Que vaut la vie d’un homme (ou d’une femme) ?
Au-delà de l’aspect tragique de la catastrophe de l’A320 et du respect que l’on doit à la mémoire des victimes et à leurs familles, on peut se poser quelques questions sur les dérives que cette affaire encore chaude a déjà connues.
Le BEA n’a encore rien communiqué, mais l’instruction est violée impunément par le New York Times et le Bild ... Pourtant le général de gendarmerie chargé de l’enquête dit ne pas écarter deux autres pistes : la faute involontaire ou la défaillance technique. Or il s’agit là d’un enjeu de taille, car l’indemnisation ne sera pas la même si c’est l’une ou l’autre des versions qui est retenue. En effet, si le suicide est reconnu, l’indemnisation ne dépassera pas 127.000 euros par décès (accords de Montréal), alors que si la compagnie est responsable l’indemnisation pourrait atteindre les sommes versées lors de l’accident du concorde soit 1.000.000 d’euros par décès. On comprend que les compagnies d’assurances et la compagnie aérienne aient tout intérêt à accumuler les preuves et les témoignages allant dans le sens de la folie d’un déséquilibré : les ordonnances, les médicaments, les révélations de l’ex petite amie (sans parler de la dérive d’extrême-droite affirmant que le co-pilote suicidaire se serait converti à l’Islam)
Or, cette catastrophe doit incomber de toutes façons à la compagnie aérienne qui n’aurait pas su apprécier le niveau de compétence de son personnel si la version qui prévaut actuellement s’avérait être la bonne. S’il y a incompétence, elle se situe au niveau de la hiérarchie (recrutement, logistique, ordres de mission) qui doit savoir évaluer les missions à réaliser et à qui elles doivent être confiées.
Mais les avocats et les compagnies d’assurances sont prêts à toutes les subtilités d’argumentations pour éviter d’indemniser les familles des victimes. Les uns et les autres ont une idée toute particulière de ce qu’est la valeur économique d’une vie humaine.
Déjà, après de l’attentat contre le Boeing 747 de la Pan Am abattu au-dessus de Lockerbie en Ecosse en 1988, La Libye avait accepté de verser une compensation de 2,7 milliards de dollars pour les familles des 270 victimes. Puis après l’attentat contre un avion français, vol UTA 772 en 1989 qui a explosé au-dessus du Niger la même Lybie avait conclu un accord avec la France pour indemniser les familles des 170 victimes. La France a affirmé que la somme proposée aux victimes de Lockerbie était supérieure à celle proposée aux familles des victimes du DC-10 d’UTA. La France a alors sommé la Libye de verser les indemnités supplémentaires de 34,3 millions de dollars qu’elle a dégagés au profit des familles des 170 victimes.
Ces péripéties sordides ont tendance à être évacuées des mémoires, mais elles sont historiques. Chacun essaie de passer la patate chaude : les états font tout pour que l’affaire soit de l’ordre du privé et les compagnies font tout pour qu’il s’agisse d’un cas personnel.