mercredi 23 mars 2016 - par Tagne Foko Michel

Quand certains choisissent leurs mots

Le dictionnaire donne la définition de chaque mot, mais chacun le comprend comme il peut. Après maintes réflexions, je constate qu’on ne vous dira jamais, ou presque jamais, qu’Alain Mabanckou fait de la littérature française. Non, on n’entend pas ce genre de chose. On vous dira qu’il fait de la littérature francophone. Ce qui est par ailleurs juste, puisque c’est une littérature issue de la francophonie. Ce n’est en rien avec le fait qu’il soit d’origine congolaise et qu’il écrit très souvent sur Pointe-Noire. Même si on sait qu’il est aussi de nationalité française, c’est de la littérature francophone qu’il fait. Nous sommes tous d’accord là-dessus. Aucune personne n’a, à ma connaissance, dit le contraire de ce que j’écris. Même aux États-Unis, il enseigne la littérature francophone à l’université de Los Angeles et non pas la littérature française.

 

Tout devient un peu compliqué, quand on change l’appellation quand il s’agit d’Amélie Nothomb, Marc Levy, Maxime Chatham, David Foenkinos, etc. On ne vous dira jamais, presque jamais, qu’ils font de la littérature francophone. Non, ce genre de chose, ça ne se dit pas. On vous dira qu’ils font de la littérature française. Oui, de la littérature française. Même si l’un vous parle du Japon, l’autre des États-Unis, de l’Allemagne, etc. On vous dira qu’ils font de la littérature française. Où se trouve l’erreur ??? Où se trouve la différence entre « francophone » et « française » ? Comment place-t-on ces mots ? Autant de questions !

Il paraît que la littérature dite « francophone » est un peu exotique, que les auteurs de nationalité française n’aiment pas trop cette catégorie, qu’ils refusent d’être pris pour des étrangers. Oui, refusent d’être pris pour des étrangers, parce qu’ils disent que l’exotisme se marie très souvent avec lointain. La grande majorité d’auteurs ne connaît pas l’espace francophone dans le monde et refuse que leur nom y soit associé ! Il paraît qu’il est plus facile de dire qu’Alain Mabanckou est « exotique », puisqu’il vient du Congo et écrit très souvent sur l’Afrique et les Africains. Un écrivain très célèbre m’a même dit que c’était très évident. 

 

Je tiens à préciser que j’ai pris le cas Mabanckou parce qu’il vient de faire son entrée au très prestigieux Collège de France, où il a été admis à la chaire annuelle de création artistique, et que bon nombre de personnes espèrent que c’est pour ses compétences et non pas pour un peu d’exotisme qu’ils l’ont opté.



6 réactions


  • Clark Kent M de Sourcessure 23 mars 2016 16:03

    Bravo pour cette finesse d’analyse.


    Votre article m’a fait penser à une série de questions d’un jeu télévisé que j’ai regardé récemment. Le thème de ces questions était : « les expressions francophones ». Et je n’ai pu répondre à aucune question. Il s’agissait d’expressions utilisées au Canada, en Suisse, en Belgique, en Afrique, aux Antilles mais pas en France métropolitaine.

    J’en ai déduit que le sens du mot « francophone » avait glissé à mon insu et ne signifiait pas « d’expression française », mais « qui n’est pas compris par les Français vivant en métropole » !

    Il n’est pas exclu qu’il s’agisse d’une utilisation « politiquement correcte » destinée à voiler des appellations inacceptables comme : néocolonial, d’outre-mer, pittoresque ou coloré ?

  • Legestr glaz Ar zen 23 mars 2016 16:21

    La question qu’il convient de se poser est celle de savoir si Alain Mabanckou maitrise plusieurs langues ? A t-il une langue d’usage autre que le Français, le lingala par exemple ? Si c’est le cas, vous avez votre réponse. Il est un écrivain (de grand talent) francophone puisqu’il a « choisi » cette langue pour s’exprimer dans ses ouvrages. Il pourrait très bien le faire dans une autre langue, ce qui n’est pas le cas des autres auteurs que vous avez cités.

    Quand vous écrivez : « Je tiens à préciser que j’ai pris le cas Mabanckou parce qu’il vient de faire son entrée au très prestigieux Collège de France, où il a été admis à la chaire annuelle de création artistique, et que bon nombre de personnes espèrent que c’est pour ses compétences et non pas pour un peu d’exotisme qu’ils l’ont opté. »

    Que voulez vous exprimer ? Il y a un sous-entendu que vous devriez développer.


    • Clark Kent M de Sourcessure 23 mars 2016 16:26

      @Ar zen

      Et vous Ar Zen ?
      Ne penseriez-vous pas à une forme masquée de discrimination positive ?

    • Legestr glaz Ar zen 23 mars 2016 16:54

      @M de Sourcessure

      Il pourrait être extrêmement difficile de se positionner sur cette question . Alain Mabanckou est un écrivain de talent, mais il est bien plus que cela. Il est ce que j’appelle un passeur de mots et d’idées. Il est transculturel.

      Je vous donne donc ma réponse. Je pense qu’il a été nommé au collège de France pour ses compétences intrinsèques. J’ai la faiblesse de le croire.


  • MagicBuster 23 mars 2016 16:50

    @Auteur
    On peut facilement vous lire, mais que voulez-vous dire ?
    Un Francophone.


  • Croa Croa 24 mars 2016 15:18

    Bon, j’en conclu que La Fontaine ne faisait pas de la littérature française puisque ses mots, parfois d’inspiration régionale et très souvent vieillots, ont assez peu à voir avec le français. C’est n’est donc que de la littérature francophone !
    ...
    J’ai juste ? smiley 


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