mardi 27 octobre 2020 - par PETINOS

Quand les intérêts passent, le droit trépasse

Je commence mon papier d’aujourd’hui par des larges extraits de l’article d’Alexia Kefalas, publié dans Le Figaro du 27 octobre et intitulé : « La Grèce en quête d’appuis pour résister aux assauts turcs. »

La journaliste dit notamment : « Depuis quelques mois déjà, les cyberattaques des « hackers » turcs envers des sites officiels grecs sont quotidiennes. Presque toutes les institutions sont touchées par cette « méthode turque », de la Vouli (le Parlement), au site du ministère des Affaires étrangères en passant par le Centre de recherche de l’université de Crète et, même, les services secrets. (…)

Les raids menés dans l’univers virtuel se doublent d’interférences concrètes dans les espaces maritime et aérien grecs. Ainsi, depuis le 27 novembre 2019, Ankara a signé avec Tripoli un accord - jugé illégal par les instances internationales - pour le tracé d’une zone économique exclusive (ZEE) entre la Libye et la Turquie, qui englobe certaines îles grecques parmi lesquelles la Crète, Kastellorizo et le sud de Rhodes. Largement dénoncé par Athènes et l’Union européenne, cet accord reste pourtant en vigueur. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’en prévaut en permanence pour envoyer ses navires de recherches en mer Égée, dont les fonds sont riches en hydrocarbures.

« C’est la période de tension la plus longue avec la Turquie dans l’histoire moderne. Et c’est de plus en plus risqué. À la rhétorique belliqueuse d’Ankara s’ajoutent les bâtiments de guerre turcs qui escortent, toutes les semaines, le navire de recherche Oruç Reis en menaçant l’espace maritime grec », souligne Angelos Syrigos, député conservateur de Nouvelle Démocratie et professeur de relations internationales. (…)

Lundi, Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, se trouvait à Athènes pour 24 heures. Une visite remarquée, alors que les relations entre la Grèce et la Russie n’étaient pas au beau fixe depuis 2018, avec l’expulsion de deux diplomates russes de Grèce. « Mais Moscou en veut à Ankara pour son implication dans le conflit du Haut-Karabakh. Ankara soutient ouvertement l’Azerbaïdjan contre la Russie et l’Arménie. N’oublions pas que la Turquie, même si elle ne le reconnaît toujours pas, fut responsable de l’un des plus importants génocides du XXe siècle, celui des Arméniens. C’est comme si l’Allemagne soutenait un allié dans une guerre contre Israël », dénonce Angelos Syrigos. (…)

 « Erdogan sait que l’Union européenne ne se résoudra pas facilement à prendre des sanctions. Six pays, dont l’Allemagne et l’Espagne, qui ont des intérêts divers et spécifiques, rechignent. Il y a donc une forte responsabilité européenne dans ce dossier », souligne encore Angelos Syrigos. »

La fuite en avant du sultan d’Ankara ne surprend plus personne. La région de la Méditerranée orientale jusqu’au Caucase est en feu par la volonté du néo-ottoman Erdogan qui se compare déjà à Soliman, dit le Magnifique, qui a dirigé l’Empire ottoman durant son apogée.

Ayant réglé le sort d’Atatürk, en effaçant de la vie turque tout ce que le fondateur de la Turquie moderne a fait, Erdogan aspire à dépasser également son idole Soliman, en devenant le calife du sunnisme et néo-sultan de la Turquie avec une projection de puissance vers l’extérieur. Son rêve : redonner à la Turquie sa gloire d’antan et une place centrale dans le monde du 21e siècle.

Cependant, dans sa mégalomanie le néo-sultan oublie, que la Turquie ne possède pas les moyens économiques, scientifiques ou militaires pour dominer la région anciennement ottomane, en évincer les grandes puissances et devenir elle-même une grande puissance. Elle instrumentalise les djihadistes, s’attaque aux plus faibles, collabore avec des régimes autoritaires et corrompus afin de satisfaire l’égocentrisme de son président qui a élevé au rang de science le culte de la personnalité, se drapant des couleurs du nationalisme le plus abject et de l’islam politique le plus rétrograde.

 Et l’Europe de la mondialisation, drapée dans ses couleurs néolibérales matinées d’ordolibéralisme allemand, siffle indifférente : « Tout va bien, pourvu que l’Allemagne s’enrichisse et que l’ordre règne ! »

Bien évidemment, de temps à autre, on rappelle à l’insolent grand turc qu’il ne doit pas franchir certaines limites sinon on va réfléchir à la manière de réfléchir à des sanctions. Des sanctions ? Oui, des sanctions mais qui, pour être efficaces demandent réflexion. Donc, on établira une Commission pour réfléchir aux sanctions. Mais, comme le sujet est délicat, la Commission nommera des sous-commissions pour réfléchir chacune dans un domaine spécifique, aux propositions éventuelles de sanctions ciblées ou pas, politiques ou pas, économiques ou pas. Mais, pour que les sous-commissions puissent travailler en pleine connaissance de cause, elles engageront des spécialistes, qui se pencheront, chacun dans son domaine, sur une problématique spécifique, dans des séminaires dédiés…

L’Europe allemande travaille pour votre bien et pour votre protection et prospérité ! Arrêtez de dire qu’elle ne fait rien ! La preuve : tout le travail accompli, détaillé juste au paragraphe précédent ! Bande d’ignares et de bons à rien !

* Dernière minute : A l’annonce d’éventuelles sanctions des États-Unis contre la Turquie, si cette dernière procède à l’activation du système russe S-400, Erdogan a répondu : « Mettez toutes les sanctions que vous voulez. Nous sommes la Turquie, nous n’avons pas peur ! »



3 réactions


  • Clark Kent Séraphin Lampion 27 octobre 2020 12:40

    «  Nous sommes la Turquie, nous n’avons pas peur ! »

    Ça me rappelle cette communication radio en Octobre 1995 entre un bateau de l’US Navy et les autorités canadiennes au large de Terre- Neuve :

    Américains : Veuillez vous dérouter de 15 degrés Nord pour éviter une collision. à vous.

    Canadiens : Veuillez plutôt vous dérouter de 15 degrés Sud pour éviter une collision. à vous.

    • Ici le capitaine d’un navire des forces navales américaines. Je répète : veuillez modifier votre course. à vous.
    • Non, veuillez vous dérouter, je vous prie. à vous.
    • Non, veuillez vous dérouter, je vous prie.à vous.
    • Ici, c’est le porte-avion USS Lincoln, le second navire en importance de la flotte navale des Etats-Unis d’Amérique.Nous sommes accompagnés par trois destroyers, trois croiseurs et un nombre important de navires d’escorte. Je vous demande de dévier de votre route de 15 degrés Nord ou des mesures contraignantes vont devoir être prises pour assurer la sécurité de nos navires. à vous.
    • ici, c’est un phare. à vous.
    • silence.

    • ZenZoe ZenZoe 28 octobre 2020 11:17

      @Séraphin Lampion
      Parait que c’était un hoax, mais allez savoir, ça sonne tellement vrai...


  • ZenZoe ZenZoe 28 octobre 2020 11:21

    Sinon, à chaque fois qu’on parle de la Turquie et de l’Europe, je pense à la phrase de Churchill sur la guerre et le déshonneur...


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