Quel est le projet présidentiel de François Bayrou pour l’EMPLOI ?
Le sujet du chômage, de la création d’emploi, devrait être le thème essentiel de la campagne. Malheureusement, les sujets de diversion fleurissent et l'emploi est insuffisamment traité par la presse et par les médias. Que proposent les candidats et sont-ils crédibles ? Après avoir analysé les propositions pour l'emploi de Nicolas Sarkozy (un vide sidéral !) et les propositions de François Hollande (un chèque en bois !) passons à celles de François Bayrou. Nous poursuivrons ce feuilleton avec Jean-Luc Mélenchon puis Marine Le Pen.
En 2007, François Bayrou faisait une analyse critique[1] des dérives de la financiarisation de l’économie et d’une mondialisation insuffisamment régulée, dénonçant le modèle américain générateur d’inégalités croissantes, qui s’imposait de plus en plus à l’Europe : le modèle de la loi du plus fort, d’une compétition à outrance au détriment de la coopération. Il rejoignait par certains côtés l’analyse de Jean-Luc Mélenchon. Mais à la différence de ce dernier, il ne rejette pas la mondialisation, le capitalisme, le libre-échange, la finance, l’Europe ... Il ne cherche pas à expliquer les causes de nos maux, du chômage, de la dette, par des causes extérieures dont il suffirait de désigner des coupables et donc de s’attaquer à eux pour résoudre nos difficultés. Il est plus nuancé dans l’analyse et dans une posture responsabilisante : regardons vraiment ce qui nous a conduits où nous sommes, comparons l’Etat dela France à ceux d’autres pays et surtout, quelles sont les solutions réalistes, des remèdes attaquant les causes et non les symptômes, des actions qui dépendent vraiment de nous, gouvernants, entreprises et citoyens, sans attendre des solutions utopiques, une réorganisation de la gouvernance mondiale, la fin du capitalisme etc.
Même s’il dénonce l’aggravation des inégalités et prône plus de justice, sa première priorité est l’emploi. C’est par la création d’emplois, de vrais emplois créateur de valeur ajoutée et non d’emplois subventionnés creusant le déficit, c’est par la conquête de marchés grâce à l’innovation, grâce l’amélioration de l’image de marque de la France, à la qualité de ses produits et services, c’est par l’amélioration de sa balance commerciale extérieure, à la fois par une hausse des exportations et une baisse des importations, quela France pourra véritablement sortir de l’impasse économique dans laquelle elle se trouve.
Tout se tient : commerce extérieur, déficit et dette, chômage, retraites. François Bayrou démontre notamment que l’aggravation du déficit commercial extérieur de la France[2], entamée depuis 2003, serait une cause majeure du chômage et de l’aggravation du déficit public. En effet, le déficit de notre balance commerciale atteignant 70 milliards en 2011, François Bayrou remarque que ce montant correspond à l’équivalent du montant des salaires charges comprises de 3 millions d’emplois, soit l’équivalent du nombre actuel de chômeurs ! En fait une suppression du déficit commercial ne se traduirait pas par une création de 3 millions d’emplois car seule une partie du montant des importations et des exportations est constitué de coût du travail. Notre déficit commercial est dû en partie à l’augmentation de notre facture énergétique en hydrocarbures, en part des matières premières dans les importations. Mais à raison d’une part d’environ 25% du coût du travail dans les échanges extérieurs, il est vrai que sans ce déficit, nous devrions avoir environ 750 000 emplois en plus !
Par ailleurs, le coût du travail sur les biens que nous achetons en France et ceux que nous exportons comprend pour moitié environ une contribution aux charges sociales et fiscales du pays, à la différence des biens achetés à l’étranger. Ce qui signifie que le déficit commercial extérieur s’est traduit en aggravation du déficit public d’environ la moitié de 25% du déficit commercial extérieur (de 70 milliards), soit 9 milliards d’euros.
C’est pourquoi François Bayrou propose une mobilisation forte de tous les acteurs (Etat, entreprises, partenaires sociaux, citoyens,…) pour le « PRODUIRE EN FRANCE ». Le total de nos importations s’élève à 500 milliards en 2011, le quart de notre PIB. Si nous favorisions l’achat de produits fabriqués en France, ne serait-ce pour 15% de l’ensemble de nos achats importés, il n’y aurait plus de déficit commercial extérieur et nous pourrions créer 750 000 emplois, notre déficit public serait réduit de presque 10 milliards d’euros ! Pour que les citoyens et les entreprises puissent exercer leur choix, cette préférence, il est nécessaire de créer un label « Produit en France » indiquant la part du produit fabriqué en France.
Alors que nous accusons un déficit commercial extérieur de 70 milliards d’euros, l’Allemagne affiche un excédent de 160 milliards, alors que le coût du travail est du même ordre (légèrement supérieur en Allemagne). D’autres pays de l’UE commela Belgique, les Pays-Bas,la Norvège, les Etats-Unis, ont une balance commerciale excédentaire à notre égard. François Bayrou aime donner l'exemple de Renault et Volkswagen, qui produisaient en 2005 le même nombre de véhicules, l'un en France et l'autre en Allemagne : 1,2 millions. L'an dernier, Renault n'en produisait plus que 400 000 sur le sol français et Volkswagen 2 millions ! Avec les mêmes niveaux de salaires ...Ce n’est donc pas le coût du travail qui explique notre faiblesse mais plutôt un problème de compétitivité hors-coûts, un problème de positionnement sur le marché de nos produits.
