde.

    Y a til un autre commerce ayant pignon sur rue avec une telle attitude ?


  • robert 6 novembre 2019 19:00

    étonnant, j’avais un lien sur les déclarations des médecins, celui-ci a disparu....


  • rogal 6 novembre 2019 21:35

    Des nationalisations couteraient cher, mais seraient vite remboursées.


  • zygzornifle zygzornifle 7 novembre 2019 08:43

    ikikikik

    J’ai failli crever a cause de mauvais diagnostics et en plus je me suis fait soigner pour une maladie que je n’avais pas , balance ton toubib , il y a une liste des mauvais payeur , les assurances en ont une aussi a quand celle des bras cassés de la médecine , c’est une question de vie et de mort pour les patients .....


  • Le421... Refuznik !! Le421 7 novembre 2019 08:51

    Comment se fait-il, nous qui sommes si prompts à copier les anglo-saxons, que le conditionnement ne soit pas fait par les pharmaciens en fonction de la prescription ?

    3 cachets par jour pendant 5 jours, ça donne 15 cachets.

    C’est con, ce sont des boites de 12 !!

    Donc, 2 boites et 9 cachets qui vont croupir dans la pharmacie maison.

    Et tout bénèf’ pour les labos.

    Le pire scandale est pour les dosettes, genre éosine. On n’utilise généralement que le dixième du flacon et on en fiche 90% en l’air.

    Et tout à l’avenant.


    • kirios 7 novembre 2019 10:43

      @Le421
      "Le pire scandale est pour les dosettes, genre éosine. On n’utilise généralement que le dixième du flacon et on en fiche 90% en l’air."
      le pire scandale est que la recherche et la commercialisation médicale est entre les mains du privé,.... et le privé, vu le marché , commercialise a des prix prohibitifs (ce qui fout la ss en l’air)


  • lala rhetorique lala rhetorique 7 novembre 2019 09:22

    Tout commence au niveau des études de médecine. Les laboratoires sont en contact permanent avec les étudiants et internes. Les accords sont donc pris avant que l’étudiant ne devienne médecin..... La médecine a perdu sa vocation, et depuis bien longtemps ! Avant, dans les grandes familles cathos, le sort de chaque enfant était décidé dès sa naissance : untel serait notaire, l’autre entrerait au séminaire, et un autre serait médecin, un autre encore militaire de carrière. Aujourd’hui, on choisit un métier par rapport à ce qu’il rapporte financièrement. Mais il y a peut-être une solution entre les deux cas !


    • _Ulysse_ _Ulysse_ 7 novembre 2019 13:21

      @lala rhetorique

      Vous en savez des choses smiley.
      C’est sur les gamins de 18 ans en première année sont en contact étroit avec Bayer et Sanofi. Si cela peut vous amuser de penser ça, libre à vous !


    • spearit 7 novembre 2019 20:30

      @_Ulysse_
      Enlever votre masque à la con, vous verrez mieux...
      Vous croyez que les labos s’intéresse qu’aux médecins proche de la retraite...
      Le programme entier dans les facs est contrôlé par les labos
      zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz


  • titi titi 7 novembre 2019 09:57

    @L’auteur

    Pour la première fois depuis des décennies, la croissance du PIB de l’Inde ne dépassera pas les 5% par an...

    Pour quelles raisons ? Simple. Le gouvernement a décidé de supprimer les grosses coupures pour limiter l’économie souterraine en pensant très naïvement que cela allait doper l’économie « visible ». Raté.

    Les médecins n’ont plus le droit de recevoir des cadeaux. Ils sont désormais payés en « dématérialisé », fini le cash.

    Et on s’étonne qu’il y ait de moins en moins de vocations.

    Moi je ne suis pas médecin, mais je pense qu’une cure de Juvamine ferait bien du bien à nos décideurs (qui eux reçoivent toujours des cadeaux et du cash)


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