Propositions de François Bayrou
Pour lutter contre le chômage en recréant vraiment de l'activité et de la croissance, sans néanmoins grever encore nos déficits par une politique "sociale" de création artificielle d'emplois subventionnés du secteur public, François Bayrou propose de :
- Créer un label indépendant pour que les consommateurs puissent connaître la provenance, ou la part française des produits qu’ils achètent.
- Associer les consommateurs à la démarche du « produire en France ».
- Développer l’image de marque du « produit en France ».
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Privilégier la qualité en allongeant à 5 ans la durée de garantie légale des produits.
Créer un environnement favorable à la production :
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Créer un Commissariat national aux stratégies. Cette structure légère aura pour objectif de mobiliser et coordonner tous les acteurs du redressement économique du pays et définir filière par filière une politique de production à long terme.
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Simplifier les contraintes administratives et fiscales parce qu’une entreprise, comme une famille, a besoin de visibilité, et pas d’un paysage juridique en perpétuel mouvement. Diviser par deux les déclarations administratives.
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À l’image du « Small business Act » américain, établir des règles propres aux petites entreprises pour favoriser leur accès au crédit, aux marchés publics, à la sous-traitance, et créer un guichet unique, avec un correspondant administratif unique de l’entreprise pour l’accompagner, l’informer de ses droits, et prévenir les pénalités.
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Mettre en réseau les grandes entreprises et les PME, pour créer une complémentarité profitable, encouragée par un avantage fiscal lorsqu’il y aura investissement en faveur des PME.
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Créer un outil de financement propre : un établissement financier, régionalisé, associant les collectivités locales, dédié au financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire.
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Créer un livret d'épargne industrie : le réarmement économique dela France suppose qu'une partie de l'épargne soit dirigée vers l'industrie, sous la forme de ressources nouvelles.
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Compléter le crédit impôt-recherche par un crédit impôt-innovation.
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Rétablir l’incitation fiscale, réduite en 2010, au profit de ceux qui investissent dans les entreprises non cotées.
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Au total, l'Etat doit garantir au moins l'égalité de traitement entre PME et grandes entreprises du CAC 40.
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Limiter dans le temps le statut d’auto-entrepreneur et aider son bénéficiaire à rejoindre le statut de droit commun.
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Engager une réflexion conduisant à un allègement progressif d’une part significative des cotisations assises sur le travail.
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Permettre aux entreprises de moins de 50 salariés, aux artisans et aux commerçants de créer un emploi sans charges, pendant deux ans, si elles recrutent un jeune en premier emploi ou un chômeur sous la forme d'un CDI (à condition de n'avoir pas préalablement supprimé de poste de travail).
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Soutenir l’économie sociale et solidaireen lui facilitant l’accès à la commande publique et en promouvant l’innovation sociale.
- Promouvoir toutes les forces de distribution en circuit court du producteur au consommateur, favoriser les coopératives de production et de distribution, créer un nouveau type d’entreprise, « l’OSEE » (entreprises à Objet Social Environnemental et Economique). Ces entreprises OSEE verront leur taux d’impôt sur les sociétés minoré.
- Moduler la fiscalité des entreprises en fonction des résultats et des efforts fournis en matière de responsabilité sociale, sur la base de normes européennes communes.
- Sans détailler ici les propositions créatrices d’emplois par filières : développement durable et énergies nouvelles, numérique, agriculture, … (voir le site http://bayrou.fr/le-programme-en-detail/produire)
François Bayrou milite aussi pour une rénovation du climat social dans l’entreprise. Il souhaite organiser une négociation nationale entre partenaires sociaux sur ce thème. Si les entreprises Allemandes ont moins délocalisé que nos entreprises françaises (ou pratiqué une délocalisation sélective vers l'Europe de l'Est en préservant l'essentiel des emplois locaux dans les secteurs clés, non seulement la machine-outil et l'automobile, qui sont ses industries phares, mais bien d'autres domaines comme les biens d'équipement), c'est grâce à une stratégie industrielle appuyées par les partenaires sociaux. Si elles ont si bien résisté à la crise en 2009 en préférant le chômage partiel aux licenciements, c'est encore grâce aux décisions prises conjointement avec les syndicats, dans chaque branche et dans chaque entreprise.
François Bayrou propose que les salariés aient un droit de vote au Conseil d’administration des entreprises de plus de 500 salariés. Les comités d’entreprise verront leur rôle étendu à la négociation continue des conditions de travail et des rémunérations.
Il souhaite enfin que la négociation d’accords particuliers au sein de l’entreprise soit soumise à des accords cadres dans les branches.
[1] Voir article de François Bayrou paru dans la revue Commentaire (N°119, 2007), « Du « Centre » au projet démocrate »
[2] Voir données clés du commerce extérieur de la France : http://lekiosque.finances.gouv.fr/APPCHIFFRE/Etudes/tableaux/apercu.pdf